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SOCIÉTÉ
La compassion
La nouvelle
société sera compassionnelle ou ne sera pas
Rencontre avec KAREN ARMSTRONG
Karen Armstrong © KA
Karen Armstrong,
spécialiste des
religions, ancienne
religieuse catholique, mobilise la
communauté
internationale sur
l’adoption d’une
attitude compassionnelle. Pour elle,
il y a urgence. Sans
déploiement de la
compassion, nous
ne pouvons garantir
une prochaine
génération viable
sur cette planète.
Elle s’adresse au
monde avec un
projet : la charte de
la compassion.
Le précepte de compassion, qui est au cœur
de toutes les traditions religieuses, spirituelles
et éthiques, nous invite à toujours traiter autrui
de la manière dont nous aimerions être traités
nous-mêmes. La compassion nous incite à nous
engager sans relâche à soulager les souffrances
de tous les êtres et à apprendre à ne pas nous
considérer nous-mêmes comme le centre du
monde, mais à être capable de placer autrui
à cette place centrale. Elle nous enseigne à
reconnaître le caractère sacré de chaque être
humain, et à traiter chacune et chacun, sans
aucune exception, avec un respect inconditionnel et dans un esprit de justice et d'équité.
Pour cela, nous invitons solennellement tout
le genre humain ~ à placer la compassion au
cœur de toute éthique et de toute religion ~ à
adhérer au principe ancestral selon lequel toute
interprétation des Ecritures qui suscite violence, haine ou mépris, est illégitime ~ à s'assurer que la jeunesse soit informée de manière
respectueuse et authentique sur les autres traditions, religions et cultures ~ à encourager une
approche positive de la diversité des cultures et
des religions ~ à se doter d'une compréhension
empathique des souffrances de tous les êtres
humains, même de ceux considérés comme
ennemis.
Cela implique aussi de s'abstenir d'infliger
de la souffrance à autrui, en tout temps et en
toutes circonstances, que ce soit dans la sphère
publique ou privée. Agir de manière violente,
que ce soit par malveillance, chauvinisme,
colère ou égoïsme; exploiter qui que ce soit ou
le priver de ses droits fondamentaux; inciter à
la haine et dénigrer autrui - même nos ennemis
- sont autant de négations de notre condition
humaine commune à toutes et à tous. Nous
reconnaissons que nous n'avons pas toujours
été capables de vivre avec compassion, et que
d'aucuns ont même infligé bien des souffrances
au nom de la religion.
Nous devons de toute urgence agir pour que
la compassion devienne une force dynamique
et lumineuse qui puisse nous guider dans ce
monde de plus en plus polarisé. Enracinée
dans la ferme détermination à transcender
l'égoïsme, la compassion peut faire tomber
les barrières politiques, idéologiques, dogmatiques et religieuses. Née de la réalisation de
notre profonde interdépendance, la compassion est essentielle aux rapports entre humains
et pour une humanité accomplie. Elle est la voie
vers l'illumination et elle s'avère indispensable
à la création d'une économie plus juste et d'une
communauté globale harmonieuse et pacifique.
n PAR NATHALIE PETIT
6
Août / Septembre 2013 • Sacrée Planète
«L
e précepte de compassion, qui est au cœur
de toutes les traditions religieuses, spirituelles et éthiques, nous invite à toujours
traiter autrui de la manière dont nous aimerions être
traités nous-mêmes. La compassion nous enseigne à
reconnaître le caractère sacré de chaque être humain,
et à traiter chacune et chacun, sans aucune exception, avec un respect inconditionnel et dans un esprit
de justice et d’équité. »
C’est par ces phrases que débute la Charte de
la Compassion, un écrit solennel lancé en 2008 à
l’initiative de Karen Armstrong, essayiste britannique et historienne des religions, venue en présenter les contours à Paris, le 23 avril 2013, sur
l’invitation de l’INREES 1 lors d’une Journée de
la Compassion. Pour cette ancienne religieuse, si
nous n’agissons pas de toute urgence afin que la
compassion devienne une force dynamique et lumineuse à même de nous guider dans ce monde,
ce dernier ne sera plus vivable pour qui que ce
soit. Lassée de voir les différents responsables
des grandes traditions religieuses condamner des
actes, invectiver des comportements tels que l’homosexualité ou proférer des conseils haineux, elle
a entrepris, avec des penseurs représentatifs de
6 courants majeurs de foi, la rédaction de cette
charte de la Compassion. La charte est courte et
tient en 350 mots. Tout le monde peut la signer.
Mais surtout, tout un chacun peut la mettre en
pratique et l’appliquer dans son quotidien, dans
son entreprise, son école, sa ville. .../...
Les cités de la compassion
« L’une de nos actions consiste à créer un réseau
de cités de la compassion. Les maires de 12 villes
ont déjà signé la charte. Cela ne signifie pas qu’ils
sont pleins de compassion, mais qu’ils vont essayer
Une vraie empathie plus spontanée chez les
enfants qui n’a rien à voir avec de la pitié.
de mettre en place cette notion dans leur cité, sur un
plan pratique. Chaque année, ils s’engagent à travailler sur un projet précis en réponse à un besoin de
leur communauté. L’idée est d’élever la compassion
au rang de priorité dans l’esprit des gens. 80 villes
sont déjà dans le processus pour devenir des cités de
la compassion. Mon rêve est de jumeler certaines de
ces cités, par exemple des villes américaines avec des
villes du Moyen-Orient, afin qu’elles échangent des
nouvelles, des mails, se rendent visite mutuellement
et fassent tomber certaines des appréhensions qu’elles
peuvent nourrir mutuellement. »
La compassion est ce qui rassemble universellement les religions entre elles même si elles
continuent à lutter les unes contre les autres. .../...
Le guide de comportement, au cœur de toutes les
fois, est résumé dans cette règle d’or : « Ne fais pas
à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ».
Karen Armstrong porte et portera cette éthique
compassionnelle incarnée par la règle d’or jusqu’à
la fin de ses jours. Car, pour elle, le monde n’en a
jamais eu autant besoin qu’aujourd’hui.
La compassion est
un programme d’action
La compassion est une attitude, un comportement mais certainement pas une idée, une
doctrine ou encore moins, une émotion ou un
Soldat américain
lors d’une mission en
Afghanistan en avril
2007 avec des enfants
du camp de réfugiés
© Sergent Cecilio M.
Ricardo Jr – US Army.
1- L’INREES (Institut de Recherche sur les Expériences
Extraordinaires) est une association à but non lucratif fondée par le journaliste Stéphane
Allix, en juillet 2007, dont la
mission est de se pencher, avec
un questionnement scientifique
rigoureux, sur les expériences
humaines inexplicables qualifiées parfois de surnaturelles.
SOCIÉTÉ
Le Dalaï Lama,
un exemple de compassion.
2 - Voir le N° 31 de Sacrée Planète où l’on découvre comment la sagesse de Confucius a bâti les traits majeurs de
la civilisation chinoise.
Toute violence résulte
d’une violence antérieure
« Nous sommes si intensément connectés qu’il ne nous est plus
possible de ne pas nous sentir concernés par ce qui se passe à
l’autre bout du monde. » En faisant référence au colonialisme, Karen Armstrong développe : « Nous avons constitué un
marché global et nous, en tant que britanniques, nous sommes
coresponsables des événements du 11 septembre. Toutes nos actions ont des conséquences, parfois des générations plus tard ».
Ses recherches l’ont conduite à travailler sur l’émergence des
mouvements extrémistes de toute confession. La douleur et
la colère ne viennent jamais de nulle part. Chacun de ces
mouvements radicaux s’est manifesté sur le terreau d’un
sentiment d’être agressé par le monde libéral. Et à chaque
fois qu’ils sont attaqués, que ce soit au plan militaire ou simplement économique ou médiatique, ils deviennent encore
plus actifs, plus extrêmes. Aussi devons-nous trouver une
autre façon de nous exprimer lorsque nous énonçons cette
cruauté, lorsque nous faisons allusion au terrorisme sans y
associer d’animosité.
Les limites de la compassion sont souvent évoquées lorsqu’il s’agit de réagir à des actes de cruauté. Peut-on demeurer dans la non violence face aux atrocités, comme celles
commises par Hitler en son temps, et n’y a-t-il pas des limites insoutenables à l’éthique compassionnelle ?
.../... Pour la philosophe, toute situation ne peut être
qu’analysée en globalité, y compris la solution finale des
nazis. « Si les autres États n’avaient pas pénalisé aussi durement l’Allemagne après la 1ère guerre mondiale, alors probablement Hitler n’aurait pas pu déployer de tels plans. Et s’il
n’y avait pas eu, en Europe, une tradition millénaire de haine
pour les juifs, vraisemblablement, ce génocide n’aurait pas pu
faire son nid. Toutefois, face à l’insoutenable, fallait-il laisser
faire Hitler ou combattre comme l’ont fait les Alliés ? Je ne vois
d’autre solution que d’aller combattre dans un tel cas, mais il
faut comprendre que le principe de la guerre a sa propre dynamique. Ainsi, les deux parties commencent à se livrer à des
atrocités qui sont à l’encontre de ce qui les a motivée à entrer
en guerre, comme ce qui s’est passé en Irak. »
« Il n’y a pas de réponse facile, mais tout acte de compassion demande d’être aussi accompagné d’une extrême intelligence, de tenir
compte de toute l’histoire et de ne pas projeter sur d’autres peuples
ce que nous voudrions pour les autres. .../...
La compassion, le plus puissant
vecteur de paix et d’harmonie
Et pourtant, c’est bien face à ses ennemis qu’il faut faire
preuve de compassion, des ennemis ou des collègues de travail,
des voisins qui nous agressent. Car chacun de ces comportements extrêmes (guerres, violence) se retrouve aussi dans nos
comportements quotidiens et dans notre attitude par rapport à
des problèmes auxquels nous faisons face tous les jours. « Il est
facile d’être compassionnel envers les dauphins ou les baleines
mais beaucoup plus difficile envers les personnes que nous n’aimons pas », fait-elle remarquer. « Et pourtant, chaque fois que
nous détestons une personne, chaque fois que nous nous autorisons à éprouver de la haine pour notre voisin, cela nous diminue. Quand nous faisons cela, nous méditons sur ses mauvaises
qualités et de la sorte nous devenons son alter ego. C’est donc
à nous, à vous, à chacun de commencer. En se mettant tous les
jours à la place de l’autre, non seulement nous développons sainement la compassion mais nous sortons de l’emprise de notre
ego : nous nous transcendons.»
Pourquoi une
charte ? (voir p. 6)
Agir efficacement,
DANS LA VIE DE
D
ans son intervention
devant les Français en
avril dernier, Karen
Armstrong s’est attachée
à susciter une mobilisation
active de notre éthique compassionnelle, dans les actes
de notre quotidien, convaincue
que « nous pouvons changer le
monde». Chaque jour, demandez-vous simplement comment
vous pouvez changer la vie de
quelqu’un seulement par des
paroles gentilles.../...
« Regardez votre univers à
vous, votre environnement,
que pourriez-vous faire pour
élargir la compassion dans le
monde au travers de votre
profession, au niveau de
l’éducation, ou encore dans
les médias ? et soyez très
vigilant sur la façon dont vous
vous exprimez avec les autres.
Nous vivons une époque de
l’information avec un sentiment d’omniscience. Nous
savons tout sur tout le monde
en cliquant sur une souris.
Même la façon dont nous
parlons les uns des autres est
« omnisciente », car nous avons
tendance à vouloir résumer le
mystère singulier de chaque
être humain dans une phrase
“ il est ceci ou cela”... Chaque
fois qu’on s’apprête à parler
de la sorte, posons-nous la
question sur ce que nous savons réellement de cette personne, quelle sont ses souf-
tous les jours ?
frances, les douleurs qu’elle
a dû endurer étant enfant ?
Chacun d’entre nous est un
mystère extraordinaire. Ce
que les Indous font quand ils
saluent quelqu’un en joignant
leurs mains est une façon
erreur n’a jamais rien fait».
Alors, oui, il faut accepter
de prendre des risques et de
paraître stupide ou ridicule
parfois. Saisissons nous de
l’humour pour rire de nousmêmes, de nos petites mesqui-
d’honorer la divinité présente
en chacun d’entre nous. Ne
pas juger autrui est une
règle d’or et se souvenir à
quel point nous savons peu de
choses sur les autres est une
occasion de ne pas passer à
côté de notre propre richesse.
Dieu, omniscient et omniprésent, ne peut pas être confiné,
réduit à une seule forme de
croyance, de doctrine.
Nous avons besoin des autres
pour devenir humain. Aller à
leur rencontre va nous humaniser et parfois, nous ferons
des erreurs. Nous avons un
proverbe en Angleterre qui
dit : «He who never made
mistakes never made anything», c’est-à-dire «celui
qui n’a jamais fait aucune
neries. Qui sait ce qui pourrait
se passer tandis que nous
nous efforçons, jour après
jour, de devenir meilleur ?»
© C.C.
sentiment. La compassion a changé la vie de cette historienne dès l’instant où elle a fait l’effort, à chaque instant de
chaque jour, de mettre au centre de son monde autre chose
qu’elle-même. « Au travers de mes recherches pour mes livres,
j’ai réalisé que la compassion n’avait rien à voir avec le fait de
ressentir de la pitié ou des bons sentiments, mais était bien le
fait de se mettre, soi, à la place de l’autre. En adoptant une démarche de compassion, les choses ont commencé à changer. J’ai
eu des moments de prise de conscience, de réalisation profonde,
de joie et j’ai été poussée à poursuivre mes recherches, quelles
qu’elles soient, à partir de cette dimension de compassion. Je la
vois davantage comme une discipline et une détermination à
se mettre à la place de l’autre. »
Les racines grecques et latines du mot « compassion »
renvoient à cette idée de mettre au centre de votre monde
autre chose que vous-mêmes. C’est également la conception chinoise de la compassion. Confucius 2 a d’ailleurs été
le premier à énoncer cette règle d’or qui consiste à ne jamais
traiter les autres comme nous n’aimerions pas être traité.
Cela signifie qu’il faut revenir dans son cœur, identifier ce
qui nous fait souffrir et se promettre de ne jamais infliger
cette même peine à d’autres.
Dans les traditions musulmanes et judaïques, le terme
compassion a pour racine « matrice », lui conférant une
dimension d’amour maternel, un amour extrêmement
exigeant. Une mère doit être responsable de son enfant
chaque seconde de la journée mettant ses propres désirs et
besoins de côté. Il existe également une prière bouddhiste
qui conseille de prendre en compte tous les êtres comme
une mère le ferait pour son unique enfant. Ainsi, dans l’approche bouddhiste, la compassion implique de prendre
ce type de responsabilités pour la douleur qui existe dans
le monde et c’est ce qui nous est demandé aujourd’hui.
Lorsque Jésus a dit « Aimez vos ennemis », l’amour en question doit être interprété avec son sens hébraïque premier.
Ce terme était utilisé dans la signature des traités internationaux avec pour signification, entre les dirigeants, d’être
loyaux les uns envers les autres, de protéger leurs intérêts
réciproques et de travailler à leur bien-être respectif.
Toutes les principales croyances dans le monde ont décliné leur version de la règle d’or parfois exprimée positi-
vement « Traite les autres comme tu voudrais être traité toimême », parfois négativement « Ne fais pas aux autres ce que
tu ne voudrais pas qu’ils te fassent » mais la règle est omniprésente. Et surtout, elle est vue comme un comportement, pas
comme une croyance.
L’idée que la religion est uniquement une question de
« croyance » date seulement de la fin du XVIIe siècle, et
fausse la perception qu’en ont les Occidentaux. À l’origine,
toutes les soi-disant doctrines religieuses étaient essentiellement des programmes d’action.
« Quoi qu’on fasse, on doit consacrer notre vie à soulager
toute la peine que nous rencontrons autour de nous, c’est une
responsabilité active », estime Karen Armstrong. « Nous
sommes responsables les uns des autres et devons tenter de soulager cette souffrance. Car comme l’avait prédit Confucius, si
nous ne le faisons pas, nous nous détruirons les uns les autres. »
On ne peut pas
se permettre d’attendre d’être des
humains accomplis
et magnifiques pour
commencer à aider
les autres, parce
que nous nous
construisons, en
tant qu’être humain
en interaction.
Karen Armstrong perçoit donc la compassion
comme un impératif
global urgent. Dans cette
perspective, la Charte de
la Compassion prend tout
son sens. Il s’agit de susciter une mobilisation massive.../...
« Depuis 2008, ceux qui
m’ont le plus aidée dans la
mise en application de la
charte ne sont ni des religieux, ni des spirituels, mais
des entrepreneurs. Ils ont
bien compris que sans le développement urgent d’une
attitude compassionnelle,
c’est toute la société qui va
s’effondrer. Parmi les pays
les plus actifs dans l’application de la Charte figurent
ceux que l’on n’attendait
pas, à l’exemple du Pakistan
qui en train de monter un
réseau d’écoles de la compassion initié par de jeunes entrepreneurs. Le projet pilote
concentré sur quelques écoles
est aujourd’hui inondé de
requêtes d’écoles qui veulent
les rejoindre. ».../....r
par Nathalie Petit
Extraits
de l’article.
Voir l’article
complet dans
Sacrée Planète 
page  à 
Sacrée Planète • Août / Septembre 2013
7
SOCIÉTÉ
POUR ALLER PLUS LOIN
• Site officiel : http://charterforcompassion.org/
• Vidéo lors du prix TED PRIZE
http://www.ted.com/talks/lang/fr/karen_armstrong_makes_her_ted_
prize_wish_the_charter_for_compassion.html
• L’INREES a relevé quelques initiatives qui visent, dès l’école, à
développer l’empathie. Le modèle éducatif du CIDEL (Centre
d’Investigation pour un Développement Éthique), précurseur en
la matière, est à la disposition des enseignants et éducateurs.
L’article est en consultation libre à l’adresse
http://www.inrees.com/articles/La-compassion-sur-les-bancs-de-l-ecole/
BIBLIOGRAPHIE
EN VENTE CHEZ
SACRÉE PLANÈTE
EN VENTE CHEZ
VOTRE LIBRAIRE
- « Compassion, manifeste
révolutionnaire pour un
monde meilleur »
de K. Armstrong
aux Éditions Belfond
(avril 2013).
8
Août / Septembre 2013 • Sacrée Planète
- «Celui qui vient, le chemin
de l’ultime compassion» de
A. Givaudan & D. Meurois
(en vente p. 60).
- Livre audio « Le code de Moïse »
de Twymann (2009) sur la
compassion et comment y
parvenir. (en vente p. 57).
SOCIÉTÉ
Sacrée Planète • Août / Septembre 2013
9
SOCIÉTÉ
10
Août / Septembre 2013 • Sacrée Planète