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81 L’épistolaire
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! page 417 du manuel
Jeune Fille lisant une lettre, 1657,
Jan Vermeer (1632-1675),
huile sur toile, 83 x 64,5 cm,
Gemaldegalerie Alte Meister, Dresde, Allemagne
Le peintre
• Jan Vermeer (1632-1675), également nommé Jan van der Meer van Delft,
naquit à Delft le 31 octobre 1632.
• Seules trente-cinq des toiles de Vermeer ont survécu et aucune ne semble avoir
été vendue. Leur petit nombre s’explique par des habitudes d’un travail délibérément méthodique de la part de Vermeer, ainsi que par son décès relativement
précoce. Par ailleurs, beaucoup de ses toiles disparurent pendant la période d’obscurantisme suivant sa mort le 15 décembre 1675.
• À quelques exceptions près, dont certains paysages, scènes de rues et portraits,
la production de Vermeer consista en des intérieurs domestiques ensoleillés, dans
chacun desquels on voit un ou deux personnages en train de lire, écrire, jouer
d’un instrument de musique ou occupés à une tâche domestique.
• Ces peintures de genre de la vie néerlandaise du XVIIe siècle, exécutées avec précision et observées objectivement, sont caractérisées par un sens géométrique de
l’ordre. Vermeer était un maître de la composition et de la représentation dans
l’espace. La Jeune Fille endormie (v. 1656, Metropolitan Museum of Art, New
York) illustre son maniement des valeurs tonales et la perspective au premier
plan, au second plan, et plus loin, à distance. Dans La Laitière (1660,
Rijksmuseum, Amsterdam), la Jeune Femme à l’aiguière (1663, Metropolitan
Museum of Art), Vue de Delft (v. 1660, Mauritshuis, La Haye) et d’autres œuvres,
il perça les effets de la lumière avec une délicatesse subtile, et une pureté de la
couleur qui sont quasiment uniques.
Le tableau
Il est possible de faire travailler les élèves sur deux axes, en deux groupes différents :
Le premier concernerait le jeu des cadres : quels cadres rencontre-t-on dans ce
tableau et quel rôle jouent-ils ? (Possibilité de leur faire dessiner sur une photocopie noir et blanc pour les mettre en valeur).
Le deuxième, les lieux où se pose la lumière : les nommer dans leur répartition
spatiale et en tirer quelques conclusions.
IMAGE D’OUVERTURE – 8. L’épistolaire 1
Les cadres
• Le rideau à droite, dans les tons jaunes, en bas au premier plan un tapis jeté en
désordre sur une table. En haut, la tringle du rideau. À gauche, l’embrasure prolongée par un rideau rouge écarté et la fenêtre elle-même découpée en rectangles.
On peut rajouter le haut d’un fauteuil en dessous de la fenêtre sans oublier l’ombre
portée de la fenêtre sur le mur vide.
• Cet ensemble organise l’espace de façon rigoureuse et lui donne une unité, une
profondeur. Horizontalité et verticalité se combinent harmonieusement avec le
personnage central de la jeune fille. Vermeer, dans ses recherches, s’attachait souvent à un thème et cherchait à le traiter à la perfection. On trouve une composition similaire dans La Peseuse de perles ou encore La Jeune Fille en bleu...
• Une table couverte d’une nappe à demi retroussée et de quelques objets constitue un contraste horizontal avec une femme debout, vue quasiment en pied. À
l’intérieur de ce cadre simple, le volume et le dessin des lignes sont extraordinairement délicats. Le problème consistant à mettre en scène avec authenticité des
figures dans un espace éclairé était pour Vermeer difficile à résoudre, car il ne
pouvait suggérer le mouvement de manière convaincante avec sa facture minutieuse. Il surmonta pourtant cette difficulté en faisant effectuer à ses personnages
des activités impliquant un maintien immobile : ici, l’instant précis de la lecture
de la lettre.
La lumière
• Vermeer avait remarqué que l’œil perçoit les parties éclairées par le soleil au
milieu de la pénombre comme des taches et des points éblouissants, et il réussit
à traduire ce phénomène en inventant la technique « granulaire » qui fait jouer
la lumière en une myriade de microscopiques touches. Ainsi, les peintures de
cette période présentent toujours la même touche solide, accentuée avec une
grande fermeté d’empâtement dans les parties éclairées.
• Pour rendre l’éclat de la lumière solaire, il se servait d’une « caméra obscura ».
Qu’en est-il de notre tableau ? Des fruits dorés dans une coupelle et les plis du
tapis sont irisés de lumière. Ce « désordre » contraste avec le profil (robe,
cheveux éclairés) de la jeune fille et le mur lisse en partie inondé de lumière de
l’arrière plan.
• Les carreaux de la fenêtre ouverte sont aussi piqués de points lumineux et
trouvent un écho dans le jaune éclatant du rideau à droite et dans le rouge de
celui de gauche. Ce rideau tiré donne au tableau un caractère de spectacle et
accentue en même temps le contraste avec le caractère intime de la lecture nécessitant la solitude.
• Double pénétration de la lumière dans l’intimité d’une chambre enveloppée de
pénombre. Double monde aussi avec le reflet du visage de la jeune fille dans la
fenêtre ouverte, une lettre qui vient de l’extérieur et qui est lue dans un espace
clos.
IMAGE D’OUVERTURE – 8. L’épistolaire 2
Pour aller plus loin
Une technique utilisée par Vermeer : l’invention de la « camera obscura »
Très approximativement, l’œil est une chambre noire dotée d’une lentille d’un
côté et d’un écran de projection de l’autre. Mais c’est un organe vivant, il ne peut
être qu’abusivement assimilé à l’appareil photographique, objet mécanique inerte.
Dès l’Antiquité on cherche à « mettre le monde en boîte ». On a observé qu’un
« pinceau » lumineux, faisceau très étroit, traversant un trou d’épingle et se projetant sur une surface peut contenir les éléments d’une image. Au Xe siècle, un
savant arabe, Al Hazin, décrit la méthode pour voir une éclipse de soleil dans une
chambre obscure. C’est l’invention de la caméra obscura, que Léonard de Vinci
présente, à la fin du XVe siècle, dans ses détails les plus précis. À cette période, on
adapte une lentille à l’orifice de cette caméra obscura (boîte noire) pour améliorer l’image. Construite sous la forme d’un volume cubique transportable, elle est
utilisée par les peintres comme accessoire de travail, et au XVIIe siècle, elle peut
être pourvue à l’intérieur d’un siège sur lequel l’artiste s’installe : il utilise du
papier transparent placé sur un écran de verre et parvient à « copier » ainsi en
perspective exacte paysages et monuments.
J.-C. Fozza, A.-M. Garrat et Françoise Parfait, Petite Fabrique de l’image,
p. 44, éditions Magnard, 2003.
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