Le point sur... - Ordre des Experts

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Le point sur... - Ordre des Experts
Le point sur...
Les missions de l’expertcomptable : qui paie quoi ?
Peu après la création des comités d’entreprise, il y a 70 ans, le législateur a donné à ces derniers la possibilité de recourir à l’assistance d’un expert-comptable. Depuis, il a constamment réitéré le champ de ses activités.
Des lois récentes ont ainsi ajouté de nouvelles possibilités d’accompagnement par
un expert-comptable (loi du 14 juin 2013,
de sécurisation de l’emploi, suivie par le
décret n° 2013-1305 du 27 décembre
2013 ; loi « visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel », plus connue sous le nom de loi «
Florange », du 29 mars 2014 ; loi relative à
la formation professionnelle, à l’emploi et à
la démocratie sociale du 5 mars 2014).
Les missions sont traditionnellement orientées dans deux directions :
- les missions économiques, dans lesquelles le CE assure ses prérogatives de
veille sur l’entreprise : ce sont les missions
« légales », qui sont précisées par le Code
du travail. Sauf exception, l’entreprise
prend en charge la rémunération de l’expert-comptable ;
- les missions contractuelles : le comité
d’entreprise est aussi une entité économique qui gère des fonds, parfois très substantiels, et dispose de moyens humains
et matériels, comme toute entreprise ou
toute association. L’expert-comptable est
alors l’interlocuteur naturel qui va assister
les élus dans la gestion de leurs propres activités.
Le présent article a pour objet de présenter
ces différentes missions et de préciser qui
les finance : la direction de l’entreprise ou le
CE. Il est en outre utile de rappeler quelles
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procédures doivent être respectées lors de
la mise en place de ces missions.
Panorama des missions légales
d’expertise comptable
Sylvie Conan,
Expert-comptable,
membre de la
commission
« secteur non
marchand/Comités
d’entreprise » au
Conseil régional de
l’Ordre des expertscomptables Paris
Ile-de-France
Comme précédemment indiqué, les expertises légales ont été définies dans le Code
du travail. On peut distinguer les missions
récurrentes, qui ne nécessitent pas d’événement justificatif spécifique, des missions
exceptionnelles, c’est-à-dire liées à une occurrence spécifique.
Les missions récurrentes
• L’examen annuel des comptes (C. trav.,
art. L. 2323-8, L. 2323-9 et L. 2325-35) ;
• L’examen des documents dits prévisionnels, dans les entreprises comptant 300
salariés et plus ou ayant un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 18 millions d’euros dans la limite de deux fois par exercice
(C. trav., art. L. 2323-10 et L. 2325-35) ;
• L’examen du rapport relatif à la participation (C. trav., art. D. 3323-14) ;
• L’examen des orientations stratégiques
de l’entreprise (C. trav., art. L. 2323-7-1
et L. 2325-35).
Vincent Beyron,
Expert-comptable,
membre de la
commission
« secteur non
marchand/Comités
d’entreprise » au
Conseil régional de
l’Ordre des expertscomptables Paris
Ile-de-France
Les missions exceptionnelles
• La mise en œuvre de la procédure de
droit d’alerte économique (C. trav., art.
L. 2323-78 et L. 2325-35), une fois par
exercice ;
Les Cahiers Lamy du CE
Nº 145 FÉVRIER 2015
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• L’examen d’un projet de licenciement économique d’au
moins 10 personnes dans un délai de 30 jours (C. trav.,
art. L. 1233-30 et L. 2325-35) ;
• L’accompagnement des organisations syndicales dans
la préparation de la négociation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (C. trav., art. L. 5125-1 et L. 2325-35)
ou d’un accord de maintien dans l’emploi (C. trav., art.
L. 1233-24-1 et L. 2325-35) ;
• L’assistance au projet de fermeture d’établissement et
de recherche d’un repreneur dans les entreprises ou
groupes d’entreprises d’au moins 1 000 salariés qui
projettent de fermer un établissement qui aurait pour
conséquence un projet de licenciement économique
(C. trav., art. L. 1233-57-17) ;
• L’examen du projet de concentration d’une certaine
importance (C. trav., art. L. 2323-20 et L. 2325-35) ou
d’offre publique d’acquisition (C. trav., art. L. 2323-21 à
L. 2323-26-1 et L. 2325-35).
Le comité de groupe peut, pour sa part, se faire aider par
un expert-comptable pour l’exercice de ses missions, notamment l’étude de l’activité, de la situation financière,
de l’évolution de l’emploi, ainsi que l’examen des comptes
consolidés (C. trav., art. L. 2332-1 et L. 2334-4).
Le comité d’entreprise européen peut également se
faire assister d’un expert, selon les termes de l’accord de
constitution de ce comité ou selon les conditions prévues
au Code du travail (C. trav., art. L. 2343-13).
Le déroulement des missions légales : les
dix étapes de l’intervention de l’expertcomptable
La particularité des missions dites légales est que si les
modalités de cette dernière sont fixées entre le CE et l’expert-comptable, l’entreprise, qui est donc un tiers, en supporte le coût. Le schéma de déroulement de la mission est
le suivant.
La phase de prise de contact
Les élus de CE ont décidé de manière formelle ou informelle d’avoir recourt à un expert-comptable et prennent
contact avec un ou des experts-comptables. Il lui font part
des préoccupations du CE.
La nomination par le CE
La décision de faire appel à un expert-comptable est inscrite à l’ordre du jour de la réunion du CE. Il est utile de
préciser le texte de loi correspondant (cf. § précédent),
afin que l’employeur comprenne bien qu’il s’agit d’une
mission légale, dont les honoraires seront à sa charge.
Par exemple :
« Nomination d’un expert-comptable dans le cadre de l’article L 2325-35 du Code du travail) ».
En séance, les débats répondront à trois questions :
- le CE décide-t-il d’une expertise légale dans son principe ? ;
- quel est le champ de l’expertise ?
La situation des honoraires dans le cas
d’une mission légale
- qui est l’expert ?
Dans tous les cas, l’employeur ne vote pas, laissant aux
seuls élus le soin de décider de l’expertise. Les honoraires
sont à la charge de l’entreprise.
« Dans le cadre des articles L 2325-35, L 2323-8, L 2323-10
et D 3323-14, le CE nomme l’expert-comptable XXX afin
de l’assister dans l’examen des comptes annuels et du rapport sur la participation de l’exercice clos le 31/12 /N, et des
comptes prévisionnels de l’exercice N+1.
Deux exceptions à ce principe existent. Pour la mission
d’examen des orientations stratégiques de l’entreprise,
par dérogation à l’article L. 2325-40 du Code du travail et
sauf accord entre l’employeur et le comité d’entreprise, le
comité contribue, sur son budget de fonctionnement, au
financement de cette expertise à hauteur de 20 %, dans la
limite du tiers de son budget annuel.
En sus de ce qui a été exposé au paragraphe précédent,
une mission complémentaire existe, celle de l’expert en
nouvelles technologies : celle-ci est ouverte aux seules entreprises de plus de 300 personnes, qui peuvent choisir de
s’entourer d’un expert pas forcément expert-comptable.
Contrairement à toutes les autres missions, elle doit faire
l’objet d’un accord entre le CE et l’employeur (C. trav., art.
L. 2323-13, L. 2323-14 et L. 2325-38).
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Le PV pourra ainsi porter la mention :
Pour : Contre : Abstentions : ».
L’information du cabinet
Le cabinet retenu est informé de sa désignation par tout
moyen. Il demandera en pratique un extrait du PV de sa
nomination.
La réunion préliminaire à laquelle participent le
CE et l’expert-comptable
Le contenu de la mission est délimité par des dispositions
légales. Toutefois, une réunion préparatoire est l’occasion
de préciser les points jugés particulièrement préoccupants
par les élus et sur lesquels l’expert-comptable devra plus
spécifiquement focaliser ses travaux.
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La rencontre avec les dirigeants
L’expert-comptable rencontre les dirigeants, leur présente
sa mission : objectif, calendrier d’intervention, durée, coût
des travaux estimés, éléments devant être mis à disposition de l’expert-comptable… Cette réunion peut aussi
avoir lieu après la phase suivante.
La lettre de mission
La lettre de mission est rédigée par l’expert-comptable
et précise notamment le budget d’honoraires estimé en
nombre de jours d’expert-comptable (ou de collaborateur) avec indication du coût de ces jours.
Elle est signée par le secrétaire du CE. Une copie est adressée au dirigeant pour information : certains cabinets lui
demandent également de signer un exemplaire de la
lettre de mission. Par sa signature, le secrétaire donne
ainsi son accord pour l’exécution de la mission sans pour
autant s’engager sur le montant des travaux ni valider les
honoraires de l’expert-comptable.
Un acompte au démarrage des travaux est demandé à
l’employeur. Le solde est facturé à la livraison du rapport,
en fonction du temps réellement passé et selon les modalités déterminées dans la lettre de mission.
Les travaux
L’expert-comptable réalise ses travaux : cet aspect qui est
un thème à lui tout seul, n’est pas développé ici.
Le rapport
L’expert-comptable émet son rapport et l’envoie aux élus
ainsi qu’à la direction avec un délai suffisant avant la phase
suivante. Il est recommandé de rappeler à cette occasion
la confidentialité attachée aux informations qu’il contient.
La réunion préparatoire
Le rapport fait l’objet d’une présentation aux élus lors
d’une réunion préparatoire. Son utilité est de permettre à
chacun de pleinement s’approprier la situation présentée,
de confronter les points de vue, et d’identifier des questions à poser lors de la réunion plénière.
La réunion plénière
La présentation du rapport est inscrite à l’ordre du jour
d’une réunion du CE à laquelle participe l’expert-comptable. Il relate les points essentiels de son rapport, et participe au débat avec les élus et la direction sur les questions identifiées lors de la réunion préparatoire. Cette
étape clôt la mission.
Les missions contractuelles dans le cadre
des prérogatives économiques du comité
d’entreprise
Les missions dites contractuelles ne sont pas réglementées, elles sont financées sur le budget de fonctionnement
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du CE. Ces missions, demandées par le comité d’entreprise
dans le cadre de ses prérogatives économiques, peuvent
être liées à la volonté du CE de se faire assister lorsque les
conditions des missions légales ne sont pas réunies :
- analyse succincte des comptes annuels de l’entreprise
à partir des documents dont dispose le CE, lorsque celui-ci ne souhaite pas imposer une mission légale à l’employeur ;
- validation du calcul de l’intéressement ;
- analyse de documents sociaux (bilan social, plan de formation, etc.) ;
- aide à la négociation de différents accords : accord de
méthode, accord sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, assistance dans le cadre de la
signature d’un accord d’épargne salariale, d’un accord de
participation ;
- examen d’un projet de licenciement économique de
moins de 10 personnes ;
- contrôle des soldes de tout compte des salariés licenciés
dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Les autres missions contractuelles de l’expertcomptable auprès du comité d’entreprise
L’expert-comptable peut accompagner le comité d’entreprise
dans sa propre gestion, notamment sur les points suivants :
- élaboration et suivi du budget ;
- tenue ou révision de la comptabilité ;
- présentation des comptes annuels, ou pour les plus petits CE de l’état de synthèse simplifiée ;
- assistance à la préparation des nouveaux états annuels
(rapport sur les activités et la gestion financière, rapport
sur les transactions, rapport de la commission des marchés lorsque cette commission a été formée) ;
- préparation de la paie et des déclarations sociales
lorsque le comité d’entreprise emploie des salariés ;
- assistance dans le choix d’un logiciel, dans l’organisation
informatique ;
- analyse de l’organisation du comité d’entreprise, du respect des règles essentielles du contrôle interne ;
- vérification de ce que les activités s’inscrivent dans le
cadre des règles fiscales et sociales (en matière d’Urssaf
en particulier) ;
- rédaction/mise à jour du règlement intérieur.
L’expert-comptable assiste ainsi le comité d’entreprise,
sans toutefois s’immiscer dans sa gestion : il n’intervient
pas dans les choix effectués en matière de politique socio-culturelle, mais conseille les élus sur le plan technique,
quant à la mise en place de cette politique.
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On notera que la loi du 5 mars 2014 a rendu obligatoire
le recours à l’expert-comptable pour la présentation de
ces comptes, lorsque les ressources du CE sont situées
au-dessus d’un certain seuil (le projet de décret porte
sur des subventions de 153 000 €, activités et fonctionnement confondus), sans pour autant entraîner la nomination d’un commissaire aux comptes. Cette mission
n’entre pourtant pas dans les missions légales, car l’article
L. 2325-57 précise que son coût est bien pris en charge par
le budget de fonctionnement.
Le déroulement des missions
contractuelles
Le cheminement de la mission est calqué sur celui des
missions légales mais il est simplifié. Ainsi, le troisième intervenant, qui était la direction de l’entreprise, n’est plus
présent. Le formalisme est moindre puisque les modalités
de la mission sont fixées entre le CE et l’expert-comptable.
L’attention des élus est attirée sur les points suivants :
- le mandatement en réunion plénière est recommandé.
Il devient même nécessaire lorsque, du fait du franchissement des seuils, la nomination de l’expert-comptable est
devenue obligatoire. On n’oubliera pas de mentionner la
personne habilitée par le CE à signer la lettre de mission,
en général le secrétaire ou le trésorier ;
- la lettre de mission est obligatoire dans tous les cas,
du fait du Code de déontologie des experts-comptables.
C’est à votre expert de la préparer suivant les normes
édictées par l’Ordre. Dans les missions contractuelles,
vous entendrez parler de « Présentation des comptes » ou
bien de « Autres prestations fournies à l’unité » pour les
missions de tenue/révision et pour celles de conseil ;
( le terme des travaux et la forme de la restitution sont à
définir. Pour les missions ponctuelles, la remise d’un rapport d’intervention clôturera la mission. Pour les missions
de présentation, l’usage est de ne pas fixer de terme, la
mission se renouvelant par tacite reconduction jusqu’à ce
qu’une des parties résilie le contrat, en général avec un
préavis de 3 mois.
Un acompte au démarrage des travaux est demandé au
CE. Le solde est facturé à la livraison du rapport, en fonction du temps réellement passé et selon les modalités
déterminées dans la lettre de mission. Ces dépenses sont
imputées sur le budget de fonctionnement du CE.
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Ainsi, l’expert-comptable est l’interlocuteur privilégié des comités d’entreprise. Sur le plan des missions légales, sa bonne
connaissance des rouages d’une entreprise, sa parfaite lecture des éléments financiers et sa forte sensibilité aux phénomènes sociaux permettent aux élus de renforcer leur formation économique et d’améliorer la qualité de leur dialogue
social avec la direction. L’exercice de ces missions est encouragé par le législateur, qui fait peser leur coût sur l’entreprise.
Sur le plan de la gouvernance et des finances propres du CE,
l’expert-comptable conseille et soulage le trésorier et le bureau sur tous les aspects quantitatifs et d’organisation, en
leur permettant de respecter les nouvelles obligations comptables. Par là-même, il permet aux élus de montrer à la direction et aux salariés que leur gestion est pleinement compatible avec les nouvelles normes de transparence financière.
Pour en savoir plus :
Conseil régional de l'Ordre des Experts-Comptables Paris Ile-de-France
www.oec-paris.fr / espace secteur « Comités d'entreprise »
Tél. 01 55 04 31 27
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