Dom Juan- III- 1
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Dom Juan- III- 1
rendant difficile d’avance toute argumentation. Sa toute nouvelle autorité se voit ainsi, dès l’abord, contrecarrée, que ce soit par le contenu de son discours ou la présence de l’autre, supérieur de par sa naissance ou son rang. Un comique de situation !" Sa toute nouvelle confiance en lui, permise par le changement d’apparence, est cependant suffisante pour lui permettre d’entreprendre une tentative de conversion de son maître. Le regard qu’il porte sur une omniprésence divine, s’il est loin d’être idiot, tombe cependant peu à peu dans un comique de situation qui en modifie la portée. La possible intervention d’un dieu en tout et en toute chose n’est en effet pas une idée stupide en soi mais l’accumulation des exemples, où les idées s’enchaînent parfois un peu trop vite introduit une vision subversive de son discours. La rupture de ton finale, par la chute, au propre comme au figuré, achève de discréditer celui qui le prononce. D’une autorité sabordée à une figure du ridicule se dessine peu à peu l’image d’un bouffon dont la parole est remise en cause constamment, même si le contenu de son propos est en lui-même plutôt convenu à l’époque. quatre sont huit », qui, comme le note Sganarelle, fait figure de religion à ses yeux. Elle acquiert en effet, par la puissance de son raisonnement la force d’un contre-pouvoir, ne pouvant faire l’objet, à l’inverse de la religion, d’un questionnement ou de tergiversations. Le calcul est imparable, constant. Notons par ailleurs que l’addition de chiffres semble renvoyer également à l’accumulation des conquêtes, comme s’il s’agissait pour Dom Juan d’exprimer en une phrase tout un système de valeurs et de pensées qui s’oppose à celui de Sganarelle et d’une société. Indécision de la morale !" La forte disproportion entre les croyances populaires d’un valet et la finesse de raisonnement de Dom Juan entraîne l’impression pour le spectateur d’un faux dialogue. Discrédit de la médecine, de la religion, des valeurs d’une société, de la parole de l’autre, que ce soit celle du valet embourbé dans ses paroles ou celle du maître qui ne croit en rien. Rien ne ressort vraiment de définitif de cette scène qui présente deux versions opposées, l’une s’avérant plus comique mais permettant de fait à l’autre d’acquérir une inquiétante étrangeté. Il exprime ainsi un rejet constant de toutes croyances, s’attaquant d’abord à la médecine qu’il dénigre « tout leur art est pure grimace. » et dont il nie les bienfaits « faveurs du hasard, et des forces de la nature ». Le spirituel se voit de même rejeté, la brièveté de ses réponses dénotant la sûreté de son jugement face à la parole embrouillée d’un Sganarelle. D’un « Laissons cela » à des « Eh », des « Oui oui » ironiques ou bien à l’éclat de rire simulé « Ah ah ah », qu’il s’agisse de l’Enfer, du diable ou d’une possible autre vie, ses réponses sont égales, sans équivoque aucune. Cette métaphysique semble être celle du vide absolu. En créant, par le discours de Sganarelle, une analogie entre médecine et spiritualité, la scène remet en cause l’un et l’autre. Tous deux tombent par ailleurs sous le coup de la superstition et achèvent, par la reprise des clichés populaires (le Moine bourru) de discréditer la religion. IV. Conclusion Métaphysique du rien !" Pourtant, se note une complicité entre les deux protagonistes, entre un Sganarelle qui se ridiculise mais parvient à s’exprimer, même maladroitement, et un Dom Juan tenant le beau rôle mais qui ne parvient pas non plus à théoriser son athéisme. Autre fait troublant, la chute de Sganarelle semble voulue pour mettre fin à une discussion qu’il ne sait plus mener. Son juron « Morbleu » s’avère par ailleurs un blasphème, ce qui le place maintenant parmi les hypocrites religieux, ceux-là même que dénonçait un peu plus tôt Dom Juan. Les deux conceptions s’opposent mais s’avèrent aussi peu convaincantes l’une que l’autre. La victoire de Dom Juan, en quelque sorte, est celle d’un Sganarelle dont la parole n’a plus de portée. La dernière réplique « tout en raisonnant, je crois que nous nous sommes égarés » peut dès lors se lire comme une tentative de retrouver l’un et l’autre leur faculté de raisonnement. La parole de Dom Juan est peu représentée mais permet pourtant à ses conceptions de parvenir sur le devant de la scène. III. Une parole subvertie L’arithmétique comme religion !" Editeur : MemoPage.com SA © 2006 Auteur : Corinne Godmer Expert : Jacques Ménigoz Un élément trouve pourtant grâce aux yeux de Dom Juan, l’arithmétique, « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et Le comique de la situation est immédiatement perçu par un Dom Juan goguenard qui laisse son valet s’exprimer et se couvrir de ridicule. Pas la peine pour lui d’intervenir, Sganarelle se chargeant de lui-même d’endosser le rôle de bouffon, ce fou chargé d’amuser les rois. On retrouve ici le rapport maître et valet qui ne cesse de parcourir l’œuvre. Même lorsque Sganarelle s’estime en mesure de s’exprimer, il demeure sous la coupe de l’autorité de son maître. Le savoir de l’autre reste en effet latent, Une autorité latente !" Pour échapper à leurs poursuivants, Dom Juan et Sganarelle ont modifié leur apparence et revêtu des vêtements inhabituels. Sganarelle se voit ainsi promu médecin tandis que Dom Juan doit se contenter d’un habit de campagne. Cette inversion des rôles permise par les vêtements va autoriser Sganarelle à changer de ton, à exprimer sa conception des grands mystères de l’existence. La scène débute ainsi par l’exposé de Sganarelle quant à la pratique de la médecine qui en discrédite aussitôt les praticiens. Les remarques de bon sens sont celles de Dom Juan, « Tu leur as répondu que tu n'y entendais rien? », qui s’étonne des agissements d’un Sganarelle emporté par la nouvelle autorité que lui confèrent, pense-til, ses nouveaux vêtements. Une nouvelle apparence !" II. La dialectique du bouffon Reprenant ce personnage mythique qu’est Dom Juan, la pièce de Molière s’efforce de mettre en scène par l’exemple une conception libertine de l’existence. Nouvelle scène qui réunit les deux protagonistes, sans autre témoin, l’acte III scène 1 permet à Sganarelle de sonder son maître quant à ses croyances. Il serait ainsi intéressant d’étudier comment celles-ci sont présentées par la parole du valet. Il serait dès lors possible, dans un premier temps, de s’interroger sur la dialectique du bouffon puis, dans un deuxième temps, sur une parole subvertie. I. Introduction Acte III, scène 1 Dom Juan, Molière