Quelles spécificités pour les soins palliatifs en gériatrie ?
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Quelles spécificités pour les soins palliatifs en gériatrie ?
Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2011) 10, 209—214 DOSSIER THÉMATIQUE GÉRIATRIE Quelles spécificités pour les soins palliatifs en gériatrie ? Specific characteristics of palliative care in geriatric medicine Sylvie Chapiro Unité de soins palliatifs gériatriques, hôpital Paul-Brousse, AP—HP, 12, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94800 Villejuif, France Reçu le 15 mars 2011 ; accepté le 14 avril 2011 Disponible sur Internet le 14 septembre 2011 MOTS CLÉS Personnes âgées ; Soins palliatifs KEYWORDS Elderly; Palliative care Résumé Les personnes âgées, dont le nombre est en croissance constante, constituent la majorité des décès, et plus de la moitié de ceux dus au cancer. Leur accompagnement en fin de vie est caractérisé par des spécificités médicales, mais aussi psychologiques et sociales. Il est donc nécessaire de mettre en place des formations spécifiques et de développer le soutien des soignants et des familles, notamment par des équipes mobiles de soins palliatifs et des réseaux, au domicile comme en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary In our country, the majority of deaths, and most of half of those by cancers, occur in the geriatric population, which is constantly increasing. Their support in late life is characterized by medical, but also psychological and social specificities. Specific training and support need to be developed for families and caregivers, especially with palliative care mobile team and network, at home and in nursing homes. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction Le mouvement des soins palliatifs est apparu en France depuis une trentaine d’années : de nombreux gériatres ont contribué à son développement et continuent d’agir activement dans ce domaine. Il y a là une certaine logique puisque la fin de la vie et la mort concernent Adresse e-mail : [email protected] 1636-6522/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medpal.2011.08.004 210 en premier lieu les personnes âgées. Confrontés fréquemment à ces situations, les gériatres sont amenés à se poser régulièrement la question du sens de leurs pratiques, et à réfléchir aux moyens d’améliorer les conditions de fin de vie de leurs patients âgés. Mais cette réflexion ne doit pas s’arrêter aux seuls gériatres car l’évolution démographique incite la société entière, médicale ou non, à se sentir concernée. Les personnes de 75 ans et plus représentent 9 % de la population française (5,6 millions d’individus) et leur nombre devrait augmenter de plus de 50 % d’ici à 2050 (source : Institut national de la statistique et des études économiques [Insee]). Cette population est également consommatrice d’un haut niveau de soins et largement représentée dans les différentes structures de santé. Plus de 50 % des décès par cancer concernent des personnes de plus de 75 ans (source : Institut national de veille sanitaire [INVS]). Nous devons prendre conscience des besoins existants et surtout à venir, en termes de soins à donner, de formation des personnels soignants, d’adaptation des structures d’accueil et de soins. En effet, l’accompagnement des personnes âgées en fin de vie présente des spécificités, telles que les difficultés rencontrées pour évaluer les symptômes, la modification du métabolisme des médicaments justifiant le plus souvent une prescription adaptée, ou encore un environnement familial fragile, etc. [1]. S. Chapiro • maladies vasculaires (accidents vasculaires cérébraux massifs) ; • insuffisances d’organes terminales (rein, cœur, poumon) ; • et aussi les situations de polypathologies, au cours desquelles la personne accumule des maladies, qui individuellement ne sont pas mortelles, mais qui associées chez un même malade vont faire évoquer une situation terminale. On comprend la complexité possible de l’évaluation pronostique et donc de la réflexion éthique qui doivent accompagner les décisions médicales. Beaucoup éprouvent des difficultés à prendre des décisions dans ces situations complexes : la concertation pluridisciplinaire, le recours à des « experts », comme les équipes mobiles ou les acteurs de réseau de soins palliatifs, sont des aides certaines. Les recommandations professionnelles, comme dans le cas des pathologies démentielles sont aussi très utiles [2,3]. Le Dr Sebag-Lanoë, en proposant une série de questions à se poser en équipe pluridisciplinaire, nous apporte aussi un éclairage précieux et pratique (Encadré 1 ) [4,5]. Encadré 1 Où meurent les personnes âgées ? En France, à peu près 27 % des décès ont lieu à domicile, mais en ce qui concerne la population âgée, près de la moitié des personnes de 85 ans et plus décèdent soit à leur domicile (27,7 %) soit en établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes/maison de retraite (20 %), considérées comme des substituts de domicile (source Insee). Cela illustre bien le besoin de réseaux spécifiques et d’équipes mobiles vers ces établissements d’accueil pour personnes âgées : 12 % de l’ensemble des décès y surviennent, soit 59 000 par an. L’entrée en institution est souvent vécue comme une rupture, une souffrance, et la personne âgée a déjà dû faire des efforts d’adaptation à cette nouvelle demeure : elle verbalise fréquemment qu’elle aimerait pouvoir y mourir, sans craindre d’être hospitalisée. Grande diversité des situations justifiant des soins palliatifs Une des grandes spécificités de l’accompagnement en gériatrie est sans doute la grande diversité des situations justifiant des soins palliatifs. Certes, les personnes âgées représentent une part majoritaire des décès par cancer, mais bien d’autres pathologies sont concernées [1] : • maladies neurodégénératives, avec notamment toutes les formes de démences terminales (en France, 870 000 personnes ont une démence ; 220 000 nouveaux cas et 100 000 décès par an sont recencés [2]) ; • • • • • • • • • • Les dix questions du Dr Sebag-Lanoë : quelle est la maladie principale de ce patient ? quel est son degré d’évolution ? quelle est la nature de l’épisode actuel surajouté ? est-il facilement curable ou non ? y a-t-il eu une répétition récente d’épisodes aigus rapprochés ou une multiplicité d’atteintes pathologiques diverses ? que dit le malade, s’il peut le faire ? qu’exprime-t-il à travers son comportement corporel et sa coopération aux soins ? quelle est la qualité de son confort actuel ? qu’en pense sa famille ? qu’en pensent les soignants qui le côtoient le plus souvent ? Des groupes de praticiens en gériatrie cherchent aujourd’hui à développer des outils pratiques à la mise en œuvre collégiale de la prise de décision en gériatrie, notamment au regard de l’évolution législative (loi Léonetti, mars 2005) [6,7]. Quelques principes simples doivent nous guider comme l’absence de corrélation entre l’âge chronologique et l’âge physiologique, la nécessité d’intégrer la personne âgée malade dans la prise de décision quel que soit son niveau de dépendance physique et/ou ses troubles cognitifs. Famille et soignants ont souvent tendance à se substituer à elle sous prétexte de sa fragilité. Directives anticipées et personne de confiance prennent toute leur importance étant donné la fréquence des troubles cognitifs dans les classes d’âge les plus élevées (40 % des plus de 85 ans [1]). Quelles spécificités pour les soins palliatifs en gériatrie ? Évaluation des symptômes La prévalence de la douleur est très importante dans ces classes d’âges (40 à 80 % selon les études), reconnues comme à risque de sous-estimation de la douleur [8]. La fréquence des troubles cognitifs complique l’évaluation des symptômes en gériatrie et notamment celle de la douleur. Son expression peut être atypique : par exemple, c’est parfois l’apparition récente de troubles du comportement, comme une réaction agressive du malade lors d’un soin, qui va alerter les soignants et les inciter à rechercher l’existence d’une douleur [9,10]. Autre exemple, l’aggravation brutale des troubles cognitifs ou une agitation peuvent être les seules expressions de l’inconfort généré par une rétention d’urine. Le « bon sens » est également un allié précieux : le diagnostic d’une pathologie habituellement accompagnée de douleurs chez un malade doit nous faire rechercher son existence même en l’absence de signes évocateurs. La présence de troubles mnésiques limite souvent à l’instant même la valeur de l’interrogatoire sur l’existence d’une douleur : en effet, la personne peut ne pas être douloureuse au moment de la consultation mais avoir oublié qu’elle a ressenti une douleur quelques instants auparavant. Cependant, il est indispensable, même lorsqu’il existe des troubles cognitifs, d’interroger le malade qui peut malgré tout nous donner des indices utiles au diagnostic. Mais l’auto-évaluation n’est pas toujours possible et il faut savoir compléter notre interrogatoire par des échelles d’hétéroévaluation de la douleur comme Doloplus, Algoplus (Encadré 2 ), ou ECPA [10—12]. Encadré 2 Algoplus : échelle d’évaluation comportementale de la douleur aiguë chez la personne âgée présentant des troubles de la communication verbale. Score sur 5. Le malade est considéré comme douloureux à partir de 3/5. Visage : froncement des sourcils, grimaces, crispation, mâchoires serrées, visage figé : oui/non. Regard : regard inattentif, suppliant, pleurs, occlusion des yeux : oui/non. Plaintes orales : « aie », « ouille », « j’ai mal », gémissements, cris : oui/non. Corps : retrait, protection d’une zone, refus de mobilisation, attitudes figées : oui/non. Comportements : agitation corporelle, agressivité, agrippement : oui/non. Sans oublier la possibilité de faire un « test thérapeutique » lorsque le doute persiste : il ne comporte aucun risque quand on sait manier les antalgiques dans le grand âge. Autre symptôme inconfortable, les nausées ne se manifestent parfois que par l’existence d’une anorexie. Les exemples sont nombreux, mais, de façon générale, nous pouvons dire que toutes modifications récentes dans le comportement, les attitudes du malade, ou les possibilités de réaliser les soins habituels, doivent faire s’interroger sur 211 l’existence d’un symptôme inconfortable chez les patients souffrant d’une maladie démentielle. Spécificités thérapeutiques Les polypathologies, très fréquentes dans le grand âge, ont souvent pour conséquence une polymédication et donc un risque plus grand d’interactions médicamenteuses. Il est donc indispensable, à l’introduction de toute nouvelle molécule, de s’interroger sur les risques potentiels. Un exemple classique est l’introduction d’un opiacé fort qui doit systématiquement faire craindre une somnolence majorée par la co-prescription d’autres psychotropes potentiellement sédatifs (benzodiazépines, neuroleptiques, etc.) et ajuster, le cas échéant, la posologie de ces derniers. Les personnes âgées sont également plus à risque de développer les effets secondaires des médicaments [9] ; le rapport bénéfices/risques de ces derniers est donc d’autant plus important à évaluer. Cela est à l’origine d’une prise de position récente des gériatres américains qui préconisent l’usage d’opiacés forts pour certains types de douleurs modérées plutôt que des anti-inflammatoires non stéroïdiens, dont la toxicité gastrique et rénale est particulièrement à craindre [9]. Nombre de praticiens français favorisent aussi un usage surveillé et adapté des opioïdes forts souvent mieux supportés dans le grand âge et dont la posologie est plus facilement modulable que pour les antalgiques de palier 2 à disposition (confusion induite par le tramadol, somnolence par la codéine). Le métabolisme des médicaments est modifié dans le grand âge [13] : diminution de l’effet de premier passage hépatique, risque d’accumulation des substances liposolubles (par exemple : fentanyl) du fait de l’inversion du rapport entre la masse grasse et la masse maigre, altération physiologique de la fonction rénale dont il est bon de rappeler que chez le sujet âgé, la créatinine est un mauvais reflet. On lui préfère l’estimation de la clearance de la créatinine par la formule de Cockroft et Gault ou la modification of diet in renal disease (MDRD) [14]. Tout cela a notamment pour conséquence la nécessité d’adapter les posologies des médicaments, tout au moins initiales, et/ou d’ajuster leur fréquence d’administration. Par exemple, pour des personnes âgées de plus de 75 ans avec une clearance de la créatinine inférieure à 50 mL/min, les posologies initiales lors de l’introduction d’une molécule du palier 3 ne devraient pas dépasser l’équivalent de 20 mg de morphine par jour par voie orale [9]. De ce fait, les patchs de fentanyl, bien que galénique particulièrement intéressante en gériatrie, ne sont indiqués chez les personnes âgées que lorsqu’elles reçoivent au moins l’équivalent de 30 à 45 mg de morphine orale par jour (ce qui correspond au patch le plus faiblement dosé, à 12 /h) [15]. Cependant, toutes ces précautions nécessaires et indispensables ne doivent pas freiner l’usage des antalgiques chez les grands vieillards, et notamment celui des opiacés forts, ni empêcher la croissance des posologies lorsque leur douleur le justifie. On rencontre encore malheureusement des malades sous-dosés du seul fait de leur grand âge. Les difficultés rencontrées pour administrer les thérapeutiques représentent une autre caractéristique gériatrique : 212 troubles de la déglutition, opposition, absence de capital veineux ou de PAC. Le prescripteur doit savoir qu’en institutions notamment, beaucoup de médicaments sont écrasés pour être mélanger à de la nourriture avant d’être donnés au malade [16]. Il lui faut donc éviter toutes les formes à libération prolongée en comprimé qui risquent de perdre cette propriété une fois écrasés, et trouver des alternatives ! La voie sous-cutanée est intéressante, peu douloureuse à condition de laisser en place un site d’injection (changé tous les sept jours) et de ne pas injecter un volume supérieur à 2—3 mL à chaque fois [17,18]. Approche psychologique de la mort dans le grand âge Classiquement, on dit que vieillir prépare à mourir. Effectivement, la succession de deuils tout au long de notre existence devraient nous y préparer : deuil de notre bonne santé, de notre autonomie physique voire financière, de notre statut social parfois, de nos parents puis amis de même génération, etc. Certes, il est plus facile quand on est âgé d’avoir le sentiment d’une vie « bien remplie » et d’avoir fait « tout » ce que l’on devait faire, gages d’une fin de vie plus sereine. Mais il existe malgré tout des facteurs de risque d’anxiété chez le mourant âgé : la rapidité d’entrée dans la maladie ou la dépendance, un lien fusionnel avec le conjoint ou un enfant, une rupture de contact avec un être aimé, des non-dits autour de la maladie ou par exemple du décès d’un membre de la famille, l’expérience d’une fin de vie difficile chez un proche (symptômes non contrôlés). Connaître la biographie du malade, l’encourager à se remémorer des moments positifs de son existence, favoriser le dialogue avec son entourage sont autant d’éléments important à une approche plus sereine de sa mort. Mais cette dimension « psychologique » de l’accompagnement ne peut se concevoir que si les symptômes physiques inconfortables sont soulagés ! Les expressions « j’ai fait mon temps », ou « je vais bientôt mourir » sont assez fréquentes mais ne doivent pas être interprétées comme un désir de mort. Parfois « simples constatations », elles expriment le plus souvent le besoin de parler de ce moment à venir. Plus que la peur de mourir, beaucoup parlent de leur peur de souffrir et d’être seuls. Si nous devrions avoir le plus souvent les moyens de contrôler la souffrance, il est beaucoup plus difficile d’assurer une présence continue auprès du mourant âgé ; c’est une source de grande culpabilité pour les soignants, et les familles. La faible densité en personnel soignant des institutions gériatriques et l’accès aux unités de soins palliatifs souvent limités aux maladies cancéreuses (expliqué par la nécessité d’une DMS courte, incertaine dans nombres de pathologies terminales du sujet âgé) représentent une réelle inégalité sociale et une perte de chance dans l’accès aux soins palliatifs pour nos aînés. S. Chapiro Environnement familial Dans le très grand âge, la personne en fin de vie est souvent veuf ou veuve, surtout s’il s’agit d’une femme (50 % des personnes de plus de 80 ans vivent seules). Quand le conjoint est présent, il est lui-même âgé et parfois malade, voire dépendant, ce qui ne facilite pas ses visites à l’hôpital, ni les accompagnements de fin de vie au domicile. Les enfants peuvent être eux-mêmes âgés (70 ans et plus). Ils sont souvent considérés comme une génération « sandwich » entre leurs « vieux parents » à soutenir et accompagner, et leurs propres enfants qui les sollicitent, par exemple, pour un soutien financier ou la garde de leurs petits-enfants. Soumis à la nécessité de faire des choix difficiles, ils peuvent en ressentir de la culpabilité, voire l’exprimer sous forme d’agressivité envers l’équipe soignante en charge de leur parent. Le soutien psychologique de ces aidants/accompagnants ne se dissocie pas de l’accompagnement de la personne âgée. L’intervention de psychologue dans les institutions gériatriques est fortement recommandée. Les familles des malades atteints par une maladie d’Alzheimer ou autres démences souffrent également beaucoup des changements qu’entraînent ces pathologies dans le caractère, le comportement de leur parent [2]. Certains ne reconnaissent plus le père ou la mère chez cette personne au parler cru, au comportement parfois impudique, etc. Quand le langage n’est plus compréhensible, la famille se sent démunie face à ces troubles de la communication. Certains ne savent plus comment entrer en relation, se sentent inutiles auprès du malade et peuvent espacer leur visite voire ne plus venir à cause de cela. À nous de leur montrer comment communiquer autrement et expliquer que, même si leur parent oublie leur visite, leur nom, il a le plaisir de l’instant, de la relation à un être attentionné. En institutions, certaines familles vont réagir en surinvestissant le moment des repas. La convivialité encore possible de ces moments partagés, le sentiment de se rendre utile, les échanges avec les autres familles les aident à surmonter les difficultés. Mais nous devons anticiper l’apparition de troubles de la déglutition, qui font partie du stade terminal de ces maladies, en les préparant à cette évolution responsable d’une réduction progressive des capacités à manger, jusqu’à l’impossibilité totale parfois [19]. Cette préparation favorise une meilleure acceptation de cette « nouvelle » perte ultime, qui met souvent en difficulté familles et soignants. Le « long mourir » Il est difficile, quel que soit l’âge, d’estimer précisément l’espérance de vie d’une personne malade, mais cela l’est sans doute encore plus dans les situations typiquement gériatriques de polypathologies ou de démence terminale. Si cela complique la réflexion sur la « juste attitude » thérapeutique, cela peut également être responsable d’un deuil anticipé ou d’un épuisement de la famille et/ou des soignants, mobilisés autour de la personne reconnue comme Quelles spécificités pour les soins palliatifs en gériatrie ? proche de la mort. Cette fin de vie qui se prolonge peut apparaître comme vide de sens. La succession d’ « avis d’aggravations » entre des phases de stabilité voire de légère amélioration est très déstabilisante et peut amener à des demandes d’euthanasie. À nous de chercher avec l’entourage du sens à ce temps là : attente de la visite de proches, date anniversaire, relation fusionnelle, ou tout simplement, le temps nécessaire à cette personne pour mourir. Montrer comment communiquer encore malgré l’absence de mots en retour, lutter contre le sentiment d’inutilité en valorisant leurs actions ou tout simplement la présence de l’accompagnant parfois démuni devant cette personne mourante, le déculpabiliser devant une incapacité à rester longtemps en sa présence ou tout simplement d’être là au moment du décès, sont autant d’actions de soutien possible. Parfois, ces situations sont favorisées par des mesures artificielles de maintien de vie, comme une alimentation entérale ou parentérale (qui ne sont pas recommandées, il est bon de le rappeler, dans les cas de maladie démentielle au stade terminal [3,20]), ou encore par une perfusion sous-cutanée. Celle-ci, même si peu invasive, ralentit un processus en cours sans en changer l’issue mais peut contribuer parfois à ce long mourir sans en améliorer le confort. Équipes soignantes L’accompagnement des personnes âgées en fin de vie confronte les soignants à plusieurs difficultés. L’une d’entre elles est la longueur de la prise en charge : ceux qui travaillent en institutions (long séjour, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), connaissent parfois la personne mourante depuis des mois voire des années. Des liens affectifs se sont souvent tissés et même s’ils ont su garder une approche « professionnelle », il peut être plus difficile de vivre ces décès. Les troubles de la communication, du comportement, la grande dépendance physique de leurs patients, la confrontation régulière à la vieillesse pathologique et à la mort, la lourde responsabilité des décisions éthiques quotidiennes, l’absence de valorisation de leur fonction dans le monde de la santé et dans notre société, sont autant d’autres difficultés vécues par ces soignants. La formation, notamment à la communication non verbale et aux soins palliatifs, les réunions d’équipe, le soutien par un psychologue leur apportent une aide utile [21]. Un programme spécifique d’aide à la mise en œuvre de soins palliatifs en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes est notamment conduit sur le plan national depuis quelques années dans cette optique (Mobiqual) [22]. Conclusion Les soins palliatifs gériatriques présentent des spécificités médicales, psychologiques et sociales dont il faut tenir compte pour améliorer encore les conditions de l’accompagnement des personnes âgées en fin de vie. La vieillesse et la mort sont deux phénomènes que notre 213 société voudrait bien occulter. Les personnes âgées en fin de vie, surtout si elles présentent une démence type maladie d’Alzheimer, cumulent donc les handicaps « effrayants » pour notre monde moderne. Mais la croissance démographique, avec l’arrivée des baby-boomers dans les classes d’âge concernées, va nous obliger à réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre pour les accompagner dignement. Pour les soignants, médicaux et paramédicaux, cela passe par la reconnaissance de ces spécificités, et la formation à cellesci. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Kapo J, Morrison LJ, Liao S. Palliative care for the older adult. J Palliat Med 2007;10:185—209. [2] Lopez-Tourres F, Lefebvre-Chapiro S, Feteanu D, Trivalle C. Soins palliatifs et maladie d’Alzheimer. Rev Med Interne 2009;30:501—7. [3] Gove D, Sparr S, Dos Sanos AMC, Cosgrave MP, Jansen S, Martensson B, et al. Recommandations on end-of-life care for people with dementia. J Nutr Health Aging 2010;14:136—9. [4] Sebag-Lanoë R. Soigner le grand âge. Paris: Desclée de Brower; 1995. [5] Sebag-Lanoë R, Lefebvre-Chapiro S, Feteanu D, Trivalle C. Palliative care in a long-term setting: a 25-year French experience. J Palliat Care 2003;19:209—13. [6] Gomas JM. 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