Jean Boogaerts Rein et Anesthésie
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Jean Boogaerts Rein et Anesthésie
Rein et Anesthésie Jean Boogaerts CHU Charleroi Page 1 1 Rein Rein et et Anesthésie Anesthésie Surveillance péri-opératoire CERVEAU + COEUR +++ POUMON ++ REIN ±? Miller E, Annual refresher courses lectures, ASA, 1990 Monsieur le Président, mesdames et Messieurs, En 1990, dans une conférence de l’ASA sur le thème “Rein et Anesthésie”, Miller s’étonnait du fait qu’un organe tel que le rein qui reçoit 20% du débit cardiaque soit aussi délaissé en période périopératoire alors que d’autres organes tels que le coeur, le cerveau ou les poumons sont étroitement surveillés. Force est alors de constater que dans ces conditions, lorsque des anomalies rénales sont détectées, il est souvent trop tard! Ce constat pose bien le problème de la protection rénale périopératoire au centre duquel doit se trouver l’anesthésiste-réanimateur. En effet, compte tenu de sa gravité, du type de lésions impliquées et de l’absence de progrès réels, ces dernières années, concernant le pronostic d’une insuffisance rénale aiguë constituée, on doit se tourner aujourd’hui vers une démarche préventive visant à diminuer l’incidence de l’IRAPO. Page 2 2 La La “Protection “Protection rénale” rénale” périopératoire périopératoire 1 - Bases épidémiologiques 2 - Bases physiopathologiques 3 - Bases pharmacologiques 4 - Stratégie de protection • Nous aborderons donc le problème de la façon suivante en : 1 -rappelant les raisons qui doivent nous orienter vers une démarche préventive, 2 - voyant ce qu’il faut protéger, 3 - voyant s’il existe actuellement des médicaments capables de protéger la fonction rénale, 4 - pour conclure par l’attitude pratique il convient d’adopter en 1996 Page 3 3 Incidence IRAPO Incidence de de l’l’IRAPO Méta-analyse 1965 - 1989 Nb d’études % Vasculaire 12 45 % 3851 6 - 45 % Cardiaque 8 30 % 5423 1 - 39 % Générale 4 15 % 1183 2 - 39 % Biliaire 2 7% 280 7- 8% Total 26 Chirurgie Nb de patients Incidence 10 737 Novis BK, Anesth Analg, Analg, 1994 • Si des publications récentes évoquent une diminution, au cours de ces dernières années, de l’incidence des IRA survenant dans un contexte périopératoire ou post traumatique, au dépend d’IRA d’origine purement médicales (22% environ contre 78%), celle-ci reste très imprécise et la revue de la littérature fait apparaitre de grandes divergences. • Si l’on s’appuie sur la méta-analyse récente de Novis publiée dans Anesth Analg, qui reprend 26 études analysables publiées entre 1965 et 1989, et concernant un collectif de plus de 10 OOO patients, on constate une incidence variable (allant de 1% à 45 %, voire 84% dans une étude) selon : - les périodes d’études considérées - le type de patients étudiés, - le type de chirurgie auquel on s’intéresse - mais surtout la manière dont est définie l’insuffisance rénale aiguë. Page 4 4 Définition IRA Définition biologique biologique de de l’l’IRA Fonction glomérulaire ? - créatinine - urée - clair. de la créatinine Fonction tubulaire ? - osmolarité urinaire - fraction excrétrice Na+ Créatininémie et filtration glomérulaire DFG ≤ 50% CREATININEMIE ( µmol / l ) Miller (1978) 177 Rasmussen (1982) 180 Kleinknecht (1986) 200 Bullock (1985) 220 • En effet, il n’y a pas de valeur biologique universellement reconnue pour évaluer la défaillance rénale : - certains utilisent des variables qui mesurent la fonction glomérulaire tels que la créatininémie, l’azotémie ou le taux de filtration glomérulaire (c.à d. la clairance de la créatinine), - d’autres évaluent la fonction de concentration tubulaire (puisque c’est la première anomalie à apparaître dans les formes les moins graves d’atteinte rénale) par l’osmolarité urinaire ou la fraction excrétrice de sodium, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, - et même pour ceux qui utilisent la créatininémie, les limites sont floues et ne correspondent pas aux mêmes débits de filtration glomérulaire (comme le rappelle cette courbe qui lie de façon exponentielle entre la créatininémie au débit de filtration glomérulaire, c. à d. la clairance de la créatinine). • En fait la seule définition standardisée est “la diminution brutale supérieure ou égale à 50% de sa valeur initiale de la filtration glomérulaire” évaluée par la clairance de la créatinine. Page 5 5 Insuffisance Insuffisance rénale rénale aiguë aiguë Mortalité en fonction du nb de défaillances organiques Cameron JS, Intensive Care Med, Med, 1986 Groeneveld ABJ, Nephron, Nephron, 1991 Schaefer JH, Intensive Care Med, Med, 1991 Spiegel DM, Am J Nephrol, Nephrol, 1991 NB de défaillances organiques 0 Pourcentage de survivants 62 % 1 44 % 2 30 % 3 19 % 4 0% • Si le taux de mortalité de l’IRAPO, qui se situe entre 60 et 80%) reste, d’après toutes les statistiques, plus élevé que celui des IRA d’origine purement “médicale”, cette mortalité a, en fait, souvent peu de lien direct avec l’IRA elle-même, comme le montre ce tableau qui représente le taux de mortalité en fonction du nombre de défaillances associées à l’IRA, et ou l’on constate que l’IRA n’est qu’un facteur surajouté et qu’il est difficile de lui imputer toute la responsabilité de cette mortalité. Page 6 6 Insuffisance Insuffisance rénale rénale aiguë aiguë Incidence sur le pronostic général Mortalité x 6 Durée de séjour Morbidité Coût IRC : 10% 650 000 Euros x 2-4 Shusterman N, Am J Med, Med, 1987 Hou SH, Am J Med, Med, 1983 Cameron JS, Intensive Care Med, Med, 1986 IGS APACHE II ? Schaefer JH, Intensive Care Med, Med, 1991 Frikha M, Ann Fr Anesth Réanim, Réanim, 1995 • Quel est alors le poids réel de cette IRA vis à vis du pronostic : - Pour certains, c’est très difficile de l’évaluer! - Pour d’autres comme Shusterman , à partir d’une étude cas-contrôle comparant, dans un hôpital universitaire de Pensylvanie, des patients ayant contracté une IRA hospitalière à des patients comparables en terme de pathologie mais n’ayant pas d’IRA, elle multiplierait par 6 le risque de décès et par 2 à 4 la durée de séjour hospitalier. • La morbidité de cette affection est également très importante puisque 10% des patients qui survivent gardent une IRC, dont la moitié auront besoin d’une EER définitive. • Quant à son coût, Cameron l’évaluait déjà en 1986 à 2 500 000 F par patient. • Enfin, il faut savoir que les scores de gravité réalisés à l’admission des patients dans une unité post op sous évaluent la gravité de ces patients présentant une dysfonction rénale. En conclusion, nous pouvons dire que l’incidence et la gravité de l’IRAPO sont certainement sous-évaluées et justifient amplement que l’on s’intéresse à la prévention. Page 7 7 La La “Protection “Protection rénale” rénale” périopératoire périopératoire 1 - Bases épidémiologiques 2 - Bases physiopathologiques 3 - Bases pharmacologiques 4 - Stratégie de protection Voyons donc ce qui peut se passer au niveau rénal durant la période périopératoire et ce qu’il faut protéger. On va donc pour cela s’intéresser à : 1 - Type d’atteinte rénale 2 - Caractéristiques de la vascularisation rénale et de sa régulation - circulation de type terminal - régulation complexe et équilibre subtil avec multiples médiateurs - autorégulation rénale - perte de réactivité de la vascularisation 3 - Caractéristiques de l’oxygénation médullaire - coefficients d’extraction et adéquation entre besoins et apports - oxygénation médullaire 4 - la nécrose tubulaire aiguë - ischémique - toxique Page 8 8 Insuffisance Insuffisance rénale rénale aiguë aiguë P.O. P.O. Type d’atteinte rénale Glaser (1981) ** Benoit (1982) * Kleinknecht (1986) *** Néphr. Néphr. obstructructive 7,1 % 84,2 % ----8,4 % Néphr. Néphr. vasculaire --- --65,2 % 7,8 % 3,5 % 17,4 % 2,6 % 26,2 % 33,5 % 5,7 % 7,1 % 2,6 % 5,5 % IRA fonctionnelle NTA NIA GNA * Unité de Néphrologie ** Réanimation Chirurgicale *** Réanimation polyvalente d’après Kleinknecht D. In Bihari D, Neilds G éd. Acute renal failure in the ITU. ITU. Berlin; SpringerSpringer-Verlag, Verlag, 1990 Type de néphropathie Classiquement, vous le savez, les causes d’IRA sont classées en pré-rénales (ou insuffisances rénales fonctionnelles), rénales (atteinte parenchymateuse directe ou IRA intrinsèques) et post-rénales (uropathies obstructives). • Et bien sur ce tableau par exemple que l’on doit à Kleinknecht, on peut voir que d’une façon générale (sur des réa néphrologiques ou polyvalentes et en périopératoire en particulier, si l’on associe IRA fonctionnelle et nécrose tubulaire aiguë, 80% des causes concernent globalement une atteinte tubulaire aiguë d’origine ischémique ou toxique, ou les deux associées! Pourquoi une telle fréquence d’atteinte tubulaire ? Ceci peut s’expliquer par 2 particularités de la physiologie rénale : - d’une part le mode de vascularisation des néphrons et le mode de régulation du débit sanguin rénal, - d’autre part les caractéristiques de l’oxygénation médullaire. Page 9 9 Vascularisation Vascularisation des des néphrons néphrons Artère interlobulaire Veine interlobulaire Médullaire externe couche externe Veine arquée Médullaire externe couche interne Vasa recta ascendants Vasa recta descendants Artère arquée Médullaire interne Artère interlobaire Extrait de Physiologie rénale, M. Paillard, Hermann éditeur, 1992 1992 Caractéristiques de la vascularisation rénale Cette première plaque pour vous rappeller que : • La vascularisation du néphron est de type terminal, chaque glomérule étant irrigué par une artériole afférente issue d’une artère interlobulaire. Les capillaires glomérulaires qui lui font suite forment un système porte artériel, monté “ en série ” entre artérioles afférente et efférente par lequel passe la quasi totalité du débit sanguin rénal. et les réseaux capillaires allant irriguer les tubes contournés proximaux et distaux et les anses de Henlé (vasa recta) naissent ensuite des artérioles efférentes. La conséquence de ce système est que toute anomalie en un point quelconque du circuit vasculaire aura un retentissement immédiat au niveau de la vascularisation tubulaire située en bout de chaine. • Le deuxième point à signaler ici est que la distribution intrarénale du débit sanguin rénal n’est pas homogène celui-ci diminuant du cortex (90%) vers la médullaire qui ne reçoit que 10%. Bien sûr, cette circulation bénéficie d’un système de régulation et de protection sophistiqué. Page 10 10 DFG CONTRACTION CONTRACTION ∆P angiotensine II arginine vasopressine parathormone angiotensine II noradrénaline FAN Pcg RELAXATION RELAXATION RAE prostaglandine I2 glucocorticoïde bradykinine FAN prostaglandine I2 glucocorticoïde bradykinine RAA Macula densa PAM Extrait de Physiologie rénale, M. Paillard, Hermann éditeur, 1992 Caractéristiques de la régulation de la vascularisation rénale (1) 1 - Vous savez tous que le débit de filtration glomérulaire dépend d’une part du DSR, d’autre part de la pression de filtration (²P) qui dépend elle même de la pression hydrostatique capillaire glomérulaire. Or, d’une façon un peu simplifiée, on peut dire que c’est l’équilibre, c. à d. la différence entre les résistances artériolaires afférentes et efférentes qui déterminent cette Pcg. 2 - Cet équilibre de résistance est sous contrôle hormonal : Par exemple, le système sympathique et le système rénine-angiotensine exercent un effet vasoconstricteur préférentiel au niveau de l’artériole efférente tandis que les prostaglandines exercent un effet vasodilatateur préférentiel au niveau de l’artériole afférente, ces deux systèmes contribuant tous deux à maintenir la pression capillaire glomérulaire. En pratique, les hormones qui contrôlent ce tonus artériolaire sont très nombreuses, et il faut remarquer que certaines d’entre elles exercent même des effets différents au niveau pré et post glomérulaire. La conséquence de ce système est que tout agent pharmacologique touchant l’un de ces médiateurs peut toucher les mécanismes physiologiques de protection du DSR et tout le monde connaît l’exemple des AINS qui, bloquant la synthèse intrarénale de prostaglandines, favorise le système sympathique et une vasoconstriction extrême en cas d’hypovolémie aiguë conduisant à une ischémie médullaire. Page 11 11 Autorégulation Autorégulation et et ischémie ischémie rénale rénale Kelleher SP et coll., Am J Physiol, Physiol, 1984 Débit sanguin rénal (mL / min) 10.0 Contrôle 3 semaines 8.0 1 semaine 6.0 4.0 2.0 0 90 100 110 120 Pression artérielle moyenne (mm Hg) Caractéristiques de la régulation de la vascularisation rénale (2) Autre point à aborder : celui de l’Autorégulation rénale • Le débit sanguin rénal et le débit de filtration glomérulaire sont normalement constants quelle que soit la PA tant que celle-ci reste supérieure à une valeur seuil qui se situe autour de 80 mm Hg de PAM. Il faut alors rappeler 2 éléments : 1 - certains états pathologiques tels que diabête ou HTA ancienne déplacent vers la droite ce seuil, ce qui veut dire que pour conserver le DRS, il faudra maintenir la PAM à un niveau plus élevé. 2 - en cas d’atteinte rénale débutante ou constituée, cette autorégulation disparaît et le DSR est directement dépendant des valeurs de PAM comme le montre ce modèle d’IRA ischémique, ce qui veut dire que toute baisse même minime de la PAM aura une conséquence immédiate sur le DSR et le DFG. Puisqu’il faut faire monter la PAM, avec quoi peut on le faire ? Page 12 12 Noradrénaline Noradrénaline et et ischémie ischémie rénale rénale Kelleher SP et coll., Am J Physiol, Physiol, 1984 Débit sanguin rénal (mL / min) 10.0 1 semaine 8.0 6.0 3 semaines 4.0 Contrôle 2.0 0 NaCl 8.5 17.0 34.0 68.0 136.0 Noradrénaline (µg/kg/min x 10-4) Caractéristiques de la régulation de la vascularisation rénale (3) • A l’état physiologique, l’utilisation de vasoconstricteurs tels que la noradrénaline est illogique et réduit le flux sanguin rénal par vasoconstriction proportinnelle aux doses administrées. • Là aussi, en cas d’altération rénale pré-existante, vous voyez sur ce modèle d’ischémie rénale que l’administration de NA n’entraîne plus de vasoconstriction, qu’on a une perte de réactivité de la vascularisation intrarénale et que le débit sanguin rénal devient proportionnel aux posologies de NA administrées. Ceci nous autorise donc à utiliser la NA sans crainte d’agravation rénale. Page 13 13 Coefficients Coefficients d’extraction d’extraction d’O d’O22 Région Débit sanguin [ml / min /100g] HépatoHépato-portale Rein Médullaire rein Cerveau Peau Muscle Coeur O2 délivré [ml / min /100g] O2 consommé [ml / min /100g] O2 consommé / O2 délivré [ %] 58 11.6 2.2 18 420 190 54 13 2.7 84 84 7.6 10.8 2.6 0.5 16.8 6.8 6.9 3.7 0.38 0.18 11.0 8 79 34 15 34 65 d’après Brézis M et coll., Kidney Int, 1984 Caractéristiques de l’oxygénation médullaire rénale (1) L’autre point essentiel à rappeler concerne les caractéristiques de l’oxygénation médullaire. Sur cette diapo figurent pour différents organes ou régions les valeurs de débit sanguin, les quantités d’O2 délivrées et consommées, et les coefficients d’extraction respectifs. Il faut savoir que 10% de la consommation totale de l’organisme se fait au niveau rénal, dont 80% au niveau tubulaire pour la réabsorption active de Cl- et de NA+. Et bien, si on regarde les coefficients d’extraction, on s’apperçoit que c’est à l’endroit où la consommation est la plus élevée que les apports sont les plus faibles, donnant ainsi un coefficient d’extraction très élevé comparable à celui que l’on retrouve au niveau myocardique. Ce qui veut dire qu’à ce niveau, il n’y a aucune réserve et que toute baisse même minime du transport d’O2 par baisse de débit sanguin, diminution du transporteur (anémie) ou diminution même minime de la Pa O2 entrainera une inadéquation entre les besoins et les apports et un véritable angor médullaire qui ne peut se manifester par une douleur. Mais d’une façon un peu caricaturale, on peut considérer qu’une insuffisance rénale fonctionnelle correspondant à une baisse de débit entraînant une réabsorption accrue de sodium au niveau tubulaire, correspond à un état d’angor médullaire constituant un véritable syndrôme de menace d’ischémie tubulaire. Page 14 14 Oxygénation Oxygénation médullaire médullaire rénale rénale Cortex Médullaire externe Médullaire interne 100 PO2 torr 80 60 40 20 0 5 15 20 10 Distance à partir de la surface corticale (mm) 25 d’après Brézis M et coll., Kidney Int, 1984 Caractéristiques de l’oxygénation médullaire rénale (2) Ce coefficient d’extraction très élevé peut être mis en évidence d’une manière simple en mesurant les PO2 intratissullaires qui traduisent la résultante entre apport et consommation, et vous voyez sur ce modèle de rein isolé-perfusé que les PO2 baissent au fur et à mesure que l’on s’enfonse vers les profondeurs de la médullaire. C’est donc par cette notion d’équilibre très fragile entre apports et besoins que l’on explique cette sensibilité paradoxale des tubules à l’ischémie. Par la suite, cette agression ischémique entraîne un oedème des cellules endothéliales vasculaires et une aggrégation érythrocytaire qui agrave l’ischémie et persiste durant toute la phase d’état de l’IRA. Page 15 15 N.T.A. N.T.A.ischémique ischémique et et obstruction obstruction tubulaire tubulaire d’après Myers BD et coll., N Engl J Med, Med, 1986 La nécrose tubulaire ischémique • Au décours de cette phase d’initiation, il se produit alors une obstruction tubulaire par les débris cellulaires nécrotiques, comme le montre ce schéma. • Cet obstacle entraine une séquestration de l’ultrafiltrat, une augmentation de pression intra tubulaire et une inversion d’équilibre des forces de Starling au niveau glomérulaire jusqu’à l’arrêt complet de l’ultrafiltration. • Sous l’effet de la pression, le mur tubulaire lésé laisse passer l’ultrafiltrat qui est réabsorbé par les vaisseaux sanguins, et ceci pendant toute la phase d’état. Il faut savoir que cette théorie mécanique est actuellement contestée, mais qu’elle a été le support physiopathologique de l’emploi de mannitol pour chasser ces débris cellulaires nécrotiques. Page 16 16 Néphrotoxicité Néphrotoxicité des des Produits Produits de de Contraste Contraste Iodés Iodés d’après Heyman SN et coll., Exp Nephrol, Nephrol, 1994 Produit Produitde decontraste contrasteiodé iodé ↑↑PGE PGE22 ↑↑ANP ANP ↑↑Adénosine Adénosine ↑↑Endothéline Endothéline ↑↑Vasopressine Vasopressine ↓↓PGI PGI22 + - Flux Fluxsanguin sanguin médullaire médullaire Hypoxémie Hypoxémiesystémique systémique ↑↑Viscosité Viscositésanguine sanguine ↑↑Charge Chargeosmotique osmotique du dutubule tubuledistal distal ↓↓OO2 délivré 2 délivré ↑↑OO2 consommé 2 consommé Hypoxie Hypoxiemédullaire médullairerénale rénale La nécrose tubulaire toxique (Produits de contraste Iodés) Autres grandes causes d’atteinte tubulaire : les causes toxiques. A ce sujet, il faut retenir que c’est l’association à une hypoperfusion rénale et/ou à une atteinte rénale préexistante qui prédispose un patient aux effets toxiques de médicaments pourtant administrés à doses thérapeutiques habituelles. La néphropathie aux PCI ou aux aminosides en est une illustration. La néphropathie aux PCI correspond en fait à un “angor” médullaire. En effet, ils augmentent la charge osmotique et la consommation tubulaire d’O2, alors qu’ils réduisent la quantité d’O2 délivrée aux tubules par une hypoxémie systémique transitoire, des modifications rhéologiques intramédullaires et une intense vasoconstriction rénale par l’intermédiaire d’un certain nombre de médiateurs. Quant à la néphrotoxicité comparée des PCI de haute (ioniques) et de basse (non ionique) osmolalité, il n’existe pas de différence de tolérance entre ces 2 types de produits chez les sujets normaux. Par contre, chez les patients à risques et chez l’insuffisant rénal chronique, les PCI de basse osmolalité sont supérieur comme l’a montré l’étude de Rudnick sur 1200 patients randomisés publiées dans Kidney Int en 1995. Ceci ne dispense cependant pas des mesures habituelles de prévention tels que le remplissage vasculaire. Page 17 17 Taux Taux sériques sériques et et concentration concentration rénale rénale d’aminosides d’aminosides 200 150 100 1000 Gentamicine x 1.9 50 x5 0 10 20 30 40 50 60 70 Concentration sérique (µg / ml) 1 injection/j 3 injections/j Perfusion continue Concentration corticale (µg / g) Concentration corticale (µg / g) Gentamicine : 10 mg/kg/j - IP ** ** 800 ** 600 400 ** ** 200 0 J1 Giuliano RA et coll., J Pharmacol Exp Ther, Ther, 1986 J2 J4 J6 J8 Giuliano RA et coll., Am J Kidney Dis, 1986 Autre exemple de toxicité :celle des aminosides • Les aminosides sont des polycations non métabolisés et éliminés par filtration glomérulaire. • Cependant, ils se fixent au niveau de la bordure en brosse des cellules tubulaires et pénètrent dans la cellule par pinocytose pour s’accumuler dans les lisosomes qui grossissent et finissent par exploser, entraînant la mort cellulaire. • Ceci veut dire que : 1- on n’observe jamais d’IRA aux aminosides en 24h, mais plutôt au bout de 2 à 4 jours, 2- si on arrête l’administration avant l’explosion lysosomiale, la cellule récupère. • Sur le plan pharmacocinétique, cette fixation des aminosides sur les membranes n’est pas linéaire, et si l’on regarde l’évolution des concentrations corticales en fonction des concentrations sériques, on voit qu’il s’agit d’un phénomène saturable et que la fixation est plus efficace à faible qu’à forte concentration. Ceci a une implication clinique immédiate et vous voyez sur cette étude chez le rat les concentrations corticales qu’on obtient au fil des jours selon le mode d’administration, entre injection unique et perfusion continue. En cas de perfusion continue, le phénomène n’est pas saturé et la [C] corticale est très importante. Page 18 18 La La “Protection “Protection rénale” rénale” périopératoire périopératoire 1 - Bases épidémiologiques 2 - Bases physiopathologiques 3 - Bases pharmacologiques 4 - Stratégie de protection Ces points essentiels de physiopathologie étant rappelé, voyons maintenant s’il existe des médicaments capables de protéger ce tubule rénal en situation d’agression ? Page 19 19 Médicaments Médicaments et et protection protection rénale rénale DIURETIQUES AGENTS VASOACTIFS Mannitol Furosémide Ac éthacrynique Dopamine Phénoxybenzamine Phentolamine,... Phentolamine,... EFFETS SPECIFIQUES EFFETS MULTIPLES Capteurs de radicaux libres Facteurs de croissance Glycine,... F.A.N. CalciCalci-bloqueurs ATPATP-MgCl2, Hormone thyroïdienne Pentoxifylline,... Pentoxifylline,... De nombreuses molécules ont été proposées pour prévenir, diminuer l’importance ou raccourcir la durée d’une insuffisance rénale aiguë. Le choix de ces molécules s’est fait en fonction des connaissances du moment des mécanismes physiopathologiques potentiellement impliqués. 1) L’intérêt vis à vis des diurétiques s’est initialement appuyée sur la constatation que la diminution du débit urinaire était un signe de mauvais pronostic en cas d’IRA, et tout agent capable d’augmenter le débit urinaire représentait alors une forme logique de traitement. 2) Par la suite, lorsqu’un nombre important d’études a suggéré que le problème sousjacent dans de nombreuses formes d’IRA ischémique ou toxique était surtout d’ordre vasomoteur, et des essais ont été conduits avec des médicaments vasoactifs. 3) Lorsqu’on a compris que l’altération de la fonction rénale était plutôt d’origine multifactorielle, une association de traitement a alors été proposée : une drogue vasoactive pour augmenter le flux sanguin rénal et un diurétique osmotique ou de l’anse pour augmenter le flux tubulaire et débarrasser la lumière tubulaire des débris cellulaires obstructifs. 4) Plus récemment, on s’est intéressé à des médicaments capables d’avoir plusieurs effets thérapeutiques potentiels plutôt que d’utiliser une association. 5) Enfin, avec l’amélioration des connaissances sur les aspects cellulaires et moléculaires des phénomènes ischémiques ou toxiques, des agents plus spécifiques ont été étudiés. On ne peut présenter dans le cadre de cet exposé, toutes les molécules qui ont été étudiées depuis 1955 aussi bien sur des modèles expérimentaux qu’en clinique. On se contentera de voir sous forme de flash ce qu’il faut actuellement penser de l’utilisation de certains médicaments courants pour prévenir l’apparition d’une IRAPO. Page 20 20 Diurétiques Diurétiques et et protection protection rénale rénale Mannitol Obstruction tubulaire Oedème des cellules endothéliales Captation des radicaux libres Prostaglandines Chez l’animal : Effet protecteur si administré avant l’agression Améliore mais ne normalise pas la fonction rénale Chez l’homme : Chirurgie chez patient ictérique, chirurgie aortique, transplantation rénale, myoglobinurie, myoglobinurie, PCI, oligurie,... En fait, ... Gubern et coll., Surgery, Surgery, 1988 Solomon et coll., N Engl J Med, Med, 1994 etc, , ........... etc Et voyons tout d’abord, dans la classe des diurétiques, le mannitol dont les effets sont essentiellement dûes à son effet osmotique tubulaire. Il a été utilisé pour lutter contre l’obstruction tubulaire de la phase d’état de la NTA. Il permettrait en outre de lutter contre l’oedème des cellules endothéliales, permettrait une captation des radicaux libres et même stimulerait la libération intrarénale de prostaglandines. Chez l’animal, il a bien un effet protecteur de l’atteinte tubulaire, à condition d’être administré avant l’agression ischémique, et améliore sans les normaliser les débits urinaires et les débits de filtration glomérulaire post-agressifs. Il n’empêche cependant pas au plan histologique, l’apparition de lésions cellulaires, et son administration après l’agression augmenterait même la viscosité sanguine dans les vaisseaux de la médullaire externe. Chez l’homme, les résultats sont beaucoup plus contradictoires, quelque soit le type de situation où il a été employé et les études les plus récentes, .. ici chez le patient ictérique, ici lors de l’administration de produits de contraste iodé, ne montrent pas d’intérêt à utiliser le mannitol. A titre d’exemple,........ Page 21 21 Mannitol/Dopamine Mannitol/Dopamine et et clampage clampage aortique aortique(1) (1) Paul MD et coll., Am J Nephrol, Nephrol, 1986 MD - B MD - A * Débit urinaire (ml / min) 12 10 8 Sérum salé * MD - A * MD - B 6 4 2 0 Post Clampage Post Pré Induction Induction aortique clampage 1 - 4h Post op 24h Post op Voici une étude réalisée en chirurgie aortique : N ous avons sur cette diapo, en abscisse les différents temps d’une chirurgie aortique, et en ordonnée les valeurs de diurèse obtenues pour trois groupes de patients : - ceux qui n’ont bénéficié que d’un remplissage vasculaire par du sérum salé et des dérivés sanguin afin de maintenir une pression capillaire pulmonaire autour de 12 mm d’Hg en jaune, - ceux qui ont eu en plus à une administration combinée de mannitol (25 g sur 20 min, puis 200 mg/kg/h) et de dopamine à dose dopaminergique (3 µg/kg/min) depuis l’induction anesthésique jusqu’à la fin du clampage, en bleu - ceux pour lesquels l’administration de mannitol/dopamine s’est poursuivie durant les 40 min qui ont suivi le déclampage. On constate qu’il y a bien un effet de cette association sur la diurèse qui augmente significativement par rapport au groupe ne recevant qu’un simple remplissage vasculaire. Page 22 22 Débit de filtration glomérulaire (ml / min / 1.73 m2) Mannitol/Dopamine Mannitol/Dopamine et et clampage clampage aortique aortique(2) (2) 120 Paul MD et coll., Am J Nephrol, Nephrol, 1986 MD - B 100 MD - A Sérum salé 80 60 MD - A * MD - B * * 40 20 0 Post Clampage Post Pré Induction Induction aortique clampage 1 - 4h Post op 24h Post op Par contre si l’on analyse l’évolution de la clairance de la créatinine, c. à d. du débit de filtration glomérulaire pour les mêmes temps, on constate qu’il n’y a aucune différence entre les trois groupes. La conclusion de cette étude est donc : - qu’il y a une diminution transitoire de la filtration glomérulaire dans les 3 groupes, - qu’il n’y a aucun intérêt à utiliser une association de ce type en plus d’un simple remplissage vasculaire pour prévenir les modifications de la fonction rénale survenant au cours de la chirurgie aortique avec clampage vasculaire. Page 23 23 Diurétiques Diurétiques et et protection protection rénale rénale 100 80 60 Nécrose Br. ascendante de Henlé % Transport actif Cl- et Na+ Vasodilatation intrarénale Prostaglandines Fu ro sé m id e O ua ba ïn e A rr êt de va sc ul ar is at io n d’après Brezis M, Kidney Int, 1984 Brezis M, Science, 1984 A m ph C ot on ér tr ici ôl ne e Furosémide 40 20 0 Deuxième type de molécule : le furosémide Il inhibe le transport actif de chlore et de sodium au niveau de la branche large ascendante de Henlé. Il diminue donc la consommation d’O2. Il a également un effet vasodilatateur intrarénal et stimule la synthèse intrarénale de prostaglandines. Sur le plan expérimental, l’inhibition de ce transport tubulaire par le furosémide ou l’ouabaïne prévient l’apparition de lésions hypoxiques au niveau de la branche ascendante de Henlé sur rein isolé-perfusé, quantifiées sur le plan histologique par le %age de nécrose constaté par rapport à un groupe contrôle. On peut constater ici que c’est l’arrêt de la filtration glomérulaire par clampage vasculaire qui protège le mieux. A l’inverse, l’augmentation du travail tubulaire, comme le réalise l’administration d’amphotéricine, conduit à une atteinte massive (100% des tubules). Ainsi, sur le plan théorique, le furosémide a un effet protecteur remarquable à condition d’être administré avant l’agression, cet effet n’existant plus s’il est administré après. Par contre, chez l’homme, même si des études anciennes évoquent une amélioration de l’hémodynamique rénale et un effet protecteur de la fonction rénale, ceci n’a pu être confirmé et des études récentes évoquent même la néphrotoxicité potentielle d’une telle attitude comme le montre ............................ Page 24 24 Diurétiques Diurétiques et et protection protection rénale rénale Furosémide et P.C.I. Créatininémie (µmol / L) Remplissage volémique (3 L) 200 Remplissage volémique + furosémide (110 mg) 150 100 50 0 Avant PCI Après PCI (245 ml) Weinstein JM et coll., Nephron, Nephron, 1992 cette étude qui compare l’évolution de la fonction rénale entre 2 groupes de patients devant recevoir des produits de contraste iodés : - l’un bénéficiant d’un simple remplissage vasculaire, - l’autre recevant en plus une dose de furosémide, On constate une dégradation de la fonction rénale dans le groupe recevant le furosémide. Ceci pourrait éventuellement être expliquée par une baisse de la volémie efficace puisque ces sujets ont perdu du poids dans ce groupe. Dans l’étude de SOLOMON cependant, les mêmes résultats sont obtenus alors que la volémie était pourtant comparable entre tous les groupes. Page 25 25 Diurétiques Diurétiques et et récupération récupération de de la la fonction fonction rénale rénale Furosémide et IRAPO : 1g vs 3g Contrôle n=28 n (Moy ± SEM) Furosémide n=28 n (Moy ± SEM) p Débit urinaire 17 15 12 16.79 ± 1.62 j 15.21 ± 1.32 j 19.34 ± 1.48 j 18 14 10 5.45 ± 0.73 j 3.24 ± 0.43 j 6.23 ± 0.87 j 150 µmol/L 12 12 17.23 ± 1.97 j 21.45 ± 2.12 j 10 10 16.87 ± 1.54 j NS 19.89 ± 1.89 j NS Nb de dialyses 12 7.13 ± 1.05 10 6.21 ± 0.89 NS 64.3 % NS 500 ml/j 1 L/j 2 L/j < 0.005 < 0.005 < 0.005 Créatinine 300 µmol/L Mortalité 57.1 % Brown CB et coll., Clin Nephrol, Nephrol, 1981 Les mêmes réserves peuvent être faites à propos du furosémide en cas d’oligurie et d’IRA débutante, puisque l’administration de furosémide, comme le montre cette étude de 1981 chez des patients de réanimation, et les mêmes résultats avaient été obtenus par Kleinknecht en 1976, ne modifie ni le pronostic rénal, ni la mortalité globale des patients. Tout au plus, facilite t-elle la prise en charge des patients en IRA bien que le nombre de dialyses nécessaires soit comparable dans les 2 groupes. Page 26 26 Dopamine Dopamine et et protection protection rénale rénale Précursseur de la NA DA1, DA2, α, β + Inhib. Inhib. Na -K+-ATPase tubule proximal McNay JL - 1963 : Steinhausen M - 1986 : FSR et DFG chez le chien Effet vasodilatateur direct mais AA et AE McDonald RH - 1964 : FSR, DFG, excrétion Na+, débit cardiaque, volume d’éject ., sujets sains mais pas IC d’éject., Leier CVCV- 1978 : Pas de ≠ avec inotrope + ou remplissage vasc. vasc. Dopamine vs Dobutamine et IC Clair. créatinine sous dobutamine Chirurgie vasculaire, cardiaque, brûlé, transplantation rénale, hépatique,... La dopamine fait l’objet de nombreuses controverses depuis plusieurs années, et sans entrer dans les détails, que retenir ? facteurs : La difficultée qu’il y a eu a évaluer la dopamine vient certainement de plusieurs 1) c’est une catécholamine qui a des effets variables selon la posologie, et dans beaucoup d’études, on ne sait pas ce qui revient à ses propriétés dopaminergiques ou inotropes+. 2) elle a des effets variables selon l’état initial du patient en terme de volémie efficace et de fonction myocardique. 3) on sait maintenant que ses propriétés diurétiques et natriurétiques ne sont pas forcemment le reflet d’une augmentation du débit sanguin rénal puisqu’on a montré qu’elle entraînait une inhibition de la réabsorption tubulaire proximale du Na+. Ainsi, une augmentation importante de l’excrétion sodée et du débit urinaire peut survenir sans modification du flux sanguin rénal ou du débit de filtration glomérulaire. Le résultat en est une grande discordance des travaux sur le plan expérimental et clinique, et si la dopamine a bien une action directe sur la vascularisation rénale, en pratique, même si elle augmente la diurèse, les travaux les plus récents ne montrent pas d’amélioration de la fonction rénale par rapport à un simple remplissage vasculaire ou des inotropes+. En cas d’insuffisance cardiaque, la clairance de la créatinine ne s’améliore que sous dobutamine. Chez les patients indemne d’insuffisance cardiaque, tous le monde connait l’étude de Duke parue en 1994,....... Page 27 27 Dopamine Dopamine et et protection protection rénale rénale Use of dopamine in acute renal failure: a metameta-analysis Kellum JA, Decker JM. Crit Care Med 2001; 29: 15261526-31 Seventeen trials with a total of 854 patients LowLow-dose dopamine does not increase or decrease death, onset of ARF, or hemodialysis requirements Page 28 28 Dopamine Dopamine et et protection protection rénale rénale Activation of DA adrenergic receptors in vascular bed and tubule → Vasodilatation and inhibition proximal Na+ reabsorption → Diuresis and natriuresis → ↑ Na+ distal reabsorption → ↑ O2 consumption Page 29 29 Dobutamine Dobutamine et et protection protection rénale rénale Duke GJ et coll., Crit Care Med, Med, 1994 Diurèse 150 Clairance de la créatinine ml/hr ml/hr (m ± SD) 150 ml/min (m ± SD) 145 ± 148 100 100 90 ± 44 97 79 ± 85 50 50 0 97 ± 54 ± 38 88 ± 42 0 Placebo Dobutamine p = 0.05 Placebo Dopamine p < 0.01 Dobutamine p < 0.01 Dopamine p = 0.25 qui montre, dans une comparaison entre dobutamine et dopamine à faible dose, chez des patients stables de réanimation, que si la dopamine augmente effectivement la diurèse par rapport à un état de base (chaque patient étant son propre témoin), c’est la dobutamine qui améliore la clairance de la créatinine, sans modification du débit urinaire. Cependant, cette étude ne permet pas d’expliquer pourquoi cette clairance augmenterait sous dobutamine, ceci pouvant être dû au hasard et à un certain nombre de biais méthodologiques. En conclusion, il n’y a actuellement plus aucun argument pour utiliser la dopamine à faible dose de façon systématique dans un but de protection rénale, d’autant que celle-ci peut avoir des effets délétères sur d’autres circulations régionales telles que splanchnique ou coronaire. Etude prospective, randomisée en double-aveugle 18 patients : age moyen 55ans, APACHE II 18, poids moyen 71 Kgs - dopamine 200 µg/min (2,8 µg/kg/min) - dobutamine 175 µg/min (2,5 µg/kg/min) - placebo G5% sur 5h dans un ordre randomisé, ventilation, remplissage et support inotrope initial non modifié pendant l’étude. l’infusion. Mesure des valeurs hémodynamiques et indices de fonction rénale pendant les 4 dernières heures de La dopamine entraine une diurèse de 145 ml ± 148 ml/h, comparée au placebo (90ml ± 44 ml/h) p<0.01 sans modification de la clairance de la créatinine. A l’inverse, la dobutamine entraine une augmentation significative de la clairance de la créatinine (97 ± 54 ml/min) comparée au placebo (79 ± 38 ml/min) p < 0.01 sans augmentation du débit urinaire. CCL : Chez des patients stables de réanimation, la dopamine agit initialement comme un diurétique et n’augmente pas la clairance de la créatinine. La dobutamine améliore la clairance de la créatinine sans modification significativedu débit urinaire. Page 30 30 Réponse Réponse contractile contractile des des artères artères coronaires coronaires 60 Dopamine Contraction % Noradrénaline 40 Toda N et coll., Anesth Analg, Analg, 1993 20 0 10-8 10-7 10-6 Concentration 10-5 10-4 on voit sur cette étude menée sur des préparations d’artères coronaires de singes, que la dopamine administrée à dose clinique entraine une vasoconstriction plus tardive mais plus intense que celle réalisée par la noradrénaline. Au total, la dopamine ne semble plus devoir actuellement être recommandée pour la prévention de l’IRAPO. Page 31 31 Calci -bloqueurs et Calci-bloqueurs etprotection protectionrénale rénale Baisse des résistances vasculaires Vasodilatation artérioles préglomérulaires Inhibition vasoconstricteurs Préservation de l’autorégulation rénale Radicaux libres (ischémie (ischémie--reperfusion) reperfusion) Russel JD et coll., Am J Med, Med, 1989 Neumayer HH, Nephrol Dial Transplant, 1989 Reams GP, Drugs and Aging, Aging, 1994 Transplantation rénale Produits de contraste iodés • Les calci-bloqueurs ont des effets tout à fait séduisants dans le cadre de la protection rénale. En effet, en bloquant la libération intracellulaire de calcium, ils entrainent une baisse des résistances vasculaires systémiques, mais aussi une vasodilatation des artérioles préglomérulaires sans affecter les artérioles postglomérulaire, ni l’autorégulation rénale. Par ailleurs, ils bloquent l’action des vasoconstricteurs. Enfin, ils atténuent les effets toxiques des radicaux libres libérés lors de la séquence ischémie-reperfusion. • Même si certains résultats restent contradictoires concernant leur effet protecteur rénal chez l’animal et chez l’homme selon les protocoles expérimentaux employés et le moment de leur utilisation par rapport à l’agression, de nombreuses études cliniques et deux métaanalyses ont montré l’intérêt des anti-calciques : - d’une part en transplantation rénale - d’autre part vis à vis de certaines agressions toxiques tels que produits de contraste iodés par exemple. • Cependant, il est important de se souvenir : - que la vascularisation rénale dépend d’un équilibre subtil entre débit et pression systémiques et résistances vasculaires intrarénales, - que de nombreux patients durant la période périopératoire peuvent ne pas tolérer sur le plan général les doses d’anticalciques employés dans ces études - et que le rapport bénéfice-risque doit être pour l’instant mieux évalué en clinique humaine pour cerner les véritables indications, lorsqu’un simple remplissage vasculaire pourrait suffire. Page 32 32 F.A.N. F.A.N.et et protection protection rénale rénale ↑ DFG ↓ Artériole afférente, ↑ Artériole efferente ↑ Perméabilité glomérulaire Contrôle 6 ** FAN (25 ng/kg/min) ng/kg/min) FAN (50 ng/kg/min) ng/kg/min) ** 30 300 4 20 200 2 10 100 0 0 0 Débit Urinaire (ml/min) DFG (ml/min) Valsson F et coll., Intensive Care Med, Med, 1996 ** FSR (ml/min) Les effets rénaux du facteur atrial natriurétique sont également très séduisants. • Natriurétique et diurétique, il entraine chez l’animal et chez l’homme, une vasodilatation de l’artériole préglomérulaire, une vasoconstriction de l’artériole postglomérulaire et une augmentation de la filtration glomérulaire. Il n’a cependant été étudié que dans le traitement de l’IRA ischémique ou toxique constituée. • Ainsi cette étude parue très récemment et étudiant sur 12 patients les effets d’une administration de FAN à 2 doses différentes sur 30 min chacune chez des sujets présentant une défaillance rénale et cardiaque au décours d’une chirurgie cardiaque. Chaque sujet étant son propre témoin. On peut constater une amélioration du flux sanguin rénal, du débit de filtration glomérulaire et de la diurèse durant l’administration. • Ces résultats encourageant devront cependant être confirmés par des études incluant plus de patients et évaluant l’action exacte du FAN à court mais surtout à moyen et long terme sur la fonction rénale. Page 33 33 Régulation Régulation de de l’oxygénation l’oxygénation médullaire médullaire rénale rénale d’après Brézis M et coll., N Engl J Med, Med, 1995 Déficit médullaire en O2 ↓ Réabsorption tubulaire ↑ Na+ Macula densa ↑ Prostaglandines ↑ NO ↑ Adénosine Rétrocontrôle Tubulo glomérulaire ↓ Débit de filtration glomérulaire ↑ Flux sanguin médullaire ↓ Réabsorption tubulaire Couverture des besoins médullaires en O2 Enfin, compte tenu de la physiopathologie de la NTA ischémique, voire toxique, de nombreuse autres substances ont été depuis 30 ans ou sont en cours d’évaluation pour prévenir l’apparition de lésions cellulaires tubulaires rénales. On peut citer les prostaglandines, les inhibiteurs de la NO synthase, les inhibiteurs de l’endothéline et de l’adénosine, ou même des inhibiteurs du système α adrénergique comme la clonidine. La plupart, même si elles sont très séduisantes en sont encore au stade expérimental. En conclusion de ce chapitre, nous dirons que : - d’une part les molécules que l’on croyait intéressantes et que l’on administre depuis des années de façon systématique, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et peuvent même être dangereuses, - d’autre part les nouvelles molécules qui semble prometteuses n’ont pas encore fait leur preuve ou n’ont pas encore vraiment trouvé leurs véritables indications. Page 34 34 La La “Protection “Protection rénale” rénale” périopératoire périopératoire 1 - Bases épidémiologiques 2 - Bases physiopathologiques 3 - Bases pharmacologiques 4 - Quelle stratégie adopter ? Que faire alors en pratique et doit on sombrer dans le désespoir ? Page 35 35 La La “Protection “Protection rénale” rénale” périopératoire périopératoire 1 - Identification des sujets et des situations “à risques” 2 - Identification et correction précoce de toute dysfonction 3 - Utilisation stricte des néphrotoxiques inévitables 4 - Maintien de la volémie efficace et de la TA habituelle (inotropes +, noradrénaline ?) 5 - Amélioration de l’oxygénation médullaire rénale Protecteurs ? Et bien compte tenu de ce que nous venons de voir à propos de la physiopathologie de l’IRAPO et de nos connaissance sur les médicaments, force est de revenir à des notions simples applicables en pratique quotidienne. La protection rénale périopératoire vise donc, après avoir identifié les sujets et les circonstances à risque, et avoir supprimé dans la mesure du possible tout médicament néphrotoxique, à : - préserver la volémie efficace et la pression artérielle habituelle du patient, - maintenir une oxygénation médullaire rénale adaptée aux besoins du moment - et enfin à se donner les moyens de détecter au moment où elle survient toute souffrance rénale même minime pour pouvoir rétablir l’équilibre entre besoins et apports d’02 au niveau des cellules tubulaires. C’est dans ce contexte que certains médicaments pourraient être utiles en sachant que de toute façon, ils ne passent qu’au deuxième plan. Voyons donc rapidement quelques éléments de cette stratégie ......... Page 36 36 Identification Identification des des sujets sujets àà risques risques d’après Shusterman N, Am J Med, Med, 1987 Hou SH, Am J Med, Med, 1983 Atteinte rénale pré existante Hypertension artérielle Insuffisance cardiaque congestive .................... (x 9) Diabète (et déplétion volémique) .................... (x 100) Age (et aminoglycosides ou AINS) Cirrhose hépatique (et aminoglycosides ou AINS) et tout d’abord l’identification des sujets à risque. Et bien si on reprend les études qui ont cherché à évaluer les facteurs de risques de nécrose tubulaire, on s’aperçoit qu’ils sont nombreux et que selon les études ce ne sont pas les mêmes qui ressortent. Pour Shusterman, par exemple en 1987, on pouvait retenir - ........... Page 37 37 Sujets IRAPO Sujets àà risques risques d’ d’IRAPO 10 865 patients de 1965 - 1989 Fonction rénale préopératoire altérée Age Dysfonction ventriculaire gauche d’après Novis BK, Anesth Analg, Analg, 1994 Abel RM, J Thorac Cardiovasc Surg, Surg, 1976 Facteurs prédictifs préopératoire d’IRA postop. En fait, dans la méta-analyse de Novis s’intéressant aux facteurs prédictifs préopératoire, il ne ressort de façon constante que 3 paramêtres que sont : Ceci veut dire que la consultation préanesthésique doit se focaliser sur l’évaluation la plus rigoureuse possible de la fonction cardiaque et de la fonction rénale. Page 38 38 Sujets IRAPO Sujets àà risques risques d’ d’IRAPO Cittanova et al. The chronic inhibition of angiotensin-converting enzyme impairs postoperative renal function. Anesth Analg 2001; 93: 111-5. 249 patients – aortic surgery Decrease in renal function = ↓ 20% creatinine clearance ACEI Odds ratio (95% CI) P-value 2.01 (1.05-3.83) 0.034 Page 39 39 Situations IRAPO Situations àà risques risques d’ d’IRAPO Weldom BC, Monk TG. The patient at risk for acute renal failure. Recognition, prevention, and preoperative optimization. Anesthesiol Clin North America 2000; 18: 705-17. Agents néphrotoxiques Hypotension –hypovolémie CEC Clampage aortique Page 40 40 Evaluation Evaluation de de la la filtration filtration glomérulaire glomérulaire en en P.O. P.O. Clairance de la créatinine U ( µmol/l) Cl. créat. créat. = -------------- x V (ml/mn (ml/mn)) P ( µmol/l) • sur 12 à 24 h • sur 30' à 2 h Tobias GJ, N Engl J Med, Med, 1962 Wilson RF, Crit Care Med, Med, 1980 - Sladen RN, Anesthesiology , 1987 Robert S, Crit Care Med, Med, 1993 - Kellen M, Anesth Analg, Analg, 1993 (140 - age) x Poids x 0,85 Cl. créat. créat. = -------------------------------Créatinine ( µmol/l) x 72 Cockroft DW et Gault MH, Nephron, Nephron, 1976 Robert S, Crit Care Med, Med, 1993 Et puisqu’il faut explorer la fonction rénale, il faut rappeler ici que seule la clairance de la créatinine calculée est capable de donner une appréciation réelle du débit de filtration glomérulaire, les nomogramme telle que la formule de Gault et Cockroft n’étant fiable que pour des sujets stables, ce qui n’est pas toujours le cas en postopératoire immédiat, et ce qui conduirait à une sous évaluation d’une dysfonction éventuelle en cours de constitution. Page 41 41 Identification Identification des des situations situations àà risques risques d’après Shusterman N, Am J Med, Med, 1987 Hou SH, Am J Med, Med, 1983 Déplétion volémique ......................................... (x 10) Utilisation d'aminoglycosides .............................. (x 6) Utilisation de produits de contraste iodés .......... (x 5) Exposition aux AINS Choc septique ................................................... (x 100) Deshydratation Hypotension Pigments dans les urines A propos des situations à risque, là aussi, elles ont été répertoriées, avec pour certaines, leur poids prédictif. Page 42 42 Risques hypoperfusion rénale Risques d’ d’hypoperfusion rénale d’après Brezis M et coll. In Brenner BM, Rector FC eds. eds. The kidney. kidney. WB Saunders, Saunders, 1991 • Hypovolémie efficace (pertes ou séquestrations) • Diminution du débit cardiaque Débit sanguin rénal • Diminution du rapport ----------------------Débit cardiaque cependant, en pratique quotidienne, puisque on n’est pas capable actuellement de surveiller en routine le débit sanguin rénal, une hypoperfusion rénale devra être systématiquement suspectée dans certaines situations. Ces situations, vous les connaissez, et elles peuvent être classées en : Page 43 43 Néphrotoxicité Néphrotoxicité aux aux aminosides aminosides Facteurs liés au patient Facteurs liés au médicament • • Diminution du flux sanguin rénal Hypovolémie efficace Sepsis / choc Durée prolongée du traitement 2 ou 3 fois vs dose unique journalière ? Type de molécule administré Médicaments néphrotoxiques associés • AntiAnti-inflammatoires non stéroïdiens Produits de contraste iodés Amphotéricine B CisCis-platine Cyclosporine d’après Hock R et coll., J Crit Care, 1995 Enfin, plus que la suppression des néphrotoxiques qui n’est pas toujours possible, c’est surtout l’emploi rationnel et la surveillance rigoureuse de la fonction rénale dans ces cas. Et vous avez ici un rappel des facteurs de risques de néphropathie aux aminosides. Page 44 44 Sevoflurane Sevoflurane Laisalmi et al. The effect of ketorolac and sevoflurane anesthesia on renal glomerular and tubular function Anesth Analg 2001; 93: 1210-3. 30 women ASA I – breast surgery Ketorolac 30 mg + sevoflurane No change in glomerular and tubular function Page 45 45 “Protection “Protection rénale” rénale” périopératoire périopératoire Conclusion Perfusion rénale Débit cardiaque Pression artérielle Résistances vasculaires O2 tubulaire CaO2 Consommation O2 Protecteurs pharmacologiques ? Néphro- toxiques Hypoxie médullaire Toxicité cellulaire En conclusion de cet exposé, nous pouvons dire que : • L’IRAPO reste un problème sous évalué aux conséquences graves • Alors que notre connaissance de sa physiopathologie s’est considérablement améliorée ces dernières décennies, elle reste très incomplète et ne s’est pas encore accompagnée de thérapeutiques préventives indiscutables sur le plan clinique. • Tant que des essais cliniques bien conduits, n’auront pas fait la preuve de l’intérêt de certains médicaments anciens ou en cours de dévelloppement (tels qu’antagonistes en tous genres), la seule stratégie efficace du moment reste : - le maintien d’une perfusion rénale passant par : le maintien d’une pression artérielle adaptée au sujet, passant par une prise en charge du débit cardiaque et des résistances vasculaire, - le maintien d’une oxygénation tubulaire adaptée passant par : le maintien d’un équilibre satisfaisant entre transport et consommation d’O2 au niveau tubulaire, - l’utilisation rationnelle des néphrotoxiques, en fonction de notre meilleure connaissance des mécanismes toxiques (hypoxie ou toxicité cellulaire directe) Page 46 46