electro-stimulation et récupération

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electro-stimulation et récupération
ELECTRO-STIMULATION ET RÉCUPÉRATION
Marc Pujo, Kinésithérapeute service médical de l'INSEP
Philippe Fargier, Kinésithérapeute
Les auteurs remercient Henri Helal pour sa contribution à cet article
Introduction
On peut classer les nombreuses techniques passives de récupération utilisées dans la pratique en
plusieurs catégories: massages, étirement, hydrothérapie, drainage, physiothérapie, électromyostimulation (EMS). Toutes ont peu de fondements réellement scientifiques mais trouvent leur
justification dans les réels bienfaits qu'elles apportent au sportif fatigué ou blessé. C'est pourquoi l'homme
de terrain, en prise directe avec les contraintes de temps, de disponibilité et des échéances sportives peut
difficilement les remettre en question.
De quelques paradoxes de terrain
• Ainsi en terme de récupération le premier impératif du thérapeute Consiste à "répondre " en temps
réel au sportif fatigué ou qui croît l'être. Il le fait avec les outils dont il dispose ou simplement avec ceux
qu'il manie le mieux. Cette évidence de terrain cache pourtant quelques sérieux paradoxes :
• le sportif ne veut pas, ne peut pas ou ne doit pas s'arrêter, ou s'il doit le faire, il faut que cela soit
extrêmement limité dans le temps.
• tout en ne s'arrêtant pas ou peu, il veut retrouver toute son intégrité musculaire afin de reprendre le
processus normal d'entraînement.
• tout en la considérant comme incontournable, la plupart des sportifs organisent peu ou très mal leur
récupération dans le cadre de leur entraînement, accumulant ainsi des fatigues inutiles.
• en stage, le thérapeute, parce qu'il a en charge tous les sportifs de l'équipe ne dispose que de peu de
temps pour chacun.
• en compétition, la situation est pire car le temps est très limité alors que récupérer entre deux
efforts est encore plus primordial.
Autrement dit, la récupération pose moins de problèmes techniques que de problèmes d'organisation
et de moyens.
Utilisée depuis de nombreuses années à l'TNSEP, l'EMS a été optimisée grâce aux progrès de la
technologie et il existe actuellement sut le marché de nombreux appareils de qualité. Les sportifs se sont
équipés, parce qu'on leur vantait les effets positifs de ces techniques de renforcement et de récupération,
sans pour autant leur donner une formation afin d'en posséder une bonne maîtrise d'utilisation.
Alors que l'EMS se révèle de plus en plus efficace et ses fondements scientifiques plus précis, les
thérapeutes n'en tirent pas véritablement bénéfice pour les sportifs.
Probablement le déficit de formation, certainement le manque de temps, mais surtout l'absence de
consensus en terme de protocoles thérapeutiques sont actuellement les facteurs limitants de cette
technique de récupération. Une étude longitudinale rigoureusement devrait être mise en place pour
répondre à ce type de paradoxe, mais reconnaissons que cela est très difficile pour le thérapeute engagé
dans les conditions décrites plus haut.
Quelques repères de l'utilisation de l'EMS à l'INSEP
Comme dans le plupart des techniques et des méthodes d'entraînement en sport, le terrain est à
l'origine des innovations dans le domaine de la récupération et particulièrement de
l'utilisation du courant électrique. En 1977, le docteur Andrivet utilise des courants de basse
fréquence pour :
" la remise en jeu fibrillaire, faire retrouver rapidement au muscle sa tonicité normale". Il précise son
propos : "L'essentiel est de laisser ce muscle au repos relatif pour qu'il retrouve ses qualités avant de lui
demander un nouveau travail".
A partir de 1982, les ultras-sons mixés aux basses fréquences(10Hz) sont utilisés par Marc Pujo,
pour libérer des contractures profondes et localisées (épaules de gymnastes, cou des pilotes de Fl,
jambiers antérieurs de marcheurs, etc...).
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Durant route la préparation hivernale de la saison 94, José Marajo, entraîneur national de demi-fond
utilise régulièrement après les séances dures de vitesse spécifique, les très basses fréquences (1,75Hz)
pour faciliter le retour veineux par pompage musculaire au niveau du mollet.
Aux Jeux de la Francophonie en 1994 est mis en place un service de récupération où cette technique
de facilitation du retour veineux, associée à l'augmentation du flux artériel (10Hz) est utilisée
systématiquement. Elle donne des résultats très positifs. Depuis cette date, de nombreux pôles
d'entraînement font bénéficier leurs athlètes de ce protocole de récupération.
Quel courants pour quels effets?
Le 10Hz, Il permet la récupération active par augmentation du flux artériel.
Les ultra-sons (1 mégaHz), Ondes de vibration qui permet un gain de temps et surtout une action
très localisée sur des zones très difficilement accessibles aux autres techniques de récupération,
notamment par le massage (scalènes du cou, sus et sous épineux, jambier antérieur..)
Le 1,75Hz, Il facilite le retour veineux par le pompage musculaire. Au niveau des membres
inférieurs 80 % du retour veineux se fait grâce à la contraction des muscles du mollet (10 % par la semelle
veineuse de Lejars et les 10 % restants par la contraction du diaphragme). Autrement dit toute
perturbation de l'activité normale de cette région (surcharge de travail à l'entraînement ou en compétition)
ou non fonctionnement (immobilisation sur blessure, alitement...) se traduit par un lourd déficit du retour
veineux auquel il faut remédier.
Le 4Hz. Ce type de courant permet de libérer les endorphines, grâce à un battement musculaire, qui
génère une action antalgique plus générale.
Le 80Hz. Ce courant quand il est associé à la phase de contraction du stretching augmente
l'efficacité du "contracter-relâcher". Ex.: 6 à 8 sec de simulation avec 80Hz pendant le contracter suivi de
24 sec. avec 10Hz pendant le relâcher.
Important
A propos de l'intensité nécessaire, il est fondamental de bien comprendre que l'objectif n'est pas de
faire travailler l'appareil à telle position du curseur (intensité 1, 2 ou 5). On doit tenir compte avant tout de
l'état musculaire du sportif qui varie en fonction de la fatigue, de l'hydratation, de la tension nerveuse, du
type d'effort (entraînement ou compétition). A chaque séance, le thérapeute (ou le sportif lui-même) devra
trouver l'intensité suffisante pour créer un effet optimal . Il ne s'agit surtout pas de brancher l'appareil et
de faire tel ou tel protocole à l'intensité 2 ou 3 du curseur.
Protocoles ou comment faire ?
En complément de toutes les autres techniques de récupération passive, le thérapeute utilisera ces
différents courants en fonction des besoins et du temps consacré à la récupération. Nous proposons ici une
modélisation simple de l'EMS pour contribuer à la récupération des sportifs à l'entraînement et en
compétition.
L'ENTRAINEMENT
L'idéal serait que pour chaque type de séance, le sportif utilise un protocole spécifique de
récupération dans lequel l'EMS prend sa place parmi les autres techniques. Retenons quelques principes
de base.
Deux protocoles de base
Ils se caractérisent par une augmentation des flux artériel et veineux.
1 - Quand la séance génère une simple fatigue -----> 20' de "pompage musculaire", intensité très
faible pour déclencher un battement musculaire, à peine perceptible mais suffisant pour faciliter le retour
veineux
position des électrodes : une sous chaque mollet
2 - Séances très dures, sans lésion ni contracture localisée -----> 20' de "pompage musculaire"
courant 1,75Hz, intensité très faible pour déclencher un battement musculaire, à peine perceptible
mais suffisant pour faciliter le retour veineux
position des électrodes : quatre électrodes en symétrie sur chaque membre, une distance toujours sur
le mollet, l'autre proximale au niveau des ischios-jambiers ou des fessiers. Pour les membres supérieurs,
une électrode distale sur l'avant bras et une proximale sur les triceps ou le trapèze.
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Protocoles supplémentaires
1 - Persistance de douleurs musculaires localisées après une séance très dure :
En plus des deux protocoles de bases, on peut proposer au sportif un traitement dont l'action est plus
spécifiquement antalgique.----->15 à20'
courant 4Hz (libération d'endorphines), mixé au courant 10Hz (remise en jeu fibrillaire)
position des électrodes : une électrode placée sur la région para-vertébrale (lombaires), l'autre sur un
groupe musculaire (quadriceps). Attention, sur certains groupes comme le biceps brachial, l'intensité
nécessaire pour créer cette antalgie peut être douloureuse.
2 - Douleurs musculaires profondes
Dans les sports où la pratique sollicite intensément des groupes musculaires profonds (paravertébraux) ou difficiles d'accès pour les techniques classiques de massage (scalènes, sus-épineux,
jambiers antérieurs,...) ou encore marqués par la contracture ou la douleur après l'utilisation des techniques classiques de récupération, l'utilisation d'ultra-sons associés au 10Hz donne dans la pratique
d'excellents résultats. 8 à 10' d'ultra-sons en continu avec une électrode mobile qui permet de balayer
efficacement la zone musculaire douloureuse : effets antalgique et thermique en profondeur; suivi de 8 à
10' de 10Hz: remise en jeu fibrillaire localisée.
3 - Pendant la séance dite de décrassage post-compétition :
L'EMS peut être associée aux étirements pendant la séance de stretching.-----> courant de 80Hz
pendant 6" lors de la phase de contracter, l'articulation en position de fonction. 24" de 10Hz pendant le
relâcher-étirement.
Ce protocole est surtout utilisé pour le quadriceps, les ischios-jambiers et le triceps sural.
ETUDE DE CAS REEL
Cadre de 47 ans, objectif 4 h. au marathon, 80 à 100 km d'entraînement par semaine, le soir après le
travail. L'accumulation de fatigue ne lui permet plus de suivre aussi facilement l'allure du groupe avec
lequel il s'entraîne. Il s'accroche, augmentant donc ses douleurs musculaires qui ne disparaissent plus
entre les séances et qui provoquent ensuite des problèmes articulaires et tendineux puis l'arrêt total.
Traitement associé au repos, évidemment :----->pompage veineux (1,75Hz, 4 électrodes molletischiojambier, bilatéral) augmentation du flux artériel et endomorphinique (10Hz + 4Hz sur quadriceps).
Au bout de 15 jours, tous les problèmes disparaissent, permettant ainsi une reprise de l'entraînement.
On ne peut attribuer cette reprise à la seule technique de l'EMS, car le repos
a joué pleinement son rôle (quoique le repos associé à un traitement médical préalable à l'EMS
n'avait donné aucune amélioration).
La reprise de l'entraînement est associée aux techniques de récupération de l'EMS, et l'on ne constate
aucune réapparition des problèmes musculo-tendîneux. Non seulement ce
coureur reprend facilement sa place dans le groupe, assimile très facilement les 880 à 100 km par
semaine, mais en plus il améliore nettement sa vitesse d'entraînement.
STAGE ET SITES D'ENTRAÎNEMENT
En stage ou sur sites d'entraînement permanents, nous avons vu que le thérapeute peut être submergé
par les demandes des athlètes. L'EMS et ses différents protocoles décrits élargit la palette d'outils du
thérapeute et son potentiel d'intervention sur une large population il peut être plus efficace dans le peu de
temps dont il dispose pour chacun.
En pratique le kinésithérapeute doit pouvoir disposer en stage ou sur le site de quatre ou cinq
électro-stimulateurs, permettant d'utiliser les protocoles décrits plus haut, d'une cuve à compresses et
d'appareils d'ultra-sons. Il pourra mettre en place quotidiennement la récupération pour tous les athlètes
qui, en stage, ont un volume de travail plus important.
Évidemment cela suppose une organisation performante et donc une collaboration étroite entre le
médecin, l'entraîneur, le kinésithérapeute et l'athlète.
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EN COMPETITION
Deux dimensions doivent être impérativement prises en compte pour rendre efficace toute utilisation
de l'EMS en compétition
La dimension psychologique
Il est difficile de proposer en compétition une technique que l'athlète n'a pas utilisée, comprise, ou
éprouvée à l'entraînement. De plus les fatigues et les douleurs musculaires sont moins bien gérées par le
sportif parce que sans doute exacerbées par l'anxiété, le stress, l'enjeu. Dans ce cas l'EMS est un moyen
très efficace pour résoudre ces problèmes, à condition que l'athlète soit familiarisé avec cette technique.
La dimension organisationnelle
Le déficit de temps décrit en stage est considérablement amplifié en compétition. C'est dans les
intervalles entre les séries, les combats, les matchs, les relais dans les sports automobiles, etc... qu'il est
très important d'aider à la récupération. Cela nécessite trois conditions indispensables :
une expertise avérée du thérapeute pour choisir rapidement et efficacement le ou les protocoles à
mettre en place, une connaissance parfaite des besoins des sportifs cri fonction de leur état et des
contraintes de la spécialité.
un matériel portable et en nombre suffisant permettant une mise en place rapide du traitement sur le
terrain.
Quand on rentre à l'hôtel après la compétition, on se retrouve comme en situation de stage avec la
nécessité de traiter tous les sportifs de l'équipe. L'EMS peut aider à satisfaire cette demande importante :
exemple, pendant le retour au calme après la douche.
----->20' de pompage veineux (1,75Hz sur mollet et ischios-jambiers) + 10Hz sur les quadriceps
pour une mise en jeu fibrillaire localisée ou 4 Hz pour une antalgie plus générale + compresses chaude
sous les ischios et le dos + massage des bras, des épaules et du cou.
----->20' de massage général de détente...
Voilà à coup sûr 40' bien utilisées avant que le sportif n'aille dîner ou dormir.
Actuellement à l'INSEP, l'une des techniques les plus appréciées par les sportifs pour la récupération
et la détente est l'association du lit à eau (hydro-jet médical) avec le pompage musculaire par EMS au
niveau des membres inférieurs. Le lit à eau associe la chaleur, la détente du décubitus sur l'eau, le
massage réglable en intensité et en localisation grâce à de puissants jets d'eau qui permettent un balayage
complet du corps ou le traitement d'une zone plus précise.
Conclusion
Alors que les fondements scientifiques de ses effets sont encore incertains, alors que depuis de
nombreuses années on y fait référence seulement par rapport au renforcement musculaire, l'EMS se révèle
dans la pratique comme un outil très efficace dans la récupération pour les athlètes à condition de disposer
du matériel nécessaire, de bien identifier les protocoles, de maîtriser leur utilisation, et surtout de savoir
les adapter aux besoins de chaque athlète. Cette récupération par l'EMS doit devenir un réflexe et seule
une collaboration permanente et précise entre le coach, le médecin, le thérapeute et le sportif permet de
l'envisager en terme d'efficacité.
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