la muSculation au Service deS SportifS

Transcription

la muSculation au Service deS SportifS
De plus en plus de sportifs poussent la porte des salles de muscu
en complément de leur entrainement spécifique. Conseils pour
optimiser sans se faire mal... # Par Nicolas Escorne et Patrice Tirbisch
coin de
l’entrainement
S’entrainer en salle de musculation (3/3)
la musculation
au service des sportifs
telle était la commande adressée aux formateurs du
réseau omniforces. Nous avons fait le choix d’y répondre
par une série de 3 articles, pour aborder le sujet sous
3 angles différents mais complémentaires.
Ainsi, dans un premier article nous avons répondu à la
question «comment entretenir sa condition physique en
salle de musculation ?» (Sport et plein air n°550, mai
2011). Puis, dans le second, nous avons partagé notre
expérience et notre passion pour l’haltérophilie en vous
proposant une démarche d’initiation ou «comment, dans
le respect de son intégrité, amener une charge du sol
jusque bras tendus au dessus de la tête ?» (n°557, janvier
2012). Enfin, dans ce présent article, nous vous proposons
d’aborder la musculation au service des sportifs.
En effet, conseillés par un entraineur ou un partenaire
d’entrainement, dans un but d’optimisation de la performance ou dans le cadre de la préparation physique,
nombreux sont les sportifs qui poussent la porte de nos
clubs de musculation pour compléter leur pratique.
L’animateur ou l’entraineur omniforces n’est pas toujours
armé pour répondre à cette sollicitation. S’il maitrise
son ou ses activités (force athlétique, haltérophilie,
musculation), ce n’est pas toujours le cas du rugby, de
la lutte ou de l’athlétisme.
Cet article s’adresse donc aux animateurs/entraineurs
muscu, aux athlètes et entraineurs d’autres activités
qui voudraient (s’)entrainer en salle de musculation en
complément de leur pratique spécifique. Pour cela, nous
vous proposons, dans un premier temps, de recadrer
notre secteur d’intervention, puis de vous proposer une
démarche et un cadre de référence pour construire
votre entrainement en salle. Enfin, pour illustrer cette
partie théorique, nous avons sollicité deux entraineurs
omniforces pour proposer des situations concrètes.
Le cadre d’intervention
ci-dessous), même si certaines situations proposées
peuvent être utilisées dans le cadre d’une PP associée.
La démarche en 5 étapes
La démarche que nous vous proposons pour programmer
l’entrainement s’inspire de la méthodologie de projet.
Étape 1 : le diagnostic. Il conviendra, ici, d’analyser :
• Le sportif : son profil (son expérience dans l’activité
et en musculation, ses compétences, ses points forts et
ses points faibles du point de vue général mais également
dans son activité). Cette étape peut être «objectivée»
par des tests d’évaluation. Mais ils ne remplaceront
jamais la discussion, l’observation et la réflexion.
N’oublions pas, à ce stade, d’évaluer la motivation de
l’athlète et les sollicitations extra sportives (familiales,
travail…) qui peuvent influencer le niveau de forme
(travail physique, en 3x8, enfant en bas âge…).
• L’activité : ses contraintes, le calendrier, la durée
des efforts, la ou les techniques et la façon dont est
sollicitée la musculature : quels muscles, comment ?
Il sera également important, à cette étape, d’analyser les déséquilibres que peut occasionner la spécialisation (renforcement dissymétrique dans les sports
de raquette par exemple).
L
Afin de recadrer notre secteur d’intervention, nous
tenons à préciser dès le départ que :
• La condition physique n’est qu’une des composantes
de la performance. D’autres facteurs entrent en ligne
de compte tels que la technique, le mental, la tactique…
• La condition physique ne se limite pas au développement musculaire. Elle prend également en compte les
dimensions énergétiques, la souplesse, l’équilibre…
• L’entrainement en salle de musculation peut être un
moyen de développer sa force au service d’une autre
activité. Mais n’oublions pas que : le but pour le sportif
n’est pas d’être fort en salle de musculation, mais bien
d’être plus efficace sur son terrain de sport ; qu’il y a
d’autres moyens et d’autres lieux où l’on peut faire du
renforcement musculaire.
Ainsi, dans cet article, nous traiterons du développement de la force en salle de musculation dans le cadre
d’une préparation physique dissociée (lire l’encadré
illustrations : Maïté Xia
Savoir s’entrainer en salle de musculation,
la Préparation Physique
PPI, PPA, PPD : les différentes approches
Dans un article dans la revue Sport Santé «Préparation Physique», Frédéric Aubert
distingue 3 approches méthodologiques :
• La PPIntégrée : la dimension physique est intégrée dans les situations proposées
à l’entrainement. En foot, par exemple, le renforcement musculaire se fait en
répétant plusieurs fois un geste technique, des touches, des coups francs, des
corners ou des têtes.
• La PPAssociée : la séance d’entrainement est divisée en plusieurs séquences avec
des objectifs différents. Exemple : échauffement, travail de sprint, travail technique
avec ballon, renforcement musculaire, étirements.
• La PPDissociée : les séances «physiques» sont dissociées des séances d’entrainement dans l’activité. Exemple : lundi musculation, mercredi foot, vendredi course
à pied, dimanche match.
Attention, ces méthodes se distinguent mais ne s’opposent pas. Ainsi, en fonction
de l’expérience des sportifs, du temps disponible, du moment dans la saison et des
contraintes rencontrées, on pourra opter plutôt pour l’une ou l’autre de ces méthodes
qui ont chacune leurs valeurs et limites.
Par exemple, la PPI est intéressante pour la formation des jeunes ou à l’approche
d’un objectif. On pourra choisir la PPA dans le cadre d’un perfectionnement si on
dispose du temps et du matériel nécessaire en milieu de préparation. La PPD permet une meilleure individualisation et s’adresse plutôt aux adultes et/ou en début
de saison. # NE
sport et plein air # septembre octobre 2012
I
• Le temps, le matériel et l’espace disponible : le temps
consacré à l’entrainement spécifique, celui en salle de
musculation, la durée des séances, le calendrier de la
saison, le temps de préparation par rapport à l’objectif
de la saison. Mais également le temps d’ouverture de la
salle, la disponibilité des acteurs… Le matériel et l’espace
disponible (possibilité de faire des sauts, des lancers,
plateau d’haltérophilie, barres, haltères, machines…).
(choix des exercices, intensité, durée, temps de récupération…). Cette planification doit à la fois fixer des
orientations claires, cohérentes et garder une certaine
souplesse pour s’adapter aux imprévus («le futur se
nomme incertitude», dixit Edgard Morin).
En ce qui concerne la périodisation, on en distinguera
3 dominantes (et non-hermétiques) dans la saison,
établies en fonction du calendrier en partant de l’objectif et en remontant dans le temps.
• La première correspond à la reprise d’entrainement,
elle s’étale sur 2 à 4 mois (on parle de préparation foncière, de PP générale, de période extensive). On cherche
à développer l’ensemble des qualités physiques et notamment la filière aérobie. Elle se caractérise par un volume
de travail important à de faibles intensités. Pour l’entrainement de la force et/ou en salle de musculation,
l’objectif est centré sur la «force endurance».
• La deuxième dure 1 à 3 mois (on parle de période
pré-compétition, de PP auxiliaire, de période intensive,
de période de développement). On travaille plus particulièrement les qualités fondamentales de l’activité.
Le volume reste important et l’intensité augmente. Pour
l’entrainement de la force et/ou en salle de musculation,
l’objectif est le développement de la «force max».
• La troisième dure environ 1 mois (on parle de période
de compétition, d’affûtage, de PP spécifique, de période
explosive). Les contenus deviennent spécifiques, on
accorde une attention particulière à la récupération.
Pour l’entrainement de la force... l’objectif est, bien
sûr, la «force spécifique», la «force endurance» pour
des activités comme l’aviron et la «force vitesse» pour
des sports collectifs, lancers, sport de combat…
L
Étape 2 : la mise en objectif. Elle doit être cohérente
avec la première afin de fixer des objectifs dans le temps
(date de la compétition), quantitatifs (résultats souhaités, ni trop haut, ni trop bas : il faut conserver un
«décalage optimal» pour entretenir la motivation). Il
faudra également décliner des sous-objectifs, compétition qualificative, qualités physiques à développer et,
pour la force, le niveau de force spécifique recherché
(voir l’encadré ci-dessous).
Étape 3 : la conception théorique. Lors de cette étape
il va falloir délimiter des périodes et fixer des contenus
La force ou les forces ?
vitesse, max, endurance, spécifique et utile
En science, la force se définit comme toute cause capable d’accélérer, de ralentir ou
de déformer un mouvement ou un corps physique. Ainsi, tout mouvement, tout
déplacement nécessite de la force. Les spécialistes de l’entrainement ont décliné
différents types de forces, la force explosive, la force élastique, la force maximale
isométrique, excentrique, la force absolue ou relative, globale ou locale. Nous ne
définirons ici que 5 concepts : la force endurance, la force vitesse, la force maximale,
la force spécifique et la force utile.
Si on mesure l’expression de la force en fonction du temps, on obtient une courbe
qui a cette forme :
Cette courbe se caractérise par 3 moments,
elle garde toujours la même forme, même
si elle varie en fonction des athlètes, de leur
spécialité et de leur entrainement :
F (n)
2
1• La montée de force, nous parlerons alors
de «force vitesse», de capacité d’accélération, d’explosivité ou de puissance (= force
x vitesse).
3
1
V (s)
2• Le pic de force, c’est ce que nous appellerons la «force max». c’est la force la plus
importante que l’on peut développer.
3• Le maintien de force, nous parlerons de
«force endurance», c’est la capacité à prolonger son effort dans le temps.
Dans le cadre de nos entrainements en salle de musculation, nos objectifs pourront
être : de déplacer la courbe vers la gauche (force vitesse), vers le haut (force max)
ou vers la droite (force endurance).
Il nous a semblé utile pour cet article de définir deux autres notions :
• La «force spécifique» : ce sera l’objectif final, le plus important pour la discipline
concernée, par exemple la force endurance pour l’aviron ou la force vitesse pour un
lanceur.
• La «force utile» : en fonction des activités, au-delà d’un certain niveau de force,
il ne sera plus nécessaire de la développer mais uniquement de l’entretenir. Par
exemple, pour les perchistes un travail à l’arraché à 100% de son poids de corps est
suffisant (cf. Maurice Houvion). D’autre part, on a constaté qu’un mouvement de
musculation proche du mouvement technique mais réalisé avec des charges lourdes
pouvait solliciter différemment les muscles et par la suite perturber la réalisation
technique. Ainsi, les boxeurs les plus forts au développé couché ne sont pas forcement
ceux qui ont le meilleur punch. # NE
II sport et plein air # septembre octobre 2012
Étape 4 : la réalisation, le suivi et l’évaluation. «Si en
théorie, la pratique marche toujours, c’est rarement le
cas des théories en pratique.» Cette étape est donc la
confrontation du programme au réel.
Le suivi et l’(auto)évaluation seront, à ce stade, primordiaux. On peut envisager de faire passer des tests d’évaluation à plusieurs moments dans la saison, mais les
meilleures évaluations seront en situation de jeu. En cas
de décalage entre les sous-objectifs fixés et les résultats
obtenus, il conviendra d’analyser les causes et, éventuellement, adapter ou remettre en question la programmation établie («pour l’entraineur de haut niveau, le meilleur outil de planification c’est la gomme», dixit Michel
Portmann, entraineur du sprinter canadien Bruny Surin).
Ainsi, le carnet d’entrainement est un outil très important
pour l’auto-évaluation et pour permettre un retour réflexif
sur l’expérience.
Étape 5 : bilan et perspective. En fin de saison, il
convient, enfin, de faire un bilan quel que soit le résultat réalisé (l’expérience montre que l’on tire bien souvent
plus d’enseignements en cas d’échec que dans l’euphorie de la réussite) tout en gardant en mémoire que ce
qui a marché à un moment donné avec un athlète, ne
marchera ni avec tous, ni toujours : la recette universelle
n’existe pas. Si l’observation et l’analyse sont indispensables, restons prudents dans nos interprétations et
gardons en mémoires ces quelques conseils de François
Bigrel : «La performance sportive est complexe : ce n’est
pas une somme de qualités physiques ; c’est l’expression
d’un sujet à un moment donné de sa propre histoire,
elle est donc unique et singulière ; elle est irréductible
à un modèle théorique connu ; il faut distinguer la
performance vécue, réalisée par l’athlète, de l’observation et de l’analyse que l’on peut en faire.» #