Par Ornella Laddaga. Lycée Condorcet. Montreuil-sous
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Par Ornella Laddaga. Lycée Condorcet. Montreuil-sous
BACCALAUREAT 2012 Option facultative d'art dramatique. Par Ornella Laddaga. Lycée Condorcet. Montreuil-sous-bois. Terminale scientifique. SOMMAIRE I- Le théâtre, une passion inattendue. Pages 2 à 4 : L'opéra à 2 balles d'après l’œuvre original de Berthol Brecht : l'opéra de quat ‘sous. Pages 5 à 6 : Surpris par l'amour d'après la surprise de l'amour de Marivaux. Pages 7 à 9 : On purge Bébé. D'après Feydeau. II- Se nourrir d'expériences. Pages 10 à 11 : L'atelier, un lieu d'évolution. Page 11 : rencontres avec des comédiens. III- L'école du spectateur. Pages 11 à 12 : Le dindon de Feydeau. Page 12 à 13 : Lulu. Page 13 à 14 : Le suicidé de Nicolaï Erdman. Page 14: conclusion. I- Le théâtre, une passion inattendue. J'ai rejoint l'atelier théâtre en classe de seconde, c'était à la base une simple option me servant à retrouver des amies qui n'étaient pas dans ma classe, mais au fur et à mesure, le théâtre a pris de l'importance dans ma vie. Malgré l'abandon de mes amies, j'ai continué à aller à l'atelier car il était devenu nécessaire, c'était à la fois un moyen de se défouler et de se découvrir. Le théâtre, ce n'est pas simplement lire des pièces ou jouer la comédie. C'est bien plus que cela, le théâtre m'a permis de vaincre ma timidité, de m'imposer face aux autres, la confiance que j'ai acquise au sein de la troupe, je m'en sers au quotidien, c'est une force. Mes trois années de théâtre au sein de cette troupe m'ont énormément changée, dans la vie de tous les jours, j'ose aller vers les autres, parler aux gens, je ne suis plus inquiète du regard que les autres peuvent porter sur moi. Le théâtre me permet de me libérer, de m'évader de la vie quotidienne, cachée derrière un personnage, je peux exprimer mes émotions sans affronter les avis et les jugements d'autrui. Cela peut sembler étrange, voire paradoxal, mais le théâtre est pour moi le seul moyen de m'exprimer librement et d'être moimême tout en étant quelqu'un d'autre. En effet, nous jouons toujours la comédie lorsque nous sommes en société : amis, famille, professeurs nous obligent à adopter une attitude conventionnelle, préfabriquée. Toujours être poli, rester dans le politiquement correct etc. Le théâtre lui, nous rend libres, délivrés de toute contrainte, nous pouvons faire ce que nous voulons sans peur d'être jugés ou réprimés car nous avons une excuse imparable : nous jouons un rôle, notre rôle. a) L'opéra à 2 originale de quat ‘sous. balles d'après l’œuvre Bertolt Brecht : L'opéra de C'est mon premier spectacle avec l'atelier. La pièce s'ouvrait sur une scène de la foire de Soho où je jouais une arracheuse de dents, le départ du spectacle était donc donné par une de mes camarades et moi-même. C'était très impressionnant car en se retournant, on pouvait voir tout le public qui nous fixait, de plus, cette scène était muette, ce qui me rendait encore plus nerveuse car je ne pouvais pas compter sur un dialogue sur lequel m’appuyer. Dans la suite du spectacle, je jouais le rôle d'une prostituée du bordel où Mackie allait se réfugier. C'était un rôle avec très peu de dialogue mais beaucoup de jeu scénique, il fallait toujours être en mouvement afin que le bordel paraisse vivant. Le fait d'être à plusieurs sur scène m'a beaucoup aidée, je n'imaginais pas me retrouver seule devant le public, alors qu'avec d'autres on peut jouer ensemble, compter sur eux pour créer une histoire... Le plus dur pour moi fut de rentrer dans mon personnage et de réussir à paraître à l'aise et réaliste. En effet je n'avais aucune idée de ce qu'il fallait faire, ni aucune imagination pour jouer ce rôle. Les autres filles et moi ne prenions pas du tout notre rôle au sérieux, du coup, arrivés à la semaine de répétition de fin d'année, nous n'avions presque pas travaillé et en voyant les autres scènes notamment celles des terminales, j'ai beaucoup regretté tout ce temps perdu. J'ai appris que l'inspiration ne venait pas toute seule et que pour fournir une scène drôle où il se passe beaucoup de choses, il faut avoir énormément travailler avant. Le rôle de la reine Carla comportait une petite scène, celle du couronnement où il ne se passait presque rien, il n'y avait même pas de dialogue. Et pourtant, cette scène restera un très bon souvenir car lors de la première représentation du spectacle, l'actrice sensée me couronner fit tomber la couronne au sol. A l'aide de l’autre comédienne, nous avons rattrapé cette erreur et certains spectateurs ont même pensé que cela faisait partie du spectacle. C'est ce que j'aime dans le théâtre, pouvoir changer une scène, un acte. Avoir la possibilité de faire de chaque spectacle quelque chose de nouveau. De plus, à la fin de la pièce je devais chanter, (comme on le voit sur la photo de couverture du dossier) cette idée m'angoissait et m'impatientait. Tout le public et le reste de la troupe avaient les yeux rivés sur moi, j'avais peur de me tromper, de ne pas réussir à chanter, de bégayer... Lorsque le moment est venu et que je suis montée sur scène, toute l'angoisse et la peur ont disparu. J'ai chanté de la manière la plus détendue et drôle que je pouvais, j'ai traversé la scène comme si c'était quelque chose de tout à fait banal. J'étais heureuse d'être là, de faire rire le public. C'est cette expérience qui m'a donné envie de continuer. b) - Surpris par l'amour d'après La seconde surprise de l'amour de Marivaux. T traduire la rêverie à travers l'expression du visage. ravail sur la Marquise, Jouer du Marivaux, une tâche qui me semblait insurmontable et qui me le semble toujours. Par la force des mots, la vraisemblance des sentiments, c'est le théâtre dans toute sa splendeur. La chorégraphie d'ouverture de la pièce était très contemporaine, le mal-être de la marquise devait être exprimé par le corps seulement et je me suis aperçue que faire passer la mélancolie et la tristesse que l'on ressent avec son corps est une tâche ardue. Le corps est un outil d'expression que l'on utilise très peu au quotidien, et à force il devient même étranger à nous-mêmes et nous ne sommes plus capables de nous exprimer à travers lui. J'ai donc eu beaucoup de mal avec cette vision du théâtre, pour moi, le théâtre c'était avant tout des mots et non une question d'expression corporelle, Joséphine a su me montrer que le corps était aussi important que les mots, car la posture traduit notre humeur. Nous étions deux comédiennes à nous partager une scène, nous avons joué une partie du texte en même temps, chacune disait une phrase, pour symboliser le fait que nous étions le même personnage mais dans deux corps différents. Cette expérience nous a appris à nous faire confiance et nous a rapprochées car lors de la représentation l'autre comédienne avait oublié son texte, je l'ai soutenue et j'ai joué à sa place jusqu'à ce qu'il lui revienne en tête. Cela montre que nous ne sommes jamais seuls au théâtre, bien sûr l'erreur peut arriver mais c’est une qualité du théâtre, c'est ce qui fait son charme je trouve. Cette pièce était pour moi très différente de la précédente : d'abord parce que j'avais un rôle plus conséquent, et aussi parce que le théâtre de Marivaux est très dur à jouer en comparaison de celui de Brecht. Ce qu'on appelle le Marivaudage, c'est à dire le langage prédominant sur le geste est vraiment pour moi ce qui a été le plus intéressant et ce qui m'a le plus motivée à jouer. Pendant les séances d'atelier, j'ai été captivée par tout le sous-texte présent dans la pièce, toutes les informations que le personnage divulgue, les personnages de Marivaux ont une personnalité bien définie. Ils jouent sur les mots car ils ne s'avouent pas à eux-mêmes ce qu'ils ressentent. Il faut sans cesse se demander pourquoi les personnages utilisent ce mot en particulier. Que veulent-ils dire ? Une autre facette difficile est d'écouter l'autre et ne pas se contenter de l'entendre, la pièce est rythmée par les déclarations des personnages, chaque parole fait avancer l'histoire et les réactions des personnages doivent être réglées à la seconde près. Il ne faut donc surtout pas anticiper, mais bien écouter ce que le partenaire dit pour savoir quoi répondre. Pour jouer Marivaux, il ne faut pas jouer, il faut vivre la pièce. Mais réussir à s'exprimer de manière intelligible malgré l'émotion interprétée reste très difficile, tout comme réussir à captiver le public par les mots, l'intonation et non par des actions. Ressentir de la joie, de l'affliction, de la rancune, de la peine, en le montrant avec des mots mais aussi avec tout son corps, voilà le défi que représente une pièce de Marivaux. Car dans la vie quotidienne nous oublions souvent que nous ressentons aussi bien les émotions avec l'esprit qu'avec le corps, les expressions du visage et celle de notre posture traduisent notre état d'esprit, il fallait donc faire attention à tous ces détails en jouant la Marquise. La Marquise, je la vois comme une femme prise dans ses propres contradictions, elle est extrêmement affligée car elle vient de perdre son mari et en même temps elle ressent sans se le dire à elle-même un amour naissant pour le Chevalier. Pendant ma scène, j'apprends que ma servante Lisette essaie de m'arranger un mariage avec le Comte et qu'en plus elle a proposé ma main au Chevalier. Ces informations me sont données par le savant Hortensius, qui m'accompagne dans ma souffrance et m'aide à surmonter mon deuil. Je devais à la fois jouer la surprise face à ces nouvelles mais en plus la douleur en apprenant que le Chevalier m'avait refusée. Et cette douleur ne devait pas se voir, elle n'était pas raisonnable pour quelqu'un en deuil, je devais l'enfouir au plus profond de moi-même et jouer la neutralité. C'était donc un double-jeu : je jouais une Marquise surprise et affligée qui elle-même jouait l'indifférence et la neutralité malgré un pincement au cœur. Ce n'est pas la peine de préciser que tout ceci fut très difficile mais je pense, grâce à beaucoup de persévérance, de conseils et de travail, être parvenue à jouer quelque chose d'authentique. La scène continuait ensuite avec l'apparition de Lisette, et cette venue fit monter en moi de la colère. Une colère qui je pense est adressée à la fois à Lisette pour son complot et en même temps, même s’il n'est pas présent, au Chevalier pour son refus. La Marquise est en effet très touchée par ce refus, dans sa vanité tout d'abord et dans son cœur. Apprendre que celui qu'on aime ne nous aime pas et l'apprendre de quelqu'un d'autre... C'est une chose affreuse, troublante. C'était un rôle fort, avec beaucoup d'émotions et je voulais prouver que j'étais capable de jouer ce rôle. Joséphine était heureusement là pour me conseiller, me montrer comment jouer la tristesse sans pour autant être submergée par elle. Elle m'a aussi appris à hausser la voix sans partir dans les aigus, et croyez-moi, c'est très dur de crier et de parler de façon intelligible en même temps. c) On purge bébé d'après l’œuvre du même nom de Feydeau Deuxième approche, trouver une posture pour traduire la fermeté et l'autorité de Julie . Nous devions faire une petite improvisation sur notre scène, j'essayais de prendre un air sévère, de jouer vraiment la mère qui s'énerve mais je trouve mon air un peu trop simple, on ne lit pas assez l'autorité. Il fallait donc que j'améliore mes mimiques, grâce à l'exercice du miroir pratiqué avec d’autres comédiens j'ai pu trouver plusieurs gestuelles mieux adaptées. Petit jeu, il fallait faire deviner son personnage sans parler, seulement à l'aide de geste. J'ai choisi ce geste car il transmet bien l'agacement et le 'ras-le-bol' de mon personnage. On voit à mon expression que je suis fatiguée et que j'en ai assez. Cette année, nous présentons 3 pièces. Le thème central est l'enfant mais pas le côté charmant et merveilleux de l'enfance, nous traitons plutôt le côté problématique des enfants. J'avais entendu une phrase qui disait « les enfants ça console de tout sauf d'en avoir» je pense que cela résume bien ce que nous essayons de montrer avec le spectacle de cette année. Les enfants du spectacle sont tous à des phases de l'enfance différentes : nous avons le petit garçon insupportable qui n'obéit à personne, la fillette capricieuse qui pense que tout lui est dû et le jeune homme en pleine crise d'adolescence qui tente de s'imposer malgré une mère tyrannique. Je joue dans On purge bébé de Feydeau. J'imagine mon rôle comme un mélange de mère idolâtrant son fils et de femme hystérique qui ne supporte plus sa vie. Toto est pour moi un enfant roi qui refuse d'obéir à qui que ce soit. Julie, mon personnage, a une énergie incroyable durant toute la scène, elle est comme au bord d'une crise nerfs et ne supporte pas que tout ne se déroule pas comme prévu. Son fils refuse de se purger et elle est prête absolument à tout pour lui faire boire sa purgation. Y compris faire boire avec lui le client de son mari. Je pense que Julie ne supporte plus de passer sa vie à s'occuper de son fils et de son foyer, à force d'être enfermée chez elle, elle a consacré toute son énergie à son fils, et elle en arrive à exploser de rage pour une simple purgation. Ses rapports avec Bastien, son mari, sont assez violents, on sent comme une bataille entre les deux, il y a toujours une tension pour savoir qui domine l'autre. Trouver le moyen d'exprimer la lassitude et l'agacement. Pour la mise en scène, il fallait montrer la colère de Julie et son agacement face à son mari qui ne veut pas l'aider à s'occuper de leur fils. D'ailleurs dans ma scène, Toto n'est presque plus présent. L'enjeu de la scène se trouve sur Monsieur Chouilloux, le client du mari, que Julie tente de faire boire par tous les moyens. Il y a une sorte de chorégraphie entre ces trois personnages, Julie tente tout le temps de faire boire Monsieur Chouilloux et celui-ci, quelque peu surpris et effrayé par cette femme prête à tout, parcourt la scène afin de se cacher derrière Toto ou Bastien. Cela donne une impression de course poursuite entre Julie et Chouilloux, l'homme fuyant devant un simple verre crée le comique de situation. En plus de cette poursuite de Chouilloux, Julie doit faire face à Bastien qui s'oppose à elle. Nous avons donc décidé de jouer sur le rapport de force entre ces deux personnages. Julie a un caractère fort et colérique alors que Bastien semble avoir plus de maîtrise sur lui-même. Il ne lèvera pas la main sur Julie, contrairement à elle qui n'hésite pas à le pousser brutalement lorsqu'il se met en travers de son chemin. En caricaturant cette scène, nous en avons fait un véritable combat entre les deux où Julie fait voltiger son mari, et où il se retrouve contraint de la supplier à genoux. Là encore, on voit la soumission du mari face à Julie, ce qui rend la scène assez comique. Le comique est pour moi plus dur à jouer que la pièce de Marivaux. On ne sait jamais si les effets comiques préparés vont faire rire le public, cela met une pression énorme, car pour moi il n'y a rien de pire que d'entendre le silence du public au moment où il est censé rire. C'est donc avec de l'appréhension que je prépare ce spectacle, en cherchant ce qui pourrait faire rire sans tomber dans quelque chose de déjà vu. Je pense néanmoins que la crise d'hystérie de Julie, Bastien qui la supplie à genoux et la chute de la scène, lorsque Chouilloux boit la purgation, devraient faire rire le public. II- Se nourrir d'expériences. a) L'atelier, un lieu d'évolution. Pendant les deux premières années de l'atelier, la metteur en scène était Joséphine Sourdel, la dernière année quant à elle a été animée par Sophie Perrimond. Les deux méthodes de travail sont différentes et chacune apporte son expérience et sa vision du théâtre. En seconde, Joséphine nous a mis devant le sérieux du théâtre ; fraîchement débarquée, je pensais plus à m'amuser qu'à me prendre au sérieux et surtout à prendre le spectacle au sérieux. Pourtant, je n'avais pas un grand rôle, la scène du bordel se jouait à 7 et n'avait pas beaucoup de dialogue, mais Joséphine nous faisait quand même nous sentir importants dans la troupe. Néanmoins, Joséphine nous prenait peut être un peu trop au sérieux, elle voulait vraiment avoir un spectacle de fin d'année époustouflant, et visait peut-être un peu haut par moments, comme pour le Marivaux, je ne pensais et je ne pense toujours pas être à la hauteur pour jouer un tel rôle. Mais c'est en même temps cette confiance, qui me poussait à me donner totalement dans mon jeu, je ne voulais pas décevoir Joséphine. Les meilleurs moments de mes années de théâtre avec Joséphine remontent à l'année dernière, je devais trouver le côté comédie de ma scène et je n'y arrivais pas, en allant sur scène présenter mon travail, j'avais très peur de sa réaction et j'ai improvisé, et là, j'ai entendu Joséphine rire. Et ce rire représente la meilleure des récompenses car si Joséphine rit, c'est que le public rira. J'avais beaucoup d’appréhension à l'idée d'avoir une nouvelle metteur en scène pour mon année de Terminale, j'étais habituée à travailler avec Joséphine, à sa façon de faire, et la venue d'une nouvelle ne m'enchantait guère. Pourtant, cela me rendait curieuse, curieuse de voir le théâtre d'un autre point de vue, d'être dirigée par quelqu'un d'autre. Je dois reconnaître avoir, du moins au début, comparé Joséphine et Sophie. Je pensais que cette remplaçante serait comme Joséphine, et je me trompais totalement. Elles n'ont pas les mêmes méthodes de travail, pas la même approche théâtrale, mais aucune n'est mieux que l'autre, elles sont juste différentes. Avec Joséphine, nous n'avons jamais fait de comique, et les costumes n'avaient pas une grande importance, à mon grand regret car j'adore me costumer, cela m'aide à me glisser dans la peau de mon personnage. A contrario, Sophie, dès le début a instauré une ambiance plus sereine et détendue dans l'atelier. Même un peu trop à mon goût, je n'étais pas habituée à une telle attitude. Nous avons passé du temps à trouver LE costume pour chaque personnage, et nous avons aussi passé beaucoup de temps en début d'année à nous consacrer à des exercices de voix et des petites improvisations. C'était intéressant car cela permet de voir ce dont on est capable dans différents registres et cela permet aussi pour les nouveaux arrivants de se libérer sans avoir honte, car au début il faut bien avouer que le regard des autres est toujours pesant. .La troupe de l'atelier a grandement changé depuis mon arrivé, en seconde il y avait deux groupes et à cause de cela, la troupe ne se connaissait pas et il n'y avait pas de grande solidarité. L'année dernière, les terminales m'ont apporté beaucoup de conseils et m'ont aidée à cerner mon personnage, j'ai essayé à mon tour de transmettre ce que j'avais appris cette année, d'autant plus que mon expérience venait d'une autre metteur en scène, nous avions donc deux fois plus de conseils et de méthodes de travail, en mélangeant les deux, j'ai trouvé ce qui me convenait. Je pense que l'atelier théâtre apporte énormément à ceux qui y participent, Joséphine m'a appris à ne pas avoir peur du ridicule et à avoir confiance en moi, aussi bien sur scène que dans la vie. Pour les épreuves orales par exemple, grâce au théâtre, je suis moins anxieuse à l'idée de parler devant des gens. Avec Sophie nous avons une troupe plus solidaire qu'avant, grâce à l'atelier j'ai rencontré des gens à qui je n’aurais jamais parlé en dehors du théâtre. Et puis l'atelier était un moment de détente, où l'on pouvait se défouler en dehors des cours et notamment cette année, c'était le lieu où je pouvais oublier le stress du bac un moment. b) Les rencontres avec des comédiens Catherine Piétri. Catherine Piétri est venue faire une intervention avant la dernière représentation de lignes de faille, spectacle tiré du roman de Nancy Hudson et mise en scène par Catherine Marnas où elle interprète un personnage à différents moments de sa vie. Pour elle, le théâtre est avant tout une relation avec le public, chaque spectacle est différent, on ne peut pas rejouer la même chose avec la même intentionnalité, c'est ce qui rend le théâtre si exceptionnel. Elle nous a également donné quelques conseils pour rentrer dans la peau d'un personnage. D'après elle, un comédien peut jouer tous les rôles possibles du moment qu'il insiste jusqu'à trouver le ton de son personnage, on ne peut pas se contenter de se servir de nos propres expérience pour interpréter un rôle, il faut aussi chercher ce qui caractérise le personnage à l'aide de l’œuvre et trouver comment le metteur en scène l'imagine. Éric Louis. Nous avons rencontrés Éric Louis avant d'assister à son spectacle Ennemi public. Le comédien a beaucoup de liberté en ce qui concerne l'interprétation des personnages, c'est justement cette liberté qui rend le métier si difficile car il y a plusieurs points de vue envisageables face à un personnage, Le métier de comédien est incroyable, c'est une aventure à chaque instant car les spectacles ne sont jamais les mêmes tout comme les compagnons de jeu. Chez lui, les émotions viennent grâce aux mots, juste à la lecture de la pièce. Il nous a conseillé de lire notre texte plusieurs fois, de le respirer et de laisser faire notre corps. Pour bien comprendre notre rôle il faut bien évidemment lire la pièce en entière afin de comprendre l'enjeu qui se déroule lors de notre scène. Enfin, le plus important à ses yeux c'est le public, car sans lui il n'y a pas de théâtre. III- L'école du spectateur. a) Les pièces vues avec l'atelier. Le Dindon de Feydeau. Vu à la cartoucherie de Vincennes. Mise en scène par Philippe Adrien. J'ai adoré la mise en scène de cette pièce, nous n'avons pas une minute pour réfléchir (encore moins pour nous ennuyer) car les actions s'enchaînent rapidement. C'est une farce tournant autour de l'adultère : une femme assurant ne tromper son mari que pour se venger si celui-ci la trompe, un homme cherchant par tous les moyens à pouvoir avoir cette femme, la maîtresse du mari en question qui débarque de Londres avec son propre mari... Toutes ces histoires se mélangent, se complètent pour arriver à un fouillis inouï où l'on ne sait plus qui est trompé et qui ne l'est pas. Rythmée par des quiproquos incroyables, une multitude d'actions s’enchaînent jusqu'au bout, à tel point qu'on ne sait pas qui est le dindon de l'affaire. Le décor est lui-même époustouflant, un plateau tournant, des portes qui claquent, des effets lumineux notamment un spectrophotomètre, tout bouge, tout change. Cette pièce m'a apporté beaucoup pour apprendre à jouer mon propre personnage, elle m'a montré que le comique n'est en rien une mince affaire et que chaque action sensée faire rire le public est chorégraphiée au millimètre près. Les gestes comiques sont accentués jusqu'à la caricature et les personnages n'ont pas peur de se rendre ridicules, ils sont hauts en couleur sans être extravagants : Maggy, la maîtresse Londonienne excentrique avec un accent typique, qui parle un Français à couper au couteau et a un costume aux couleurs pétantes, menace de se suicider si son amant cesse de la voir. Son mari venant de Londres avec un accent marseillais, les amants faisant la cour aux femmes mariées se comportent comme des chiens, ils aboient, font le torero ou utilisent le haka néozélandais pour faire la cour... . Les répliques marquent et reste en tête comme par exemple : «Les maris des femmes qui nous plaisent sont toujours des imbéciles.» ou un long monologue sur le mariage évoqué par un mari volage. C'est un véritable jeu de troupe incroyable à voir. On ne cesse de rire d'un bout à l'autre de la pièce Lulu. Théâtre de la ville. Mise en scène par Robert Wilson. J'ai eu la chance d'assister à cette pièce grâce à l'atelier théâtre, j'avais entendu parler de la troupe du Berliner Ensemble et je comprends d'où provient leur popularité, ils sont incroyables. De plus, les chansons de Lou Reed et du Velvet underground étaient parfaites dans la mise en scène. Je pensais que j'aurais du mal à m'imprégner de l'histoire car elle était en Allemand mais même sans comprendre le dialogue, l'émotion était là. Le jeu passait par le corps et par le visage bien avant d'être transmis par la voix. Je n'ai peut-être pas compris toute la complexité de cette pièce mais la mise en scène était ahurissante, les costumes et le maquillage des comédiens rappelaient le cinéma expressionniste allemand, je pensais que peindre le visage des comédiens en blanc était une mauvaise idée car cela faisait trop ressortir certaines expressions du visage mais j'ai complètement changé d'avis avec ce spectacle. Les jeux de lumières et d'ombres nous plongeaient dans l'ambiance angoissante de l'intrigue, d'ailleurs le meurtre de Lulu n'est pas joué sur scène, il est symbolisé en début de pièce par un cri. Et ce cri nous fait bien plus ressentir toute la souffrance et la douleur de cette mort que si elle était jouée sur scène. Les comédiens étaient tous meilleurs les uns que les autres, chacun à sa façon marquait le spectateur. L'actrice vedette, Angela Winkler était incroyable, elle avait une présence sur scène, même sans bouger ou sans parler, elle nous captivait. Je me souviens d'une scène où elle part du fond de scène et avance jusqu'à l'avant-scène, sans parler. Elle marche, elle marche lentement, elle prend son temps, rien ne bouge autour d'elle. Pourtant, tout le public a les yeux rivés sur elle. Je me souviens n'avoir pas réussi à décrocher mon regard de sa démarche. J'aimerais réussir à captiver le public comme elle le fait, c'est quelque chose de vraiment magique. C'est l'actrice la plus impressionnante que j'ai vu jouer. Je pense que si j'avais vu cette pièce pendant mon année de première, j'aurais mieux compris mon personnage de Marquise, je vois maintenant comment la douleur et le mal-être intérieur peuvent être joués sur scène. Dans la troupe, il y avait une autre actrice marquante. Elle arrive sur scène totalement en dehors de la pièce, elle est hors du temps, de l'histoire. Elle vient rabaisser la tension lorsque l'atmosphère est vraiment tendue, avec une petite comptine qu'elle chante à chaque fois, sans se soucier de l'histoire qui se déroule sur scène. Elle m'a touchée mais dans un sens tout autre que l'actrice jouant Lulu. Cette comédienne fait une rupture avec le reste de la pièce et arrive à faire rire les gens juste dans son attitude et dans son chant. Le suicidé de Nicolaï Erdman. A la MC93 de Bobigny. Mise en scène de Patrick Pineau. Cette comédie russe raconte l'histoire d'un homme, Sémione, au chômage au milieu de la Russie totalitaire soviétique, que tout le monde imagine avoir des tendances suicidaires. En effet, le burlesque de cette pièce est qu'elle débute par une scène banale : le mari a faim pendant la nuit, il réveille sa femme afin de savoir s’il reste quelque chose à manger. Tout s'emballe alors, sa femme le croit disparu, elle court avertir le voisin pensant que son mari est allé se suicider. Lorsque le mari réapparaît, une foule de nouveaux personnages arrivent avec un projet invraisemblable : ils veulent que Sémione se suicide pour leur cause. En effet, que ce soit pour l'art, pour le socialisme, pour la religion ; chacun pense qu'un mort en leur faveur, pour sauver leur cause. Sémione se retrouve même à essayer de se suicider, cette scène est d'ailleurs comique, c'est quelque chose qui m'a surprise, de voir cet acteur et surtout ce dramaturge réussir à rendre un suicide comique. Sémione n'arrive pas à se décider où il va se tirer une balle: cœur? Tête? Puis il ne cesse de compter, tout d’abord jusqu'à 3, puis 1000.. On ressent l'angoisse de cet homme qui ne veut pas mourir mais qui s'y retrouve contraint. Cette scène s'achève sur une phrase extraordinairement absurde: «Je n'ai pas le droit de mourir, je n'ai pas le droit de mourir. Il faut vivre, vivre, vivre... pour se tuer». Pour moi, le message est que Sémione ne peut pas se tuer car il n'a pas vécu, il n'a pas fait de sa vie ce qu'il voulait, il ne peut donc pas renoncer à sa vie. C'est une pièce forte, qui marque car elle nous met face au malheur d'un homme qui ne sait plus quoi faire et en même temps elle fait rire car elle traite cela de manière légère. Lors de la scène du faux enterrement de Sémione par exemple, la tristesse profonde de la famille est adoucie par des employés de pompes funèbres déguisés en anges, une course poursuite après le cercueil, un prêtre transformé en karatéka pour défendre la foi... La fin est vraiment surprenante, un personnage qu'on n’a jamais vu sur scène se suicide, disant que Sémione a raison, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Une fin puissante, qui fait redescendre le public sur terre. J'ai aimé le côté satire sociale, critique du régime politique russe de la pièce, et le message qui en découle, comme si les morts seulement pouvaient dire tout haut ce que les vivants pensent tout bas. Conclusion : En conclusion l'atelier théâtre restera un très bon souvenir. Évidemment il y a eu mauvais moments, des disputes entre personnes de la troupe ou bien l'absence de certains qui nous a posé pas mal de problèmes mais en réalité, je retiens surtout les meilleurs moments : les fous rires partagés pendant les improvisations, les rencontres, les gaffes sur scène à rattraper sans que le public ne le remarque, le stress juste avant de monter sur scène, ce petit moment où l'on se réunit tous dans les coulisses pour se concentrer, la joie que l'on ressent face au public, les applaudissement.. Et surtout, la semaine de répétitions. Cette semaine est si particulière, tous se retrouver pour ne faire que du théâtre toute la journée c'est simplement génial. Malgré le stress du spectacle qui approche il y a l'euphorie d'être sur le plateau qui prend le dessus et je pense que c'est à cet instant que nous travaillons le mieux. J'espère encore aller au théâtre même si je ne fais plus partie de l'atelier car j'ai vu des spectacles incroyables, et je sais que sans lui je n'aurais même pas eu l'idée d'aller les voir. Je me suis débarrassée de tous les préjugés que j'avais sur le théâtre et j'ai suis heureuse car sinon je serais passée à côté de quelque chose de vraiment génial. Tout ce que le théâtre m'a apporté ne peut pas se résumer aussi simplement, mais je sais que j'ai grandit grâce à lui, cet atelier m'a permis d'évoluer et sans lui je ne serai certainement pas comme je le suis maintenant. L'opéra à deux balles : la reine Carla.