L`actualité fiscale de l`assurance-vie

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L`actualité fiscale de l`assurance-vie
ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES ASSURANCES
Publication n° 22 SEPT-OCT 2011
L’actualité fiscale de l’assurance-vie
par M. Leroy
Assurance vie - fiscalité
L’actualité fiscale de l’assurance vie est marquée par une aggravation des charges pesant sur
les produits et la garantie décès, qui s’inscrit malheureusement dans une période difficile pour
ce placement, qui connaît une décollecte importante en cette année 2011.
Sans doute, il est naturel que l’assurance vie n’échappe pas à l’exigence de redressement des
comptes de la nation. Mais de telles réformes doivent au moins respecter les exigences de
simplicité et de lisibilité de la norme applicable.
Or, tel n’est pas le cas de deux réformes récentes de l’assurance vie : celle relative aux
prélèvements sociaux sur les produits des contrats d’assurance vie et celle de l’article 990 I du
CGI.
I – La réforme des faits générateurs des prélèvements sociaux
Deux lois récentes ont profondément modifié les faits générateurs des prélèvements sociaux
sur les produits des contrats d’assurance vie : l’article 18 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2010 (LOI n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la
sécurité sociale pour 2010), et l’article 22 de la loi de finances pour 2011 (LOI n° 2010-1657
du 29 décembre 2010 de finances pour 2011).
Ces deux lois sont critiquables en ce sens qu’elles brisent la cohérence du régime antérieur.
En effet, avant 2010, les faits générateurs des prélèvements sociaux sur les produits des
contrats d’assurance-vie étaient régies par des règles simples et logiques.
– pour les contrats en unités de compte dont les contrats « multi-supports » ne sont qu’une
variété, le fait générateur était constitué par le dénouement du contrat en cas de vie ou par son
rachat ;
– pour les bons ou contrats en euros, le fait générateur était constitué par l’inscription des
produits en compte. Les prélèvements sociaux étaient donc opérés annuellement.
Ce régime était cohérent avec le mécanisme de la stipulation pour autrui puisqu’au décès de
l’assuré, le bénéficiaire exerce son droit direct sur la valeur du contrat, capitalisation
comprise, de sorte qu’aucun prélèvement ne peut s’opérer sur cette valeur, qui a pour lui la
nature d’un capital. Il l’était également avec la nature du placement que l’assurance vie
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permet de réaliser : en effet, seul l’évènement qui permet de constater l’acquisition du
produit constituait un fait générateur.
A – L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ou l’atteinte à la
stipulation pour autrui
Selon l’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 créé un nouveau
fait générateur de prélèvement sociaux : au décès de l’assuré, les prélèvements sociaux
s’appliquent aux produits sur les contrats d’assurance-vie n’ayant pas encore fait l’objet de
prélèvements.
Pour faire échec à l’objection de l’atteinte au principe de la stipulation pour autrui,
l’instruction fiscale prise en application du texte précise que « les prélèvements sociaux ne
sont pas calculés sur le montant du capital décès versés au bénéficiaire, mais sur les intérêts
et produits acquis ou constatés sur le contrat à la date du décès » (Instr. fisc., 15 nov. 2010,
n° 13, BOI, 5 I-4-10), qui n’ont pas déjà fait l’objet de prélèvements sociaux. Sans doute,
lorsque le contrat prévoit une bonification de la garantie en cas de décès accidentel ou en cas
de revalorisation du capital après le décès de l’assuré, aucun prélèvement ne s’opère sur cette
valeur (Inst. fisc. préc). Cependant, l’appréhension des produits de la capitalisation par les
prélèvements sociaux au moment même de l’acquisition par le bénéficiaire de la garantie
décès, soulève un certain nombre de difficultés.
En effet, en raison de la combinaison des effets des deux réformes, il faut prendre en compte
la possibilité qu’au décès de l’assuré, des prélèvements supplémentaires soient opérés sur le
contrat, ou au contraire que des prélèvements antérieurs soient restitués au contrat.
Comment alors articuler les conséquences potentielles de l’application de ces réformes avec la
fiscalité applicable à la garantie décès ?
En cas de prélèvements supplémentaires, la question essentielle est celle de savoir si ces
prélèvements sont déductibles de l’assiette de taxation de la garantie décès.
Lorsque la garantie est soumise à la taxe de l’article 990-I du CGI, la réponse est positive : en
effet, le principe est l’article 990-I du CGI a pour assiette les sommes effectivement reçues
par le bénéficiaire. De sorte que comme le précise l’instruction fiscale du 15 novembre 2010,
« les prélèvements sociaux liquidés au décès de l’assuré viennent en diminution des sommes
soumises à la taxation à la source de l’article 990 I étant précisé que la déduction de ces
prélèvements s’effectue avant application de l’abattement (152 500 €) prévu audit article ».
Au contraire, lorsque les dispositions de l’article 757 B du CGI ont vocation à s’appliquer,
aucune déduction des prélèvements sociaux dus au décès n’est envisageable dans la mesure
où celle-ci est constituée par les primes versées après le 70ème anniversaire de l’assuré.
Enfin lorsque la garantie décès est, en application de l’article L. 132-11 du Code des
assurances fiscalement traitée comme un bien ordinaire dans la succession du contractant,
seule la valeur effectivement reçue est à prendre en compte dans l’actif de la succession et les
prélèvements sociaux payés ne constituent pas un passif déductible.
En cas de restitution des prélèvements opérés antérieurement sur le compartiment euros, ces
valeurs ayant la nature de trop payé, ne constitue pas une base taxable, au regard des
dispositions des articles 125-0 A, 757 B et 990 I du CGI (Inst. Fisc., 1er août 2011).
B – L’article 22 de la loi de finances pour 2011, ou l’atteinte au caractère multi-supports du
placement
La loi de finances pour 2011 (L. de finances pour 2011 nº 2010-1657, 29 déc. 2010,
JO, 30 déc. 2010, p. 23033) aligne le rythme d’imposition aux prélèvements sociaux du
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compartiment « euros » des contrats multi-supports sur celui des contrats mono-support euros,
pour les produits inscrits aux bons ou contrats à compter du 1er juillet 2011 (à l’exception de
ceux inscrits en compte au titre des intérêts techniques et des participations aux bénéfices de
l’exercice 2010.).
Le principe est une atteinte directe à la notion de multi-supports. En effet, les contrats multisupports ne constituent qu’une variété de contrats en unités de compte ; Ainsi, comme le
rappelle le Conseil d’Etat, « les revenus correspondant aux produits générés par le fonds en
euros d’un compartiment multi-supports ne peuvent être regardés comme étant définitivement
acquis, dès lors que le titulaire du contrat dispose de la faculté d’arbitrage » (CE 13 janvier
2010, n°321416, 8e et 3e s.-s.).
Sans doute, la loi organise un mécanisme de restitution qui est prévu au rachat ou au décès,
dans le cas où la somme des prélèvements acquittés sur le compartiment euro du contrat est
supérieure au montant des prélèvements sociaux calculés sur la totalité des produits du contrat
à la date du rachat ou du décès.
Cependant cette réforme est extrêmement critiquable et complexe d’application. En effet, lors
du fait générateur, trois situations peuvent se rencontrer selon la valeur du contrat :
• aucun prélèvement supplémentaire n’est dû et les prélèvements antérieurs ne
sont pas restitués
• des prélèvements supplémentaires sont dus
• ou au contraire les prélèvements antérieurs sont restitués en tout ou partie.
Il faut donc rechercher la valeur des produits non taxés au jour du fait générateur, ce qui
conduit à réaliser le calcul suivant :
Valeur de rachat au jour du fait générateur – primes – produits déjà taxés nets
de prélèvements sociaux.
• Le résultat de l’opération peut conduire à un solde positif. Ce qui est le cas lorsque le
contrat est, au jour du fait générateur, en plus-value nette .
Dans ce cas des prélèvements sociaux supplémentaires sont dus, d’un montant
égal au solde de l’opération X par le taux de prélèvements sociaux au jour du fait
générateur.
•
Le résultat de l’opération peut conduire à un solde négatif. Ce qui signifie que
le contrat est, au jour du fait générateur, en moins value nette ou au contraire en plus value
globale (la perte, au jour du fait générateur, sur le compartiment UC, est inférieure au gain sur
le compartiment euros).
Dans le premier cas, l’établissement payeur doit restituer au contrat tous les prélèvements
sociaux précédemment acquittés sur les produits du compartiment euro de ce bon ou contrat
ou la fraction correspondant au rachat partiel.
Dans ce cas, il ne peut pas y avoir de prélèvements supplémentaires, mais il n’y a pas
obligatoirement restitution d’une partie des prélèvements opérés sur le contrat.
Pour déterminer s’il faut restituer des prélèvements sociaux et apprécier le montant de cette
éventuelle restitution, il faut comparer :
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a. le montant total des prélèvements sociaux acquittés annuellement sur le compartiment euro
jusqu’au fait générateur.
b. un montant égal à la différence entre la valeur du contrat au jour du rachat ou du décès,
augmentée des prélèvements sociaux acquittés sur le compartiment euro, et la somme des
versements effectués sur le contrat, multipliée par le taux d’imposition aux prélèvements
sociaux en vigueur à la date du rachat ou du décès.
Si le montant des prélèvements sur le compartiment euros est supérieur à celui calculé
au fait générateur sur la totalité des produits du contrat après réintégration fictive des
prélèvements sociaux, la différence est restituée. Dans le cas inverse, aucun complément n’est
dû.
II- La réforme de l’article 990 I : entre incohérence et demi mesures
La loi de finances rectificative pour 2011 a, réformé partiellement l’article 990 I du CGI.
Animé par la volonté de rechercher de nouvelles ressources, le législateur a modifié à la
marge le taux de la taxe de l’article 990 I du CGI. Cependant, la réforme la plus importante,
car elle brise la cohérence du texte, est celle de la fiscalité de la clause bénéficiaire
démembrée.
A – La réforme de la fiscalité de la clause bénéficiaire démembrée
La loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ajoute à l’article 990 I un alinéa ainsi rédigé : « En cas
de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et l’usufruitier sont
considérés, pour l’application du présent article, comme bénéficiaires au prorata de la part
leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées par l’organisme d’assurance,
déterminée selon le barème prévu à l’article 669. L’abattement prévu au premier alinéa du
présent article est réparti entre les personnes concernées dans les mêmes proportions. »
La réforme a pour objectif de mettre fin à la doctrine fiscale selon laquelle le quasi usufruitier
est le bénéficiaire exclusif de la garantie (Rép. min. nº 60024, JOAN Q, 9 août 2005, p. 7692 ;
Rép. min. nº 50207, JOAN Q, 9 août 2005, p. 7692 ; Rép. min. nº 18740, JO Sénat Q, 25 août
2005, p. 2188 ; Rép. min. Dassault, JO Sénat Q 7 mai 2009, p. 1119 ; Rép. min. Bernier,
JOAN Q 5 mai 2009, p. 4286, A. Darmon, M. H Poirier, « Le régime fiscal accompagnant la
clause bénéficiaire démembrée », Actes prat. et stratégie patrimoniale 2009, nº 3, p. 21, nº 18,
M. Leroy, Assurance-vie et gestion de patrimoine, Lextenso 2011, Coll. Les intégrales, n° 190
et s, V. aussi notre note : Réforme de la fiscalité de la clause bénéficiaire démembrée, Gaz.
Pal 27, 28 juillet 2011.)
De ce point de vue la réforme ne peut être qu’approuvée, tant il ne fait pas de doute que la
position de l’administration fiscale était erronée. Cependant, le point important de la réforme
est le principe de la répartition de l’abattement entre usufruitier et nu-propriétaire (s) au
prorata de leur droit évalué au regard du barème de l’article 669 du CGI. La solution est
juridiquement étrange puisque la loi ne modifie pas l’alinéa 1 de l'article 990-I du CGI selon
lequel « Lorsqu'elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 757 B, les
sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un ou
plusieurs organismes d'assurance et assimilés, à raison du décès de l'assuré, sont assujetties
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à un prélèvement de 20 % à concurrence de la part revenant à chaque bénéficiaire de ces
sommes, (...), diminuée d'un abattement de 152 500 euros ».
Comment justifier alors que le nu-propriétaire ou l’usufruitier, dont la qualité de bénéficiaire
est reconnue, ne dispose pas chacun d’un abattement plein et entier ?
Comment également rédiger les clauses bénéficiaires démembrées à la suite de cette réforme ?
Car il faut nécessairement tenir compte des droits que le nu-propriétaire doit acquitter (même
s’ils sont prélevés à la source). Le plus simple est évidemment de lui conférer dans la clause
des droits en pleine propriété suffisants pour acquitter cette charge.
B – La réforme du taux de prélèvement de l’article 990 I
Le projet de loi avait pour objectif l’allégement de la fiscalité de détention du patrimoine et
corrélativement le renforcement des droits de transmission des patrimoines les plus
importants.
Ce renforcement s’est traduit par la réforme du tarif de l’article 990-I pour la fraction de la
part taxable de chaque bénéficiaire supérieure à 902 838 € : celui-ci est alors porté à 25 %.
Sont également réformées, les dispositions de l’article 990 I du CGI applicables dès lors que
le souscripteur à sa résidence fiscale en France au sens de l’article 4 B du CGI, lors de la
souscription du contrat.
Avant l’application de la loi, pour déterminer si un contrat relève des dispositions de l’article
990 I du Code général des impôts, il y avait lieu de se placer à la date de souscription ou
d’adhésion au contrat, quelles que soient les modifications survenant ultérieurement dans la
domiciliation du souscripteur ou de l’adhérent
Depuis la règle applicable est la suivante : « Le bénéficiaire est assujetti au prélèvement visé
au premier alinéa dès lors qu'il a, au moment du décès, son domicile fiscal en France au sens
de l'article 4 B et qu'il l'a eu pendant au moins six années au cours des dix années précédant
le décès ou dès lors que l'assuré a, au moment du décès, son domicile fiscal en France au
sens du même article 4 B ».
L’objet de l’amendement est de lutter contre l’analyse de l’administration fiscale selon
laquelle, pour déterminer si un contrat relève des dispositions de l’article 990 I du Code
général des impôts, il y a lieu de se placer à la date de souscription ou d’adhésion au contrat,
quelles que soient les modifications survenant ultérieurement dans la domiciliation du
souscripteur ou de l’adhérent (Instr. fisc., 7 janv. 2000, BOI 7 K-1-00).
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