Les démocrates reprennent pied au Congrès
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Les démocrates reprennent pied au Congrès
la Croix Jeudi 9 novembre 2006 Les élections américaines 3 Les démocrates reprennent pied au Congrès P Les élections de mardi aux États-Unis ont donné la majorité à la Chambre des représentants au Parti démocrate, tandis que le résultat au Sénat restait incertain P George W. Bush devait hier soir faire un premier discours postélectoral. P Quels seront les changements de fond liés à cette nouvelle donne politique ? REPÈRES RÉSULTATS DU VOTE DE MARDI C À la Chambre des représentants : avantage aux démocrates. Ils passent de 201 à 226 sièges et deviennent pour la première fois depuis 1994 majoritaires. Les républicains, quant à eux, voient leur nombre de sièges passer de 232 à 193. Le parti indépendant conserve son siège. 15 sièges restaient hier encore en fin d’après-midi dans l’incertitude. C Au Sénat : égalité provisoire. Les démocrates passent de 44 à 49 sièges. Les républicains passent de 55 à 49 sièges. L’incertitude demeure pour les résultats du Montana et de la Virginie. Dans ces deux États hier, le candidat démocrate était en tête mais l’écart trop étroit pour un résultat définitif. MIKE THEILER/REUTERS George W. Bush mardi sur la pelouse de la Maison-Blanche. Si le Sénat basculait lui aussi, le président serait contraint à davantage de précaution. CLEVELAND ET WASHINGTON De nos envoyés spéciaux L. e mur a vacillé mais il était trop tôt hier pour savoir s’il s’est effondré. Mardi, lors des élections générales aux États-Unis, le Parti démocrate a repris le contrôle de la Chambre des représentants, qu’il avait perdu en 1994, mais le résultat au Sénat restait hier incertain après une nuit fébrile de décomptes dans deux États, le Montana et la Virginie, laissant provisoirement les deux partis à égalité avec 49 sénateurs. Pour l’emporter les démocrates devront obligatoirement gagner ces deux sièges. En cas d’égalité finale avec 50 sénateurs chacun, la majorité reviendra en effet automatiquement aux républicains : le vice-président des États-Unis, actuellement Dick Cheney, est juridiquement le « speaker » (président) du Sénat et fait alors pencher la balance. Comment l’équilibre des pouvoirs va-t-il changer à Washington ? C La victoire des démocrates va provoquer un certain retour à la normale à Washington, où il est rare que le même parti contrôle la MaisonBlanche et les deux chambres du Congrès. En outre, depuis les attentats du 11 septembre 2001, la majorité républicaine ne se souciait guère de forger un consensus bipartisan. Le 11 septembre a également conduit les démocrates à serrer les rangs derrière « la guerre contre le terrorisme » et la plupart ont approuvé le déclenchement de la guerre en Irak en 2003. Le Congrès s’est ainsi montré docile envers la Maison-Blanche, abandonnant le rôle de contre-pouvoir du président que lui confère la Constitution. La victoire des démocrates, surtout si elle est limitée à la Chambre des représentants, va pro- voquer « la fin d’un style de gouvernement, mais pas la fin de l’influence » de George W. Bush, explique John F. Harris, coauteur d’un ouvrage consacré aux méthodes de gouvernement de Bill Clinton et de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, The Way to win. « La présidence est la plate-forme principale des institutions, souligne-t-il. Bush restera fort mais il devrait rechercher des éléments de programme que les démocrates trouveront judicieux de soutenir. » Les deux camps ont en effet en ligne de mire l’élection présidentielle de 2008. Alors que les électeurs ont clairement signifié leur aspiration à un mode de gouvernement moins partisan, démocrates et républicains pourraient s’essayer à coopérer, ne serait-ce que pour pouvoir accuser l’autre camp d’obstruction. Le rôle du futur président (speaker) de la Chambre sera déterminant. La seule candidate à ce jour pour ce poste, la Californienne Nancy Pelosi, a clairement affirmé qu’elle ne voulait pas d’une « guerre frontale ». Si le Sénat bascule dans le camp démocrate, George W. Bush sera contraint à encore plus de précautions. Au cas où les deux chambres cherchaient l’affrontement en adoptant des lois politiquement insupportables pour lui, il pourrait alors utiliser son droit de veto, qui oblige les deux chambres à revoter une loi à une majorité qualifiée. Selon la Constitution, le Congrès a notamment le pouvoir de décider la politique fiscale, la politique commerciale, de déclarer la guerre et d’entretenir l’armée. Il peut aussi destituer le président et le vice-président par une procédure d’« empêchement ». Quel sera l’impact des élections sur la situation en Irak ? C Il est probable que chaque électeur a pensé à la guerre en Irak au moment de voter. Ce lourd problème a fini par cristalliser l’hostilité d’une grande partie de l’opinion envers la façon dont le parti républicain et le président Bush ont mené le pays depuis cinq ans. La guerre a même fini par éroder la crédibilité dont disposait le président en matière de sécurité intérieure. La plupart des électeurs démocrates, et encore moins les dirigeants du parti, ne s’attendent toutefois pas à un retrait rapide des troupes. Beaucoup estiment qu’un tel désengagement plongerait l’Irak dans une guerre civile totale. En revanche, la recherche d’une réorientation stratégique devrait s’accélérer dans les prochaines semaines. Un rapport produit sous la houlette de l’ancien secrétaire d’État James Baker, un proche de la famille Bush, devrait être rendu public. Des fuites sans doute calculées à la mi-octobre ont permis d’instiller certaines idées reprises durant la campagne. L’une suggère une coopération plus poussée entre les États-Unis et les pays voisins de l’Irak, notamment la Syrie. L’autre la diminution du pouvoir central à Bagdad, au profit de grandes régions extrêmement autonomes les unes par rapport aux autres. Les appels à la démission du ministre de la défense, Donald Rumsfeld, se multiplient par ailleurs, y compris chez les républicains. « Les dirigeants des deux partis sont convaincus que la guerre est une catastrophe, souligne John Harris. Ils veulent reprendre les clés du dossier à Bush. Les républicains, notamment, considèrent que le rêve de recréer le monde selon les critères de la démocratie n’est pas près de se concrétiser. » Mais George W. Bush, qui est selon la Constitution le chef des armées, n’est pas homme à céder devant des opinions contraires. Il croit à la menace du terrorisme islamiste et juge que les États-Unis affrontent là un ennemi redoutable. PPP (Lire la suite page suivante.) GILLES BIASSETTE ET JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN C Pour les gouverneurs : sur les 36 postes de gouverneurs en jeu, 16 ont été remportés par un candidat républicain et 20 par un candidat démocrate. Les démocrates ont remporté six sièges de gouverneurs cruciaux pour la présidentielle de 2008 (Ohio, Pennsylvanie, Arkansas, New York, Massachusetts et Colorado). Pour la première fois depuis douze ans, les gouverneurs des 50 États américains sont majoritairement démocrates (28). C Les référendums : les électeurs de sept États (Colorado, Idaho, Caroline du Sud, Tennessee, Dakota du Sud, Virginie et Wisconsin) ont interdit les mariages homosexuels. Quant aux électeurs du Dakota du Sud, ils ont rejeté la proposition d’interdire totalement l’avortement. LES CAS PARTICULIERS Voici les résultats de divers cas particuliers que nous avions évoqués dans nos éditions précédentes C Dans le Tennessee, le démocrate Harold Ford Jr est battu au poste de sénateur (éditions du 4 et 5 novembre). C Dans l’Ohio, le démocrate Ted Strickland devient gouverneur (éditions du 7 novembre) C Dans le Michigan, 58 % des électeurs ont annulé la discrimination positive mise en place dans les écoles et dans les entreprises. C Dans le Connecticut, Joseph Lieberman, ancien candidat démocrate devenu indépendant, a été réélu sénateur (nos éditions du 8 novembre). Les élections la Croix Jeudi 9 novembre 2006 PPP Dans les prochaines semaines, on pourrait donc assister à un renforcement des troupes en Irak, qu’a publiquement demandé fin octobre le général Casey, le plus haut gradé américain à Bagdad. Relativement impuissants à déterminer une nouvelle politique, les démocrates pourraient chercher à mettre en évidence les erreurs de l’administration Bush en Irak depuis 2003, en créant des commissions d’enquête parlementaires. Ils pourraient notamment faire comparaître Donald Rumsfeld. En revanche, les principaux dirigeants démocrates au Congrès s’opposent au déclenchement d’une procédure d’empêchement contre George W. Bush. Quels changements à attendre concernant les autres dossiers ? C En vue des élections de mardi, le Parti démocrate avait défini une ébauche de politique – « Six points pour 2006 ». Dans ce document, les démocrates promettaient « un leadership honnête, une véritable sécurité nationale, une politique d’indépendance énergétique, une économie prospère et une éducation de qualité, un système de santé pour tous, une retraite sûre ». Un programme plutôt général, non une plate-forme de gouvernement. De fait, ce sont surtout des mesures très concrètes que les démocrates vont Les s’efforcer de représentants promou voi r, devraient principa leégalement ment sur leur se pencher terrain de sur les questions prédilection, énergétiques, le social. Très l’un des thèmes r a pide me nt , de campagne la Chambre des démocrates. des représentants devrait ainsi entériner la hausse du salaire minimum au niveau fédéral – 5,15 dollars (4 €) de l’heure –, la révision de la sécurité sociale américaine pour permettre à l’État de négocier directement avec les grandes entreprises pharmaceutiques ou encore la baisse des taux d’intérêt pour les prêts étudiants. « Ce sont ce genre de mesures qu’ils peuvent prendre rapidement, car elles font l’unanimité dans leur propre camp », estime Herbert Asher, professeur de sciences politiques à l’iniversité de l’Ohio. Les représentants devraient également se pencher sur les questions énergétiques, l’un des thèmes de campagne des démocrates. On s’attend, d’une part, à l’examen de la politique menée par le tandem Bush-Cheney sur cette question, la Chambre pouvant user de son pouvoir d’enquête pour mettre au jour les relations entre le monde de l’or noir et le vice-président, bête noire de la nouvelle majorité à la Chambre des représentants, et d’autre part, à la promotion de technologies alternatives au pétrole. Enfin, la seule bonne nouvelle de la soirée de mardi pour la Maison-Blanche est que son projet de réforme de l’immigration, qui prévoit un programme d’accueil de travailleurs mexicains et de légalisation partielle, pourrait sortir de l’impasse : George W. Bush n’avait en effet pas réussi à convaincre les républicains de la Chambre des représentants, hostiles à toute idée de légalisation. GILLES BIASSETTE ET JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN T La démocrate Nancy Pelosi devrait bientôt présider la Chambre des représentants Nancy Pelosi devrait mener la vie dure à George W. Bush WASHINGTON De notre envoyé spécial L e Parti républicain s’en est servi comme d’un épouvantail durant la campagne. Mais après la conquête de la Chambre des représentants par le Parti démocrate, avant-hier, le jour de gloire est arrivé pour Nancy Pelosi. Élue sans discontinuer dans la circonscription de San Francisco depuis 1987, elle devrait être désignée en janvier, lors du lancement de la nouvelle législature, « speaker » (présidente) de la Chambre, devenant ainsi le troisième personnage de l’État, derrière le président Bush et le vice-président Cheney. Ce sera la première fois qu’une femme atteindra une aussi haute position aux États-Unis. Sauf anicroche, aucun élu démocrate ne devrait lui disputer le poste. Ces quatre dernières années, cette mère de cinq enfants – quatre filles, un garçon –, entrée en politique lorsque le dernier avait 14 ans, a dirigé le groupe démocrate à la Chambre des représentants. Épouse d’un millionnaire, elle a acquis l’admiration de ses collègues par sa capacité à lever des fonds et à unir les démocrates contre leurs concurrents. Ses incessants voyages pour soutenir les candidats les plus exposés durant la campagne lui vaudront aussi la reconnaissance des nouveaux élus. La nouvelle speaker devrait mener la vie dure à George W. Bush. Durant la campagne, le stratège du président, Karl Rove, a conseillé à nombre de candidats républicains de l’utiliser comme un chiffon rouge pour mobiliser leurs électeurs. Qualifiée de « libérale » – sous-entendu, de « permissive » –, figure de proue de San Francisco, ville caricaturée comme celle de tous NICK WASS /AP 4 Nancy Pelosi a voté contre le recours à la force en Irak en 2002 et contre le renouvellement du Patriot Act. les excès, elle a servi de repoussoir contre le renouvellement du Patriot dans les publicités télévisées dites Act, une législation qui donne des « négatives » que les candidats ont le pouvoirs étendus au gouvernement droit de diffuser pour dénoncer les en matière antiterroriste, et contre lacunes, voire les défauts de leurs la création d’un département de la adversaires. sécurité intérieure. « J’ai le cuir épais », a coutume Ces quatre Elle est favorable au de répondre cette élégante dernières financement public femme brune, d’ascendance années, cette des cliniques pratiitalienne, née en 1940 et qui mère de quant l’avortement, a grandi à l’ombre d’un père cinq enfants à la recherche sur maire de Baltimore de 1947 à a dirigé les cellules souches 1959. Elle-même a un jour qua- le groupe embryonnaires et lifié George W. Bush d’« incom- démocrate à la au suicide assisté pétent » et les républicains de Chambre des (euthanasie). Elle « corrompus » et « d’immoraux », représentants. s’est par ailleurs après de récents scandales opposée au projet au Congrès. Elle a voté contre le de construction d’un mur le long recours à la force en Irak en 2002, de la frontière mexicaine. La cohabitation risque donc de faire des étincelles. L’ambiance, chez nombre de démocrates, est à la revanche, la Chambre des représentants leur ayant échappé depuis 1994 et les républicains en ayant profité pour politiser le travail parlementaire. Nancy Pelosi a indiqué qu’elle entendait faire voter une hausse du salaire minimum et le financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Et elle saura comme toujours jouer des coudes. À la maison, quand elle était enfant, elle était la seule fille au milieu de cinq garçons. J.-C. P. T La réussite des démocrates a été provoquée par un fort rejet des leaders républicains Le « parti de l’âne » donne un sérieux coup de « bleu » au Congrès CLEVELAND (Ohio) De notre envoyé spécial L es démocrates, dont le symbole est l’âne et la couleur le bleu, sont de retour à Washington : douze ans après avoir perdu la majorité au Congrès, six ans après avoir quitté la Maison-Blanche et concédé deux défaites en 2000 et 2004. Pourtant, la réussite hier des troupes bleues emmenées par Howard Dean, président du Parti démocrate, souligne la défaite de leurs adversaires plus que leur propre victoire. Car toutes les enquêtes confirment que les Américains, au moment de glisser leur bulletin dans l’urne ou d’appuyer sur les écrans tactiles, étaient remontés contre les leaders républicains. Au premier d’entre eux, le locataire de la Maison-Blanche, ils entendaient dire leur rejet de la guerre en Irak et de la façon dont elle est conduite. Mardi, lors de son discours de victoire à Cleveland, le nouveau sénateur de l’Ohio, Sherrod Brown, a reçu longue pour un parti en verve pour une ovation lorsqu’il a lancé qu’il défendre la morale. était « temps de mettre un terme à Dans ce climat de frustration et de la guerre en Irak ». Le message des colère grandissante, les démocrates électeurs, comme celui des démo- ont su avancer leurs pions. Ils ont crates, est à la fois clair et ambigu : beaucoup parlé d’Irak, certes, mais les Américains ont manifesté la aussi d’économie, de santé et d’éduvolonté de mener une autre poli- cation. Des thèmes déjà présents tique irakienne, sans se prononcer dans la campagne présidentielle cependant sur une alternative que 2004, mais que les électeurs, toudes démocrates ne présentaient jours traumatisés d’ailleurs pas. Les victoires par les attentats Mais les Américains sont éga- de mardi du 11 septembre lement en colère contre les lea- traduisent 2001, n’avaient ders républicains du Congrès. la réconciliation écoutés que d’une Depuis plusieurs mois, un cli- avec une classe oreille. Depuis, mat de corruption empoisonne moyenne ces problèmes l’atmosphère sur le Capitole : qui fuyait les n’ont fait que s’agcoup sur coup, plusieurs scan- démocrates. graver : les coûts dales ont mis en cause des élus de santé et d’édurépublicains, pris au piège d’un cation ont continué à augmenter pouvoir exercé sans partage. En à un rythme difficile à suivre. En juin, leur leader à la Chambre des un an, les frais d’inscription dans représentants, le très puissant élu les universités privées ont encore texan Tom DeLay, avait dû démis- connu une hausse de 6 % : il faut sionner pour avoir profité des lar- désormais l’équivalent de 53 semaigesses du lobbyiste Jack Abramoff. nes de salaire moyen pour inscrire Plusieurs autres élus ont dû l’imiter son enfant. Près d’un an de travail depuis. La liste commençait à être pour une année d’études… Les victoires de mardi traduisent enfin la réconciliation avec une classe moyenne qui fuyait les démocrates depuis que le parti avait accordé son attention aux plus pauvres et aux minorités. De bonne augure pour 2008. D’autant que, quel qu’il soit, le candidat démocrate pourra compter sur le soutien de nombreux gouverneurs : les démocrates dirigent désormais l’exécutif de 28 États. Or, être à la tête d’un État est un plus pour le candidat du parti dans un système où les élections sont organisées au niveau local : si la Floride n’avait pas été dirigée par un républicain en 2000, l’issue du scrutin aurait été différente. En 2004, c’est l’Ohio, encore aux mains des partisans de Bush, qui avait décidé du sort du vainqueur de l’élection, dans un climat de controverses. Mais mardi, l’Ohio a été « repeint en bleu » et dans deux ans, la présidentielle dans cet État se tiendra sous la houlette du démocrate Ted Strickland, élu mardi. G. B. 4 Les élections la Croix Mardi 7 novembre 2006 T Depuis quinze ans, l’Arizona est devenu la principale voie d’entrée pour les clandestins sud-américains A Nogales, l’élection se jouera sur l’immigration NOGALES De notre envoyé spécial JILL CONNELLY/GAMMA J osé Luis Morales est assis sur un bout de trottoir en marge d’un parking défoncé de la ville de Nogales Sonora, du côté mexicain de la frontière avec l’Arizona. Il montre ses poignets et sa lèvre supérieure qui portent les traces de l’échec de sa tentative de pénétrer illégalement sur le territoire américain. Il s’est blessé en tentant de passer par-dessus le mur de trois mètres de haut, couvert de barbelés, qui court dans cette région le long de la frontière. Une patrouille l’a ramassé et remis aux autorités mexicaines. Mais le jeune homme de 24 ans, originaire de l’État d’Oaxaca, dans le sud du Mexique, tentera à nouveau sa chance. Il a déjà travaillé clandestinement aux États-Unis, cuisinier dans un restaurant de Long Beach, en Californie, payé 9 dollars (8 €) l’heure, l’équivalent d’une journée de travail dans le bâtiment au Mexique. Chaque semaine, il envoyait 200 dollars (173 €) à sa mère. Lorsqu’elle est tombée malade, il est rentré. Depuis, sa mère est morte. Plus rien ne le retient. En Californie, José Luis Morales n’a jamais eu maille à partir avec la police et son employeur se moquait de savoir s’il avait des papiers. Neuf autres illégaux travaillaient avec lui. Il est prêt à assumer ce statut précaire jusqu’à ce qu’une chance de régularisation se présente. En attendant, le passage clandestin lui coûtera sans doute 3 000 dollars (2 500 €). Les filières ne manquent pas à Nogales Sonora, ruche de 400 000 habitants, séparée par le mur de Nogales, l’américaine, sœur jumelle florissante où des milliers de Mexicains se rendent légalement tous les jours. L’obstination de ce jeune homme reflète la poussée migratoire qui a fait de l’immigration clandestine un des sujets chauds des élections d’aujourd’hui. Le 26 octobre, douze jours avant le scrutin, le président Bush a ainsi paraphé une loi approuvant la création Parmi la communauté hispanique de Los Angeles, qui constitue un réservoir de main-d’œuvre bon marché. d’un nouveau mur sur 1 300 kilomètres entre son pays et le Mexique, soit plus d’un tiers de la longueur totale. Pendant un an, au Congrès, le débat a fait rage entre les partisans d’une fermeté envers les immigrants clandestins et les défenseurs d’une approche pragmatique. Deux sénateurs prestigieux, le républicain John McCain et le démocrate Edward Kennedy, ont coparrainé un projet adopté en mars au Sénat, qui prévoyait notamment la régularisation et l’accession à la citoyenneté de centaines de milliers de travailleurs illégaux, ainsi que la mise en place d’un programme d’immigration temporaire permettant la venue de « travailleurs invités ». Mais la Chambre des représentants, où les leaders du Parti républicain ne voulaient pas entendre parler d’un accord avec les démocrates, a adopté son propre projet de loi, beaucoup plus intransigeant. Au final, les deux chambres n’ont pour l’élection présidentielle de pu s’accorder que sur le mur, un 2008. « Le projet McCain-Kennedy projet qui n’a toutefois pas été revient à amnistier les clandestins », budgétisé. explique-t-il à un groupe de jourAujourd’hui, en Arizona, le nalistes européens (1). Randy Graf résultat de l’élection comptant a rejoint les Minutemen, des volonpour la Chambre des reprétaires qui organisentants est considéré comme Pendant sent des rondes un test national de l’humeur un an, de surveillance à des Américains sur la question au Congrès, la frontière. de l’immigration. Dans la 8e le débat a fait Selon les sondacirconscription, qui longe le rage entre ges, ce discours Mexique sur plusieurs centai- les partisans musclé ne sufnes de kilomètres, un « faucon d’une fermeté fira pas à Randy de la frontière » se présente. envers Graf pour gagner Randy Graf est partisan de la les immigrants aujourd’hui et tolérance zéro, à tel point que clandestins ce serait alors le sénateur sortant, Jim Kolbe, et les défenseurs une femme, Gamembre comme lui du Parti d’une approche brielle Giffords, républicain, a décidé de ne pas pragmatique. qui enlèverait au le soutenir. Des cheveux de jais, Parti républicain chaussant des bottes… mexicai- une circonscription qu’il détenait nes, Randy Graf s’est aussi dressé depuis vingt-deux ans. Élégante contre John McCain, sénateur de et vive, les cheveux ramassés en l’Arizona et candidat probable à queue-de-cheval, Gabrielle Gifl’investiture du Parti républicain fords ne minimise pas le poids de l’immigration clandestine qui a contribué, avec l’afflux de retraités américains s’installant dans cet État parmi les plus ensoleillés du pays, à augmenter la population de l’Arizona de 40 % en dix ans. Mais elle souligne l’importance d’une main-d’œuvre bon marché pour l’agriculture, le tourisme et le bâtiment. Et elle dénonce la passivité de l’administration Bush. Depuis quinze ans, l’État fédéral a renforcé le contrôle des frontières du Mexique avec la Californie et le Texas et c’est l’Arizona qui est devenu la principale voie de passage. « La construction d’un mur ne changera rien, assure Gabrielle Giffords. Il y aura davantage d’échelles, davantage de tunnels. D’autant qu’il n’y aura personne pour assurer une surveillance 24 heures sur 24. » Sur le long terme, explique-t-elle, il faut que les États-Unis favorisent le développement du Mexique, en incitant ses multinationales à y investir, et il faut développer l’immigration temporaire. Ce n’est toutefois pas sur l’immigration qu’elle fait campagne. « Le vote démocrate, ce sera en faveur de l’amélioration du système éducatif, d’une hausse des salaires et d’un retrait des troupes d’Irak », résume Docky Straskeller, une volontaire. À Nogales, côté américain, le shérif du comté de Santa-Cruz, Tony Estrada, se souvient des années 1950, lorsqu’il n’y avait, pour séparer les deux côtés de la ville, que quelques barbelés. Le mur, qui s’étire localement sur quelques dizaines de kilomètres, est apparu en 1995, après une brutale flambée de la criminalité. La même année, le premier tunnel de contrebande était découvert. « Plus on renforce le contrôle, constate-t-il, plus le passage rapporte aux réseaux criminels qui contrôlent aussi le trafic de drogue. » JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN (1) Huit journalistes européens ont été invités par la Fondation German Marshall Fund of the United States à couvrir l’élection américaine en Arizona et au Connecticut. T Les démocrates ont décidé de ne plus laisser à leurs adversaires le monopole de la foi. Exemple dans l’Ohio Ted Strickland affiche ses convictions religieuses CLEVELAND (Ohio) De notre envoyé spécial L. orsqu’un candidat du Parti démocrate lance une campagne électorale, les mêmes références sont au rendez-vous : Franklin Roosevelt, Harry Truman et John Kennedy sont régulièrement invoqués. Ted Strickland, candidat au poste de gouverneur de l’État de l’Ohio, a placé sa campagne à un tout autre niveau : son modèle, c’est Jésus. « La foi ne signifie pas seulement croire, dit-il régulièrement. Selon ma perception de la foi chrétienne, cela signifie suivre l’exemple du Christ pour une vie au service des autres. » Sur les estrades, ce solide sexagénaire, blond, yeux clairs, en parle avec aise. Ted Strickland est un ancien pasteur de l’Église méthodiste. « Pour lui, exposer sa foi est important, explique son porteparole, Keith Dailey. Car c’est de là qu’il tire ses valeurs d’aujourd’hui. » Venant d’un démocrate, ce dis- cours est plutôt neuf. De leurs Mais la présentation est différente. échecs successifs, les démocrates « Élu gouverneur, je me battrai pour ont retenu la leçon : ils ont décidé de ce que j’appelle les “kitchen-table ne plus laisser à leurs adversaires le issues” (NDLR : « questions de table monopole de la foi. D’où le choix de de cuisine »), expliquait-il ce weekcandidats prêts à mettre en avant end, lors d’un dernier meeting à leur foi. Hormis Ted Strickland, Cleveland, en compagnie de la il faut ainsi compter avec Harold nouvelle coqueluche des démoFord Jr. dans le Tennessee, qui crates, Barack Obama, sénateur est en course pour le Sénat et qui afro-américain de l’Illinois. Ce rappelle régulièrement combien sont les questions dont les parents il « aime Jésus », et un autre can- discutent autour de la table de la didat, cette fois en Virginie. Ce cuisine quand nouveau discours n’est pas sans « Ce nouveau les enfants sont provoquer des changements sur discours couchés : Comle fond. Sur certains dossiers ne signifie pas ment allonssensibles, comme l’avortement que nous suivons nous payer les par exemple, les démocrates les républicains études des ensont aujourd’hui plus modérés. sur leur terrain. » fants ? Que faire « Ted Strickland est pour la lépour couvrir les galisation de l’avortement, précise frais des assurances-santé ? Ce sont Keith Dailey. Mais il est également ces questions qu’il faut mettre en favorable à certaines restrictions avant. » ou certains encadrements, pour les « Questions éthiques » contre mineures par exemple. » « questions de table de cuisine », en Pour autant, son programme re- somme ? « Certainement pas, réprend les grands principes démo- pond Keith Dailey. L’avenir de leur crates : emploi, santé, éducation… famille fait partie des “questions Ted Haggard reconnaît sa culpabilité C Ted Haggard, 50 ans, qui a démissionné jeudi de son poste de président de l’Association nationale évangélique (NAE), a reconnu dimanche « être coupable de débauche sexuelle ». Il a fait cette confession dans une lettre lue au cours du service de l’Église de la nouvelle vie (New Life Church) dont il était responsable à Colorado Springs (ouest). Ted Haggard est un important responsable évangélique, une frange chrétienne très conservatrice qui a beaucoup compté dans la victoire de Bush en 2004. En 2005, le magazine Time classait ce pasteur parmi les 25 plus influents leaders évangéliques. La NAE revendique 30 millions de membres dans le pays. éthiques” ! S’occuper des gens, trouver des solutions à leurs problèmes, c’est aussi un devoir moral, un devoir religieux : la Bible nous dit qu’il faut aider les plus pauvres, et nous aider les uns les autres. » Un nouveau ton qui, semble-t-il, passe plutôt bien chez des militants, lassés des défaites. « Cette tendance est nouvelle, explique Mike, volontaire de la campagne de Ted Strickland. C’est de la bonne politique. La droite religieuse, depuis les années 1980-1990, a revendiqué le monopole de la foi. Ce nouveau discours ne signifie pas que nous suivons les républicains sur leur terrain. Car les démocrates parlent de leur foi pour dire qui ils sont. Certains sont personnellement opposés à l’avortement, par exemple, mais favorables à sa légalisation. Ils reconnaissent aux autres le droit de choisir. Les républicains, eux, parlent de leur foi pour imposer aux autres leurs vues. » G. B. Monde 18 la Croix Mercredi 8 novembre 2006 ÉLECTIONS Les Américains se prononçaient aussi hier sur des référendums locaux La discrimination positive divise le Michigan le meeting ne se termine par la reprise, tête baissée et main dans la main, du chant symbole des endant la campagne années de lutte, We shall overélectorale américaine, les come. À la tête de la coalition One panneaux piqués dans les United Michigan – qui regroupe, jardins ont été nombreux entre autres, leaders républicains le long de la Seven Mile Road, qui et leaders démocrates, l’Église catraverse un quartier populaire tholique du Michigan et l’Aclu, fer noir de Detroit. Ils portaient pour de lance de la laïcité –, Kimberly l’essentiel les couleurs des can- Trent a mené la charge contre didats démocrates aux fonctions cette proposition. « Depuis le déélectives locales (gouverneur, but, nos adversaires multiplient les secrétaire d’État, ministre de la ambiguïtés pour tromper l’électeur justice, juges…). Mais le panneau sur les véritables objectifs, explile plus en vue affichait un mes- que-t-elle. Quand ils ont lancé sage : « Non à la n° 2. Ne faites pas leur pétition, ils ont dit à certaines machine arrière. » personnes qu’ils avaient recrutées Dans tous les États, les électeurs pour recueillir les 508 000 signatuétaient appelés hier à choisir leurs res que le projet visait à protéger les élus au Congrès, mais également droits des minorités ! » à se prononcer sur des référenLe discours des opposants à la dums locaux. Si certains n’avaient discrimination positive est en efqu’une portée très régionale, fet bien rodé : il a fait ses preuves l’affaire était tout autre dans le en Californie, en 1996, puis dans Michigan, où la proposition 2 l’État de Washington, où deux prévoyait l’introduction d’un textes similaires ont reçu le feu amendement tirant un trait sur vert des électeurs. Le nom même la discrimination positive, pode leur projet litique publique mise en place Le discours en témoidans les années 1960 pour des opposants gne : « Initiadonner un coup de pouce aux à la discrimination tive pour les minorités ethniques dans les positive est en effet droits civiécoles, les entreprises, etc. « Je bien rodé. ques du Min’aurais jamais cru que je serais On en oublierait chigan ». On à nouveau en train de défendre presque qu’il est en oublierait cette politique qui nous a ouvert soutenu par presque que tant de portes », disait lundi le Ku Klux Klan. cette initialors d’un meeting le Révérend tive a reçu le Lowery, 85 ans, figure historique soutien du Ku Klux Klan. Idem du mouvement des droits civi- dans la formulation : la propoques, au Greater Grace Temple, sition prévoyait « d’amender la une des églises de Detroit. Constitution de l’État pour interL’un des plus proches collabo- dire des programmes de discrimirateurs de Martin Luther King, nation positive qui accordent un présent dans le combat depuis le traitement préférentiel à un groupe boycott des bus lancé après l’ar- ou à des individus en raison de leur restation de Rosa Parks à Mon- race, de leur sexe, de leur couleur, tgomery, en Alabama, en 1955, de leur origine ethnique ou de leur avait tenu à être présent si loin de origine nationale pour l’attribuchez lui, en Géorgie, pour souli- tion d’emplois, de contrats ou la gner l’ampleur de l’enjeu. « Car sélection à l’entrée à l’université ». s’ils gagnent ici, ils vont continuer Les partisans de la proposition 2 partout », a-t-il affirmé, avant que jouent en effet la carte de l’antiDETROIT (Michigan) De notre envoyé spécial TOM GRALISH/WORLD PICTURE NEWS P L’un des QG de campagne démocrates en Pennsylvanie. La discrimination positive en faveur des minorités ethniques, en vigueur depuis les années 1960, est soumise à référendum dans plusieurs États américains. racisme. « Il faut passer à autre chose et ne plus juger les gens sur la couleur de leur peau, explique Doug Tietz, directeur de campagne du Michigan Civil Rights Initiative Committee. Ce n’est pas au gouvernement de choisir les vainqueurs et les perdants ! Et puis, qu’est ce que la diversité ? Qu’en est-il des différences socioéconomiques ? La diversité, ce n’est pas ce qui se voit sur une photo. » Un raisonnement qui fait bondir Ted Spencer, responsable des admissions à la très sélective université du Michigan. Ce Noir-Américain a grandi dans le Tennessee, quand la ségrégation était encore à l’ordre du jour. Puis il a vu monter les revendications et a profité de la discrimination positive. Mais surtout, il est con- vaincu que l’université a raison. Car l’initiatrice de la proposition 2 n’est pas une inconnue : il y a plusieurs années, Jennifer Gratz avait porté plainte contre l’université, l’accusant de n’avoir pas été admise alors qu’elle avait de meilleures notes que d’autres étudiants acceptés parce que noirs. En 2003, l’affaire était remontée à la Cour suprême qui avait donné raison à l’université sur le fond, tout en contestant sa méthode. « Pour chaque critère, nous avions un nombre de points, explique Ted Spencer, pour nous assurer de la diversité des étudiants. Diversité ethnique, mais aussi économique, géographique… Désormais, nous continuons à faire de même, mais sans les points. » « Depuis la fin des années Nixon, la discrimination positive est remise en cause, continue Ted Spencer. Avec les années Bush, le phénomène s’est accéléré. D’ailleurs, devant la Cour suprême en 2003, la Maison-Blanche était aux côtés de nos adversaires. Mais l’armée était avec nous. Comme le monde des affaires, convaincu que des étudiants qui ont l’occasion de vivre dans un milieu de diversité sont plus aptes à travailler avec les autres. » Et tout porte à croire que cette diversité ne survivrait pas à la fin de la discrimination positive : en Californie, le nombre des Afro-Américains dans les universités publiques est en chute libre depuis 1996. GILLES BIASSETTE T Démocrate mais défenseur de la guerre en Irak, le sénateur du Connecticut a dû se battre pour garder son siège Joe Lieberman, un faucon qui ne lâche pas l’Irak HARTFORD (Connecticut) De notre envoyé spécial D ans un paysage politique américain fortement renouvelé par les élections d’hier (1), un homme devrait apparaître comme un imbattable dur-à-cuire. Joe Lieberman, sénateur sortant du Connecticut, un petit État paré des couleurs de l’automne juste au nord de New York, s’est présenté contre sa propre formation, le Parti démocrate, pour garder le siège qu’il détenait depuis dix-huit ans. Ce centriste, qui compte depuis 2003 parmi les plus sûrs supporteurs de la guerre en Irak déclenchée par George W. Bush, a choisi pendant sa campagne de s’appuyer sur une puissante vague de fond : la lassitude des électeurs envers la dureté et la stérilité de l’affrontement bipartisan au Congrès des États-Unis. Le scrutin dans sa circonscription se jouait hier entre lui, Ned Lamont, candidat officiel des démocrates, et Alan Schlesinger, membre du Parti républicain. Depuis août, le sénateur sortant a fait la course en tête, crédité dans les sondages de plus de dix Parti démocrate, le 8 août, en l’atpoints d’avance sur son challen- taquant durement sur son soutien ger démocrate. À Washington, le à la guerre. Mais durant la campaParti républicain avait décidé de le gne, le challenger n’a pas été capasoutenir, contraignant Alan Schle- ble de proposer une alternative. singer à jouer les figurants, et une Ses appels à un retrait rapide des majorité d’électeurs enregistrés troupes n’ont guère convaincu une comme républicains ou comme classe moyenne qui adhère encore indépendants étaient décidés à au discours sur la guerre contre le voter pour lui. En revanche, les terrorisme. démocrates l’ont rejeté comme un Joe Lieberman s’est posé en fédépoliticien retors. « Il a trahi ce en rateur, assurant que, s’il était réélu, quoi il croyait », pestait hier John il jouerait « un rôle pivot au Sénat Cusano, 54 ans, un électeur sor- pour dégager un consensus » sur la tant du bureau de vote installé meilleure sortie de dans la bibliothèque du centre- La violente crise possible en ville de Hartford. « Il a voté pour répulsion des Irak. Il demande la guerre en Irak. Il a franchi les démocrates notamment la limites. Il a été longtemps un bon envers démission du misénateur mais il a une trop forte la politique nistre de la défense idée de lui-même depuis qu’il a du président Ronald Rumsfeld, été candidat à la vice-présidence Bush en Irak la réunion d’une avec Al Gore », regrettait Margin pourrait conférence interKreitler, 59 ans. nationale sur l’Irak ne pas suffire Si la victoire de Joe Lieberman pour créer et une action déterétait confirmée, cela montre- des majorités. minée du gouverrait que la violente répulsion nement de Bagdad des démocrates envers la politique pour mettre au pas les milices. du président Bush en Irak ne leur « Faire campagne comme indésuffit pas pour créer des majorités. pendant n’était pas mon premier Ned Lamont l’avait devancé lors de choix, expliquait-il encore lundi la primaire organisée au sein du soir devant les sapeurs-pompiers de East Hartford. Mais cela a fait de moi le candidat du peuple. » À 64 ans, ce mandarin de la politique est apparu parfois vexé de devoir se battre pour son siège et aura dépensé l’équivalent de 25 millions d’euros – tout comme son concurrent – pour sa campagne. Il a par avance signé l’armistice avec les dirigeants du Parti démocrate au Sénat, qui lui ont assuré qu’ils ne lui retireraient pas les fonctions qu’il assumait durant la dernière législature s’il restait dans leur groupe. Le soutien financier et l’appui politique que plusieurs dirigeants républicains lui ont apporté durant la campagne, notamment le vice-président Dick Cheney et le maire de New York, Michael Bloomberg, ont révélé par ailleurs une alliance qui n’est pas que de circonstance. En cas de victoire, Joe Lieberman apparaîtrait alors dans un rôle central, susceptible de faciliter des accords bipartisans. « La priorité est de construire des ponts plutôt que des murs, affirmait-il dimanche lors de son dernier grand discours public avant le scrutin. Elle est de s’écouter mutuellement plutôt que de se crier dessus ; de réaliser et de reconnaître qu’aucun des deux partis n’a le monopole des bonnes idées. » Depuis 2001, Joe Lieberman s’est montré plutôt démocrate sur les questions relatives à l’environnement, au mariage homosexuel ou au droit à la contraception, mais il est très proche des républicains néoconservateurs en matière de politique étrangère. Il apporte un soutien indéfectible à Israël, compare le président iranien Mahmoud Ahmadinejad à Hitler et Ben Laden, et vitupère contre Fidel Castro ou Hugo Chavez. Son adhésion à la lutte contre le terrorisme version George W. Bush l’a conduit à accepter les entorses aux Conventions de Genève relatives aux droits des prisonniers de guerre. En cas de victoire, il freinera sans doute les efforts des démocrates d’obtenir une révision radicale de la politique étrangère de son allié, le président. JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN (1) La Croix donnera les résultats des élections américaines, connus dans la nuit de mardi à mercredi, dans ses prochaines éditions.