13.1.Longueuil c Ste..
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Longueuil (Ville de) c. Ste-Marie Automobiles ltée 2013 QCCM 111 COUR MUNICIPALE DE LA VILLE DE LONGUEUIL 2013 QCCM 111 (CanLII) CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE LONGUEUIL NO : 10-17166 DATE : 28 mai 2013 SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE JUGE PIERRE-ARMAND TREMBLAY, J.C.M. VILLE DE LONGUEUIL Poursuivante c. STE-MARIE AUTOMOBILES LTÉE Défenderesse JUGEMENT I. MISE EN CONTEXTE DE L’INFRACTION [1] On reproche à la défenderesse l’infraction suivante : « Propriétaire d’un VR l’a laissé circuler alors que l’immatriculation atteste un usage autre que celui qui est réellement fait. » [2] Dans le présent jugement, à moins d’indication contraire, tous les soulignements sont du Tribunal. Page 1 sur 21 FAITS [3] Les faits dans la présente affaire ne sont pas contestés. [4] Un directeur commercial de la compagnie défenderesse, un concessionnaire automobile, est intercepté à 1 h 55 du matin le 11 avril 2010, alors qu’il circule sur la Montée Saint-Hubert à Saint-Hubert à bord d’un véhicule appartenant à la défenderesse et immatriculé d’une plaque amovible, communément appelée « plaque X ». [5] Habituellement, les représentants1 de la compagnie défenderesse sont autorisés à utiliser, pour des fins personnelles, des véhicules dits « de courtoisie ». [6] Le soir de l’infraction, aucun véhicule de courtoisie n’est disponible. La défenderesse permet à son directeur commercial d’utiliser un autre véhicule dont elle est propriétaire et à y apposer une plaque amovible. C’est ce véhicule qui sera intercepté au milieu de la nuit. [7] Il est admis que les droits d’immatriculation de cette « plaque X » sont dûment payés et que le commerce est parfaitement en règle eu égard au Code de la sécurité routière 2 (ci-après « C.s.r. »). [8] Le litige qui porte exclusivement sur des questions de droit mettra en scène les dispositions suivantes du Code la sécurité routière et de ses règlements à propos des immatriculations de type « X ». [9] D’abord, l’article 10.2 C.s.r. : « 10.2. Malgré les articles 10 et 10.1, l'immatriculation de certaines catégories de véhicules routiers prévues par règlement peut s'effectuer par l'inscription, dans le registre de la Société, des renseignements prévus par règlement relativement à ces catégories de véhicules et aux personnes qui satisfont aux conditions prévues par règlement pour obtenir cette immatriculation. La Société délivre alors un ou plusieurs certificats d'immatriculation et plaques d'immatriculation amovibles. Un véhicule de l'une des catégories visées au premier alinéa est immatriculé conformément à l'article 6 lorsqu'une plaque d'immatriculation amovible y est fixée. 1 Pour les fins du présent jugement, le Tribunal emploiera le mot « représentant » pour signifier indistinctement les directeurs, cadres, mécaniciens ou autres personnes à l’emploi de la défenderesse. 2 Code de la sécurité routière, L.R.Q., chapitre C-24.2. Page 2 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) II. [10] Puis l’article 54 qui est d’ordre général : « 54. La personne qui conduit un véhicule routier ou le propriétaire qui laisse circuler son véhicule muni d'une plaque d'immatriculation d'une catégorie autre que celle correspondant à ce véhicule ou dont l'immatriculation atteste un usage du véhicule autre que celui qui en est réellement fait ou un véhicule routier muni d'une plaque d'immatriculation délivrée pour un autre véhicule routier commet une infraction et est passible d'une amende de 200 $ à 300 $. » [11] Finalement, ces articles du Règlement sur l’immatriculation des véhicules routiers3 (ci-après « le règlement ») qui se rapportent à la plaque amovible (« X ») en particulier : « 143. L'immatriculation des catégories de véhicules routiers suivants peut s'effectuer, sur demande, par l'inscription dans le registre de la Société des renseignements prévus à l'article 144 relativement à ces catégories de véhicules et à la personne qui obtient cette immatriculation: 1° remorque ou châssis de remorque, appartenant ou non à la personne au nom de laquelle l'immatriculation est effectuée; 2° véhicule routier appartenant ou non à la personne au nom de laquelle l'immatriculation est effectuée. […] 146. Un véhicule routier visé au paragraphe 2 de l'article 143 et sur lequel est fixée une plaque d'immatriculation amovible doit être utilisé uniquement: 1° pour effectuer le transport d'autres véhicules routiers par la méthode à dos d'âne; 2° pour être transporté par la méthode de déplacement de véhicules routiers par leur propre pouvoir. Les véhicules routiers ainsi transportés ne doivent pas porter de chargement autre que des véhicules routiers de même catégorie. 3 Lois du Québec, chapitre C-24.2, r. 29. Page 3 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) Les articles 188, 189, 196 à 202 s'appliquent compte tenu des adaptations nécessaires, sous réserve que la Société annule l'immatriculation de la personne qui l'a obtenue conformément au présent article au lieu d'interdire de remettre un véhicule routier en circulation. » 149. L'immatriculation des catégories de véhicules routiers suivants peut s'effectuer, sur demande, par l'inscription dans le registre de la Société des renseignements prévus à l'article 151 relativement à ces catégories de véhicules et à la personne qui obtient cette immatriculation: 1° véhicule de promenade, motocyclette, cyclomoteur ou véhicule hors route, appartenant à la personne au nom de laquelle l'immatriculation est effectuée; 2° autobus ou minibus appartenant à la personne au nom de laquelle l'immatriculation est effectuée; 3° camion, véhicule de transport d'équipement ou véhicule-outil appartenant à la personne au nom de laquelle l'immatriculation est effectuée. D. 1420-91, a. 149; D. 160-99, a. 10; D. 100-2001, a. 3. […] 152. Un véhicule visé à l'un des paragraphes 1 à 3 de l'article 149 prêté par le commerçant, le fabricant ou le carrossier et sur lequel est fixée une plaque d'immatriculation amovible doit être utilisé uniquement aux fins suivantes: 1° démontrer son état de fonctionnement ou son état de performance dans le cadre d'un prêt de moins de 6 jours; 2° remplacer un véhicule vendu par le prêteur à la personne à qui le véhicule est prêté; 3° remplacer le véhicule de l'emprunteur pendant que son véhicule est réparé par le prêteur dans le cadre d'un prêt de moins de 6 jours. Aux fins d'application des paragraphes 2 et 3 du premier alinéa, le véhicule remplacé ne doit pas être visé par un permis de la Commission des transports du Québec. D. 1420-91, a. 152. […] » 159. Au moment de l'immatriculation des catégories de véhicules routiers mentionnées à l'un des articles 143 et 149, la Société délivre un certificat d'immatriculation et une plaque d'immatriculation amovible portant le préfixe «X» à la personne au nom de laquelle est effectuée l'immatriculation de ces catégories. Page 4 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) […] D. 1420-91, a. 159. » Les seules personnes autorisées à demander et obtenir une telle plaque d’immatriculation sont limitées, par l’article 150 du règlement, aux personnes suivantes : « 150. La personne au nom de laquelle est effectuée l'immatriculation des catégories de véhicules routiers visés à l'article 149 doit être un commerçant, un fabricant ou un carrossier. Si elle est un commerçant, elle doit, pour obtenir cette immatriculation, fournir la preuve qu'elle est titulaire d'une licence de commerçant de véhicules routiers. » [13] Quant aux droits payables, ils se retrouvent aux articles 154 et suivants du règlement. [14] Le contexte de l’intervention des représentant de la défenderesse cadre des conditions prévues aux dudit règlement cité ci-haut, ils lui de la présente affaire. [15] La preuve révèle que cette problématique s’est antérieurement posée entre le Ministère et la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec puisque le 5 juin 1995, le directeur des affaires juridiques de la Corporation à l’époque, Me Frédéric Morin, adressait à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) une demande d’opinion portant spécifiquement sur l’interprétation à donner aux usages des plaques amovibles par le personnel des concessionnaires, dont les éléments pertinents sont résumés ici : policiers est clair : voyant que le n’utilisait pas le véhicule dans le alinéas 1, 2 ou 3 de l’article 152 décernent le constat faisant l’objet « […] Comme vous le savez, le Code de la sécurité routière prévoit l’exemption de l’immatriculation des véhicules appartenant à un fabricant ou à un commerçant en vue de les vendre, mais nonutilisés sur un chemin public. Dans ce contexte, le législateur a précisément édicté que le fabricant ou le commerçant peut obtenir une plaque d’immatriculation amovible (Plaque X) pour effectuer le déplacement de ses véhicules, dans le cadre normal des besoins de son commerce. Limiter l’utilisation d’une telle plaque au seul cas d’un véhicule prêté par un commerçant, de même qu’aux opérations liées à la vente, la promotion et la démonstration va, selon nous, à l’encontre des intentions du législateur. Nous profitons également de la présente pour vous signaler que certains policiers sont d’avis qu’un véhicule fourni par un commerçant à un de ses représentants comme outil de travail ne peut pas être utilisé en dehors des heures d’ouverture de la Page 5 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [12] Vu la problématique existante pour les situations décrites ci-dessus, nous requérons votre opinion quant aux conditions d’utilisation liées à la plaque d’immatriculation amovible (Plaque X) et ce, afin de bien renseigner nos membres à ce sujet. » [16] La réponse de la SAAQ à l’époque est d’une limpidité qui ne laisse planer aucun doute quant à l’interprétation qu’elle entendait y apporter : « Québec, le 13 juillet 1995 Me Frédéric Morin Directeur des Affaires juridiques La Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec 140, Grande-Allée Est, bureau 750 Québec (Québec) G1R 5M8 Objet : Plaque d’immatriculation amovible (Plaque X) Maître, Faisant suite à votre lettre du 5 juin 1995, je vous confirme par la présente que nous sommes d’accord avec votre interprétation à l’effet que le règlement sur l’immatriculation permet à un commerçant d’utiliser une plaque « X » qui lui a été émise par la Société de l’assurance automobile du Québec sur les véhicules qu’il a acquis dans le cadre d’un échange de véhicules entre commerçants. L’article 152 du règlement s’applique uniquement dans le cas d’un véhicule prêté par un commerçant. Nous sommes également d’accord avec le fait que le représentant d’un commerçant chargé de la promotion ou de la vente de véhicules appartenant au commerce peut utiliser un véhicule muni d’une plaque d’immatriculation amovible en dehors de ses heures normales de travail. Nous croyons que l’utilisation d’une plaque « X » dans ces circonstances est conforme à la réglementation actuelle et qu’elle ne devrait pas donner ouverture à une contravention. Page 6 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) concession. Nous ne partageons pas cet avis, étant donné que, s’il en était ainsi, le représentant de la concession perdrait nécessairement son statut de vendeur, de gérant des ventes ou de concessionnaire (effectuant la vente), passé les heures d’ouverture. Or, tel n’est pas le cas et le fait qu’un véhicule fourni comme outil de travail soit muni d’une plaque d’immatriculation amovible (Plaque X), en dehors des heures d’ouverture n’engendre pas selon nous d’infraction. Veuillez agréer, Maître, l’expression de mes sentiments les meilleurs. Le vice-président, Jean-Marie Lalande JML/ML/jb c.c. MM. Michel Boivin Jean-Marie Lévesque » III. ARGUMENTS DES PARTIES A) LA POURSUIVANTE [17] Pour la poursuivante, la défenderesse ne peut soulever l’erreur provoquée par l’autorité responsable puisqu’elle ne s’est enquise de l’opinion de la SAAQ (D-2) qu’après l’infraction. [18] De plus, en sus des contradictions entendues entre les témoins Levasseur et Lesieur quant à leur connaissance de l’utilisation légale de la plaque amovible « X », le véhicule utilisé au milieu de la nuit ne comportait aucun support promotionnel identifiant le véhicule au nom de la concession de la défenderesse. [19] Ouvrir une telle porte pourrait conduire à des abus d’utilisation. À titre d’illustration, la poursuivante suggère que laisser une automobile plaquée « X » dans le stationnement d’un aéroport pendant deux semaines à l’occasion d’un voyage ne pourrait certes pas être considéré comme de la « promotion » pour la défenderesse. [20] L’acte juridique intervenu entre la défenderesse et son employé répond à la définition d’un « prêt à usage », tel que défini à l’article 2313 du Code civil du Québec4 (ci-après « C.c.Q. »). 4 L.Q. 1991, c. 64. Page 7 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) Afin de remédier à la situation problématique auquelle [sic] vous faites référence, je demande l’envoi d’un communiqué à l’ensemble des corps policiers leur rappelant la position de la Société de l’assurance automobile du Québec sur l’utilisation d’une plaque d’immatriculation amovible dans le cadre de la réglementation actuelle sur l’immatriculation. Finalement, l’article 54 crée une infraction lorsque « l'immatriculation atteste un usage du véhicule autre que celui qui en est réellement fait ». Cela vise textuellement la présente situation. B) LA DÉFENSE [22] Pour la défense, la présente affaire permet non seulement une argumentation en droit sur la législation et la règlementation, mais également un moyen de défense fondé sur l’erreur provoquée par la personne en autorité. [23] Ainsi, l’article 10.2 C.s.r. instaure un régime d’immatriculation spécifique en ce qu’un commerçant de véhicules routiers autorisé à obtenir une plaque amovible de la SAAQ, « immatricule » de facto un véhicule dès que la plaque « X » y est fixée. [24] De même, les articles 152 et 153 du règlement, qui semblent limiter les conditions d’utilisation de la plaque à un prêt pour les fins spécifiques de démontrer l’état du véhicule ou pour remplacer celui d’un client pendant une réparation, sont des conditions extérieures aux articles 149, 150, 151 et 154 du règlement. [25] Lorsque les représentants de la défenderesse utilisent un véhicule appartenant à la défenderesse, ils « n’empruntent » pas une automobile de la concession. Même s’ils le font à des fins personnelles, cela demeure toujours pour des fins promotionnelles dans l’intérêt de la compagnie. Le véhicule utilisé est toujours à vendre, de jour comme de nuit. [26] L’utilisation d’un véhicule de la concession par un représentant ne répond pas à la définition du prêt retrouvée à l’article 2313 du Code civil. [27] À tout événement, si le Tribunal considérait l’opération comme un prêt, il y a eu erreur provoquée par l’autorité responsable notamment à la lecture de la lettre du 5 juin 1995 adressée par Me Fréderic Morin au vice-président à la sécurité routière de la SAAQ, M. Jean-Marie Lalande, portant sur cette question spécifique (D-5) et, surtout, à la lecture de la réponse dudit vice-président le 13 juillet 1995 (D-2). [28] Le tout est présenté dans un cahier de pièces comprenant de multiples documents légaux historiques ainsi qu’une substantielle jurisprudence. Page 8 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [21] QUESTIONS EN LITIGE [29] Quel est l’état du droit quant à la possibilité pour le représentant d’un concessionnaire automobile d’utiliser un des véhicules de son employeur pour ses fins personnelles, en dehors des conditions d’utilisation spécifiquement prévues aux articles 146, 152 et 153 du règlement? [30] Finalement, dans l’éventualité où il y a infraction, la défenderesse peutelle bénéficier du moyen de défense connu comme étant l’erreur de droit provoquée par l’autorité responsable? V. MOTIFS A) ANALYSE DE L’ACTE JURIDIQUE INTERVENANT ENTRE LA DÉFENDERESSE ET SON DIRECTEUR COMMERCIAL [31] Avant de répondre aux questions en litige posées plus haut, il importe d’établir la nature de l’acte juridique qui se crée lorsqu’un concessionnaire (la défenderesse) autorise l’un de ses représentants, qu’il soit directeur commercial, mécanicien ou autre employé, à conduire sur les chemins publics un véhicule dont la compagnie est propriétaire. [32] Pour le Tribunal, le lien juridique existant entre la compagnie et son représentant varie selon que l’utilisation du véhicule s’exerce dans le cadre des fonctions habituelles du représentant de la défenderesse ou à l’extérieur de celles-ci. [33] Cette distinction est fondamentale puisque, de l’humble avis du Tribunal, lorsqu’un tel représentant utilise le véhicule de son employeur dans le cadre de ses fonctions, l’utilisation par le conducteur n’est autre que l’exécution des tâches liées à son contrat de travail ou, plus généralement, le mandat que le patron confie à son employé à titre de commettant. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de vendre ou de faire la promotion des véhicules qui ont été acquis par le concessionnaire, uniquement dans le but de les revendre à profit à un éventuel acheteur. [34] Dans ce cas, il est difficile d’imaginer l’existence d’un acte juridique de la nature d’un prêt. Il s’agit plutôt d’un contrat de travail au sens des Page 9 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) IV. [35] Dans ce contexte, lorsqu’un concessionnaire met entre les mains de son représentant l’un ou l’autre des véhicules ainsi acquis dans le but de le revendre à un tiers, c’est pour en réaliser un profit qui sert spécifiquement les objets et les fins commerciales de son entreprise. [36] Dans le cadre d’une contestation intervenue entre le Sous-ministre du Revenu du Québec et le concessionnaire Lombardi Auto Ltée7 en 2003, le juge Michel A. Pinsonnault a analysé les caractéristiques du travail des directeurs commerciaux, relativement à l’avantage imposable à inclure dans leur déclaration de revenus lorsque l’employeur mettait un véhicule automobile à leur disposition. [37] Même si la question juridique visait d’autres fins (affaire fiscale) que le cas sous étude, le juge a analysé d’importantes notions relativement à ce qui constitue les activités et les tâches habituelles d’un directeur commercial d’un concessionnaire automobile. [38] Le juge Pinsonnault a repris à son compte in extenso les motifs du juge Yvon Côté de la Cour du Québec dans l’affaire Henri Jobin c. Le Sous-ministre du Revenu du Québec.8 [39] Comme on peut s’en douter, de façon générale, les fonctions d’un tel directeur sont de proposer commercialement un bien (automobile) dans le but de le vendre à un tiers. [40] Le juge Côté écrit : « La "vente d'automobiles" en question, en toute déférence pour l'opinion contraire, excède la signification de l'acte simple déjà décrit et englobe, en une acception plus ample, les activités afférentes qui y contribuent: la sollicitation, la pollicitation, l'incitation à acheter, la proposition commerciale, le "moussage" des ventes, les pourparlers, l'information à la clientèle, la démonstration, l'essai des voitures, les tentations créées, la recherche, la quête des acheteurs éventuels, bref toutes les démarches reliées directement à l'objectif de vendre sont 5 Article 2085 - Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur. 6 Article 2130 - Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans l'accomplissement d'un acte juridique avec un tiers, à une autre personne, le mandataire qui, par le fait de son acceptation, s'oblige à l'exercer. 7 Lombardi Autos Ltée (Lombardi Honda) c. Québec (Sous-ministre du Revenu), juge Michel A. Pinsonnault, JCQ. AZ-50196877, le 17 octobre 2003. 8 Henri Jobin c. Québec (Sous-ministre du Revenu), [1989] R.D.F.Q. 185, D.F.Q.E. 89F-112. Page 10 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) articles 2085 et suiv. C.c.Q.5, contrat de travail qui peut aussi donner ouverture à certaines règles du mandat notamment vis-à-vis des tiers tels que prévus aux articles 2130 et suiv. C.c.Q.6 [41] Après l’analyse de la position du juge Côté, le juge Pinsonnault conclut ainsi (par. 57)9 : « En considérant l’ensemble des démarches effectuées par les directeurs commerciaux dans les procédés et les processus de vente, toutes les fonctions assumées par ceux-ci participent étroitement et directement au processus de vente et de location d’automobiles. » [42] De même, le présent Tribunal conclut que ces fonctions participant étroitement et directement « au processus de vente et de location d’automobiles » ne visent en réalité que la réalisation de l’existence même du propriétaire : la vente de véhicules automobiles. [43] Dans le cadre de ces fonctions, le directeur commercial d’une telle entreprise à titre de représentant ou commettant prolonge directement les activités de l’entreprise propriétaire du véhicule. [44] Il ne peut s’agir d’un prêt. On peut faire ici toutes les distinctions sémantiques que l’on voudra, il demeure que l’entreprise ne peut se « prêter à elle-même » un de ses biens. [45] Autrement dit, dans ce contexte de droit civil10, lorsqu’un directeur est autorisé à conduire un véhicule appartenant à son employeur, ce n’est pas le directeur en tant que personne physique distincte qui conduit le véhicule mais bien la compagnie par l’entremise de son employé. [46] La situation est toute autre lorsqu’un tel directeur commercial, vendeur ou employé utilise le véhicule de son patron pour ses fins personnelles. L’acte juridique intervenant entre le concessionnaire et son représentant est alors de la nature d’un prêt à usage au sens de l’article 2313 C.c.Q. [47] Le Code civil définit ainsi le prêt à usage : « 2313. Le prêt à usage est le contrat à titre gratuit par lequel une personne, le prêteur, remet un bien à une autre personne, l'emprunteur, pour qu'il en use, à la charge de le lui rendre après un certain temps. » 9 Lombardi, préc., note 7. N.d.t. : Et non pas dans le contexte du Code de la sécurité routière où, on le sait, les responsabilités du « propriétaire » et celles du « conducteur » peuvent faire l’objet d’infractions distinctes. 10 Page 11 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) comprises dans la sphère conceptuelle de la vente d'automobiles. À défaut de définition législative contraire, tant l'esprit et la lettre de la Loi que les éléments conjoncturels de la réalité concrètement vécue dans le milieu d'affaires visé, invitent à pareille interprétation. » En vertu de cet article, la remise en main propre d’un véhicule appartenant à la défenderesse (personne morale) à son représentant (un particulier) est un acte à titre gratuit qui intervient entre deux personnes distinctes. [49] Le fait qu’il n’y ait pas de contrat écrit à court ou long terme ne change en rien la nature intrinsèque de l’acte juridique lui-même. [50] Pendant toute la durée du prêt, tant le prêteur que l’emprunteur demeureront soumis aux règles prévus entre eux par les articles 2317 et suiv. C.c.Q. qui traitent des obligations et droits des parties. [51] Ainsi en est-il de l’obligation pour l’emprunteur de s’en servir avec diligence (art. 2317), du droit d’être remboursé des dépenses nécessaires et urgentes, étant tenu cependant aux dépenses faites pour utiliser le bien (art. 2320), ou encore de la responsabilité du prêteur en cas de vices cachés (art. 2321), de perte (art. 2322), du droit de retenir le bien prêté contre le prêteur en certains cas (art. 2324), etc. [52] Ces dispositions s’appliquent « par défaut », et il n’y a aucune preuve ici que les parties entendaient y déroger de quelque façon que ce soit. [53] La relation employeur-employé ne peut répondre à cette définition lorsque l’employé utilise le véhicule de son patron dans le cadre spécifique des ses fonctions. [54] Certes, on peut toujours prétendre que les véhicules faisant partie de l’inventaire d’un commerçant en semblables matières sont « toujours à vendre », de jour comme de nuit. Autant cette affirmation est exacte, autant il faut retenir que le législateur ne pouvait l’ignorer. On va y revenir. B) Le Code de la sécurité routière et ses règlements [55] La question adressée au Tribunal dans la présente affaire est de déterminer quelles sont les limites et les conditions d’utilisation spécifiquement tracées par le législateur lorsqu’un concessionnaire décide de faire circuler sur la route l’un de ses véhicules immatriculé d’une plaque amovible (« X »). [56] On l’a vu plus haut : lorsqu’un représentant circule avec le véhicule de son patron muni d’une plaque amovible dans le cadre de ses fonctions, le véhicule ne peut être « prêté », et nous ne sommes pas donc pas dans le cadre d’application de l’article 152 du règlement. Page 12 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [48] Par contre, dans le cas où le représentant utilise clairement le véhicule pour ses fins personnelles, il s’agit d’un prêt à usage accordé par le patron à son employé. Le représentant devient une personne distincte (ou une tierce-personne) à qui le patron « prête » son véhicule. Il s’agit exactement de la définition qu’apporte le Code civil à cet acte juridique. [58] Il nous faut comprendre que l’immatriculation de véhicules au moyen d’une plaque amovible de type « X » constitue un régime spécial d’immatriculation qui bénéficie, entre autres, aux titulaires d’une licence de commerçants de véhicules routiers, comme le souligne la défense (art. 10.2 C.s.r. et art. 149 et 150 du règlement). [59] Force est de constater que les conditions d’utilisation de la plaque amovible sur les voies publiques ont été volontairement très restreintes par le législateur. [60] D’abord, les articles 143 et 146 du règlement établissent les conditions d’utilisation générales sous cette forme d’immatriculation : « 146. Un véhicule routier visé au paragraphe 2 de l'article 143 et sur lequel est fixée une plaque d'immatriculation amovible doit être utilisé uniquement : 1° pour effectuer le transport d'autres véhicules routiers par la méthode à dos d'âne; 2° pour être transporté par la méthode de déplacement de véhicules routiers par leur propre pouvoir. Les véhicules routiers ainsi transportés ne doivent pas porter de chargement autre que des véhicules routiers de même catégorie. » [61] Si ce véhicule est « prêté » à un tiers, de nouvelles conditions d’utilisation s’appliquent et elles sont limitées aux seules situations prévues à l’article 152 : « 152. Un véhicule visé à l'un des paragraphes 1 à 3 de l'article 149 prêté par le commerçant, le fabricant ou le carrossier et sur lequel est fixée une plaque d'immatriculation amovible doit être utilisé uniquement aux fins suivantes: 1° démontrer son état de fonctionnement ou son état de performance dans le cadre d'un prêt de moins de 6 jours; 2° remplacer un véhicule vendu par le prêteur à la personne à qui le véhicule est prêté; Page 13 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [57] [62] Le texte de cet article ne comporte aucune interprétation ou exception lorsqu’un commerçant en matière automobile désire ainsi mettre un de ses véhicules sur la route avec une plaque amovible (« X ») : « le véhicule visé […] doit être utilisé uniquement aux fins suivantes […] ». [63] Plus particulièrement, le législateur n’a prévu aucune exception ou autre régime d’utilisation spécifique au personnel salarié du commerçant, qu’il soit mécanicien ou directeur de vente. [64] Pourtant, comme le prétend la défenderesse, n’est-il pas exact qu’un véhicule destiné à la vente est « à vendre » 24 heures par jour 7 jours par semaine? [65] À la lecture de la lettre (D-5) adressée au directeur des affaires juridiques de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec, il apparait assez évident que la situation actuelle tolérée par la SAAQ répond à un besoin réel de l’industrie. Cependant, le Tribunal ne croit pas que cela soit pour autant l’état de la législation actuelle. [66] On comprend de la lecture des articles 146 et particulièrement de l’article 152 du règlement, que cette « démonstration de l’état de fonctionnement ou son état de performance » sur la route survient habituellement lors d’une rencontre prise à la suite d’un rendez-vous avec un client ou à la suite du déplacement à l’improviste d’un client potentiellement acheteur chez un concessionnaire. [67] La survenance d’une rencontre nocturne impromptue conduisant éventuellement à un « essai routier » par un éventuel acheteur n’est certes pas impossible. Toutefois, se servir de l’éventualité d’une telle coïncidence pour autoriser un employé à utiliser, en attendant qu’elle ne survienne, un véhicule pour ses fins personnelles, en dehors du cadre de ses fonctions, n’a plus rien à voir avec les conditions d’utilisation d’une plaque amovible tels que prévus aux articles 146 et 152. [68] Le législateur n’a pas prévu d’exception pour ce type de promotion qui permettrait à un employé d’utiliser un véhicule à toute heure du jour et de la nuit sur les routes du Québec, pour « l’exhiber ou le montrer » en y apposant une plaque amovible de type « X ». Il aurait été pourtant très facile de le faire en créant un alinéa indiquant que le véhicule peut être utilisé indéfiniment par un représentant du concessionnaire pour fins promotionnelles. Page 14 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) 3° remplacer le véhicule de l'emprunteur pendant que son véhicule est réparé par le prêteur dans le cadre d'un prêt de moins de 6 jours. » Au contraire, tant l’article 146 que l’article 152, dans le cadre d’un prêt, nous amènent à conclure qu’outre les conditions d’utilisation spécifiquement décrites, le véhicule ne peut sortir de l’établissement et circuler sur la voie publique avec une plaque amovible de type « X ». [70] D’ailleurs, cette utilisation est très formelle et réglementée puisque l’article 153 oblige le conducteur à avoir avec lui un document portant des renseignements sur « la nature, la date et la durée du prêt ». Le non-respect de ces conditions d’utilisations supplémentaires qui entraine une autre infraction au règlement. [71] La situation juridique est donc la suivante : 1) Le véhicule circulant avec une plaque amovible de type « X » est la propriété de la défenderesse (le concessionnaire). 2) Lorsqu’un représentant utilise ce véhicule dans le cadre de ses fonctions, qu’il soit vendeur ou mécanicien, il ne s’agit pas d’un prêt. Les activités habituelles d’un concessionnaire automobile sont la vente et la réparation de véhicules automobiles. Dans ce contexte, il va de soi que les véhicules qui lui appartiennent peuvent être mis en circulation ponctuellement pour la réalisation de ces fins. Les clés seront remises à l’une ou l’autre des personnes suivantes : le représentant du concessionnaire ou le client lui-même. Quand les clés sont remises à un client, il s’agit d’un prêt au sens de l’article 152 du règlement. Quand elles sont remises à un représentant vendeur ou un employé dans le cadre de ses fonctions, il ne s’agit que du prolongement des activités du commerçant via son commettant. 3) Lorsqu’un tel directeur ou un représentant utilise un tel véhicule en dehors de ses fonctions, il s’agit d’un prêt. Il s’en sert pour des fins personnelles et ne prolonge plus les activités commerciales du concessionnaire. La compagnie et le représentant deviennent des tierces personnes. 4) S’il s’agit d’un prêt, l’article 152 du règlement doit être respecté. C) LA DÉFENSE D’ERREUR PROVOQUÉE [72] La défense plaide que la lettre obtenue de la SAAQ par l’avocat de la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec constitue une opinion en bonne et due forme de l’autorité responsable de Page 15 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [69] [73] La poursuivante prétend que la défenderesse a pris connaissance de ce document après l’infraction, et qu’elle ne peut donc en bénéficier en raison des conditions d’application de cette défense. [74] Dans l’affaire Jorgensen11, le juge Lamer écrit ceci quant aux conditions d’application de la défense : « 36 Bref, l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité peut être invoquée à titre d'excuse plutôt que comme moyen de défense complet. Elle peut être soulevée seulement après que le ministère public a démontré tous les éléments de l'infraction. Pour qu'un accusé puisse se fonder sur cette excuse, il doit prouver, après avoir établi qu'il a commis une erreur de droit, qu'il a examiné sa position à l'égard de la loi, a consulté une personne en autorité compétente en la matière, a obtenu un avis raisonnable et s'est fondé sur cet avis pour accomplir ses actes. Par conséquent, ce moyen de défense ne compromet aucune des quatre justifications de la règle selon laquelle l'ignorance de la loi ne constitue pas une excuse, énoncées par Stuart. Il n'y a aucun problème en matière de présentation de la preuve. L'accusé, qui est la seule personne en mesure de présenter cet élément de preuve, en est entièrement responsable. L'ignorance de la loi n'est pas encouragée, parce qu'un élément nécessaire de l'excuse est de s'informer au sujet de la loi. Comme cette excuse n'a pas d'effet sur la culpabilité, on ne peut pas dire que chacun ne connaît d'autre loi que la sienne. En soi, l'ignorance de la loi demeure répréhensible. Toutefois, dans ces cas précis, la responsabilité est, dans un sens, partagée avec le représentant de l'État qui a donné le conseil erroné. » [75] 11 Les six conditions permettant l’ouverture de (Jorgensen) sont habituellement résumées ainsi : cette défense 1) La présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de faits. 2) La considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli. 3) Le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière. 4) Le caractère raisonnable de l’avis. R. c. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55. Page 16 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) l’application au sens de la loi et de la jurisprudence. Cela doit donner ouverture à la défense d’erreur provoquée par l’autorité responsable. Le caractère erroné de l’avis reçu. 6) L’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis. Objectivement, dans la présente affaire, la défense d’erreur provoquée par l’autorité responsable existe très certainement, puisque la lettre D-5, adressée au directeur des affaires juridiques de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec, démontre clairement l’opinion écrite et signée en haut-lieu par un dirigeant de la SAAQ et autorise explicitement la Corporation à agir comme elle le fait : « Québec, le 13 juillet 1995 Me Frédéric Morin Directeur des Affaires juridiques La Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec 140, Grande-Allée Est, bureau 750 Québec (Québec) G1R 5M8 Objet : Plaque d’immatriculation amovible (Plaque X) Maître, Faisant suite à votre lettre du 5 juin 1995, je vous confirme par la présente que nous sommes d’accord avec votre interprétation à l’effet que le règlement sur l’immatriculation permet à un commerçant d’utiliser une plaque « X » qui lui a été émise par la Société de l’assurance automobile du Québec sur les véhicules qu’il a acquis dans le cadre d’un échange de véhicules entre commerçants. L’article 152 du règlement s’applique uniquement dans le cas d’un véhicule prêté par un commerçant. Nous sommes également d’accord avec le fait que le représentant d’un commerçant chargé de la promotion ou de la vente de véhicules appartenant au commerce peut utiliser un véhicule muni d’une plaque d’immatriculation amovible en dehors de ses heures normales de travail. Nous croyons que l’utilisation d’une plaque « X » dans ces circonstances est conforme à la réglementation actuelle et qu’elle ne devrait pas donner ouverture à une contravention. Afin de remédier à la situation problématique auquelle [sic] vous faites référence, je demande l’envoi d’un communiqué à l’ensemble des corps policiers leur rappelant la position de la Société de l’assurance automobile du Québec sur l’utilisation d’une plaque d’immatriculation amovible dans le cadre de la réglementation actuelle sur l’immatriculation. Page 17 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [76] 5) Veuillez agréer, Maître, l’expression de mes sentiments les meilleurs. Le vice-président, JML/ML/jb c.c. MM. Michel Boivin Jean-Marie Lévesque » [77] Par contre, il est exact que la défenderesse n’a pas consulté personnellement une personne en autorité compétente en la matière, avant la date de l’infraction, ce qui pourrait la disqualifier eu égard à cet aspect. Mais est-ce bien la seule défense à laquelle elle a droit? [78] La preuve révèle amplement l’existence d’un état de fait largement connu par l’ensemble de l’industrie depuis 1995. [79] Le témoin Levasseur, technicien en administration à la direction des opérations centralisée de la SAAQ, a expliqué qu’environ 5 000 commerçants détiennent une licence de « commerçant en véhicules routiers » au sens de l’article 152 du règlement. [80] Quant à la défenderesse en l’instance, elle détenait, au 11 avril 2010, sept plaques amovibles de type « X ». [81] Le témoin Levasseur souligne que le Manuel du commerçant de véhicules routiers12 publié par la SAAQ est remis à tous les commerçants en semblables matières, et qu’il comprend les informations suivantes aux pages 14 et 15 : « Un commerçant ou son représentant chargé de la promotion ou de la vente de véhicules peut utiliser un véhicule appartenant au commerce, muni d’une plaque amovible, et ce, même en dehors des heures normales de travail. »13 [82] 12 13 Appelé à répondre spécifiquement à la question de savoir si un représentant du commerçant peut utiliser un tel véhicule immatriculé avec une plaque « X », il répond par l’affirmative. Il indique que, selon lui, il n’y a aucune disposition légale sur le sujet mais que la « logique » de la page 15 du manuel amène cette interprétation qu’en fait la SAAQ. Cahier de pièces de la défense, onglet 5. Id., p. 15. Page 18 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) Jean-Marie Lalande Quant au témoin Lesieur, avocat ayant travaillé comme adjoint au vice-président de la SAAQ pendant 18 ans et maintenant à la retraite, il explique que la SAAQ a toujours été d’avis que les commerçants pouvaient utiliser la plaque « X » selon leurs besoins et qu’il n’y avait aucune restriction pour circuler. [84] Pour le témoin, la SAAQ était d’avis que les conditions de l’article 152 du règlement ne s’appliquaient que dans le cas de prêts faits à des particuliers, mais certainement pas pour l’utilisation des véhicules du commerçant par ses employés. [85] Il explique avoir analysé la lettre du procureur de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec du 5 juillet 1995 (D-5) et avoir participé à la rédaction de la lettre du 13 juillet 1995 signée par le vice-président Lalande pour la SAAQ (D-2). [86] Appelé à se prononcer sur la possibilité pour les employés d’utiliser les véhicules du commerçant muni d’une plaque « X » pour des fins personnelles, il réitère explicitement qu’il n’y avait « rien dans la loi qui interdisait ça ». [87] Il est difficile d’être plus clair quant à la position de la SAAQ, autorité responsable de l’application de la loi à ce sujet. [88] La preuve démontre quasiment hors de tout doute (ce qui n’est certainement pas le fardeau de la défense) que la position de la SAAQ sur le sujet était, et est toujours, largement connue dans l’industrie, et que la SAAQ a tout fait sauf se cacher pour publiciser son opinion. [89] Cette lettre va jusqu’à recommander que la SAAQ envoie officiellement un « communiqué à l’ensemble des corps policiers leur rappelant la position de la SAAQ sur l’utilisation d’une plaque d’immatriculation amovible dans le cadre de la réglementation actuelle sur l’immatriculation ». [90] Autrement dit, cette lettre avise tous les intervenants du milieu par le biais du directeur des affaires juridiques de leur propre corporation que les policiers sont invités à cesser d’émettre des constats à cet effet. On peut difficilement aller plus loin dans la clarté d’une position interprétative de la part d’une autorité responsable. [91] Les témoins entendus sont eux aussi très clairs sur le sujet : les conditions de l’article 152 ne s’appliquent pas aux employés ou représentants des concessionnaires automobiles. Page 19 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [83] Cette position a été publicisée on ne peut plus explicitement dans le Manuel du commerçant de véhicule routier14 publié par la SAAQ, comme on l’a vu plus haut. [93] Selon la preuve non contredite, ce manuel est distribué aux 5 000 détenteurs de licences. [94] Il s’agit d’un cas typique où la défenderesse, commerçante en semblables matières, pouvait croire pour des motifs on ne peut plus raisonnables à un état de fait inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent.15 [95] Comme nous sommes ici en matière de responsabilité stricte, la défenderesse peut bénéficier de ce moyen de défense. [96] Il serait déraisonnable de retenir ici la faute pénale d’un commerçant lorsque la preuve de la position (et donc de l’opinion) « officielle » de la SAAQ est à ce point publicisée et qu’elle ne fait l’objet d’aucune remise en doute ni par son vice-président, ni par les témoins ayant agi au plus près du noyau décisionnel de l’organisme, ni par une importante publication, et ce, depuis 1995, soit depuis 18 ans. [97] Même si, pour les motifs mentionnés plus haut, cette opinion semble contredire les dispositions légales édictées par le Code de la sécurité routière et son règlement sur l’immatriculation, il demeure que la défenderesse, qui a effectivement commis une infraction, peut bénéficier de la défense mentionnée plus haut. [98] En 2009, deux affaires similaires se sont présentées en cour municipale de Longueuil, soit les affaires Longueuil (Ville de) c. Jason16 et Longueuil (Ville de) c. Hyundai Châteauguay17, où le juge Bruno Themens a prononcé l’acquittement des défendeurs pour des motifs en partie différents de ceux retenus dans la présente affaire. 14 Cahier, préc., note 12. R. c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299. 16 Longueuil (Ville de) c. Jason, AZ-99031472, J.E. 99-2164. 17 Longueuil (Ville de) c. Hyundai Châteauguay, cour municipale de Longueuil, Juge Bruno Themens, 30 avril 2009, no 08-27216. 15 Page 20 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) [92] DISPOSITIF [99] En conséquence, le Tribunal acquitte la défenderesse de l’infraction qui lui est reprochée. ________________________________ Pierre-Armand Tremblay, j.c.m. Procureur de la municipalité : Me Isabelle Montpetit Procureur de la défense : Me Frédéric Morin Page 21 sur 21 2013 QCCM 111 (CanLII) VI.