Dix questions sur l`authenticité du journal d`Anne Frank

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Dix questions sur l`authenticité du journal d`Anne Frank
Dix questions sur l'authenticité du journal d'Anne Frank
Il existe un nombre important de sources d'informations fiables concernant Anne
Frank et son Journal. Des informations fausses concernant le Journal circulent aussi,
notamment sur Internet. On peut lire dans certains livres et brochures que le Journal
serait un faux, qu'il n’aurait pas été rédigé par Anne Frank etc. Certains sites web
affirment même que des passages entiers du Journal auraient été écrits au stylo à
bille. La Maison d'Anne Frank gagne régulièrement des procès intentés contre des
remises en cause l'authenticité du Journal. Pour ceux qui y ont été confrontés, vous
trouverez ci-dessous des réponses à ceux qui doutent de l'authenticité du Journal
d’Anne Frank.
à Une arrière-pensée politique
Il convient de placer les attaques contre le Journal d’Anne Frank dans une
perspective plus large : ceux qui mettent en doute l’authenticité du Journal ont une
arrière-pensée politique. En général, ce sont les mêmes qui nient la réalité de la
Shoah ou tentent de démontrer qu'il n'y aurait pas eu de chambres à gaz à
Auschwitz ou encore que le nombre de six millions de Juifs assassinés durant la
Shoah serait « exagéré »… Le Journal d'Anne Frank constitue un témoignage
essentiel et, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Anne Frank est devenue
la figure emblématique de la persécution des Juifs d’Europe durant la Seconde
Guerre mondiale. Les personnes ou organisations qui nient ou minimisent la Shoah
tentent en fait de disculper et de réhabiliter le système national-socialiste, ou - en
niant les persécutions antisémites - de refuser le droit à l'existence de l'État d'Israël.
àÀ la télévision et sur Internet
La diffusion de documents remettant en cause l'authenticité du Journal d'Anne Frank
– et niant aussi fréquemment la Shoah – n’est souvent l'œuvre, en Europe et en
Amérique du Nord, que de quelques individus. Il n'existe pas de scientifique digne de
ce nom qui doute de la réalité de la Shoah ou que le Journal d'Anne Frank ait
vraiment été écrit par elle. Au Moyen-Orient par contre, le négationnisme est une
arme de lutte contre Israël et les thèses négationnistes sont largement diffusées à la
télévision et sur Internet. Des enfants y apprennent à l'école que le Journal d'Anne
Frank est un « faux ». Ces fausses allégations pénètrent le monde occidental par la
télévision par satellite. Internet permet également une large diffusion des propos
négationnistes remettant en cause l’authenticité du Journal d'Anne Frank. La Maison
Anne Frank tient, par différents moyens – et par notamment par son site Web –, à
faire le point sur quelques idées fausses qui circulent à propos du Journal d'Anne
Frank.
Dix questions à propos de l'authenticité du Journal d'Anne Frank :
1. Qu’a-t-on exactement retrouvé des écrits Anne Frank?
2. Quelles ont été les recherches effectuées sur l'authenticité du
journal?
3. D'où proviennent les cinq nouvelles pages du Journal récemment publiées?
4. Existe-t-il dans le Journal d’Anne Frank des notes écrites au
stylo à bille.
5. Qui, en réalité, nie l’authenticité du Journal d'Anne Frank?
6. Pourquoi est-il interdit de dire que le Journal d’Anne Frank est un faux?
Qu’en est-il alors de la liberté d’expression ?
7. Quelles sont les actions menées par Otto Frank face aux attaques
négationnistes mettant en cause l'authenticité du Journal d’Anne?
8. Quelles sont les actions menées par la Maison Anne Frank face aux attaques
mettant en cause l'authenticité du Journal?
9. Pourquoi les sites Internet qui nient la réalité de la Shoah ou qui mettent en
doute l'authenticité du Journal sont-ils poursuivis?
10. Où trouver des informations à propos du négationnisme?
1) Qu’a-t-on exactement retrouvé des écrits Anne Frank?
Le 12 juin 1942, Anne Frank fêtait son treizième anniversaire : elle a reçu à cette
occasion, parmi ses cadeaux, un carnet de forme carrée portant une couverture
rigide à carreaux rouges-blancs-verts. Ce carnet va lui servir à écrire un journal
intime. Le carnet rempli, dès le 5 décembre 1942, l’écriture doit se poursuivre sur
nouveau support… Un cahier d'écolier a été retrouvé, daté du 22 décembre 1943 au
17 avril 1944. Il est tout à fait improbable qu'Anne Frank n'ait pas tenu son journal
entre décembre 1942 et décembre 1943 : à l’évidence, un document manque.
Un troisième et dernier cahier d'écolier retrouvé, toujours un débute à la date du 17
avril 1944 et se termine le 1eraoût 1944.
© 2007 Anne Frank Stichting
Anne a également rédigé d’autres textes : les "Contes d'Anne Frank", rédigés dans
un ancien « livre de caisse » et un "Livre de belles phrases" , recueil de citations
reproduites dans un petit cahier de caisse de forme allongée.
Tous deux ont été retrouvés.
à Les deux versions du Journal écrites par Anne
Le Journal d'Anne Frank décrit façon poignante, à compter de juin 1942, la vie
quotidienne des huit clandestins juifs cachés dans « l’Annexe secrète » située sur le
Prinsengracht, à Amsterdam. Alors qu’elle était encore recluse, Anne Frank a ellemême réécrit un roman sur la base de son journal intime, dans la perspective de le
faire publier après la guerre. Elle a rédigé son roman sur des feuilles « volantes » de
papier pelure de récupération, remaniant les textes, assemblant parfois sous une
seule date des écrits rédigés à des dates différentes et en raccourcissant
considérablement certaines parties. C'est ainsi qu’est née de sa main une deuxième
version de son journal, où sont décrits les événements qui se sont déroulés dans
l’Annexe de décembre 1942 à décembre 1943. Les feuilles volantes ont été
préservées et les dernières notes datent du 29 mars 1944. Si la première version du
journal n'a donc pas été entièrement retrouvée, la seconde est restée inachevée.
à La publication
Afin de trouver un éditeur pour le roman d’Anne, « Het Achterhuis » (« L'Annexe »
comme Anne Frank l’avait elle-même intitulé), Otto Frank fait dactylographier durant
l'automne 1945, plusieurs passages du manuscrit. Il supprime alors certaines parties,
en déplace d'autres et apporte quelques corrections… obtenant ainsi un premier
manuscrit dactylographié, mais pas encore un véritable livre. Par la suite, à la
demande d'Otto Frank, son ami Albert Cauvern réalise une seconde version
dactylographiée. Avec l'autorisation d'Otto Frank, Cauvern change les noms de neuf
des treize clandestins et protecteurs de l'Annexe en leur donnant les pseudonymes
qu'Anne avait elle-même imaginés. Ces deux textes dactylographiés ont été
conservés. Pour finir, un rédacteur de la maison d'édition Contact sera le troisième à
travailler le texte, en corrigeant les fautes de frappe et en harmonisant le manuscrit
avec les "règles internes" de la maison d'édition. Le texte de la première publication
néerlandaise, en juin 1947, de Het Achterhuis (« L’Annexe ») résulte de ces trois
interventions sur le manuscrit original.
-> Publication intégrale des trois versions du Journal d’Anne Frank
Otto Frank, décédé le 19 août 1980, a légué par testament tous les manuscrits de sa
fille à l'État néerlandais. Les autorités néerlandaises ont alors confié la gestion de
ces manuscrits à l'Institut national de documentation sur la guerre (RIOD, devenu par
la suite Institut néerlandais de documentation sur la guerre NIOD). En 1986, le NIOD
a publié les trois versions intégrales du Journal d’Anne Frank – les notes originales
du Journal qui ont été retrouvées, la version réécrite par Anne Frank et l'édition
composée par Otto Frank et parue en 1947 aux éditions Contact – en seul et même
un volume intitulé De Dagboeken van Anne Frank (Les journaux d'Anne Frank).
© 2007 Anne Frank Stichting
à L'original du Journal d'Anne Frank ainsi que plusieurs écrits de sa main
sont exposés depuis 1986 à la Maison Anne Frank.
2) Quelles ont été les recherches effectuées sur l'authenticité du Journal?
Face aux attaques incessantes, dans les années Soixante et Soixante-dix, à
l'encontre du Journal d'Anne Frank, des recherches ont été effectuées – en partie à
l'initiative d'Otto Frank – visant à prouver l'authenticité du Journal. Les recherches les
plus importantes datent du début des années Quatre-vingt, elles ont été réalisées
par le Laboratoire judiciaire de l'Institut néerlandais de médecine légale à la
demande de l'Institut national de documentation sur la guerre (NIOD). Les résultats
ont fait l’objet d’un rapport de plus de 250 pages. La majeure partie de ce rapport
porte sur les résultats d'une analyse graphologique approfondie, une analyse
technique de datation des documents a également été effectuée.
à Un résumé du rapport du Laboratoire judiciaire de 65 pages a été publié
dans les « Dagboeken van Anne Frank » (« Les Journaux d’Anne Frank »),
édition intégrale publiée le NIOD en 1986. L’intégralité de ce rapport est disponible
pour les chercheurs. Le NIOD conclut : « (...) Le rapport du Laboratoire judiciaire
(« Gerechtelijk Laboratorium ») a établi de façon probante que les deux versions du
Journal d'Anne Frank ont bien été écrites par elle, entre les années 1942-1944. Les
allégations selon lesquelles elles auraient été écrites (après guerre ou non) par une
autre personne, ont trouvé ainsi une réfutation décisive. » (Les journaux d'Anne
Frank. Édition intégrale - Version française, 1989 - p. 207.)
à Les recherches allemandes
Les recherches du Laboratoire judiciaire effectuées dans les années Quatre-vingt, et
portant sur l'authenticité du Journal avaient été précédées d'autres recherches. En
1959, les écrits d'Anne Frank avaient été analysés par des graphologues en
Allemagne en vue d'un procès intenté par Otto Frank. En mars 1960, les
graphologues de Hambourg étaient parvenus à la conclusion, dans un rapport de
131 pages, que toutes les notes contenues dans les journaux, les feuilles volantes
ainsi que toutes les corrections et tous les ajouts étaient "identiques" à l'écriture
d'Anne Frank. Le rapport concluait également que les feuilles volantes n'avaient pas
été écrites avant les trois cahiers. Il avait ensuite été conclu que « le texte paru en
traduction allemande sous le titre de Das Tagebuch der Anne Frank [devait] être
considéré comme conforme à l'original en ce qui concerne le contenu et les idées. »
(Les Journaux d'Anne Frank. Édition intégrale, 1989, p. 109.) C'est également en
1980 qu'ont été effectuées des recherches – très limitées - en Allemagne, en vue
d'une procédure judiciaire, recherches effectuées par le Bundeskriminalamt (BKA) de
Wiesbaden.
Le BKA était alors parvenu à la conclusion que tous les types de papier et toutes les
encres utilisés avaient été fabriqués avant 1950 et qu'ils avaient donc pu être utilisés
durant les années de guerre.
© 2007 Anne Frank Stichting
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3) D'où proviennent les cinq nouvelles pages du Journal récemment publiées?
En 1998, cinq pages jusqu'alors inconnues du Journal d'Anne Frank sont apparues. Il
s'agissait de cinq feuilles volantes qu'Otto Frank avait écartées avant la publication
du Journal en 1947. Elles ont été rendues publiques par Cor Suyk, un ancien
collaborateur de la Maison d'Anne Frank. Cor Suyk a déclaré qu'Otto Frank lui avait
confié ces cinq feuillets. Il a vendu les feuilles volantes à l'État néerlandais et cellesci ont ensuite été ajoutées au Journal détenu par l'Institut néerlandais de
documentation sur la guerre (NIOD). Les cinq feuilles furent insérées pour la
première fois intégralement dans la cinquième édition du Journal d’Anne Frank (
2001), puis dans l’Edition critique révisée du Journal d’Anne Frank ( 2003). Selon
toute vraisemblance, Otto Frank n'a pas voulu rendre publics ces fragments du
journal de sa fille étant donné qu'ils contenaient des remarques déplacées d'Anne
vis-à-vis de sa première femme, décédée à Auschwitz, et de leur mariage.
à « Avec une probabilité quasi certaine »
Le NIOD chargea le Laboratoire judiciaire– qui durant la première moitié des
années Quatre-vingt avait effectué des recherches approfondies sur l'authenticité du
Journal – d'étudier également ces cinq feuilles volantes. A l'issue des recherches sur
l'aspect technique des documents et de fait d'une étude graphologique, le
Laboratoire judiciaire conclut que « (...) l'écriture figurant sur le matériel à étudier
d'une part et sur le matériel de référence constitué par des feuilles volantes du
journal d'Anne Frank d'autre part, sont avec une probabilité quasi certaine de la
même main. » (De Dagboeken van Anne Frank , cinquième édition, 2001, p. 213.)
4) Y a-t-il dans le Journal des passages écrits au stylo à bille.
C’est faux. Les manuscrits du Journal ont été écrits avec différentes encres, au
crayon (de couleur), mais pas au stylo à bille. Les recherches techniques effectuées
par le Laboratoire judiciaire sur les manuscrits démontrent que l’essentiel du Journal,
incluant les feuilles volantes, a été écrit au stylo à plume, avec une encre bleu gris.
Par ailleurs, Anne a aussi utilisé, pour des annotations. de l'encre rouge clair, un
crayon de couleur vert, un rouge et un crayon noir, jamais de stylo à bille.
Pourtant, on continue à lire sur certains sites, la plupart d'extrême droite, que
certains passages du Journal d'Anne Frank auraient « été écrits au stylo à bille ».
Ces sites évoquent Anne Frank en se moquant comme "la fille au stylo à bille ", tout
en expliquant que ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que le stylo à bille
s’est répandu en Europe. La conclusion qui s'imposerait de ces fausses allégations,
est que les textes de son Journal n'ont pas pu être écrits par Anne Frank elle-même.
Ce qui, bien entendu, est mensonger.
à Deux pages de notes
L'origine du mythe du « stylo à bille » date d’un rapport de quatre pages que le
Bundeskriminalamt (BKA) de Wiesbaden avait publié en 1980. Ces recherches, qui
portaient sur les qualités d'encres et de papier utilisés dans le manuscrit du Journal
d'Anne Frank, mentionnaient des "corrections au stylo à bille" effectuées sur des
feuilles volantes.
Le BKA avait alors été chargé d’analyser l’intégralité des écrits des manuscrits du
Journal. Les analyses du Laboratoire judiciaire néerlandais (au milieu des années
Quatre-vingt) démontrent qu’une écriture au stylo à bille a bien été retrouvée, mais
sur deux feuilles volantes rédigées par des chercheurs et que ces notes n’ont rien à
voir avec le contenu du Journal. Elles se sont, de toute évidence, glissées entre les
pages du manuscrit. Les conclusions du Laboratoire judiciaire mentionnent que
l'écriture de ces deux pages diffère "dans une très large mesure" de celle du Journal.
La publication du NIOD a inclus des photos de ces feuilles volantes (voir : De
Dagboeken van Anne Frank, cinquième édition, 2001, p. 193 et 195).
En 1987, monsieur Ockelmann, de Hambourg, a attesté par écrit que c'était sa mère
qui avait rédigé les notes en question. Madame Ockelmann avait fait partie de
l'équipe qui, dans les années 1960, avait effectué une première analyse
graphologique des manuscrits d'Anne Frank.
à La fabrication d’un mensonge
Le « mythe » du « stylo à bille » est donc simple à réfuter. La formulation négligente
ou du moins susceptible d’être mal interprétée du rapport du BKA de 1980 – rapport
qui, au demeurant, ne remet absolument pas en cause l'authenticité du Journal – a
néanmoins fait son chemin dans les milieux d'extrême droite.
Ce mensonge a été fabriqué à partir du simple fait que, dans les années 1960, deux
pages de note écrites au stylo à bille se sont glissées parmi les feuillets du manuscrit
original. Ces textes ont été écrits par une graphologue et n'ont figuré dans aucune
édition du Journal (à l'exception de l'édition critique, où figurent les photographies de
ces pages).
En juillet 2006, le BKA a décidé de confirmer, par un communiqué de presse, que les
analyses réalisées en 1980 ne pouvaient en aucun cas être utilisées pour mettre en
doute l'authenticité du Journal.
5) Qui nie l’authenticité du Journal d'Anne Frank?
A part quelques personnes mal renseignées, tous ceux qui nient l’authenticité du
Journal ou de certains passages du Journal d'Anne Frank sont des négationnistes.
En attaquant le Journal, elles tentent de mettre en doute la réalité de la Shoah, le fait
que six millions de Juifs ont assassinés durant la Seconde Guerre mondiale et que
les nazis ont conçu de chambres à gaz dans cet objectif. Il y a sans conteste dans
cette dénégation une arrière-pensée politique: en niant la réalité de la Shoah, il s’agit
en fait de démonter ou du moins de tenter de rendre plausible le fait que le nationalsocialisme ait été (et demeure) un système politique honorable. Il s’agit de gagner
par-là même de nouveaux adeptes. Dans la mesure où le Journal d'Anne Frank est
célèbre dans le monde entier, il constitue une cible de choix pour ces nazis d’hier et
d’aujourd’hui.
© 2007 Anne Frank Stichting
à Des arguments pseudo-scientifiques
Il existe toute sorte de négationnistes - ceux donc qui nient la réalité de la Shoah –.
Certains prétendent être des scientifiques, se qualifient de « révisionnistes » (le
‘révisionnisme’ en histoire signifie l’aspiration à la révision d’opinions couramment
admises), et tentent de réécrire l'histoire de la Seconde Guerre mondiale avec de
faux arguments scientifiques. L'un des plus connus, concernant la négation de
l’authenticité du Journal d'Anne Frank, est un français, Robert Faurisson, qui a
publié , en 1978 ,un ouvrage sous le titre : «Le Journal d'Anne Frank est-il
authentique ? »
Robert Faurisson a été condamné à plusieurs reprises en France à des peines de
prison et à des amendes, pour avoir nié l'existence des chambres à gaz durant la
Seconde Guerre mondiale et pour incitation à la discrimination et à la haine raciale.
à "Propagande sioniste"
Le négationnisme ne sévit pas uniquement dans le monde occidental, mais aussi –
et de façon croissante ces dernières années – au Moyen Orient. Il y constitue un
moyen de lutte contre l'État d'Israël.
Douter de la destruction des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale et nier
l'authenticité du Journal d'Anne Frank tendrait à "démontrer" que la Shoah ne serait
qu’une "propagande sioniste". Il s’agit en fait de nier le droit à l’existence de l'Etat
d'Israël.
En Iran, le négationnisme est l'idéologie officielle de l'État, il en est souvent de même
dans le monde arabe – et de plus en plus souvent en Turquie– : les négationnistes y
sont présentés dans les médias comme des « scientifiques ».
On observe par ailleurs que de nombreux écrits négationnistes qui circulent au
Moyen Orient (par exemple sur Internet) proviennent en fait d’Europe ou des EtatsUnis.
6) Pourquoi est-il interdit de dire que le Journal d’Anne Frank est un faux?
Qu’en est-il alors de la liberté d’expression ?
La liberté d'expression est un droit fondamental garanti par les sociétés
démocratiques. Il s’agit du droit d'exprimer en public ses idées, ses opinions…sans
avoir à être préalablement confronté à la censure.
Toutefois, la liberté d'expression n’autorise pas à dire n’importe quoi en toute
impunité. Comme tous les autres droits fondamentaux, la liberté d'expression a ses
limites : l'incitation à la haine, au meurtre ou à la violence, la diffamation… sont
interdites par la loi. La diffusion de mensonges avérés à propos du Journal d'Anne
Frank n'est pas uniquement diffamatoire vis-à–vis des personnes concernées, elle
entre dans le cadre de « l’incitation à la haine raciale » et porte atteinte à la mémoire
des victimes de la Shoah.
à Des propos qui tombent sous le coup de la Loi
C'est seulement une fois exprimée qu’ une opinion peut être examinée par le Juge
au regard de la Loi. Les lois sont différentes aux États-Unis et dans les pays
membres de l'Union européenne. Aux États-Unis, la liberté d'expression prime : le
premier article de la Constitution américaine précise que le législateur ne peut
promulguer aucune loi la limitant. En Europe par contre, la liberté d'expression est le
plus souvent limitée par le droit à la protection contre les discriminations. Le
négationnisme n’est donc pas poursuivi en tant que tel aux États-Unis, en revanche,
c’est un délit en Allemagne, en France et dans bien d’autres pays européens. Les
mensonges avérés concernant le Journal d'Anne Frank sont considérés comme des
écrits négationnistes et tombent donc sous le coup de la Loi en Europe. C’est
pourquoi la plupart des livres et documents mettant en doute l’authenticité du Journal
d'Anne Frank sont publiés depuis les Etats-Unis.
7) Quelles sont les actions menées par Otto Frank face aux attaques
négationnistes mettant en cause l'authenticité du Journal d’Anne?
De la fin des années Cinquante jusqu'à sa mort, en 1980, Otto Frank n’a cessé de
s’élever, y compris devant la Justice, face aux négationnistes qui remettaient en
cause l'authenticité du Journal. Les premières accusations contre le Journal sont
parues en 1957 et 1958 dans d'obscures revues suédoises et norvégiennes, où il
était notamment affirmé que le journaliste et romancier américain Meyer Levin était
l'auteur du Journal d’Anne Frank. Meyer Levin avait souhaité monter aux États-Unis
une adaptation du Journal au théâtre et au cinéma, mais Otto Frank n’était pas
d’accord. Le conflit entre Meyer Levin et Otto Frank a été médiatisé puis
instrumentalisé par l’extrême droite pour mettre en doute l'authenticité du Journal. On
ignore si Otto Frank était informé de ces premières attaques contre le Journal ; le fait
est qu'il n'a pas déposé de plainte.
à Lothar Stielau et Heinrich Buddeberg
Otto Frank a poursuivi trois fois en justice des personnes qui avaient affirmé que le
Journal de sa fille était « un faux ». Début 1959, il a déposé plainte contre le
professeur allemand Lothar Stielau (professeur d'anglais à Lübeck et membre du
parti d’extrême droite Deutsche Reichspartei) pour diffamation, injure, outrage et
atteinte à la mémoire d'une personne décédée ainsi que pour des propos
antisémites. Celui-ci avait écrit dans un journal d'école : « Les faux journaux d'Eva
Braun, de la reine d'Angleterre et celui, à peine plus authentique, d'Anne Frank ont
sans doute rapporté quelques millions aux profiteurs de la défaite d'Allemagne, mais
ont en revanche exacerbé notre sensibilité à ces sortes de choses. » La plainte
déposée par Otto Frank visait également Heinrich Buddeberg, membre du même
parti que Lothar Stielau, qui avait pris la défense de ce dernier dans une lettre
ouverte au journal Lübecker Nachrichten. À l'issue d’une analyse graphologique
minutieuse des manuscrits d'Anne Frank, le tribunal régional de Lübeck a reconnu
l'authenticité du Journal et déclaré que la plainte d'Otto Frank était fondée.
Lothar Stielau et Heinrich Buddeberg se sont rétractés et la procédure judiciaire
close. L'enquête et l'audition des témoins les avaient convaincus de l'authenticité du
Journal. Ils ont présenté leurs excuses pour avoir relayé des propos sans avoir vérifié
les informations. Otto Frank les a acceptées et s’en est tenu là, ce qu'il regretta par la
suite : « Si j'avais su qu'il y a des gens pour qui un compromis, dans cette affaire, ne
constitue pas une preuve suffisante, j'aurais mené le procès à son terme. » (Les
Journaux d'Anne Frank. Édition intégrale, 1989, p. 112.)
à Heinz Roth
En 1976, Otto Frank a engagé, devant le tribunal régional de Francfort, une
procédure en référé contre Heinz Roth, originaire de la ville d'Odenhausen, en
Allemagne. Heinz Roth possédait sa propre maison d’édition grâce à laquelle il
écoulait une multitude de brochures et de tracts néonazis intitulés notamment : Anne
Frank's Tagebuch – eine Fälschung (« Le Journal d’Anne Frank – un faux ») et Anne
Frank's Tagebuch – Der Grosse Schwindel (« Le Journal d’Anne Frank – la grande
supercherie »).
Ares deux ans de procédure, le tribunal a rendu une décision menaçant Heinz Roth
d’une peine de 500.000 marks allemands d'amende (environ € 250.000) ou de six
mois de prison s'il publiait à nouveau de tels propos. Roth a fait appel et produit un
rapport du « scientifique » français Robert Faurisson, mais ce rapport n’a pas
convaincu le tribunal allemand. L'appel de Heinz Roth a été rejeté en 1979. Bien que
l’accusé soit décédé en 1978, un pourvoi en cassation auprès de la Cour fédérale
allemande a renvoyé l'affaire, en 1980, à la Cour de Francfort au motif que Roth
n'avait pas eu la possibilité d’apporter la preuve de ses affirmations. La disparition du
prévenu, deux ans plus tôt, n’avait apparemment aucune incidence sur cet arrêt ;
l'affaire n’a finalement jamais examinée par le tribunal de Francfort.
à Ernst Römer et Edgar Geiss
Le troisième procès intenté en Allemagne par Otto Frank s’est déroulé de 1976 à
1993. Tout a commencé par une distribution de tracts ayant pour titre "Best-Seller –
ein Schwindel" (« le best seller, - une supercherie ») à l'issue des représentations de
la pièce "Le Journal d'Anne Frank". Le responsable de la diffusion était un certain
Ernst Römer. Le Ministère public a poursuivi Ernst Römer, ainsi qu’un journaliste,
Edgar Geiss, qui, en soutien à l’accusé avait diffusé le même tract dans la salle du
Tribunal lors de la première comparution de Ernst Römer. Les deux affaires ont été
traitées conjointement. Ernst Römer et Edgar Geiss ont été respectivement
condamnés à 1.500 marks d'amende (environ € 750) et six mois d'emprisonnement.
Ils ont alors fait appel.
Le Bundeskriminalamt a été charge d’une expertise mais il a été décidé d'attendre la
traduction en allemand des Dagboeken van Anne Frank (« Les Journaux d’Anne
Frank » édition critique), parus en 1988, qui ont servi de pièce à conviction. En raison
de son âge avancé, Ernst Römer a renoncé à faire appel et Edgar Geiss s’est
retrouvé seul au tribunal. L'un des moyens de sa défense a atteint son but: en
Allemagne la diffusion d'écrits diffamatoires bénéficie d'un délai de prescription
relativement court et l’ affaire a été classée pour prescription.
8) Quelles sont les actions menées par la Maison Anne Frank face aux attaques
mettant en cause l'authenticité du Journal?
La Maison Anne Frank s’est toujours opposée, y compris en Justice, face aux
remises en cause de l’authenticité du Journal d’Anne Frank.
à « Libre recherche historique »
En 1976, la Maison d'Anne Frank intervenait aux cotés d’Otto Frank dans le référé
qu'Otto Frank avait engagé contre Heinz Roth devant le tribunal régional de Francfort
(voir question précédente).
Après la mort d'Otto Frank (en 1980), la Maison d'Anne Frank a continué à lutter
contre la diffusion de mensonges concernant le Journal d’Anne. Elle a engagé, aux
cotés d’autres organisations, des procédures judiciaires contre la maison de vente
par correspondance Vrij Historisch Onderzoek (« Libre recherche historique », VHO),
l'un des plus grands diffuseur de matériel négationniste en langue néerlandaise, qui
remettait en cause l'authenticité du Journal d'Anne Frank. Établie à Anvers
(Belgique), cette maison d’édition diffusait depuis 1985 la traduction néerlandaise du
pamphlet de Robert Faurisson intitulé « Le Journal d'Anne Frank est-il authentique
? » ainsi, en 1991, qu’une brochure : « Le "Journal" d'Anne Frank : une approche
critique ». Cette brochure contenait le texte de Faurisson accompagné d’une
introduction de l'éditeur de la VHO, Siegfried Verbeke. Elle a été envoyée à des
bibliothèques et à des personnes privées, aux Pays-Bas, sans qu'elles n’en aient fait
la demande.
à Procédure civile
La Maison Anne Frank et le Anne Frank Fonds de Bâle ont engagé une procédure
civile conjointe contre Verbeke, Faurisson et la Vrij Historisch Onderzoek : les deux
organisations demandaient une interdiction de la diffusion de la brochure aux PaysBas sous peine d'une astreinte de 25.000 florins. En décembre 1998, le Tribunal de
grande instance d'Amsterdam acceptait la demande des requérants, une décision qui
a étéconfirmée en 2000 en appel. D'autres procédures ont été intentées depuis 1992
contre la Vrij Historisch Onderzoek et Siegfried Verbeke ; ces derniers ont
considérablement élargi leur champ d'activité sur le Net.
9) Pourquoi les sites Internet qui nient la réalité de la Shoah ou qui mettent en
doute l'authenticité du Journal sont-ils poursuivis devant la Justice?
Jusque dans les années 1990, les négationnistes diffusaient essentiellement Leurs
propagande visant à mettre en cause l’authenticité du Journal d'Anne Frank par la
publication de brochures, de tracts… diffusés par des maisons d'édition d’idéologie
nazie. La très grande majorité de ces écrits n'a jamais atteint le grand public.
Le développement d’Internet a démultiplié l’impact de la propagande négationniste.
En tapant "Anne Frank" sur des moteurs de recherche, on peut désormais obtenir
tant des informations fiables que des contrevérités sur le Journal. Et en tapant le mot
"Holocauste" ou « Shoah » on se retrouve rapidement sur des sites négationnistes.
Sur Internet, le meilleur côtoie le pire.
à Une combat juridique complexe
La lutte contre le négationnisme sur Internet, comme celle contre toutes les formes
de cybercriminalité, n’en est encore qu’à ses débuts. Il est donc difficile déterminer la
meilleure façon de combattre les mensonges qui circulent sur le Journal d'Anne
Frank et de mettre un terme à la diffusion de la propagande négationniste sur
Internet. La lutte juridique est rendue complexe par l’hébergement des sites hors de
frontières ; les groupes néonazis et négationnistes sont protégés par des
fournisseurs d'accès en dehors de l'Europe.
Aux Etats-Unis, il est difficile de poursuivre des négationnistes, mais il existe
cependant de nombreux sites proposant un argumentaire pour contrer et dénoncer
leurs idées (voir également la dernière question). Ces sites réfutent la propagande
négationniste ainsi que les mensonges colportés dans certains pamphlets, ,
documents et chiffres à l'appui, en partant du principe que les faits, qui s’inscrivent
en faux face à cette idéologie, suffisent à rétablir la vérité historique.
10) Où trouver des informations à propos du négationnisme?
Il existe nombre de livres et de sites web offrant des informations fiables sur le
négationnisme. Les titres mentionnés ci-dessous sont accessibles à tous, au centre
de documentation de la Maison Anne Frank. Vous pouvez également visiter les sites
qui vous sont proposés.
Articles:
Barnouw, David
Mises en cause de l'authenticité du Journal. – dans: Les journaux d'Anne Frank / Institut
national néerlandais pour la documentation de guerre ; introd. de Harry Paape,
Gerrold van der Stroom et David Barnouw ; texte établi par David Barnouw et Gerrold
van der Stroom ; trad. du néerlandais par Philippe Noble et Isabelle Rosselin-Bobulesco. Paris : Calmann-Lévy, 1989. – P. 105-125.
Livres:
Brayard, Florent Le génocide des Juifs entre procès et histoire, 1943-2000 / sous la dir. de
Florent
Brayard ; textes de Florent Brayard ... [et al.]. - Bruxelles : Éditions Complexe [etc.], cop.
2000. – (Collection "Histoire du Temps Présent").
Brayard, Florent Comment l'idée vint à M. Rassinier : naissance du révisionnisme / Florent
Brayard ; préf. de Pierre Vidal-Naquet. - [Paris] : Fayard, 1996.
Finkielkraut, Alain L'avenir d'une négation : réflexion sur la question du génocide /
Paris : Seuil, 1982.
Igounet, Valérie Histoire du négationnisme en France / Paris : Seuil, 2000. - 693 p.
Janover, Louis Nuit et brouillard du révisionnisme / Paris : Méditerranée, 1996.
Vidal-Naquet, Pierre Les assassins de la mémoire : "Un Eichmann de papier" et autres
essais sur le révisionnisme / Paris : Découverte, 1987. - (Cahiers libres).
Wellers, Georges Les chambres à gaz ont existé : des documents, des témoignages, des
chiffres / [Paris] : Gallimard, 1981. - (Collection Témoins).
Sites web:
The Nizkor Project: Deceit and Misrepresentation: The Techniques of Holocaust Denial
English language website that discusses the techniques of Holocaust denial. Includes a FAQ
section and details the denial of science, the toxicity of hydrogen cyanide,
misrepresentation of the Holocaust, and fabrications concerning the Holocaust.
http://www.nizkor.org/features/techniques-of-denial
Un site en français dédié a la lutte contre le négationnisme :
http://www.phdn.org/
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