03-12 CR Rencontre sur Obligation négocier-conclure

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03-12 CR Rencontre sur Obligation négocier-conclure
Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
RENCONTRE DU MARDI 20 MARS 2012
DE L’OBLIGATION DE NEGOCIER A L’OBLIGATION DE CONCLURE
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
Bonjour à tout le monde. Je suis très heureux de faire une rapide présentation devant vous du
sujet « de l’obligation de négocier à l’obligation de conclure » ce qui est non seulement un
grand retour sur les écrits de la loi Auroux, un grand retour sur cette question, ce qui est très
intéressant, puisque j’ai beaucoup travaillé sur le droit allemand et quand on explique cette
question d’obligation de négocier et d’obligation légale de négocier à des allemands, par
exemple, c’est aussi le cas pour des britanniques, c’est quelque chose qu’ils ne comprennent
pas.
Pourquoi le législateur est obligé d’inciter les partenaires sociaux à négocier et
éventuellement à conclure des accords, c’est quelque chose qui est non juridicisé dans
d’autres pays et les chercheurs étrangers. J’ai discuté par hasard avec un collègue japonais et
lui ai dit que ce matin j’allais à une manifestation sur ce sujet, il était un peu épaté parce qu’il
trouvait cela tout à fait exotique, puisque dans son pays, évidemment il y a des négociations
collectives, mais les négociations collectives sont déclenchées en quelque sorte spontanément,
plus ou moins : c’est la suite d’une grève, c’est la suite d’une manifestation, d’un
mécontentement.
Il y a des rituels de négociations et si vous suivez l’actualité, par exemple, vous savez
qu’aujourd’hui on est entré dans des négociations en Belgique ou en Allemagne, il y a des
moments de négociations, des rituels de négociations, mais le législateur n’est jamais
intervenu pour organiser tout cela.
Donc on a des choses très exotiques sur cette question, sur l’obligation de négocier, qui
évidemment n’est pas une obligation de conclure, c’est très simple à comprendre et on va voir
un peu comment le législateur français à tenté d’organiser cela, partant du constat, qu’il a fait
à un moment donné, à mon avis avec raison, que la négociation collective n’était pas ce
qu’elle devait être, elle n’a pas la place où elle doit être. Donc aujourd’hui on a la grande
chance d’avoir des experts autrement plus compétents que moi sur la question.
M. Antoine NABOULET, qui nous vient du Centre d’Analyse Stratégique - CAS - qui va
nous faire un bilan des trente années de négociations, ensuite, on aura des experts plus
juridiques, le fameux code du travail, celui que les japonais et autres considèrent comme étant
exotique, on va faire un peu du droit exotique et ensuite une intervention d’une personne qui
négocie et utilise justement cet instrument juridique, on va voir comment cela se passe dans la
réalité, donc c’est tout à fait complémentaire.
Je donne la parole à M. NABOULET.
Antoine NABOULET, Chargé de mission – Centre d’Analyse Stratégique
Bonjour à tous et à toutes.
Je voudrais tout d’abord remercier les membres de l’AFERP de m’avoir proposé de participer
à ce petit-déjeuner sur ce thème « des obligations de négocier aux obligations de conclure »,
thème sur lequel, effectivement, j’ai travaillé l’an dernier pour le Centre d’Analyse
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Stratégique. Je vais proposer une sorte de panorama de l’évolution de ces dispositifs d’action
publique, qui se sont multipliés depuis 30 ans, avec comme point de départ notamment les
lois Auroux de 1982. Mon approche n’est pas juridique : je vais essayer de présenter
synthétiquement ce qui s’est passé ainsi que des pistes d’analyse, sans entrer dans la
technique juridique de façon détaillée.
Depuis les années 80 on a assisté à une démultiplication de dispositifs publics qui visent à
favoriser la négociation collective, que ce soit dans les entreprises ou dans les branches
professionnelles et ce, sur un nombre toujours plus élevé de thématiques. Des obligations de
négocier au sens large, ont ainsi été développées. Les lois Auroux en constituent le point de
départ, la référence, puisque ces lois avaient comme volonté affichée :
de renforcer la place de la régulation conventionnelle, qu’elle soit de branche ou
d’entreprise, dans la régulation sociale en général,
de renforcer la démocratie participative pour reprendre la terminologie de l’époque,
notamment dans l’entreprise,
Au-delà de ces objectifs, il y avait une idée aussi de ménager des espaces de flexibilité
salariale au plus près de la réalité économique.
Ces réformes ont notamment pris corps dans quatre lois, dont l’une qui va créer les premières
obligations de négocier au sens strict ; je reviendrai plus loin sur cette notion.
Je vais essayer de présenter dans un premier temps un panorama des multiples obligations de
négocier et incitations à conclure mises en place depuis les années 80 et ferai la différence
entre ces deux types de dispositifs. J’essayerai ensuite de donner un sens à cette dynamique
d’accumulation, notamment en la resituant comme une spécificité française participant du
système de relations professionnelles. Dans un dernier temps, je ferai en sorte d’évoquer la
question de l’évaluation de ces dispositifs : quel a été leur impact sur les relations
professionnelles et la régulation sociale ? Dans quelle mesure peut-on réellement dresser un
bilan de ces dispositifs ?
Premier temps : un mille-feuilles d’obligations et d’incitations qui s’est constitué depuis 30
ans.
La loi du 13 novembre 1982 instaure la première vague d’obligations de négocier que je
qualifie de « stricto sensu ». D’une part, elle introduit au niveau des branches l’obligation
annuelle de négocier sur les salaires effectifs et l’obligation quinquennale de négocier sur la
révision possible des classifications ; d’autre part elle introduit l’obligation annuelle de
négocier dans les entreprises (pas toutes les entreprises, comme on le verra après), sur les
salaires effectifs, la durée effective du travail et l’organisation du temps de travail : il s’agit de
la fameuse NAO bien connue au niveau des entreprises.
On se site dans le registre des obligations de négocier « stricto sensu », dispositifs marqués
par quelques caractéristiques bien identifiables. Tout d’abord, elles ne concernent pas toutes
les entreprises, mais une cible composée des entreprises dotées de sections syndicales
représentatives, condition nécessaire sur le plan juridique, mais qui n’est pas suffisante : il
faut surtout qu’il y ait un délégué syndical, réel déclencheur de ces négociations obligatoires.
Cela restreint pas mal le champ et cela montre que ce type d’obligation est directement
associé au fait syndical et la présence syndicale dans les entreprises.
Le deuxième élément à mentionner est que l’on se situe sur une obligation de négocier au sens
strict, c’est-à-dire une obligation pour l’employeur d’engager une négociation collective
périodique : cette obligation, par symétrie ouvre surtout un droit collectif pour les salariés, via
les syndicats, d’exiger cette négociation en l’absence d’initiative patronale au cours d’une
période de temps donné.
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Ce n’est donc pas une obligation de résultat ou de conclure, mais simplement une obligation
d’ouvrir des négociations, de respecter formellement un certain nombre d’étapes de procédure
- une convocation des parties, une série de règles pour la loyauté de la négociation - sachant
qu’il reste toujours à l’employeur le pouvoir d’imposer in fine sa décision en l’absence
d’accord collectif. Cette issue sous forme de décision unilatérale de l’employeur n’est pas
sans importance dans le système français de relations sociales.
Le troisième aspect important de ces obligations stricto sensu est l’existence de sanctions
civiles et pénales en cas de non respect : ce dernier point est le plus surprenant pour nombre
des personnes de pays étrangers. Le fait de ne pas respecter l’obligation de négocier renvoie
au délit d’obstacle à la NAO, qui est passible d’un an de prison et de 3750 euros d’amende, en
théorie. Depuis 30 ans que cela existe, il ne semble y avoir eu, en tout et pour tout que deux
ou trois cas de procédures allant jusqu’à une condamnation pénale.
A ces sanctions prévues dès les années 1980, il faut rajouter depuis la loi du 3 décembre 2008,
entrée vraiment en application en 2010, un mécanisme de conditionnalité des allégements de
charges sur les bas salaires. Cette deuxième forme de sanctions, plus récente, veut que
certains allégements de charges sur les bas salaires soient conditionnés au fait que l’entreprise
a bel et bien ouvert annuellement la négociation obligatoire, dès lors qu’elle y est assujettie.
Je ne reviendrai pas en détail sur cette disposition, certes intéressante, mais dont on ne sait pas
trop ce qu’elle donne aujourd’hui concrètement : dans quelle mesure a-t-on observé des cas
d’infraction et la mise en œuvre du principe de conditionnalité ?
Sur ce type d’obligations stricto sensu, j’ai tendance à insister sur le fait que l’on est dans une
logique à dominante « procédurale » : on est d’abord dans l’idée d’obliger à négocier, de faire
entrer certains sujets dans la sphère de la négociation collective et d’inciter au dialogue social,
en tant que procédure de régulation collective. L’objectif est d’institutionnaliser, de
dynamiser la négociation collective notamment dans les entreprises, et de la sortir d’un
caractère occasionnel voire conflictuel pour en faire un rituel périodique qui s’affranchisse du
bon vouloir uniquement de l’employeur. Cette dimension que j’appelle procédurale, vise in
fine à créer du dialogue social là ou il n’y en avait pas ou là où il était difficile à faire vivre.
Partant des premières obligations de négocier des créées au début des années 80, on a assisté
ensuite à leur multiplication de négocier sur de multiples thèmes. Je vais essayer de recenser,
certes un peu superficiellement, ces thèmes, en distinguant les niveaux « entreprise » et les
niveaux « branche ». Ces multiplications ont eu lieu à partir des années 2000.
Au niveau des entreprises on a une série de thèmes tels que :
l’égalité professionnelle depuis 2001
les écarts salariaux entre hommes et femmes, thématique plus précise de l’égalité
professionnelle en 2006,
la prévoyance collective, devenue une obligation depuis 2000,
l’épargne salariale depuis 2001,
tout un lot d’obligations qui concerne les modalités de consultation du CE, la GPEC,
l’emploi des salariés âgés depuis 2005, selon une périodicité triennale, et qui s’adresse aux
entreprises de plus de 300 salariés,
l’emploi des travailleurs handicapés depuis 2005.
Au niveau des branches, on retrouve à peu près les mêmes thèmes : la GPEC, l’information et
consultation du CE, l’emploi des seniors, l’emploi des travailleurs handicapés….
Cette symétrie tient notamment au fait que pour les entreprises ne disposant pas des
institutions pour négocier, le niveau de branche est amené à prendre en charge ces
thématiques au niveau professionnel. Quelques thématiques sont cependant plus spécifiques
au niveau de la branche comme, la formation professionnelle (depuis 2004).
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Ces négociations obligatoires se sont donc vues enrichies d’un grand nombre de thématiques
depuis les années 2000, avec à chaque vague d’obligations, des règles qui souvent se
distinguent un peu des précédentes dans la mise en œuvre technique du dispositif, par
exemple en matière de périodicité.
On trouve ainsi des mécanismes qui sont sur une logique de périodicité annuelle stricte : la
NAO salariale signifie que tous les ans il faut ouvrir la négociation ; sur d’autres thèmes, une
périodicité triennale a été retenue, voire quinquennale au niveau des branches : cela implique
l’obligation d’ouvrir au moins une négociation sur une période de trois ou cinq ans, quel
qu’en soit le résultat.
Il existe aussi des périodicités qui sont un peu plus complexes : par exemple certaines renvoie
à une l’obligation au départ annuelle, mais dès lors qu’un accord est conclu, l’obligation est
levée pour la durée de l’accord (le plus souvent 3 ans). La périodicité est donc modulée et
selon les thèmes du dispositif. Parfois, sur un même thème peuvent coexister ou s’imbriquer
des périodicités assez variables.
Ces dispositifs constituent une première composante que j’ai appelée « les obligations de
négocier stricto sensu ». La deuxième composante que j’ai identifiée relève de dispositifs
d’incitation, pas seulement à négocier, mais à conclure des accords collectifs.
Il ne s’agit alors plus d’une obligation formelle de négocier avec des sanctions pénales. On se
trouve face à un dispositif d’incitation reposant sur des sanctions financières, l’idée étant que
l’entreprise ne pourra bénéficier d’un avantage financier (aide publique, allègement de
cotisations) que si elle est couverte par un accord d’un certain type, sur un thème précis ;
symétriquement l’entreprise pourra supporter un coût économique si elle n’est pas couverte
par un accord (pénalité financière, ou problème de réputation etc..). L’accord collectif
exonérant d’un coût ou ouvrant droit à un avantage financier peut être un accord de cette
entreprise, un accord de groupe ou un accord de branche.
De nombreux dispositifs qui entrent dans cette catégorie reposent également sur un
encadrement assez fort du contenu de l’accord, qui conditionne le bénéfice financier : la loi ou
les décrets contiennent des prescriptions précises sur les types de mesure à prévoir, sur les
indicateurs à mettre en place, si bien qu’il y a un cadrage sur le contenu même de la
négociation et de l’accord.
On a parfois dans ces dispositifs des délais de mise en œuvre de la négociation assez courts :
dans le cas du dispositif créé fin 2008 pour inciter à la conclusion d’accords ou plans d’action
en faveur de l’emploi des seniors, sur lequel je reviendrai plus loin, seulement six à huit mois
se sont écoulés entre le moment où la loi est vraiment entrée en vigueur et la date limite à
partir de laquelle la pénalité devait s’appliquer. C’est très court pour négocier, dans la
temporalité de la négociation et des relations professionnelles.
Dans ce cadre là, les modalités de négociation prévues peuvent être plus ou moins souples par
rapport au schéma classique de la négociation collective.
Au final on obtient des dispositifs incitatifs à conclure des accords qui sont plus contraignants
pour les entreprises que les obligations de négocier. La terminologie « incitation – obligation
» peut alors être confondue, parce qu’une obligation « stricto sensu » peut être perçue par les
employeurs comme quelque chose d’assez peu contraignant dans les faits ; à l’inverse, les
incitations financières peuvent être perçues comme de vraies contraintes, des quasi
obligations, du fait du coût économique associé.
Dans ce type de dispositifs, à la dimension procédurale se superpose une dimension plus «
instrumentale ». Ce n’est pas forcément tant la création d’une négociation approfondie, d’un
vrai dialogue social inscrit dans le temps, qui est recherchée que la concrétisation d’une
politique publique à court terme : le gouvernement cherche à obtenir sa déclinaison concrète
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sous forme opérationnelle, au niveau des entreprises, sous la forme d’accords collectifs ou
plans d’actions.
Ce second objectif instrumental prime éventuellement sur la façon dont on a atteint ces
objectifs. Sur l’emploi des seniors, l’idée était d’avoir en six mois des mesures, via des plans
d’actions éventuellement, même si cela pouvait se faire au détriment de la qualité du dialogue
social et sans l’intensité des négociations sociales dans un premier temps.
Ces dispositifs incitatifs ont eux aussi connu un fort développement depuis les années 80,
avec un champ de plus en plus large. En voici quelques exemples.
Dès 1987, en matière d’emploi des travailleurs handicapés. L’obligation d’emploi des
travailleurs handicapés qui a alors été créée impliquait, pour les entreprises n’atteignant pas
un certain pourcentage de salariés handicapés, une contribution à l’AGEFIPH ; mais il existait
aussi une « troisième voie » permettant de répondre à l’obligation d’emploi par un accord
collectif. Il s’agissait donc d’une façon d’exonérer de la contribution AGEFIPH, si
l’entreprise ne remplissait pas son quota d’emplois. On était ainsi déjà, d’une certaine façon,
en présence d’un mécanisme d’incitation à la négociation, avec une dimension financière.
En matière de réduction et d’aménagement du temps de travail dans les entreprises, de
nombreux dispositifs ont été créés jusqu’au début des années 2000. Les lois AUBRY ont ainsi
créé un système très organisé d’aides et subventions aux entreprises pour qu’elles passent aux
35 heures de façon négociée et anticipée par rapport à la date légale prévue par la loi.
Dans le champ de l’épargne salariale, il existe aussi des mécanismes d’exonérations de
cotisation, et donc d’incitation au développement de ces outils dont la mise en place nécessite
un accord.
Plus récemment, depuis 2008, une vague de mesures concerne l’emploi des seniors, la
pénibilité, l’égalité professionnelle (en 2010) ; elles mobilisent de nouveaux dispositifs ayant
une certaine cohérence entre eux et qui s’appuient sur une logique de pénalité financière, fait
relativement assez nouveau : une pénalité ad hoc est créée et s’applique aux entreprises en
l’absence d’accords de plan d’actions les couvrant. C’est une incitation moins par l’aide ou
les subventions à l’entreprise que par la sanction via de nouvelles pénalités.
Un dernier type de dispositifs incitatifs que l’on peut identifier repose par exemple, comme
dans le cas du dispositif sur les risques psycho-sociaux mis en place en 2009, sur ce que l’on
appelle la logique de « name-and-shame ». On n’est plus sur une incitation financière, en
positif ou négatif, mais on joue sur la réputation des entreprises, la labellisation, ou la
production d’une liste des entreprises ayant de bonnes ou de mauvaises pratiques supposées.
C’était la fameuse logique de la « liste noire » des entreprises. Cette méthode qui a fait long
feu, s’inscrit toujours dans cette logique d’incitation à la conclusion d’accords, pas seulement
à la négociation…
Au final, après ce rapide tour d’horizon des trente ans d’accumulation et de superposition de
dispositifs, on constate une complexification assez nette du droit de la négociation collective,
dans son chapitre sur les obligations à négocier. Sur certains thèmes, des dispositifs de
diverses natures, des obligations et des incitations par exemple, ont été produits
successivement et imbriqués les uns aux autres au fil du temps. Sur l’égalité professionnelle,
il y a ainsi trois dispositifs qui coexistent aujourd’hui ; l’obligation triennale de 2001, le
résidu d’obligation annuelle de 2006 sur la réduction des écarts entre hommes et femmes, et
enfin le nouveau système d’incitation financière qui a été mis en place en 2010 et qui est
aujourd’hui à l’œuvre, en cours de déclinaison.
Ces trois obligations ou incitations s’imbriquent avec des périodicités qui peuvent être par
exemple différentes à chaque fois. Le champ des entreprises concernées par chacun de ces
dispositifs n’est pas forcément le même : dans certains cas il s’agit des entreprises ayant des
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délégués syndicaux, dans d’autres un critère de taille qui va être préféré ou superposé ; à cela
s’ajoute des nuances sur le contenu exact de ce qui est supposé être négocié sous cette
thématique globale de l’égalité professionnelle.
Tout ceci donne l’image d’un enchevêtrement de dispositifs, dont la cohérence et la
coordination ne sont pas toujours évidentes, d’où une certaine complexité pour le novice et
notamment les partenaires sociaux de l’entreprise qui sont confrontés à ce genre de
dispositions.
Deuxième temps du panorama : Quel sens donner à ces évolutions en termes de politique
publique et de relations professionnelles ?
Est-ce que l’on est bien sur une spécificité française ? Oui. On ne trouve pas d’équivalent en
Europe à ces obligations légales, d’autant moins dans les pays qui ont une forte culture de la
négociation collective (Allemagne, pays nordiques…). On peut en revanche faire un parallèle,
au moins pour la première obligation de négocier « stricto sensu » telles que créée au début
des années 80, avec le concept de « duty to bargain » qui existe dans les modèles nordaméricains (Etats-Unis et Canada) depuis les années 30 et, depuis peu la fin des années 90 en
Angleterre. On peut dire que ce principe nord américain a pu inspirer, en 1982, les auteurs de
la loi Auroux, puisque l’on est bien dans la même idée de créer un droit pour les salariés de
négocier sur leurs conditions de travail, directement lié à la présence syndicale dans
l’entreprise, et qui se traduit symétriquement par une obligation pour l’employeur.
Dans le modèle Nord Américain, c’est l’accréditation - un mécanisme de reconnaissance de la
légitimité d’un syndicat dans une unité de travail pour négocier, très différent de ce qui se fait
en France - qui dès qu’elle est acquise, engendre automatiquement un devoir et un droit ; un
devoir de négocier qui concerne l’employeur mais aussi les syndicats. De ce point de vue là,
on peut dire qu’il y a une sorte de symétrie avec l’autre obligation de négocier de 1982.
Cependant, si on regarde ce qui, depuis 30 ans a été développé en France dans le registre des
obligations de négocier et des incitations, on constate que l’on s’éloigne beaucoup de cette
notion de « duty to bargain » : des périodicités très réglementées et diversifiées, thèmes
multiples prescrits par le législateur, … Les obligations de négocier et incitations sont
devenues des outils de l’intervention publique dans le champ social ; dans le système anglosaxon, ce n’est pas le cas, la « duty to bargain » est juste un droit fondamental associé à la
présence syndicale pour assurer l’existence minimum solde du dialogue social de la
négociation. Il n’y a pas cette multiplication de démarches et d’instruments politiques.
Forcément, ces dispositifs d’obligation et d’incitation se sont développés en France parce
qu’ils font sens avec les autres caractéristiques structurelles de notre système.
Très rapidement, le système français se caractérise par :
la complexité et la conflictualité « historique » des relations entre organisations
syndicales et employeurs ;
l’absence ou la faiblesse de la culture de la négociation collective, au sens de la
régulation contractuelle, d’autant plus au niveau de l’entreprise ;
la primauté du pouvoir de direction qui permet les décisions unilatérales et renforce
l’idée que la négociation collective a une voix de sortie qui n’est pas forcément l’accord
collectif (à la différence de pays à culture de négociation où l’absence d’accord est presque
inenvisageable); en France cette faculté juridique et vraiment opérationnelle permet de mettre
fin à la négociation et d’avoir une mise en œuvre des dispositions à l’initiative de l’employeur
;
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les caractéristiques du syndicalisme français, telles que le principe de pluralisme, le
droit de grève dissocié de la négociation collective, ou encore le fait que les syndicats
négocient pour l’ensemble des salariés et pas seulement pour leurs adhérents /mandataires.
On a donc une série d’éléments qui caractérisent le système français et qui donnent sens aux
obligations de négocier, qui visent à favoriser une dynamique du dialogue social et à
enclencher un changement culturel en matière de négociation collective jusqu’au niveau le
plus bas de l’entreprise.
Obligations à négocier et incitations reflètent aussi la longue histoire de l’intervention de
l’État dans le champ social. Cette intervention traduit la faiblesse des relations directes entre
les interlocuteurs sociaux en même temps qu’elle entretient finalement cette faiblesse ; il
existe donc un jeu complexe en France, tripartite, entre État et partenaires sociaux, en matière
de régulation sociale et d’animation de la négociation collective.
Ces dispositifs reflètent enfin l’évolution des politiques publiques depuis les années 80 : au
travers des obligations et incitations, on assiste à la recherche continue d’une nouvelle forme
d’action de l’Etat, une forme d’interventionnisme qui serait à mi-chemin entre
l’interventionnisme « classique » de la réglementation, qui a longtemps prévalu mais qui
semble aujourd’hui avoir atteint ses limites, et une régulation qui serait complètement laissée
aux acteurs sociaux, au dialogue social. L’État ayant du mal à se dessaisir, en France, de cette
prérogative de régulation, on cherche des formules intermédiaires, avec cette idée d’une plus
grande flexibilité des normes du travail qui suppose une remise en cause de la loi, voire celle
de la régulation des branches, qui paraissent trop uniformes face à la diversité des situations
économiques locales. Ceci conduit au développement d’une logique d’action publique
négociée sous différentes formes, et notamment celle de la « loi négociée ». Ainsi depuis la
loi du 31 janvier 2007, tout projet de loi visant réformer dans le champ social suppose une
phase de consultation des partenaires sociaux, qui peuvent décider de négocier préalablement
à la loi.
L’Etat est aussi amené à proposer pour certains dispositifs, tels que l’intéressement ou les
heures supplémentaires, un cadre assez précis, à charge pour les entreprises de le décliner par
le biais des accords collectifs afin de les mettre en œuvre et de les adapter dans une certaine
mesure aux configurations locales.
Au final, les obligations de négocier et incitations financières s’inscrivent dans cette veine
d’action publique négociée ; elles reflètent la volonté des pouvoirs publics de déléguer aux
partenaires sociaux dans les branches et les entreprises, dans une certaine mesure, la
production des règles régissant les relations de travail.
Pour revenir sur l’évolution observée depuis les années 80, il semble que l’on ait basculé
d’obligation de négocier stricto-sensu (des années 1980 jusqu’au début des années 2000) vers
plus de dispositifs d’incitation depuis 2005. Depuis 2005-2007, on observe ainsi plus de
contraintes sur la conclusion d’accords, via notamment les incitations financières.
Est-ce que cela signifie que l’on a une logique instrumentale qui l’emporte de plus en plus sur
la dimension procédurale ? L’exigence d’avoir des résultats rapides, en termes de politique
publique, sur des sujets précis, se répand-elle au détriment notamment de la qualité de la
production d’un dialogue social ?
Qu’est-ce qui supporte cette évolution vers des incitations qui sont plus contraignantes que
des obligations légales ? Est-ce une question d’efficacité ? Certaines obligations légales ont
pu apparaître au fil du temps comme insuffisamment efficaces pour faire évoluer les pratiques
(cas de l’égalité hommes femmes notamment).
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Dernier point : dans quelles mesures peut-on évaluer l’impact de ces dispositifs - obligations
de négocier et incitations- au cours du temps ?
Il est loin d’être facile d’isoler les effets spécifiques d’une loi et de dire dans quelle mesure un
mécanisme juridique entraîne vraiment des changements de comportements et des
changements de la réalité sociale.
Ce que l’on peut voir sur un premier plan quantitatif, c’est qu’il y a souvent des effets
visibles, suite à la mise en œuvre de ces dispositifs obligatoires.
Si on prend l’obligation annuelle de négociation sur les salaires, depuis 1982, on observe
effectivement sur plusieurs décennies une progression des accords salariaux d’entreprise, de 4
000 au début des années 90, à 11 000 en 2009 ; les enquêtes statistiques montrent qu’il y a
une proportion élevée d’entreprises, parmi celles qui ont un délégué syndical et qui ont donc
l’obligation de négocier, qui déclarent avoir négocié dans l’année sur les salaires ; dans une
enquête en 2007 cette proportion atteignait à 60%.
Il semble donc y avoir eu une diffusion de la pratique de la négociation salariale à priori.
Néanmoins, ce chiffre de 60% montre qu’il y a une effectivité assez partielle de l’obligation,
puisque ce ne sont pas 100% des entreprises ayant des délégués syndicaux qui déclarent avoir
négocié sur les salaires une année donnée. Cela doit amener à délaisser toute vision mécaniste
consistant à croire que dès qu’il y a une obligation légale, toutes les entreprises s’y plient
exactement comme le législateur l’a prévu.
Les 40% d’entreprises qui semblent ne pas avoir négocié dans l’année, alors qu’elles ont un
délégué syndical, recouvrent peut-être une grande diversité de situations et pas simplement
des employeurs qui refuseraient la négociation.
Cela peut tenir à de nombreux facteurs complexes déterminant la pratique effective de la
négociation collective. Il y a des cas où la situation de l’entreprise ne permet pas de
l’envisager : syndicats et employeur partagent l’idée qu’il n’y a pas matière à négocier sur les
salaires car l’entreprise est dans une situation difficile ; dans d’autres, la faiblesse du dialogue
syndical et des acteurs syndicaux peut faire qu’il n’y a pas demande de négociation. Il y a
aussi des cas de négociations pluriannuelles implicites dans l’entreprise et donc pas forcément
de négociation chaque année.
On peut donc imaginer beaucoup de situations, de configurations réelles, qui expliquent que
l’obligation légale, au sens strict, n’est pas exactement suivie à la lettre sur le terrain.
Dans le cas des dispositifs sur l’emploi des seniors, on a effectivement un nombre très élevé
d’accords (et surtout de plans d’actions) qui ont été conclus dans les six mois prévus par la loi
de 2008. Cela montre que l’on est en présence de mécanismes qui ont un effet, à court terme
ou à moyen terme, sur la production d’accords et de négociations.
Mais si on regarde en détail l’aspect qualitatif, on constate qu’il y a un décalage très
important entre le dynamisme apparent, sur le plan quantitatif, et la réalité de la dynamique du
dialogue social.
En matière salariale on a assisté à priori au développement de la négociation collective
d’entreprise depuis les années 1980 : mais est-ce que l’on a vraiment pu faire évoluer
complètement la culture du dialogue social en la matière en France ? Il existe encore une
fragilité de cette évolution des rapports collectifs et de la négociation à but contractuel.
Le contexte économique des années 80 et l’évolution des politiques salariales n’ont pas été
forcément propices à un développement réel de la négociation collective : individualisation et
diversification des formes de rémunérations, croissance plus ou moins ralentie pendant cette
période. Certes on a des incitations à négocier mais un contexte qui rend difficile en soi la
négociation, parce qu’il y a moins de grains à moudre et les marges de la négociation sont
plus limitées. A cet effet s’ajoute le problème de l’affaiblissement des acteurs syndicaux :
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
depuis les années 80 la baisse de la syndicalisation n’est pas forcément propice à un rapport
de force équilibré dans certaines entreprises et certaines branches.
Sur les thèmes qui ont fait l’objet d’incitations financières, comme les seniors ou l’égalité
hommes - femmes, on observe que même s’il y a beaucoup d’accords qui peuvent être
conclus, ces derniers sont souvent un peu vides en terme de contenu, fréquemment formels,
pour répondre à l’obligation à court terme. Ils contiennent peu d’engagement des parties et on
peut s’interroger d’une façon générale sur la concrétisation de ces textes. Évaluer l’effet
concret de ces lois et dispositifs sur la situation des salariés mais aussi sur les relations
sociales, nécessite une analyse à plus long terme de ce système d’incitation. Dans quelles
mesures des obligations ou incitations, qui ont été très fortes à un moment donné, ont
enclenché (ou pas) une dynamique de dialogue social dans l’entreprise et, ont permis
d’inscrire le sujet dans le temps parmi les préoccupations communes des partenaires sociaux ?
Il y a là beaucoup d’incertitudes qu’il faudra un jour éclairer.
Pour conclure plus généralement, on peut émettre quelques interrogations et observations.
Est-ce que l’abondance d’obligations et d’incitations que l’on a constatée contribue vraiment
au développement qualitatif du dialogue social ? C’est effectivement une véritable question,
vu la complexité que cela entraîne dans le Code du travail, l’insécurité juridique qui peut en
découler et les problèmes réels de compréhension du cadre juridique pour les employeurs
comme pour les acteurs syndicaux au sein de l’entreprise.
N’y-a-t’il pas un risque d’épuisement des acteurs placés en situation de négociation quasi
perpétuelle ? La question de la compétence de ces partenaires sociaux n’est-elle pas à poser,
face à ces multiplications de sujets plus techniques les uns que les autres, de plus en plus
vastes ?
Est-ce que les pénalités et les échéances de court terme que l’on a vues apparaître génèrent
plutôt un certain formalisme de la négociation et des accords ? Ces outils permettent-ils
d’installer progressivement des mesures concrètes et rendre opérationnels certains dispositifs
?
Quid aussi de toutes les entreprises qui sont hors champ de la négociation obligatoire : les
petites et les moyennes mais aussi certaines grandes qui n’ont pas de syndicat et qui ne sont
donc pas soumises aux mêmes contraintes ? Elles sont dépendantes de la négociation de
branche, qui certes est soumise à des obligations légales pour la diffusion de certaines
pratiques ou certains droits ; mais on sait aussi que les négociations de branche sont assez
variables d’un secteur à l’autre en raison de l’activité des partenaires sociaux qui est
fluctuante.
Pour revenir sur les différents thèmes de l’ensemble de cette séance, jusqu’où peut-on aller
dans la logique d’encadrement de la négociation collective et dans l’idée d’une obligation de
conclure ? Est-ce que juridiquement, techniquement c’est envisageable ? On peut également
se poser la question de l’utilité d’une telle démarche : est-ce que c’est la bonne voie, de
pousser plus loin la contrainte sur la conclusion d’accords ? Merci beaucoup
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
Personnellement j’ai trouvé cet exposé particulièrement intéressant, et éclairant, d’ailleurs j’ai
surtout noté deux thèmes qui deviennent de plus en plus complexes, mais surtout ce que j’ai
constaté après votre exposé, qui était essentiellement porté sur la négociation d’entreprise,
j’ai de vieux souvenirs des cours de Pierre Lantain, il y avait aussi une négociation de
branche, j’ai quand même l’impression que ce que vous avez noté, les nouvelles formes
d’actions de l’Etat sont quand même des formes d’actions de mise en œuvre de politique
publique qui va se faire au niveau de l’entreprise.
J’ai l’impression que la branche a été un peu oubliée, mais ce n’est pas pour rien parce cela
correspond aux revendications relativement claires de la part d’organisations professionnelles.
Je constate qu’il y a une vraie mise en œuvre de cette revendication à travers ces mécaniques
accessoirement, ce que je constate aussi, c’est que quand on a une patate chaude notamment,
qui vient d’une ligne directrice pour l’emploi des personnes âgées, on s’empresse de la refiler
aux partenaires sociaux au niveau de l’entreprise.
Les pauvres, qui effectivement se retrouvent avec des mécaniques d’incitation d’ordre
financière qui conduisent à ce qu’il y ait des accords, mais je pense, comme vous l’avez dit
très clairement, il faudrait peut-être voir la qualité des accords d’entreprises ; je pense que là il
y a plusieurs choses, ce n’est pas parce que l’on a un accord d’entreprise que cela veut dire
grand-chose.
Pour fréquenter des DRH, je vois d’abord qu’ils sont devant des difficultés importantes au
travers de ces accords et puis ensuite le contenu de ces accords négociés, ceux que j’ai vu ne
m’ont pas fait tomber de ma chaise.
Et puis surtout, ce qui me frappe c’est ce recentrage sur l’entreprise et puis la liberté
contractuelle aidant, puisque je rappelle que la convention collective, selon la formule, est un
contrat comme corps et la loi comme esprit, donc cela me permet de donner la parle sur un
terrain plus juridique.
Romain PIOCHEL, Avocat à la Cour
Merci. Effectivement, je rebondirai sur l’exposé de M. Naboulet par la description des
mécanismes et procédures juridiques entourant les obligations de négocier et de conclure.
Je garde néanmoins comme souci premier de ne faire un cours de droit sur l’ensemble des
règles régissant la négociation collective, au risque de reprendre in extenso ce petit livre rouge
qu’est le Code du travail, qui devient paradoxalement de plus en plus volumineux au fil des
lois de simplification.
Mon objectif est effectivement de lister les thèmes qui après réflexion seront les suivants et
qui permettront d’appréhender l’obligation de négocier, et j’ajouterai même de « bien
négocier », puis l’obligation de conclure, si on peut parler d’obligation de conclure.
Sur le thème même de l’obligation de négocier, il y a effectivement des aspects d’incitation et
de sanctions et ce sur les quatre thèmes que j’ai choisis à savoir :
l’emploi des seniors, la pénibilité, l’égalité professionnelle hommes – femmes (ou
femmes - hommes, selon où on se place) et l’emploi des handicapés.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Effectivement, je ne vais pas revenir sur l’historique des lois Auroux retracé par M. Naboulet,
on est passé effectivement, à mon avis et d’après mon analyse, d’un droit des conventions
collectives à un droit à la négociation conventionnelle.
Je m’explique, en 1971, une première loi affirmant pour la première fois les droits des salariés
à la négociation collective. Or, très rapidement, on s’est rendu compte que ces déclarations de
principe n’étaient effectivement que des déclarations de principe et qu’à cette obligation de
négocier il fallait donc inévitablement rajouter l’obligation de « bien négocier », d’où
l’intervention des Lois Auroux et celle plus précisément du 13 novembre 1982.
Je ne reviendrai pas sur les distinctions entre obligation annuelle, obligation triennale et autres
obligations quinquennales, l’objectif, je pense, mais je n’y étais pas, du législateur de
l’époque en 1982, c’était surtout d’assurer l’effectivité de la négociation par l’équilibre des
parties.
En effet, tout d’abord parce que le dialogue social est un vain mot si on n’assure pas
l’équilibre des parties. Sans cet équilibre, le dialogue social existerait partout mais sans
grands résultats : on peut même juger qu’une séquestration d’un employeur par ses salariés
peut faire partie du dialogue social : donc encore faut-il assurer l’équilibre des parties et
finalement encadrer tant le moment de la négociation que son objet.
Les lieux de la négociation, ce sont d’abord toutes les entreprises où il y a au moins un
délégué syndical, donc c’est plus de 50 salariés, même si vous avez cette possibilité de
mandater un délégué du personnel sur certains thèmes de négociation, ce qui élargit à toutes
les entreprises de plus de 10 salariés la négociation
L’objet de la négociation : dès 1992 nous avions trois thèmes de l’époque, qui ont été repris
par M. Naboulet :
salaires, durée effective du travail et organisation du temps de travail.
Pour être précis, il s’agit des articles L 2242 – 5 à – 14 du Code du travail, donc nous avons
sans préférence : les salaires effectifs, la durée effective du travail, l’organisation du temps de
travail, notamment par la mise en place du temps partiel, l’augmentation ou la mise en place
du temps partiel et l’augmentation du temps de travail, tout ce qui est une mesure relative à
l’insertion professionnelle, maintien dans l’emploi des handicapés, si les salariés le désirent et
c’est important, la formation et la réduction du temps de travail et également l’égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes, notamment sous l’angle de l’égalité
professionnelle.
Nous avons également, la négociation annuelle sur la prévoyance maladie lorsqu’il n’y a
aucun accord de groupe, de branche de prévoyance, et l’épargne salariale, la participation ou
encore l’intéressement.
Nous avons aussi des obligations triennales, telle la mise en place des dispositions sur le
VAE, sur le bilan de compétence, sur l’accompagnement à la mobilité professionnelle ou
encore géographique des salariés.
Il y a effectivement des sanctions à cette obligation de négocier, je parle de « bien négocier ».
Tout d’abord, des sanctions pénales, c’est le fameux délit d’entrave : un an d’emprisonnement
et 3750euros d’amende, doublée en cas de récidive, pour l’employeur qui, par exemple,
n’engage pas de négociations ou s’il est saisi d’une organisation syndicale, ne convoque pas
les autres dans les huit jours et ne débute pas de négociations dans les quinze jours ; c’est
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
l’article L 2243-1 du code du travail ou encore plus simplement le fait de se soustraire à
certaines obligations relatives au contenu même de la négociation (article L 2243-2 du Code
du travail) .
De manière pratique, il a très peu de poursuites pénales engagées Peut être et surtout car il y a
aussi des sanctions civiles, pour un employeur s’agissant de la négociation salariale. Un
syndicat qui se sent exclu volontairement ou à tort, d’une négociation salariale, peut très bien
agir devant la formation des référés pour obtenir, sous astreinte, l’entame de ces négociations
ou encore ordonner sous astreinte la rectification ou la fourniture d’informations qui ont été
communiquées ou non dès lors des négociations avec les partenaires sociaux.
Les sanctions civiles qui sont assez et peut-être d’ailleurs beaucoup plus incitatives pour les
employeurs ? Parce que finalement le pénal se fait un peu en catimini, alors que les sanctions
civiles sont toujours beaucoup plus médiatisées et l’employeur se garde bien d’une telle
médiatisation sans compter les dommages et intérêts que les syndicats et salariés pourraient
obtenir du fait d’une réticence de l’employeur à entamer ou à « bien négocier ».
Maintenant, je vais revenir très concrètement sur les quatre exemples que j’ai pris parce que
ce sont les plus frappants, qui depuis 2008 changent la politique de la négociation collective
en France.
J’ai commencé par l’égalité hommes - femmes, alors pour ceux qui veulent des précisions, ce
sont les articles L 2242-5-1 et suivants du Code du travail, issus de la loi du 9 novembre
2010, et pour résumer depuis le 1er janvier 2012, toutes les entreprises d’au moins 50 salariés
sont obligées de conclure un accord d’entreprise ou de mettre en place un plan d’actions
relatif à l’égalité professionnelle hommes - femmes.
Cet accord (plan d’action) diffère dans son contenu sur le nombre d'actions, effectivement
pour une entreprise de moins de 300 salariés, c’est l’article L 2323-47 du Code du travail qui
nous dit que l’employeur doit au moins négocier sur deux des domaines qui sont listés et pour
les entreprises de plus de 300 salariés, ce sont trois des différents domaines parmi les
suivants : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classifications,
conditions de travail, rémunérations effectives, articulations entre activités professionnelles,
exercice de la responsabilité familiale.
Globalement, les thèmes les plus récurrents sont d’une part l’embauche, qui est souvent mise
en avant et aussi l’articulation entre activité professionnelle et vie familiale, peut-être parce
c’est là où il y a déjà eu de grandes avancées dans les entreprises. Plus concrètement, il s’agit
aussi du thème le plus moins contraignant à mettre en place s’agissant de l’embauche tout
simplement.
Ces objectifs et ces actions doivent être accompagnés d’un indicateur chiffré.
Monsieur Naboulet parlait justement de ce mille-feuilles, de ces problèmes d’articulation avec
des obligations qui se sont superposées, voire même contredites au fil des années. Sachez que
l’établissement d’un plan d’actions sur l’égalité professionnelle n’exonère pas l’employeur
de son obligation annuelle de négocier sur l’égalité, donc l’existence d’un plan d’action ou
d’un accord d’entreprise ne constitue pas le sauf-conduit pour un employeur ; il ne faut pas
qu’il oublie de négocier tous les ans sur cette problématique.
Le mécanisme des sanctions est identique pour cette obligation que pour celles de l’emploi
des seniors et de la pénibilité.
Nous avons effectivement soit l’Inspecteur du travail, soit le Contrôleur du travail qui met en
demeure l’employeur, par courrier recommandé, en alertant l’employeur sur le fait qu’à tel
jour, il a constaté qu’il n’avait toujours pas rempli son obligation légale de mettre en place un
accord ou d’avoir fourni un plan d’actions et l’employeur a alors six mois, soit pour mettre en
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
place cet accord, soit pour déposer son plan d’action, ou même modifier ou rectifier selon les
observations de l’Inspecteur ou du Contrôleur l’accord ou le plan d’actions.
C’est ce qui a fait dire à beaucoup de mes collègues, qu’effectivement cette obligation au 1er
janvier 2012, est repoussée finalement jusqu’au 1er juillet 2012, puisque tant que l’employeur
n’est pas mis en demeure, il peut repousser l’échéance au 30 juin 2012 !
L’employeur peut encore justifier sa carence, sa défaillance. L’Administration et le Code du
travail prévoient les cas justificatifs à la carence de l’employeur, et qui sont les difficultés
économiques, la mise en avant d’un plan de redressement qui seraient intervenus au cours de
la période et qui empêcheraient légitimement, en tout cas physiquement, l’employeur de
mettre en place de telles négociations et en ce cas, on a prévu que cela exonérait
temporairement l’employeur de son obligation de mettre en place cet accord ou ce plan
d’actions.
A l’issu de ce délai, nous sommes toujours dans les six mois, donc six mois après le 1er
janvier 2012, le Directeur régional au niveau de la DIRECCTE, décide s’il a lieu d’appliquer
ou non la pénalité, décide de quel taux, puisque nous avons un taux qui est maximum de 1%,
mais le Directeur régional essaie, en tout cas, dans le texte, de prendre ce qui est indiqué ou
constaté chez l’employeur pour minoré éventuellement ce taux.
Le Directeur régional est libre de moduler ce taux de pénalité, en fonction de l’attitude
générale de l’employeur s’il n’a pas conclu un accord collectif, mais qu’il était sur le point,
ou alors qu’il attendait effectivement la conclusion d’un accord de branche, s’estimant ainsi
exonéré que cet accord de branche a pris un peu trop de temps, dans ce cas là le Directeur
régional peut effectivement et en tout cas, en principe on n’a pas assez de recul à ce jour,
mais dans le texte, le Directeur régional peut effectivement moduler à la baisse cette pénalité
de 1%.
Alors, cette pénalité de 1% est calculée par mois entier.
Donc, c’est chaque mois entier de carence de l’employeur, 1% maximum de l’ensemble des
rémunérations et gains versés aux salariés au titre de la période durant laquelle il n’est pas
couvert par l’accord ou le plan d’action.
C’est assez effectivement incitatif et on parle bien d’incitation, donc concrètement on est sur
un régime déclaratif, c’est-à-dire, que la DIRECCTE, une fois qu’elle constate la carence, va
notifier par recommandé, le taux de pénalité qui a été retenu pour une entreprise, et va
demander simplement à l’employeur de lui déclarer sa base de calcul. C’est à la suite de cette
déclaration que la pénalité sera exigée, sachant qu’il y a sanctions si l’employeur décide de
ne pas répondre à cette notification de la DIRECCTE et dans ce cas là c’est une pénalité qui
s’applique sur une base forfaitaire de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, à
savoir au 1er janvier de 3 031 euros.
S’agissant de l’égalité professionnelle homme - femme vous avez d’autres sanctions, bien
évidemment les sanctions sur l’égalité salariale, hommes - femmes, à savoir discrimination
salariale avec rappel des salaires, s’il le faut devant le conseil des prud’hommes.
Finalement il y a deux types de sanctions pénales qui condamnent les manquements à
l’égalité professionnelle.
Celle de la 5ème classe : un emprisonnement et 3750euros d’amende, il y a aussi les sanctions
pénales qui visent à condamner l’employeur qui manquerait à son obligation en matière de
rémunérations et qui n’appliquerait pas les règles.
C’est une autre amende, à savoir de 1500 euros, 3 000euros en cas de récidive, appliquée
autant de fois qu’il y a de salariés rémunérés dans les conditions illégales. Ce sont des
sanctions qui différent finalement de l’aspect incitatif mais qui sont regroupées sur l’aspect
l’égalité hommes - femmes.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
La prévention de la pénibilité, c’est le deuxième aspect, pour être précis, c’est L 138-29-31 du
code de la sécurité sociale, issu toujours de la loi du 9 novembre 2011, avec une circulaire
assez intéressante du 28 octobre 2011. Là encore on se situe sur le lieu, le moment et l’objet
de cette obligation, le lieu c’est effectivement toujours le même, c’est-à-dire, toutes les
entreprises d’au moins 50 salariés, y compris les groupes et sociétés qui comportent 50
salariés.
Alors, toutes les entreprises doivent être couvertes par un accord d’entreprise ou de groupe
sur le thème de la prévention de la pénibilité ou par un plan d’action établi au niveau de
l’entreprise, après avis du CHSCT ou, à défaut des délégués du personnel. L’accord, on est
sur une disposition triennale, c’est-à-dire d’une durée de trois ans, doit traiter de sujets
obligatoires.
Nous avons un thème obligatoire parmi deux, soit la réduction des polyexpositions aux
facteurs de pénibilité, c’est-à-dire lorsque concrètement un salarié exposé à plusieurs risques,
l’objectif n°1 des thèmes est de faire en sorte qu’il soit exposé à moins de risques ou encore
l’aménagement ou l’adaptation du poste de travail.
Donc l’employeur qui souhaite conclure un accord ou prévoir un plan d’action, doit choisir au
moins un des deux thèmes, et deux autres thèmes parmi, pour être précis, l’amélioration des
conditions de travail, notamment au plan organisationnel, le développement des compétences,
l’aménagement des plans de carrière, le maintien en activité des salariés exposés aux facteurs
de pénibilité.
Alors, c’est le même développement des étapes, chaque thème est assorti d’objectifs
chiffrés, dont la réalisation et la mise en place sont assurées au moyen d’indicateurs qui
peuvent être communiqués au CHSCT ou à défaut aux délégués du personnel.
Nous sommes toujours sur une date limite au 1er janvier 2012.
S’agissant des sanctions, c’est le même mécanisme que celui précédemment expliqué, c’est-àdire, mise en demeure de la DIRECCTE, réponse de l’employeur, et à défaut de réponse, ou
réponse insatisfaisante, notification d’un taux de pénalités, donc avec une possibilité pour la
DIRECCTE de voir sur le terrain pour revoir à la baisse le taux de pénalité, quels ont été les
efforts de l’employeur pour prévenir la pénibilité du travail.
Pour être précis, la pénalité est déclarée et elle est versée soit à l’URSSAF soit à la MSA,
selon les comptes cotisants, les accords aux plans d’action existants, alors il y a une
spécificité, les accords aux plans d’actions existants, au 9 juillet 2011, sont réputés, jusqu’à
leur expiration dans la limite de trois ans, répondre aux obligations en matière de prévention,
c’est-à-dire, lorsque existe un accord de groupe ou de branche qui est relatif à la prévention
de la pénibilité, l’entreprise est exonérée de l’obligation de mettre en place un accord ou un
plan d’action. Il s’agit de dispositions émanant des décrets du 7 juillet 2011.
Le troisième point, c’est l’emploi des seniors.
Le lieu, c’est identique, toujours des entreprises d’au moins 50 salariés ou des groupes ayant
50 salariés réunis, qui sont soumis à cette obligation de négocier sur le thème de l’emploi des
seniors ou à défaut de mettre un plan d’action et cela à compter du 1er janvier 2010.
Il y a une juxtaposition de la négociation, on présume que les entreprises de 50 à 300 salariés,
par un accord de branche validé par le Ministère du Travail et étendu par le même Ministère,
relatif à l’emploi des salariés âgés, sont exonérées de cette obligation, donc après, on décline,
en cas d’absence d’un tel accord de branche, c’est-à-dire nous passons par un accord
d’entreprise et c’est à défaut d’accord d’entreprise, que nous passons par un plan d’actions.
Voilà, une petite distinction, c’est effectivement pour les entreprises de plus de 300 salariés le
fait d’avoir un accord de branche n’exonère pas celles-ci, on passe donc tout de suite à l’étape
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
suivante c’est-à-dire la conclusion d’un accord d’entreprise. L’existence d’un accord de
branche n’exonère pas l’employeur de son obligation de mettre en place soit un accord
d’entreprise, soit un plan d’action.
Nous avons la mise en place d’objectifs chiffrés de maintien dans l’emploi ou de recrutement
de salariés âgés, parmi plusieurs domaines d’actions, avec des modalités de suivi et des
indicateurs chiffrés qui permettent de vérifier la mise en œuvre, le suivi et la réalisation des
objectifs . Pour être précis et juridique, l’accord doit prévoir au moins trois dispositions
favorables aux seniors, aux personnes âgées, à savoir :
recrutement, anticipation de l’évolution des carrières professionnelles, amélioration
des conditions de travail, prévention des situations de pénibilité, développement des
compétences et qualifications et accès à la formation, aménagement des fins de carrières,
transmission du savoir et tutorat.
Donc, quand je parlais de l’obligation de bien négocier, le législateur va jusqu’au bout, c’està-dire que, l’intitulé des domaines, tels qu’ils ont été cités dans le code du travail, doivent
effectivement apparaître à l’identique dans les accords d’entreprises ou dans les plans
d’actions.
S’agissant de l’emploi des seniors, nous avons une souplesse administrative, à savoir que le
1er janvier 2010 est devenu 1er avril 2010, pour les entreprises de 50 à 300 salariés.
La pénalité est elle toujours identique, c’est l’article L 138–24 du Code de la Sécurité Sociale
qui prévoit une pénalité de 1%.
Le mécanisme de la mise en œuvre de la sanction, c’est-à-dire, la mise en demeure par la
DIRECCTE avec une demande de mise en place d’un accord ou d’un plan d’actions ou
rectifications ou modifications, réponse de l’employeur et à défaut de réponse, notification
d’un taux de pénalité avec demande à l’employeur de sa base de calcul, à savoir rémunération
versée à tous les salariés sur les périodes concernées.
Le dernier point c’est effectivement l’emploi des handicapés, là on est dans une logique un
peu différente parce que contrairement aux trois thèmes précédemment évoqués, nous
sommes sur une obligation qui est peut-être la plus ancienne d’un point de vue chronologique,
juste après les lois AUROUX de 1982, via l’élaboration d’une première obligation en juillet
1987, où l’on prévoyait une obligation qui est sanctionnée indirectement par une contribution
à l’AGEFIPH.
Ce n’est qu’en 2005, qu’on a vu apparaître une obligation de négocier, donc nous avons une
logique inversée où nous avions en 1987 une incitation financière, puis en 2005, une
obligation de négocier sur ces thèmes
C’est la différence sur les trois thèmes précédemment choisis. Il s’agit d’une obligation
d’emploi pour tous les employeurs de plus de 20 salariés au 31 décembre de l’année « N » qui
concerne à la fois les travailleurs handicapés, mais également les mutilés de guerre et
assimilés, en sachant que c’est arrondi à l’entier inférieur. Donc, toute entreprise a
l’obligation de se mettre en conformité dans un délai de trois ans, c’est-à-dire, une proportion
de 6% des effectifs et le nombre de bénéficiaires ainsi déterminé étant arrondi à l’entier
inférieur, mais peut-être que pour certaines entreprises, lorsqu’on est juste au dessus du seuil
de 20 salariés, l’entier inférieur peut faire la différence.
Voilà pour cette idée, et finalement, peut-être parce que c’était en 1987 et non pas en 2008,
qu’on constate une différence fondamentale
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Le paiement de la contribution à l’AGEFIPH est une des possibilités qu’a offert le législateur
pour s’acquitter de son obligation et ne doit pas nécessairement être perçue comme une
sanction… la différence certes étroite est bien réelle.
L’employeur peut effectivement employer les bénéficiaires de cette obligation, travailleurs
handicapés, mutilés de guerre et assimilés, accueillir des stagiaires de la même manière,
acheter des fournitures ou des prestations de service ou verser une contribution annuelle, donc
on n’est plus tout à fait sur la logique « je constate une carence, on vous sanctionne ».
Autre précision importante et différence fondamentale, la contribution annuelle à l’AGEFIPH
va directement aux personnes handicapées.
La dernière possibilité pour un employeur de participer à son obligation légale de l’emploi des
handicapés, on revient sur ce qui à été dit précédemment, c’est d’appliquer un accord
collectif qu’il soit agréé ou non prévoyant la mise en œuvre d’un programme d’action en
faveur des travailleurs handicapés, cela c’est la loi qui intervient le 11 février 2005, qui
effectivement inscrit dans la NAO l’obligation des employeurs de négocier tous les ans au
niveau de l’entreprise et tous les trois ans au niveau de la branche, dans le but de favoriser la
prise en compte de la question du handicap.
Je ne reviendrai pas sur cette problématique et cette réflexion générale, la question du
handicap dans les entreprises et non plus d’y apporter une réponse ponctuelle où depuis 1987,
beaucoup d’employeurs s’estimaient exonérés de cette obligation en payant certes une
contribution, qui était peut être importante pour certains employeurs, mais finalement ils ne se
posaient même pas la question de ce que qu’ils pouvaient faire pour les travailleurs
handicapés dès lors qu’ils payaient effectivement cette contribution.
Finalement, je pense qu’en 2005 le législateur a voulu inciter les employeurs à réfléchir sur la
question de l’intégration au-delà de cette contribution ; c’est vraiment deux aspects totalement
différents, nous avons soit un accord de droit commun, soit un accord agréé, afin de
permettre à l’employeur de s’acquitter de cette obligation.
L’accord de droit commun doit être signé dans l’entreprise avec les partenaires sociaux, il doit
traiter des conditions d’accès à l’emploi, l’évolution de l’emploi, les aménagements de postes,
le maintien à l’emploi des personnes handicapées, alors que l’accord agréé est lui, prévu par la
loi, comme une modalité supérieure de réponse, sa conformité est vérifiée par les services de
l’Etat et cet accord doit prévoir, en tout état de cause, un plan d’embauche.
C’est beaucoup plus précis avec d’autres plans d’actions, à savoir insertion, formation,
adaptation aux mutations technologiques et maintien en cas de licenciement ; petite précision,
si un employeur vient à conclure cet accord agréé, vérifié par l’administration, les
conséquences financières seront effectivement bien présentes, puisque l’entreprise cesse de
contribuer à l’AGEFIPH et l’entreprise signataire ne peut plus bénéficier de ces aides,
qu’elles soient directes, s’agissant de l’aménagement des postes de travail, primes à
l’insertion, etc. …
S’agissant des sanctions, nous sommes sur la contribution de l’employeur, qui s’effectue le
15 février de l’année passée, (année N+1), nous sommes à 400 X SMIC par salarié, qui
n’est pas recruté et répondant à l’obligation légale pour les entreprises de 20 à 199 salariés.
500 X SMIC pour les entreprises de 200 à 749 salariés et 600 X SMIC pour les entreprises de
plus de 750 salariés. Nous avons effectivement pour les employeurs récalcitrants, une sur
contribution : si pendant 3 ans, il n’y a aucune mesure en faveur de l’emploi des handicapés,
notamment aucun emploi même minime de salariés handicapés, on passe à 1500 fois le SMIC
par salarié non embauché.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Il existe une exonération de cette contribution qui peut se faire par la négociation
d’entreprises et des accords de branche d’entreprises ou même d’établissements qui
prévoiraient la mise en œuvre d’un programme annuel en faveur des travailleurs handicapés.
Cela me permet de conclure et l’exposé de M. Naboulet m’a permis de faire cette conclusion
sur ce point: on voit que les employeurs sont de plus en plus tenus par la main jusqu’à la
signature des accords d’entreprise voire des plans d’action et qu’il y a peu malheureusement
peu ou moins d’initiatives.
Est ce que il y a effectivement une perte du pouvoir des syndicats et donc le législateur a
voulu récupérer un peu la main sur cette négociation ?
En tout cas, il y a encore quelques années, voire quelques décennies, on parlait facilement
d’entreprises « précurseurs » sur certains thèmes de l’emploi, aujourd’hui ou dans quelques
années, lorsque chaque employeur aura rempli ses obligations, telles qu’éditées par le
législateur, est-ce que l’on pourra encore trouver des entreprises précurseurs ? C’est une
question, et ma dernière réflexion, c’est effectivement sur ce concept de partenaires sociaux,
puisque l’employeur perçoit dans ses partenaires sociaux des sources d’avantages au gré des
incitations et des obligations de conclure, ils perçoivent peut-être ces partenaires sociaux,
comme des partenaires financiers qui permettent simplement d’éviter des pénalités financières
et cela risque de perturber grandement le dialogue social au sein de l’entreprise. On revient
sur la qualité de ce qui se fait, quand vous voyez des modèles comme l’accord sur l’emploi
des seniors, il suffit de faire un plan d’action avec les employeurs, évidemment la qualité
n’est pas au rendez-vous, mais tout le monde sur le papier est content. Je me pose des
questions et je ne suis pas le seul, sur la place aujourd’hui et demain des partenaires sociaux, à
fortiori à l’intérieur des entreprises sur la perception qu’a l’employeur des partenaires sociaux
et peut-être inversement à savoir la perception de l’employeur par les partenaires sociaux.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
Je pense que ce sont des exposés qui se complètent parfaitement, notamment sur ce que vous
avez appelé les nouvelles formes d’actions de l’Etat. Ce que j’ai retenu d’abord qu’il y avait
quand même une prise par la main par l’Etat, j’ai noté qu’il y a pas mal de marges de
négociations. Je n’avais pas conscience de cela, j’ai découvert qu’en tant qu’employeur,
maintenant, on pouvait quand même négocier à peu près tous les accords que vous avez
énumérés en faisant un petit chantage à l’emploi par rapport au Directeur Régional de
l’emploi.
C’est assez intéressant pour les employeurs, puisque évidemment dans la phase de
négociations plus respectables et ensuite est-ce que l’action et les sanctions vont s’enclencher.
Je mets dans la balance, en tant qu’employeur, les emplois qui vont être supprimés.
A mon avis les Directeurs Régionaux sont assez sensibles à ce type d’arguments. J’ai noté
aussi qu’il y avait des accords qui pouvaient être conclus sur ces thèmes, mais quand l’accord
ne pouvait pas être conclu, on pouvait se débrouiller autrement, notamment par le plan
d’action ou le plan pouvait être mis en place autrement que par l’accord, je trouve que c’est
un affaiblissement de la négociation d’entreprise.
D’un côté, on dit les partenaires sociaux doivent, mais si les partenaires sociaux sont réticents,
on peut se débrouiller autrement, c’est quand même intéressant au niveau de l’articulation du
droit, je ne l’avais jamais compris comme cela. J’ai trouvé l’accord qui permet d’économiser,
c’est l’accord sur les personnes handicapées, je conclus un accord, je suis exonéré de la
cotisation à l’AGEPHIP comme nouvelles fonctions, je caricature, mais c’est quand même
intéressant et puis je découvre une nouvelle articulation de l’accord de branche et de l’accord
d’entreprise que je n’avais jamais perçus comme cela, c’est-à-dire, dès qu’il y a un accord de
branche, fut-il relativement général, je n’ai plus besoin de conclure un accord d’entreprise, et
on revient effectivement sur cette qualité des accords qui me semble quand même un peu
central.
L’accord de branche en quelque sorte, et les conclusions de négociations d’entreprises, sont
intéressants aussi au niveau de l’articulation, mais on est déjà dans le prochain thème, cela
me permet la transition sur la négociation collective à l’AGIRC, évidemment, comme vous le
savez, le premier accord sur les retraites complémentaires des cadres a été conclu en 1937,
dans la métallurgie, par l’UIMM, cela me permet de faire un lien avec le lieu dans lequel nous
nous trouvons, disons que c’est un accord innovant. Je laisse la parole à Aude PINGUENET.
Aude PINGUENET, Juriste Déléguée Fédérale Force Ouvrière de la Métallurgie
Merci. Je m’appelle Aude PINGUENET et je suis Déléguée Fédérale à la Fédération Force
Ouvrière de la Métallurgie. Vous parliez justement de branches précurseurs,
traditionnellement, on peut dire que la métallurgie était - je dis bien était- une branche
précurseur en matière sociale, avec des dispositifs toujours à la pointe, repris ensuite par la
loi. C’est d’ailleurs le sens de la négociation collective, les rapports entre les deux : la
négociation de branche instituait de nouveaux droits, ensuite repris par la loi,
traditionnellement c’est dans ce sens là que cela se passait.
J’ai la chance de pouvoir observer à la fois ce qui se passe dans les entreprises, puisque je
conseille les équipes syndicales, mais également les négociations au niveau de la branche,
puisque je participe aux négociations de branche, dont la plus récente dont vous avez
certainement entendu parler, sur la pénibilité qui a donné lieu à constat de désaccord. C’est
la première fois dans l’histoire de la branche ; ce sujet tombe donc à propos.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
L’avis de la fédération sur cette question est qu’en dix ans, nous sommes passés d’obligations
de négocier, on l’a vu, à de véritables obligations de conclure.
Je m’explique bien sûr, ce n’est pas une obligation de signer, mais une obligation de finir la
négociation, de la clôturer d’une manière ou d’une autre, par des plans d’action, des accords,
voire des constats d’échecs. L’essentiel étant que la négociation soit terminée, que le sujet soit
clos. Donc, on va arriver à des prises de position, des textes, des engagements que les
pouvoirs publics vont ensuite pouvoir utiliser, soit comme outils, on l’a vu, de leur politique
ou bien comme justification, voire légitimation de leur action : « soit il y a un accord, et on
peut y aller. Soit il y a eu échec, il faut reprendre la main, car les partenaires sociaux
n’arrivent pas à se mettre d’accord ». Là aussi, c’est de la caricature, mais on n’est pas si loin
de la réalité…
Officiellement, ces incitations sont faites pour favoriser « le dialogue social », la norme
négociée plutôt que la norme imposée, coller au mieux aux réalités du terrain d’entreprise,
renforcer la légitimité des «partenaires sociaux ».
Mais pour nous, c’est symptomatique d’un discours totalement en contradiction avec les faits
: nous avons un Etat qui ne cesse de réclamer des syndicats forts, un dialogue social riche, des
syndicats autonomes, suffisamment légitimes pour négocier des accords se substituant à la loi,
dans l’intérêt bien compris des salariés, qui participent ainsi pleinement à l’élaboration de la
norme qui leur sera appliquée dans l’entreprise. Discours …
Au final, nous avons des dispositifs :
- qui affaiblissent les syndicats dans leur rôle de négociateurs au profit des élus du personnel
de l’entreprise,
- qui obligent au « dialogue social» sur des sujets qui relèvent plus de la responsabilité de
l’Etat ou de l’entreprise plutôt que de celle des syndicats. Par exemple : la question des
seniors, qui est une question de Société ; la pénibilité qui est une obligation de l’entreprise,
(la prévenir, préserver la santé des salariés…). Toutes ces questions qui vont occuper les
négociateurs qu’elles ne sont pas forcément des questions cruciales et stratégiques pour les
salariés ; questions de sociétés importantes, certes, sur lesquelles les syndicats ont leur mot à
dire, mais ce n’est pas ce qui préoccupe les salariés dans leur vie quotidienne à l’intérieur de
l’entreprise.
- qui biaisent des règles de négociation, avec en parallèle, la remise en cause de la hiérarchie
des normes. Hiérarchie des normes qui contribuait à rétablir une certaine égalité entre les
négociateurs. On pouvait négocier en entreprise, parce que l’on savait que l’on avait le filet de
protection de la branche. Mon accord de branche était précis, il m’accordait des droits et je ne
pouvais pas aller en deçà. Donc pour moi, cette hiérarchie était un moyen de rétablir l’égalité
des armes des négociateurs. Aujourd’hui, il n’y a plus de hiérarchie des normes, c’est fini,
M. KESSLER l’a bien mis en évidence, aujourd’hui on est dans le « tout entreprise », avec un
filet de protection dont les trous se sont largement agrandis et on a un dispositif qui va réduire
l’autonomie des négociateurs, aussi bien dans le champ de la négociation, le contenu des
accords, et les sanctions.
Pour nous, cela va de pair avec des glissements sémantiques loin d’être anecdotiques : on ne
parle plus de conflits, les salariés sont des « collaborateurs », les syndicats et les représentants
élus sont fondus dans la notion générique de « partenaires sociaux » (avant la fusion effective
des mandats ?), on ne parle plus de négociations, mais de « dialogue social », les accords
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
deviennent des «protocoles », des « accords cadres », des « plans d’action » ou même des «
positions communes »…
Ce glissement de l’obligation de négocier à l’obligation de conclure s’est fait au détriment de
la négociation et des accords collectifs, des syndicats et au final bien sûr, des salariés.
1.
Comment est-on passé de l’obligation de négocier à l’obligation de conclure ?
Je ne vais pas refaire toute l’historique, mais simplement vous dire qu’effectivement avec les
lois Auroux on était dans l’obligation de négocier. Cela a certes déclenché beaucoup de
polémiques. Négocier, pour nous en tout cas à FO METAUX, entrer en négociations c’est
avoir l’intention de conclure, or, conclure, c’est vouloir, et la volonté s’accommode mal de la
contrainte.
De plus, cette apparition des obligations de négocier s’est faite avec l’apparition de la
conception de la « négociation outil de gestion » de l’entreprise avec les accords dérogatoires
sur le temps de travail, donc c’était déjà une utilisation de la négociation collective. Les
employeurs étaient d’ailleurs demandeurs de l’obligation de négocier.
Mais ces objections mises à part, ces obligations de négocier pouvaient être un levier pour
rendre effectif le droit des salariés à la négociation collective. Sur des sujets où il y a vraiment
des conflits d’intérêts (sur les salaires, la durée du travail, c’est la pierre angulaire), on va
obliger à initier la discussion, la négociation, c’est ce que vous avez appelé des « moments de
négociation » à ritualiser.
Dans ce schéma, l’autonomie des négociateurs est respectée :
- les syndicats sont les seuls interlocuteurs possibles,
- le pouvoir de décision unilatéral de l’employeur est neutralisé durant les négociations, c’est
autre chose que de dire « vous faites ou une négociation ou un plan d’action » ; non, c’est la
négociation avec les syndicats qui est obligatoire, et seulement en cas d’échecs vous
retrouverez votre pouvoir de décider !
- il n’y a aucune obligation de résultat, bien sûr,
des procédures permettent aux organisations syndicales de faire respecter cette
obligation,
cette obligation est sanctionnée pénalement par le délit d’entrave, qui n’est pas
extérieur au processus de négociation, c’est la sanction du comportement des négociateurs et
non pas, comme on le voit avec des sanctions financières, la sanction, en fait, du non respect
de la volonté de l’Etat, on a une sanction qui est en adéquation avec l’obligation.
Là où ces obligations de négocier peuvent permettre l’exercice effectif du droit de négocier,
les obligations de conclure, pour nous, nuisent à ce droit et décrédibilisent la négociation
collective.
Aujourd’hui dans l’obligation de conclure, l’Etat cherche à infléchir les comportements, les
compromis, c’est la « négociation alibi », c’est une obligation à laquelle correspondent des
nouvelles sanctions, vous en avez eu un exposé très complet, des sanctions financières, des
menaces à l’absence d’exonération de cotisations sociales.
Il existe une autre sanction; certes, juridiquement ce n’est pas exact ce que je vais dire, mais
je l’appelle « la menace de l’adoption d’une loi », parce que ce n’est rien d’autre que cela. Je
parle ici notamment du mécanisme mis en place par la loi Larcher. On a un projet de loi et on
va dire aux syndicats, « écoutez si vous vous mettez d’accord, négociez et puis on en tiendra
compte, sauf que vous savez très bien que ce projet de loi va aller dans ce sens»…
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Aujourd’hui on est en plein dedans avec les accords « compétitivité emploi » et il faut
négocier au pas de charge, sous la menace de l’adoption d’une loi dont on connait déjà les
contours…
S’agissant des sanctions financières, elles ne pèsent apparemment que sur l’employeur, mais
on sait très bien que dans l’entreprise, ce qui est pris quelque part va se retrouver ailleurs,
c’est-à-dire que cela va peser dans les négociations futures, forcément, il n’y a pas eu de
conclusions sur tel accord, l’entreprise est pénalisée financièrement, la NAO va s’en
ressentir, c’est un calcul que font les négociateurs.
C’est donc une obligation de conclure la négociation, pas de signer, mais de conclure la
négociation par quelque moyen que ce soit, il faut arriver à un texte dont on va déterminer le
contenu. Cela sera ou un texte « outil », ou un texte « alibi ».
•
Un « texte outil », par lequel on va mettre en œuvre les objectifs définis par les
pouvoirs publics et alors au choix, et sans aucun ordre de préférence, passez par la
négociation ou le plan d’action.
C’est au choix :
ou vous passez par les organisations syndicales et là, on vous flèche le contenu de
l’accord, on vous fournit des modèles d’accords sur le site internet du ministère du travail, on
vous donne des exemples,
ou alors un accord de branche qui va vous exonérer de la négociation et surtout des
pénalités financières,
ou alors un plan d’action adopté après consultation des IRP (Institutions
représentatives du personnel), avec le même contenu finalement que les accords et là, on voit
que les plans d’action et les accords collectifs sont mis au même niveau.
Ce n’est pas le compromis que l’on recherche, mais bien le résultat ; le résultat c’est le plan
d’action, la position prise par les « négociateurs » qui justifiera la réforme à adopter, ou même
l’échec de la négociation, qui peut être recherché, ce qui rendra nécessaire la reprise en main
par le législateur.
Donc les deux formats, plan d’action et accords, sont traités sur un pied d’égalité, alors qu’ils
renvoient à des démarches radicalement différentes.
Dans la négociation collective, il s’agit de trouver un compromis acceptable parce qu’il y a
conflit d’intérêts. Dans le plan d’action, on assigne des obligations à l’entreprise qui doit
prendre la responsabilité de se donner des objectifs, des critères, de les contrôler et qui fait
cela, on ne sait pas pourquoi, avec les organisations syndicales.
On a des accords qui n’ont plus de valeur contraignante, qui fixent des objectifs pesant sur
l’entreprise mais aucune sanction en cas de non atteinte des objectifs qui sont fixés.
On a des accords qui ne sont plus des accords. On est dans un schéma totalement différent:
comment respecter la mise en œuvre de ce qui n’est pas un compromis, de ce qui n’est pas un
contrat voulu ? Ce n’est plus possible…
•
Un texte « alibi » qui va nous permettre d’asseoir une réforme.
La position commune, par exemple : position commune du 9 avril 2008, le Gouvernement a
dit qu’il fallait absolument revoir la représentativité des organisations syndicales, « cela ne va
pas du tout, cela ne marche pas pour la négociation collective, aucun résultat, bref, il faut tout
revoir », là aussi je caricature.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Il n’y a pas eu d’accord ; pourtant, on l’a appelé « position commune » et cela a fondé une
réforme, on voulait juste que la négociation ait lieu et qu’elle se conclue, c’est tout, on savait
déjà exactement dans quel sens on voulait aller.
J’attends de voir effectivement ce que va donner la négociation sur les accords « compétitivité
emploi » mais quand on voit que la loi sur la simplification du droit est entrée en vigueur et
qu’elle contient déjà le fait que les accords de modulation du temps de travail puissent
s’imposer au contrat de travail individuel, cela entame largement l’autonomie des
négociateurs…
2.
Donc pour nous, c’est un glissement qui est préjudiciable à la négociation collective,
aux accords, aux syndicats et au final, bien sûr aux salariés.
Un glissement au détriment du processus de négociation :
Ce que je vois en entreprise, c’est que cela prend énormément de temps en négociation
collective sur des sujets ardus, sur des problématiques larges qui ne les concernent pas
toujours et les dépassent même un peu ; quelquefois on sent un petit peu de découragement,
du désinvestissement, on a plus de mal à valoriser l’action du syndicat auprès des salariés…
Par exemple, les accords séniors, il y en a quelques uns qui se démarquent parce qu’il y avait
une très longue habitude de la négociation collective et on a réussi à trouver des compromis
intéressants, mais la plupart du temps, ce sont quand même des accords creux, des accords
vides, de plus en plus longs à négocier et de plus en plus vides.
Ils ont finalement du mal à valoriser leurs actions, une marge de manœuvre très restreinte,
donc on négocie dans un laps de temps très court avec des menaces de sanctions qui au final,
peuvent peser sur les salariés, et les syndicats se sentent aussi menacés par la sanction, avec
des sujets et des objectifs déjà déterminés et un contenu totalement balisé.
On a aussi une rupture d’égalité entre négociateurs, j’en ai déjà parlé, avec le renversement de
la hiérarchie des normes ; cela contribue aussi à la perte d’autonomie des syndicats dans la
négociation et puis on a une mise en concurrence des syndicats, avec un plan d’action qui
n’est plus subsidiaire, mais sur un pied d’égalité avec les accords collectifs. Donc on confond
les syndicats et les élus du personnel.
Au final, on fabrique une culture de l’échec. Tout est mis en œuvre pour que, de toute façon
on produise des accords vides et creux ou bien on échoue dans la négociation, à savoir un
glissement au détriment du tissu contractuel et conventionnel. Donc on voit de plus en plus
des accords à durée déterminée, or dans notre tradition de la négociation collective, ce sont
toujours des accords à durée indéterminée, l’engagement sur la durée avec la possibilité de
dénoncer, certes je m’engage à quelque chose qui va me coûter, (je me place du côté de
l’entreprise), mais je peux me rétracter, c’est cette porte de sortie qui me permet de
m’engager.
Au niveau de la branche. On l’a vu, cette obligation de conclure va de pair avec une
transformation de la valeur des accords de branche du fait des réformes successives de la
négociation collective (2004, 2008). Donc, on a de plus en plus des accords « cadre », des
lignes directrices, des encouragements mais plus beaucoup d’accords contraignants.
La branche c’est un peu, on l’a vu, le lieu où l’on peut signer des accords qui vont exonérer
des entreprises de 50 à 300 salariés de signer des accords d’entreprise.
Cela a marché pour l’accord sur les seniors en décembre 2009, encore une fois peut-être parce
que c’était le début de ce genre de mécanismes d’obligation, parce que l’on a pu faire une
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
ouverture sur la pénibilité. En revanche, pour la négociation sur la pénibilité, cela a été
l’échec. Après des mois de négociations, nous étions arrivés à un projet d’accord d’une
cinquantaine de pages, qui ressemblait à un guide à l’usage des entreprises, pour respecter
leurs obligations en matière d’hygiène et sécurité. On avait demandé un fonds mutualisé de la
branche pour justement traiter des situations de pénibilité subie ; il n’y a pas eu de possibilité
de parvenir à un accord.
C’est la première fois dans l’histoire de la branche métallurgie qu’il y a eu un échec total de
la négociation. Quand même c’est relativement symptomatique et l’on peut se demander
pourquoi tout cela ? La question est ouverte.
Je pense qu’une partie de la réponse réside dans la volonté d’institutionnaliser les syndicats,
de les mettre au pas, et au final, quelque chose que j’estime excessivement dangereux, c’est
que les mécanismes de négociation collective se sont construits avec le temps, c’est le fruit
d’un compromis historique difficile. Le détruire, c’est rendre impossible un retour en arrière
et parvenir à une distension profonde des rapports sociaux. Je vous remercie de votre
attention.
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Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
On a encore un peu de temps pour des questions réponses. La parole est à vous, si vous avez
des questions !
DE LA SALLE
J’ai été frappé par la manière dont M. Naboulet a exécuté en une demie phrase ce que
j’estime le centre du débat. Le centre du débat c’est la négociation collective, c’est-à-dire, la
conclusion du contrat ; le contrat en principe, c’est la loi des parties, en l’occurrence, c’est un
contrat collectif, c’est-à-dire, les travailleurs et les employeurs donnent mandat à leurs
représentants syndicaux de négocier à leur compte, cela c’est le droit du contrat qui existe en
Allemagne, en Scandinavie, presque partout.
En France, c’est le législateur qui a délégué les pouvoirs de négocier aux syndicats, ce ne sont
pas ou, seulement à titre secondaire, les adhérents des syndicats qui délèguent le pouvoir de
négocier à leurs représentants syndicaux.
Le législateur a délégué les pouvoirs de négocier aux syndicats de salariés, pour les
employeurs c’est différent, c’est résumé dans une phrase du code du travail : c’est lorsque
l’employeur est lié par un accord collectif, cet accord s’applique à l’ensemble des travailleurs
qu’il emploie ; résultat ce n’est pas la peine d’être syndiqué pour bénéficier du contrat
collectif, on a donné un pouvoir de légiférer, de négocier, donc d’appliquer une norme soit au
niveau de l’entreprise, soit au niveau de la branche, soit à un niveau plus élevé. A partir de là,
vous avez 5% de syndiqués, divisés en cinq confédérations syndicales, dont chacune jusqu’à
présent avait le pouvoir à elle seule de négocier, mais maintenant il va y avoir d’autres
dispositions à partir de 2013, c’est cela la clef du problème.
L’Etat se défausse sur les syndicats pour réglementer les questions, seniors, handicapés, et
autres. Donc après, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait une obligation pour les employeurs de
venir à la table des négociations et voire une obligation de conclure.
A mon avis, c’est normal que les allemands ou d’autres, trouvent cela extraordinaire. Cela ne
peut pas exister chez eux, on est dans le cadre du contrat collectif et non pas dans le cadre de
la réglementation déléguée aux organisations syndicales. Voilà pour moi le point pour moi
central du débat, je ne vais pas schématiser, ni aller trop loin, mais c’est à cela qu’il faudrait
s’intéresser, qu’on explore si je puis dire, par rapport aux droits de la négociation collective,
dans d’autres pays notamment européens.
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
On a un sujet pour une prochaine rencontre. Effectivement, je crois que c’est un sujet
intéressant et cette évolution est tout à fait frappante. Comment faire pour revenir à l’essence
du dispositif , comme vous l’avez souligné, c’est pas évident, parce qu’effectivement, on
n’est plus dans le contrat, on est dans la négociation, la rencontre de volontés de deux parties,
puisque tout est contraint, ou tout semble être contraint, ou le contrat occupe une telle place
que la libre volonté, souvent on n’a pas le temps ou c’est trop…
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
DE LA SALLE
Deux observations :
la première, vous avez fait référence à la loi de 2008 sur la représentativité, je suis un
peu étonnée que vous n’ayez pas développé l’impact de cette loi sur le sujet de la
négociation, la conclusion de négociation puisque justement il y a eu des élections
modifiant le paysage syndical, puisque au moins une organisation syndicale a perdu son
caractère de représentativité ce qui évidemment pose des questions à la fois pour les
négociations de la révision d’un accord, cela pose aussi des questions en terme de
rééquilibrage, de remodelage, je ne sais pas quel terme employer, le paysage syndical, l’enjeu
syndical, est modifié du fait de cette loi, bien entendu, mais un peu partout dans les
entreprises françaises. Je pense que c’est encore un peu tôt pour analyser l’impact de cette loi,
mais il y a un marasme, comment les syndicats entre eux se mettent d’accord ou non
d’accord.
La deuxième observation, parce que je le constate à France Télécom, c’est que pour
des raisons un peu particulières, j’ai l’histoire récente de l’entreprise, il y a eu une très forte
activité de négociations depuis 2 ans avec des accords importants qui ont été signés, comme
l’accord sur les risques psychosociaux, sur la conciliation vie privée vie professionnelle, sur
l’emploi des travailleurs handicapés, toute une série d’accords extrêmement importants qui
seront intégrés dans ce que l’on appelle le nouveau contrat social dans l’entreprise, donc c’est
effectivement un temps important, cela représente une activité extrêmement intense, à la fois
pour l’employeur en tant que négociateur, l’équipe qui négocie, mais aussi pour les
représentants syndicaux qui sont dans cette activité là et il y a une forme d’inflation, quand
même, dans la négociation. Il y a la négociation, il y a le suivi des accords, et le suivi de ces
accords, c’est également des conditions de suivi qui représentent un certain temps. Voilà les
deux observations après vous avoir entendu.
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
Je suis effectivement très intéressé, mais je crois que le mot a été prononcé, « négociation
permanente». Vous confirmez en quelque sorte, le poids et le temps que cela prend et le
repositionnement des partenaires sociaux dans l’entreprise, en tout cas les très grosses
entreprises et effectivement alors je pense que la loi de 2008, on a aujourd’hui du mal à
l’évaluer. Je pense que c’est le premier étage d’une fusée qui en comporte un plus grand
nombre de restructurations complexes, probablement pourquoi pas à l’américaine, avec un
système de mécanismes au niveau de l’entreprise, la branche ayant disparu complètement et ,
on a des représentants élus, les seuls légitimes dans l’entreprise, pour représenter pendant une
période déterminée, aura basculé dans quelque chose qui ressemble beaucoup, avec ce
phénomène contradictoire de défaussement de l’Etat d’un certain nombre de tâches. Ce sont
toujours ces relations ambigües avec l’Etat quand il fait son travail.
DE LA SALLE
Donc, effectivement, juste pour alimenter un peu sur le paysage de la branche, parce qu’au
départ, effectivement, on glisse très souvent, quand on parle de négociations collectives
d’entreprises, or il y a une négociation de branches, qui statistiquement concerne plus de 50%
des salariés qui travaillent, puisque l’on a effectivement les syndicats ;on sait très bien qu’au
niveau des entreprises ce sont elles qui embauchent.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Donc, en théorie, au départ, on peut dire que la branche permet d’avoir une relation
contractuelle entre les salariés et les employeurs. Les difficultés que l’on rencontre, sont de
deux ordres, quand on parle d’incitations, quand on parle de sanctions, à ma connaissance, on
ne sait pas incite, ni sanctionner les branches, parce qu’il n’y a pas de contrôles, en plus, les
sanctions souvent de la défaillance, se sont répercutées sur l’entreprise, parce que l’entreprise
n’a pas d’accords de branche. Ce que je dis est factuel, ce n’est pas à 100% parce que l’on est
dans un espace de discussions, enfin c’est pour apporter cet élément là, pour le reste, je
partage assez ce que dit madame, c’est une première chose ; ensuite, un deuxième élément,
où lorsque l’Etat considère que la branche ne négocie pas assez, notamment sur les salaires,
une grande partie de notre travail c’est l’instauration de ce que l’on appelle les commissions
mixtes paritaires. L’Etat convoque les partenaires sociaux. Vous évoquiez, pour leur dire, je
vous demande de négocier sur les salaires, parce que j’ai constaté que votre branche,
d’ailleurs souvent, c’est une majorité de branches, ne renégocie plus sur les salaires, à tel
point qu’on a des grilles de salaires qui sont bien en de çà du SMIC.
Ce sont des opérations qui ont eu lieu au début de l’année 90, des années 2000-2005, je crois
et cela a relancé un interventionnisme où au delà de la réglementation. On convoque avec une
obligation de moyens et pas de résultat également, parce que là l’Etat est dans une posture de
médiateur, de conciliateur, ce n’est pas lui qui va rédiger l’accord, mais on est au milieu entre
employeurs et salariés, commission mixte désignée par le ministre et qui a pour mission de
concilier tout cela et de faire en sorte que cela débouche.
Par contre petite particularité, étant entendu aussi que lorsque l’on parle de particularité, mais
la mission de branches, me semble-t-il est assez spécifiquement française.
Tout ce qui est francophone, que l’on retrouve moins ailleurs, où c’est davantage l’entreprise
qui a la main sur l’application de la réglementation, sur la création du droit conventionnel
de la branche avec des périodes où l’on dit que la branche ne sert plus à rien, cela ne marche
plus, bon, au fil des évènements, évidemment moins d’incitations où on revoit des accords
dans la négociation collective chaque année, on voit bien qu’ en même temps c’est contrarié
ou on amenuise les conséquences de ces actes, en donnant plus de pouvoirs aux entreprises,
en supprimant effectivement la hiérarchie des normes pour maintenir quelque chose qui reste
peut-être assez flou.
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
Très intéressant cet apport aux entreprises de l’aide de l’Etat.
DE LA SALLE
Deux remarques, une peu provocatrices, mais quand même, sur les discussions à la fois
seniors et pénibilité, qu’il faut relier je crois, finalement dans les faits cela ne pouvait pas
fonctionner comme il faut. Parce que, l’objectif des pouvoirs publics c’est quoi ? C’est
d’avoir plus de seniors au travail, l’objectif des seniors, je ne généralise pas, mais c’est
d’avoir des conditions de pré retraite finalement, ce n’est pas évident de trouver un accord sur
deux objectifs qui sont fondamentalement assez généralement séparés.
Autre question qui n’est pas très intéressante, c’est le rapport entre la loi et la convention. Je
ne suis pas admiratif du système allemand, ou autre, je ne le critique pas, je vois
qu’aujourd’hui une revendication du mouvement syndical allemand et sans doute autrichien
aussi, qui sont liés, c’est aussi d’avoir un SMIC.
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
Or, notre système de relations, je parle sous le contrôle de Francis Kessler, les relations
convention-loi, finalement il remonte la loi du 11 février 1950 ; il a créé d’autres choses si je
ne me trompe pas, à la fois la possibilité de négocier des conventions collectives à tout niveau
et aussi la création de ce que l’on appelait le SMIG à l’époque, ce qui a précédé le SMIC ; on
est passé d’un minimum garanti à un minimum dit de croissance, en plus de cela on met dans
la constitution et c’est la loi du 11 février 1950, cadrez bien cela, une formulation, je crois que
c’est dans la constitution de 1958, je crois même que c’était dans celle de 1946, qui indique
que la loi définit les conditions générales des contrats, quelque soit le type de contrat, contrat
commercial ou contrat pour les relations du travail ; maintenant on n’en est plus là, avec les
obligations de négocier et les obligations de conclure ! La loi ne définit pas les conditions
générales du contrat, elle définit le résultat des contrats. Je crois que cela c’est une vrai
question, qui télescope aussi la hiérarchie des normes.
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
Cela dit, je suis tout à fait d’accord, ce changement de fonction de la loi ne se manifeste pas
seulement dans le champ du travail, il se manifeste également dans d’autres endroits et dans
les services publics, où l’on reconnaît les mêmes mécanismes de résultats chiffrés avec des
objectifs.
Antoine NABOULET, Chargé de mission – Centre d’Analyse Stratégique
J’avais envie de compléter et de réagir sur deux points :
vous avez évoqué les caractéristiques du système français, mais justement, dire les
obligations ce n’est pas un truc exotique chez nous, cela prend vraiment sens et corps par
rapport à tout un fonctionnement ; les règles de négociations, le rôle des syndicats, etc. Je ne
vais pas développer, mais c’est là que se situe le vrai débat, c’est-à-dire le fonctionnement de
la négociation collective et les obligations de négocier, c’est juste une technique à la marge
qui s’insère dans cette logique là.
Un autre point sur lequel je reviens, c’est effectivement l’interdiction du rapport entre
la loi de 2008 et ses effets sur la négociation et aussi éventuellement les liens avec les
obligations de négocier. Pour le moment on ne sait pas trop évaluer quels sont les effets de la
loi de 2008, déjà sur le paysage syndical, c’est compliqué, mais sur le deuxième temps,
effectivement qui est la négociation dans le nouveau paysage syndical reconfiguré
techniquement, on a du mal à avoir des généralités, on a éventuellement des témoignages
d’entreprises où les choses ont bougé, mais difficilement avoir des généralités. Je pense, que
c’est intéressant de voir comment effectivement cette loi qui a changé les règles de la
négociation, vient s’articuler avec les obligations de négocier, parce que sur ce plan là du
droit et des règles de la négociation obligatoire, elles ne peuvent pas changer et évoluent à
leur rythme de façon dissociée comme si on n’avait pas de jurisprudence dans la matière. On
établit un lien entre ces deux plans, la réforme de 2008, les règles de négociation, la validité
des accords, qui peut négocier et de ce côté ces règles d’obligations de négocier notamment
la première d’entre elles qui dit : « obligation de négocier avec les entreprises où il existe des
délégués syndicaux représentatifs ». Or la notion de délégués syndicaux représentatifs a
changé, quel est l’impact notamment de la loi de 2008 sur le champ d’application de
l’obligation de négocier, de ce lien là, qui est lié aux interlocuteurs, au rôle des élections,
effectivement des élus, des délégués syndicaux. Donc se pose l’obligation de négocier qui
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Rencontre du 20 mars 2012– De l’obligation de négocier à celle de conclure
reste encore très fortement axée là ou il y a des syndicats pour négocier une sorte de
monopole syndical. Je crois qu’il y a un travail de réflexion, notamment sur l’argument
juridique, pour voir quels sont les interactions, les effets et peut-être les conséquences de la
loi de 2008 sur l’application et l’effectivité des obligations de négocier… !
Francis KESSLER, Maître de Conférences à l’Université de Paris 1
Je crois effectivement que la représentativité à durée déterminée, en quelque sorte instaurée
par la loi, que cela va impacter très fortement les négociations. Dans la grande distribution par
exemple, on voit apparaître de nouvelles organisations syndicales, que l’on ne connaissait pas
auparavant, extrêmement radicales, qui posent problème et remettent complètement en cause
tous les accords passés.
Je vais me permettre de clôturer la séance, on a dépassé l’heure, mais je crois que c’était très
intéressant et que cela donne aussi matière, on a au moins repéré deux ou trois sujets de
discussions futures, on est loin d’avoir clos le sujet même si on clôture la matinée
d’aujourd’hui. Merci et à bientôt.
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