Anne Frank

Transcription

Anne Frank
Une « Anne Frank » aux airs
de téléfilm
Copyright : Laura Cortès
Le journal d’Anne Frank, c’est des millions d’exemplaires
vendus à travers la planète. Témoignage rare, il rapporte la
vie clandestine endurée pendant deux ans par une jeune fille
juive et sa famille à Amsterdam. Il est probablement l’un des
journaux intimes les plus exposés aux yeux du monde.
Évidemment, se lancer dans une création à partir de ce
monument du souvenir tient du véritable défi. Une épreuve
relevée par Eric-Emmanuel Schmitt, visible sur la scène du
théâtre Rive-Gauche à Paris jusqu’en décembre.
Dans un décor et une mise en scène extrêmement réalistes,
Francis Huster est Otto Frank, le père, seul survivant de la
famille. La scène est divisée en trois espaces chronologiques,
alternant entre temps présent et souvenir, au moyen de flashbacks, comme au cinéma, éclairés par une lumière à la JeanPierre Jeunet… On en oublie parfois (malheureusement) que nous
sommes au théâtre. Toute la pièce baigne dans la recherche
d’émotion : Eric-Emmanuel Schmitt, soutenu par Steve Suissa à
la mise en scène, s’est mis en tête de faire pleurer dans les
chaumières avec de grossières ficelles (la récurrence de
l’Agnus Dei de Samuel Barber ou des discours d’Hitler
soulignent cette intention), bien évidemment, ça ne fonctionne
pas très bien. Il y a un petit côté téléfilm qui gêne comme un
caillou dans la chaussure.
Les acteurs ont chacun un caractère bien marqué, à l’exception
de Francis Huster qui manque souvent de justesse, notamment
pendant les apartés où il revient à l’époque actuelle, seul
face aux écrits de sa fille. La jeune Roxane Duran incarne
bien Anne Frank, mais elle fait souvent aux yeux du
spectateur, figure d’une petite peste insolente. La faute au
texte de Schmitt, problématique quand on sait que « Le Fonds
Anne Frank » qui a autorisé la diffusion de la pièce fait tant
attention à ce que la mémoire de la petite fille ne soit pas
entaché. Dans le texte, le désir et la joie de respirer, le
bonheur d’être en vie qui caractérisent Anne passent
quelquefois à la trappe au profit d’une sur-maturité
(imaginée). Tout au long du spectacle, elle reprend les grands
sujets qui la bouleverse (et qui sont sensés nous
bouleverser ?) : l’arrivée des règles, de l’amour, la peur du
noir et le désir d’apprendre, de vivre…
Vouloir évoquer la richesse des pages publiées d’Anne Frank
était un pari difficile, allant de vérité historique à
extrapolation, au final on est un peu perdu dans une éruption
de bons sentiments à bon compte. Dommage.
Pratique : Jusqu’au 20 décembre 2012 au théâtre Rive-Gauche,
6 rue de la Gaité (14e arrondissement, Paris) – Réservations
par
téléphone
au
01
43
35
32
31
ou
sur
www.theatre-rive-gauche.com / Tarifs : entre 42 € et 47 €
selon les catégories.
Durée : 1 h 45
Texte : Eric-Emmanuel Schmitt, d’après « Le Journal d’Anne
Frank » et avec la permission du Fonds Anne Frank.
Mise en scène : Steve Suissa
Avec :
Francis Huster, Gaïa Weiss, Roxane Duran, Odile
Cohen, Katia Miran, Charlotte Kady, Yann Babilee Keogh,
Bertrand Usclat, Yann Goven