Entretien avec Pierre BOCKSTAEL

Transcription

Entretien avec Pierre BOCKSTAEL
HISTCOM.2
Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986
Entretien avec
Pierre BOCKSTAEL
par Michel Dumoulin
à Waterloo, le 7 juillet 2010
Transcription révisée par Pierre Bockstael
Coordonnateur du projet :
Université catholique de Louvain (UCL, Louvain-la-Neuve),
dans le cadre d’un financement de la Commission européenne.
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
M.D. : Michel Dumoulin
P.B. Pierre Bockstael
P.B. : Ce que j’avais encore… Ma femme avait gardé soigneusement ça dans les dossiers.
M.D. : C’est magnifique.
P.B. : Ah oui. Mais quand j’ai pris ma retraite…ils ont d’ailleurs pris une camionnette de la
Commission pour me ramener, je sais plus combien, sept ou huit caisses de déménageurs
remplies de documents et de tous mes chronos depuis presque le début de ma carrière. Mais
six mois ou un an après j’ai décidé qu’après avoir consacré plus de 35 ans de ma vie à la
Commission, même si cette période fut passionnante, je souhaiterais consacrer mon temps de
retraite à découvrir ou redécouvrir d’autres passions.
M.D. : Oui
P.B. : Et j’ai tout jeté à la poubelle [rires]. Si j’avais su qu’un jour vous viendriez, je n’aurais
rien jeté. Mais là, tout est passé à la trappe malheureusement. Donc il ne reste que ma
mémoire qui avec l’âge commence à faiblir, mais enfin bon.
M.D. : Donc, si vous le permettez…Nous sommes le 7 juillet 2010 au domicile de Monsieur
Pierre Bockstael à Waterloo pour procéder à son interview. En le remerciant de m’accueillir et
de parcourir ensemble, au plan du schéma, le questionnaire qui aborde ce que nous avons
appelé des « questions communes » posées à tous les anciens fonctionnaires et puis bien
entendu, en fonction du parcours de chacun, de laisser libre cours aux souvenirs et à la
mémoire pour s’exprimer. La première question que je voudrais vous poser est celle de votre
formation.
P.B. : J’ai fait les sciences politiques à Louvain, relations internationales. J’ai terminé en ’62.
Parallèlement, mais c’était plus par curiosité personnelle, j’ai fait le baccalauréat en
philosophie thomiste à la même université. Et j’ai suivi également, mais là je n’ai jamais
présenté les examens finaux, les cours de l’l’Institut d’étude des pays en voie de
développement qui s’est ouvert à cette époque-là.
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M.D. : D’accord. Est-ce que durant vos années louvanistes, vous avez fréquenté le cercle des
études européennes ou le cercle d’études internationales ? C’est vrai que j’anticipe un peu sur
un point qui vient plus loin…
P.B. : On va y répondre globalement pour le moment … Oui, à quelques réunions ponctuelles,
notamment du cercle des étudiants de sciences-po. J’ai certainement été à une ou deux
réunions par curiosité mais j’ai toujours été extrêmement réticent à tout adhésion ou tout
embrigadement entre guillemets … soit de nature partisans soit de groupes associatifs ou
autres. Je suis assez indépendant d’esprit et je n’aime pas beaucoup ce type d’embrigadement.
Donc la réponse est non, y compris pendant ma carrière à la Commission, je me suis toujours
tenu à l’écart des partis politiques, des expressions nationalistes. À la Commission le
problème peut se poser puisque nous sommes multinational. Je me suis toujours tenu très à
l’écart … et je dirais même, non seulement à l’écart mais en plus extrêmement méfiant à cet
égard.
M.D. : Très bien. Si vous voulez bien parcourir l’ensemble de votre carrière à la Commission.
Á quelle date entrez-vous ?
P.B. : Le 15 juin 64. Comme stagiaire, ce qui était finalement le mode de recrutement majeur
de la Commission à cette époque. On devenait stagiaire et puis à l’intérieur de la Commission,
on essayait à tout prix d’arracher un poste d’auxiliaire avant la fin des six mois de stagiaire.
Donc, je suis rentré comme stagiaire à l’époque « DG de l’Outre-mer ».
M.D. : la DG VIII.
P.B. : La DGVIII en effet.
M.D. : Et vous y entrez, parce que vous allez me dire, évidemment je présente ma
candidature, mais vous aviez un souhait particulier à satisfaire en postulant ?
P.B. : Oui, mon intérêt pour les questions des pays en voie de développement était né
notamment pendant la fréquentation des cours à l’Université. J’étais affecté au service
« Études » de la DG VIII dirigée par monsieur Huybrechts. Ce dernier n’ayant pas beaucoup
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de fonctionnaires pour mener ses études, avait la grande spécialité d’utiliser un bataillon de
stagiaires qu’il faisait recruter et qui lui servaient évidemment [rires] de main d’œuvre. Nous
étions donc plusieurs stagiaires chargés d’étudier chacun un pays d’Afrique. Pour ma part, si
mes souvenirs sont bons,
je préparais une plaquette complète sur la Mauritanie : le
développement économique, les aspects politiques etc.
M.D. : Et au terme des six mois, vous restez ?
P.B. : Oui, par un coup de chance monumental. Enfin, la chance on la crée un peu, en effet
j’étais devenu président de l’association des stagiaires. En tant que président de l’association
des stagiaires, j’avais donc rencontré plusieurs fois le directeur du personnel qui était
monsieur von Goeler. À la fin de mon stage, j’ai été le saluer et il m’a dit : « Est-ce
qu’éventuellement vous seriez intéressés par rester à la Commission ? ». Je n’attendais que ça,
je vous avoue. Il avait dans sa direction – comme quoi le hasard des carrières, on part dans un
sens et on se retrouve dans un autre – un fonctionnaire qui qui travaillait à la division
« organisation ». Je passe les détails, Ce fonctionnaire avait pris un congé de convenance
personnelle, il était fonctionnaire administrateur A7, et donc, non seulement je ne suis pas
passé par la case auxiliaire, mais j’ai été recruté directement comme agent temporaire A7 à la
division Organisation. C’est ça que j’appelle le coup de chance, d’autant plus qu’il a
renouvelé sa demande pendant trois ans et après trois ans il a démissionné. Donc j’étais
toujours à la division organisation, on a publié le poste et comme évidemment le
fonctionnaire le plus compétent pour occuper ce poste ne pouvait être que moi, j’ai été
titularisé. Ce modus operandi à savoir rentrer à la Commission comme auxiliaire, occuper des
fonctions et puis, à l’époque, la Commission recrutant chaque année des emplois nouveaux,
les fonctions étaient remplacées par des postes, les postes étaient publiés et les stagiaires
recrutés comme auxiliaires devenaient fonctionnaires. À cette époque je crois qu’on devait
avoir près de mille auxiliaires de toutes catégories, A-B-C mais c’était devenu très important.
Plus tard les choses ont fort changées.
M.D. : Donc là nous nous retrouvons grosso modo vers ’67-’68…
P.B. : Non…en ’65-’69, je suis à la division organisation comme administrateur.
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M.D. : Et après 1969 ? Vous quittez l’organisation…
P.B. : …En 1969 le Directeur général, M. Lamberto Lambert, un Italien, me demande de
devenir son assistant. Bien entendu je n’avais pas le grade, mais j’occupais la fonction
jusqu’en 1973. Il est parti au moment de l’élargissement, il y a eu un certain nombre de
directeurs généraux qui ont quitté la Commission. Ce qui était dommage parce que c’était une
des grandes figures de l’administration de la Commission.
M.D. : Oui, oui et donc le directeur général…
P.B. : … C’est à Lamberto Lambert que l’on doit la fameuse « méthode d’adaptation des
rémunérations et des pensions » dont la cheville ouvrière est Ludwig Schubert. Cette méthode
est toujours d’application aujourd’hui.
M.D. : jusque 1973 en fait …
P.B. : Jusque 1973, oui l’élargissement…
M.D. : Jusqu’au moment où nous commençons…
P.B. : Voilà !
M.D. : Mais il est bien clair qu’il est impossible de faire l’impasse sur le passé ou la période
antérieure à 1973. À partir de 1973, vous devenez d’abord chef de service.
P.B. : D’abord je retourne à mon service d’origine qui à ce moment-là s’appelait « effectif »
parce qu’on ne voulait plus parler d’ « organisation ». mais suite au développement des
activités on décide en 1980 d’en faire à nouveau une division, et à ce moment-là je suis
nommé chef de division. Évidemment il s’est passé un tas de choses pendant cette période-là
bien entendu… …
M.D. : Oui, là si vous y permettez nous y reviendrons dans la substance, bien entendu.
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P.B. : Attendez un peu, division jusqu’en 1982. En 1982, suite aux propositions du rapport
« Screening » que j’avais moi-même présidé on a poussé à une plus grande mobilité des
responsables d’unité. Ce qui, à mon avis avec le recul était peut-être une erreur ou en tout cas
a été géré de manière trop administrative par rapport à ce que nous avions pensé devoir faire.
Mais j’ai été entre guillemets victime moi-même de cette mobilité… on m’a dit « bon
maintenant, vous avez été trop longtemps à l’organisation, il faut que vous alliez ailleurs ». Je
ne voulais pas rester à la DG IX et c’est à ce moment-là que je suis passé à la DG X sous
l’autorité du directeur général. Je n’ai pas eu de directeur au-dessus de la tête, ce qui est une
position relativement confortable, parfois périlleuse mais confortable. Du point-de-vue
efficacité, je veux dire. Donc, à ce moment-là, j’étais responsable de la division « Planning et
programmation » qui était rattachée au directeur général de l’Information, à la
Communication, etc.
M.D. : Alors il doit être mis en ligne, enfin mis en ligne, on s’entend, à usage interne.
P.B. Ensuite en 1985, la Division « Culture » est transférée à la DG de l’Information (DG X)
qui se trouvait au secrétariat général. Cette division était assez particulière parce que en fait
c’était un ancien chef de cabinet de Grégoire Bodson qui était agrégé de l’Université de Paris
en philo et lettres je pense qui en était responsable. Un homme d’une culture absolument
incroyable et dont l’obsession (socialiste et ami de Jack Lang) était la culture. Il voulait
absolument faire entrer la culture dans le Traité. Et donc, il s’est battu avec l’appui de
Monsieur Noël bien entendu dont il était très proche. Il s’est battu pour développer une unité
culturelle qui était au secrétariat général, auprès de Noël d’ailleurs, puisque il n y avait aucune
base juridique pour ce genre d’activité. J’ai d’ailleurs eu un professeur d’université de
Londres qui m’a appelé il y a trois mois, qui faisait une étude sur la création de la culture…
Comment la culture était arrivée à la Commission et dans le traité. Il faisait une étude làdessus, enfin je l’ai rencontré, etc. Pour en revenir ici, Grégoire avait créé cette unité pour
laquelle d’ailleurs il n y avait aucun personnel, rien du tout. Il y avait lui, sa secrétaire, et
comme moi j’étais aux effectifs, je l’avais aidé à construire sa division – c’était un truc que
j’avais appris au moment de l’élargissement de la fusion des exécutifs – en lui fournissant les
coordonnées de tous les fonctionnaires qu’on appelait « bras cassés », c'est-à-dire, dont les
DG ne voulaient plus mais qui avaient un certain âge. Et donc il les prenait chez lui, il
attendait qu’ils prennent leur retraite et il avait un poste vacant. C’est en discutant avec lui
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que je lui avais donné l’idée de ce protocole que j’avais appris moment de la fusion. Je vais
déborder là, je vais vous raconter autre chose…Au moment de la fusion, il a fallu fusionner
les trois exécutifs. Mon chef d’unité, moi et un autre collaborateur B, nous étions un petit
noyau à côté de Noël et il y avait des réunions de chef de cabinet qui se sont tenues pendant
un mois … Je peux vous donner la date exacte parce que mon fils est né à ce moment-là (10
juin 1968), jour et nuit, dans la salle de la Commission pour fusionner toutes ces unités, leur
donner des noms, des numéros, j’en ai la paternité et répartir tous les effectifs de la CECA et
l’EURATOM entre toutes ces unités. À la fin de l’opération, il restait vingt fonctionnaires
dont personne ne voulait, aucun chef de cabinet ne voulait les accepter, mais sous aucun
prétexte, ils étaient tous réticents. Et Noël, là-dessus, à deux heures du matin –parce que ça se
finissait toujours à deux-trois heures du matin –, a dit : « bon écoutez, on réfléchit là-dessus et
réunion demain à neuf heures ». Et c’était toujours comme ça, bon juste le temps de rentrer,
de dormir deux heures, de repartir et Noël arrivait tout frais à neuf heures avec le procèsverbal de la veille. Je ne sais pas comment il faisait… Et il disait : « bon maintenant … est-ce
que vous avez réfléchi … êtes-vous prêts à répartir ces vingt derniers fonctionnaires ? ». Un
seul a levé immédiatement la main, c’était Braun, chef de cabinet qui est devenu après
directeur général des affaires industrielles et il a dit : « moi je prends untel, untel, untel ».
Tout le monde l’a regardé en disant : « il est complètement fou, au lieu d’attendre… ». Noël
impassible passe aux autres et ils finissent tous par lâcher un nom et finalement les vingt sont
répartis. Et Emile Noël avec un petit regard pince-sans-rire comme il savait avoir, à la fin de
la tournée, revient sur Braun et lui dit : « Monsieur Braun, dites… Dites-moi quand-même,
vous avez été tellement rapide, dites moi quand-même pourquoi vous avez pris ces trois-là »
et il a répondu : « c’est très simple : d’ici deux ans ils prennent tous les trois leur retraite
[rires] ce sont les trois plus anciens, donc j’aurai des postes vacants. » Éclats de rire. Bon et
moi j’ai revendu cette formule à mon ami Grégoire qui l’a utilisée pour constituer son unité,
bon.
M.D. : Pas du tout ! Non.
P.B. : Excusez-moi de cette parenthèse mais cela fait un peu partie de l’ambiance de travail de
cette époque. Ceci dit, Grégoire qui m’appréciait, je pense, a pris sa retraite en 1985 et il m’a
laissé un cadeau empoisonné. En effet Emile Noël ne souhaitait pas garder l’unité culture au
secrétariat général parce qu’elle n’y avait pas sa place. Il le faisait par amitié pour Robert
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Grégoire. Or ce dernier devait prendre sa retraite et à ce moment-là commençait la
négociation, de Maastricht pour lequel il fallait rédiger des argumentaires pour essayer de
faire inscrire le domaine culturel dans le Traité. Et Grégoire a insisté pour que sa division soit
transférée à la DG X et que j’en sois le responsable. Je n’étais pas volontaire mais je n’ai pas
eu le choix. Donc j’ai pris dans ce contexte, la succession de Grégoire jusqu’en 1987. J’ai
lancé, et ça j’en suis très fier parce que j’en suis le père, vraiment, l’idée et le concept, du
programme « Médias1 ». Mais j’ai eu quelques petites tensions avec un commissaire qui
s’appelait Ripa di Meana il n’avait pas tout à fait la même conception de l’éthique en
politique ou en administration et à ce moment-là j’ai quitté la DG X pour aller chez Michel
Carpentier qui, apprenant que j’étais en conflit avec Ripa di Meana m’a téléphoné et m’a dit :
« est-ce que vous voulez venir chez moi » j’ai dit : « oui tout de suite, je viens ». M.
Carpentier étant quand-même un des grands commis de la Commission. Et lui m’a pris auprès
de lui de nouveau parce qu’il montait à ce moment-là les Télécoms. Il venait de lancer en fait
toute la politique de libéralisation des Télécoms et donc il avait besoin de quelqu’un qui
connaissait bien le Parlement et le Conseil pour piloter toutes les opérations de discussion de
ces libéralisations au Conseil et au Parlement. Et donc il m’a pris auprès de lui à ce momentlà et j’y suis resté jusqu’à ma retraite. Avec, après le départ de Carpentier, monsieur Robert
Verrue, lui aussi un commis. Enfin, dans les six derniers mois un Directeur général Italien
dont je ne me souviens plus du nom, mais qu’on peut oublier tout de suite.
M.D. : Ce qui signifie que vous avez achevé votre carrière à la Commission en quelle année ?
P.B. : Bonne question, j’avais 65 ans pile au mois d’octobre donc [rires], il faudrait qu’je
fasse le compte à rebours je vais en avoir soixante-douze donc...2003. Oui. Voilà, j’espère que
j’n’ai pas fait trop d’excursus.
M.D. : Non, pas du tout, pas du tout et quand bien-même l’origine de la stratégie des « bras
cassés » remonte à la période antérieure, elle nourrit la suggestion que vous faites à Grégoire
et donc à ce titre c’est…
P.B. : Ah oui, oui.
1
Note du témoin : Holde Lhoest en a été la brillante cheville ouvrière.
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M.D. : Absolument intéressant de réaliser ce type d’observations. Attendu votre réponse tout
à l’heure à propos de l’engagement européen je présume que vous n’avez pas été membre
d’un syndicat de fonctionnaires ?
P.B. : Non, surtout pas, étant à l’administration et auprès du directeur général cette liberté
était un atout. Pour moi la loyauté ne se partage pas.
M.D. : Et donc vous aviez aussi répondu à propos de l’engagement européen en tout les cas.
P.B. : Mon engagement il était professionnel et il me prenait suffisamment de temps comme
ça.
M.D. : Une question que nous posons les uns et les autres aux témoins qui nous font la
gentillesse de nous recevoir c’est « que signifie pour vous la construction européenne et
quelle en est la finalité ? »
P.B. : Oui, vaste question. Je suis né en 1938, donc j’ai des souvenirs de guerre, du moins de
fin de guerre. Je me rappelle de Wezembeek on voyait brûler le palais de justice. J’étais aux
Quatre bras, j’ai vu passer les Allemands en fuite, etc. Mes parents faisaient de la résistance
donc je me souviens de mon père partant par les champs derrière la maison parce qu’il y avait
des voitures de la Gestapo qui remontaient la rue. Donc j’ai une image de la guerre, je me
souviens de soldats britanniques qui partaient à Bastogne. Ils étaient venus passer Noël chez
nous puis le lendemain venaient nous dire au revoir avec leur jeep pour partir à Bastogne.
Donc la guerre c’est quelque chose dont on a parlé à la maison, que l’on a vécu. Le dernier
jour au départ des Allemands de Bruxelles, un obus est tombé sur la maison. On a vécu aussi
le retour des prisonniers, des déportés à l’époque, des gens du quartier parfois, voisins ou
autres. Donc, tout cela construit une image, un vécu. Le fait d’avoir une Europe divisée, de la
possibilité de recommencer des guerres etc. avait je dirais, au plus profond de moi-même,
quelque chose de concret. Ensuite je crois que c’est la rencontre avec les études au collège
avec des fils de diplomates les discussions politiques, l’intérêt pour la politique internationale
plus que nationale, heureusement pour moi … parce qu’aujourd’hui ce n’est pas très
glorieux… Et donc l’envie de travailler à l’international, à la Construction de quelque chose
qui était en train de se construire avec la CECA puis le traité de Rome, etc. donc, on vivait là10/36
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dedans Et on en parlait beaucoup entre jeunes à l’époque, avec l’idée qu’on peut construire
l’Europe de demain et c’était un formidable idéal.
M.D. : Est-ce qu’il y aurait le cas échéant à Louvain, à l’époque, l’un ou l’autre professeur qui
aurait été plus marquant qu’un autre ?
P.B. : Ah il y en a deux. Le professeur Ladrière, un homme tout à fait remarquable. Il accepta
d’être mon directeur de mémoire. Le second, il s’agit du professeur Ryckmans qui donnait un
cours d’Histoire de l’Islam. Le cours se donnait dans une salle de la grande bibliothèque à
Louvain où heureusement j’ai suivi tous ses cours parce que j’étais le seul. C’était un cours
passionnant, absolument passionnant mais, donc il donnait son cours comme s’il y avait un
auditoire de cinq cent personnes De temps en temps il y en avait un autre étudiant qui était
inscrit à son cours et qui venait suivre une heure ou deux et puis qui redisparaissait. C’était
assez drôle. Mais il avait un cours remarquable et qui tous les jours me sert encore pour suivre
les évènements dans cette partie du monde.
P.B. : Oui, probablement.
M.D. : oui je vois mieux, de fait.
P.B. : Je ne peux pas ne pas vous citer également Paul de Visscher, professeur de droit
administratif et de droit des gens ainsi que le professeur Genicot, professeur de critique
historique et d’Histoire de Belgique. Ce sont des gens qui vous marquent finalement, des Paul
de Visscher ou autres.
M.D. : Est-ce que certains d’entre eux avaient des élans que je qualifierais d’européistes ?
P.B. : Non pas du côté du corps enseignant. Non, je ne dirais pas.
M.D. : Dans vos fonctions de chef de service, à partir de 1973 … Bien que ce soit
certainement aussi un très vaste chapitre, comment pourrait-on qualifier la nature de votre
travail au quotidien ?
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P.B. : A partir de 1973 ?
M.D. : Oui.
P.B. : À partir de1973 je quitte le secrétariat de Lamberto Lambert et je prends la
responsabilité du Service spécialisé « effectifs » qui deviendra plus tard la division
« management et organisation ».
M.D. : Comment qualifieriez-vous la nature du travail ? C’est que « organisation » peut
impliquer beaucoup de choses.
P.B : [1973 est l’année de l’élargissement, c’est-à-dire l’adhésion du Royaume Uni, de
l’Irlande, du Danemark, de ma Suède et de la Finlande. L’intégration à tous les niveaux de
ressortissants de ces états membres va entraîner de nombreux bouleversements de la structure
administrative des Services, de la Commission, de la répartition des ressources humaines et de
la gestion de celles-ci. Pour faire face à cette problématique la Commission va charger le DG
de l’Administration et au sein de celle-ci, le Service des effectifs de procéder à un screening
de l’ensemble des services afin de décrire les structures, le fonctionnement et les ressources
des différentes Directives générales et d’analyser ensuite le fonctionnement de l’organisation
dans son ensemble, ses forces et ses faiblesses. Ce fut une formidable aventure
professionnelle et humaine qui aboutit le 30 juin 1974 à la remise d’un rapport fruit d’un
travail d’équipe2 qui allait se poursuivre ensuite par un screening plus approfondi de chaque
DG et Services. Plus tard, Émile Noël souhaita étudier la méthode du Screening au Bureaux
extérieurs dont le réseau ne cessait de se développer. Ma division « Management et
organisation » fut donc chargée de mettre en place un groupe d’inspection des Bureaux
extérieurs]3. J’ai présidé ce groupe, je ne sais plus pendant combien de temps, cinq-six ans…
on a fait le tour du monde pour inspecter tous les bureaux. Pour définir l’action de ce groupe
j’ai visité tous les services d’inspection dans les états membres : Londres, Paris, etc. afin de
comprendre comment ils étaient organisés, ce qu’ils faisaient, jusqu’où ils pouvaient aller,
comment séparer le politique de l’administratif, élaborer une méthode d’inspection, etc. … Ce
2
Note du témoin : je tiens à citer ici les noms de ceux qui ont participé à ce qu’on a appelé plus tard le
« Screening group », jeunes administrateurs brillants que j’ai eu la chance de pouvoir choisir : M. Buchet de
Neuilly, René de Smedt, Paul Gilson, Björn Petersen, Maria Pia Filippone, Marina Manfredi, Giuseppe Rosin,
Alex Röpke.
3
Le passage entre crochets a été rajouté lors de la révision du texte par le témoin.
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fut une expérience aussi très enrichissante et passionnante, très dure parce qu’on voyageait
énormément, mais très vite et sans perdre de temps. … [rires]. On faisait deux ou trois
bureaux en une semaine et demi [rires]. On faisait Bruxelles - Santiago, Santiago-New-York
et on revenait, etc. C’était aussi un moment assez passionnant et on a mis aussi, à ce momentlà, au point, …aussi à la demande d’Émile Noël, … le système de rotation. Je me rappelle
encore avoir rédigé le règlement de mobilité dans mon jardin
M.D. : Tout à l’heure vous faisiez allusion au rapport Screening.
P.B. : Je voulais simplement souligner qu’à l’époque, ce qui était extraordinaire, c’était la
liberté qui nous était offerte pour créer et mettre en place les éléments de cette nouvelle
administration.
M.D. : Oui, parce que nous étions dans les années 1973-1980… Le groupe Screening
précédant …
P.B. : J’ai le rapport Screening si vous voulez ?
M.D. : Ah…
P.B. : J’ai quelques documents, je les prends ?
M.D. : Bien volontiers.
M.D. : Á la fois l’élaboration le cas échéant de ce rapport et peut-être saisir l’occasion,
attendu la date de sa réalisation, sur la préparation et l’impact de l’élargissement de 1973 vus
de l’observatoire privilégié dans lequel vous vous trouviez.
P.B. : La préoccupation de la Commission c’était de savoir finalement s’il était exact que les
circuits étaient trop lourds, que la hiérarchie était trop pesante, qu’il y avait assez d’effectifs.
Ce dernier point était sans doute l’arrière-pensée principale sous-jacente. Après le dépôt du
rapport il y a eu un petit silence radio. Et puis la Commission a nommé le commissaire Ortoli
pour faire des propositions sur base du rapport Screening. Ortoli a vu un certain nombre de
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personnes sauf ceux qui avaient rédigé le rapport. Donc je n’ai jamais vu Ortoli sur le rapport,
ce que je lui ai un jour dit, il l’a très mal pris [rires]. Et puis il a fait des propositions à la
Commission dont, celle de créer une division « Organisation » dont je suis devenu le chef de
division. La deuxième décision c’était de chercher des moyens pour faire appel à des experts
ou à d’autres formes d’assistance des divisions et de contrôler aussi le système des études car
les crédits d’étude de la Commission était devenus important et finalement très peu
contrôlables. Enfin, last but not least, il fut décidé de demander à la Division « organisation »
de procéder à un screening approfondi de chaque Direction Générale. En gros, mais là je vous
parle vraiment de mémoire, ça remonte un peu maintenant à très loin, en gros, c’est ce que je
retiens du rapport.
M.D. : Oui. Est-ce que, donc nous sommes toujours en 1973-1974
P.B. : 1974, oui.
M.D. : Vous avez le souvenir de mesures adoptées au sein de la Commission en vue de
préparer l’arrivée des fonctionnaires britanniques, irlandais, danois, au premier janvier 1973 ?
Et quand je dis « mesures en vue de préparer », est-ce qu’il y a des contacts avec les
administrations nationales ? Est-ce qu’il y a quelque chose qui est organisé en matière de
formation, oserais-je dire, aux matières européennes ? Même si la question peut paraître
ingénue …Parce qu’on imagine mal, aujourd’hui, qu’à partir du 2 ou 3 janvier 1973, des
fonctionnaires des trois nouveaux pays membres débarquent progressivement à Bruxelles sans
autre forme de procès.
P.B. : Franchement, ça me trouble fort cette question parce que franchement, je ne me
souviens pas d’une opération. Il y a eu toute une série de contacts avec les administrations
nationales bien entendu, probablement au niveau politique pour choisir les directeurs
généraux, les directeurs et autres chefs de division, même sûrement, surtout avec les
Britanniques parce qu’ils étaient souvent téléguidés par le Foreign Office, ce qui est un des
éléments qui a changé fondamentalement la vie de la Commission européenne, mais ça c’est
autre chose. Il y a eu toute sorte d’opérations ponctuelles dans différents domaines, le service
d’interprétation par exemple, mais je ne me souviens absolument pas, et pourtant j’aurais dû
être bien placé pour le savoir, d’une sorte de plan ou de groupe chargé de l’intégration des
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fonctionnaires, c’était une préoccupation qui n’existait pas. Les fonctionnaires arriveraient de
la même manière que moi j’ai fait mon stage, je suis arrivé là, je me suis intégré, j’ai pris mon
poste et j’ai commencé à travailler. Shut up and do it. [rires] et avec les Anglais il n’y avait
pas de problèmes linguistiquement, ils connaissent l’Anglais, c’est à vous de parler l’Anglais,
point à la ligne [rires] … Mais je me souviens d’une grande crainte, mon directeur général
notamment qui m’a dit : « c’est fini la Commission avec les Britanniques, moi je les ai connu
à l’OCDE » [rires]. C’est d’ailleurs à partir de l’arrivée des Britanniques que les influences
nationales et la renationalisation d’un certain nombre de dossiers ont commencé à se
développer. Ca n’existait pas avant. Eux sont revenus avec ça et la mainmise du Foreign
Office était considérable. Je me rappelle avoir été à la réunion des chefs de cabinet, assis à la
table derrière Noël avec un Britannique qui était à côté de moi et qui ouvre ses dossiers et il
avait un télex du Foreign Office avec toutes les instructions du Foreign Office sur le dossier
qui était en discussion. Je racontais ça à Lamberto Lambert après la réunion, parce que lui
était à la table, et il m’a dit « mais de quoi vous vous étonnez ? » [Rires].
M.D. : Oui, donc là au fond nous sommes dans l’année ’73.
P.B. : Oui. Mais lorsque les Britanniques ont eu la présidence c’était terrible parce qu’ils
étaient très préparés. Souvent, j’étais très irrité parce que quand je devais aller défendre des
dossiers au Conseil, j’allais à la représentation permanente avant de préparer la réunion avec
le président du groupe. Les documents que la Commission soumettait au Conseil étaient
évidemment toujours les documents de base, parce que sur proposition de la Commission. Et
tout le travail de ces fonctionnaires de la représentation permanente Britannique consistait à
rerédiger à leur sauce, le document et à essayer d’obtenir notre accord. Ils rerédigeaient tout et
en faisaient un document de la présidence. Ce n’est qu’après la présidence qu’un
fonctionnaire Britannique qui présidait le groupe m’a dit : « Mais oui, nous avions des
instructions pour ne pas travailler sur les documents de la Commission mais sur des
propositions de la présidence. Et donc, affaiblir la Commission et affaiblir évidemment le
processus de vote. Ce n’était plus la proposition de la Commission. Et cela c’était une
instruction du Foreign Office.
M.D. : Non, on était bien dans la question à propose de l’impact de l’élargissement, voir de sa
préparation.
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HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
P.B. : Non, je ne me rappelle pas d’opération d’accueil. Oui, de Madame Van Hoof, Directeur
du service d’interprétation qui se demandait comment elle allait devoir multiplier ses cabines
d’interprétation. Le problème n’a fait que croître et embellir après. Mais, une sorte de
politique d’accueil ou d’intégration spécifique, etc. franchement non.
M.D. : Non, d’autant plus que vous étiez bien placé, que c’est chez vous que les demandes…
P.B. : Bien entendus, ils n’arrivaient pas par charter, ils sont arrivés un peu au compte-goutte.
Par rapport aux services, chacun avait son Britannique ou son Néerlandais etc. mais pas des
masses. Par contre, les préoccupations et la mise en place de dispositifs pour soutenir les
présidences ont été mises en place au début. Ainsi, la première présidence irlandaise a eu
besoin de du soutien de la Commission. En mettant des fonctionnaires à disposition,
notamment, etc.
M.D. : A propos d’information au plan interne, est-ce que vous lisiez l’Agence Europe ?
P.B. : Oui, bien sûr, un fonctionnaire ne peut pas vivre sans avoir l’Agence Europe tous les
matins [rires].
M.D. : Par ailleurs, comment l’information circule-t-elle? Visiblement, certaines directions
générales ont innové en créant de petits bulletins internes.
P.B. : Aujourd’hui ?
M.D. : … déjà à l’époque, m’a-t-on rapporté à travers certains témoignages. Parfois ce sont
des expériences éphémères, parfois c’est plus long, certains directeurs généraux adressent une
sorte de lettre bilan et prospective à tous les membres de leur DG en fin d’année ou en début
de l’année suivante. Est-ce que dans les différents services et directions générales au sein
desquels vous avez été actif, il y a des modes de communication qui seraient à épingler ?
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
P.B. : À la DG de l’administration il y avait le courrier du personnel qui s’adressait à tout le
monde. Il fut animé longtemps par Michel Foucault. Quand vous parlez d’information, vous
voulez dire, l’information pour mon travail ?
M.D. : Oui, tout à fait.
P.B. : À l’époque on était peu finalement dans chaque secteur, donc l’information circulait à
l’intérieur d’une division ou d’une direction. Il y avait les réunions de direction et de division
qui suffisaient et les réunions de direction générale étaient assez rares généralement, surtout à
la DG IX qui était déjà assez vaste. Donc là, il n y avait pas de système organisé. À la DG
Information, là c’est très simple, comme tout fonctionnaire de la division se considère comme
un grand informateur et grand communicateur, il n y avait pas lieu d’avoir un système puisque
ils sont les meilleurs et ils savent tout à l’avance … Donc ça n’est pas nécessaire. Je vous
dirai quand-même que quand je suis arrivé à la DG X Franz Froschmaier, le Directeur
général, un jour m’a dit : « il faut faire le programme de la direction générale de l’information
pour l’année prochaine». J’ai demandé à ma secrétaire de me sortir les six, sept, huit derniers
rapports des années précédentes pour voir à quoi cela ressemblait et là, stupéfaction, je me
suis aperçu qu’entre le septième rapport antérieur et celui de l’année avant, à part les
changements de date et les chiffres de budget, les textes étaient identiquement les mêmes.
Donc c’était du copier-coller mais vraiment, plus copié encore que collé. Alors, j’ai fait une
petite plaisanterie, c'est-à-dire que comme il y avait une grande réunion de direction le
lendemain pour relire ce rapport, j’ai pris le dernier rapport, j’ai enlevé les dates et les
chiffres, j’ai remis à jour les dates et les chiffres et j’ai distribué ce document. Le seul qui était
prévenu c’était mon directeur général, et je lui aurais dit : « Attention, Franz, regarde les sept
versions, elles sont identiques, tu n’étais pas là, je n’étais pas là. La huitième qu’on va
présenter demain est encore identique à celle de l’année passée. » Et je lui ai expliqué ce que
j’avais fait. Et puis le lendemain matin, les directeurs sont arrivés ils ont dit : « oui, très bien
Pierre, bon rapport, etc. J’aurai peut-être quelque chose à changer là ou là etc. etc. ». Et alors
y a Franz Froschmaier a alors expliqué la situation. Et, à partir de là, ça c’est l’effet
magnifique, au lieu de dire : « bon maintenant,
comment est-ce qu’on va, à l’avenir
concevoir ce rapport ? », on a dit : « on ne fait plus de rapport à la Commission ». Et le
commissaire a décidé qu’il n y aurait plus de rapport à la Commission sur la politique
d’information annuelle. [Rires] ce n’était pas l’objectif que je recherchais à priori mais [rires]
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
donc au point de vue information c’était très peu. Quant à l’autre DG, c'est-à-dire quand je
suis arrivé chez Michel Carpentier à la DG XIII, c’était un grand seigneur, c’était un baron.
Donc l’information circulait à travers la réunion hebdomadaire des directeurs et quelques
chefs de division sélectionnés Le support n’est arrivé qu’un peu avant mon départ quand
finalement toute l’informatisation des services a été mise en place et était vraiment efficace,
mais cela a pris quand-même une bonne décennie avant que cela ne ressemble à quelque
chose.
M.D. : À propos d’information, on peut qualifier ça d’information… Nous savons
pertinemment, puisque les procès-verbaux sont là, que la réunion hebdomadaire des chefs Cab
du lundi est une institution. Ceci étant, et c’est assez ambigu, nous savons que dans les années
1960 il y a des réunions hebdomadaires des directeurs généraux au fond, à l’initiative d’Émile
Noël mais où nous obtenons des réponses très contradictoires, c’est à propos de la suite,
années 1970, années 1980. Certains nous disent : « Ah mais il a continué à y avoir des
réunions des directeurs généraux, donc des réunions transversales », d’autres disent : « mais
non, sur la fin des années 1960 peut-être au plus tard début des années 1970 et encore, cela a
disparu ».
P.B. : Alors, ma ligne du temps est peut-être un peu moins précise que la vôtre, mais je vais
quand-même vous donner une piste. Émile Noël et la réunion des chefs de cabinet, c’est une
institution. Émile Noël est en lui-même une institution, puis vous avez une « institution » qui
est les chefs de cabinet présidée par Émile Noël. Cela marche très bien jusqu’à l’arrivée de
Thorn. Je ne sais pas s’il y avait des réunions systématiques (avec secrétariat, procès-verbal
etc.) de directeurs généraux à cette époque-là, à ma connaissance, non. Ce qui ne veut pas dire
qu’il n’y en avait pas mais enfin bon, à ma connaissance, non. Quand Thorn arrive, si mes
souvenirs sont bons, c’est à ce moment qu’il prend comme chef de cabinet Fernand Spaak.
Fernand Spaak, et c’est ce dernier qui met en place des réunions de directeurs généraux.
Cependant ces réunions des Directeurs généraux disparaitront avec la mort de Fernand Spaak
deux-trois ans plus tard.
M.D. : Ah oui hein, puisque il est abattu par sa femme…
P.B. : Je ne sais plus quelle année
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
M.D. : C’est 1983 je pense. Oui, donc au fond, nous nous retrouvons dans la période qui va de
grosso modo de 1980 à 1982 puisqu’en 1982…
P.B. : Oui, 1982, c’est à ce moment-là, je ne suis pas encore à la DG X, oui.
M.D. : Vous venez de faire allusion, si je n’abuse pas, au recrutement…
P.B. : Oui ?
M.D. : Vous avez une compétence en matière d’organisation du concours ou d’épreuves de
recrutement ?
P.B. : C'est-à-dire que à l’époque, et cela revient à votre question précédente, j’ai présidé un
certain nombre de comités de sélection pour les nouveaux entrants notamment : les Anglais,
les Espagnols, les Portugais, etc. Je ne mettais pas ça dans l’organisation de l’accueil. Mais
c’était une espèce de jury qui fonctionnait seul, il y avait une première sélection sur dossier
etc. et puis il y avait un passage devant un jury de fonctionnaires qui était un entretien oral et
dans lequel on piochait ceux qui nous semblaient le plus adapté aux fonctions, il y avait un
peu de tout dans les candidatures évidemment. Donc c’est le seul contact que j’ai eu à
l’époque avec les recrutements sauf que dans ma période précédente aux effectifs, à la DG IX
évidemment.
[Interruption de l’interview]
P.B. : C’est un peu embêtant parce qu’il est mis « cher Monsieur, j’ai l’honneur de vous
informer que votre dossier a été accepté … Veuillez agréer chère madame… » et c’est adressé
à mademoiselle
M.D. : M’enfin.
P.B. : Je vous jure, j’ai la copie ici, je ne vous raconte pas d’histoires, je n’oserais pas. Et
alors en-dessous vous aviez sept ou huit signatures du directeur, du chef de division, de
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
l’assistant, de tout ce que vous voulez… Enfin bon, continuons parce que sinon je vais vous
faire perdre du temps.
M.D. : Mais pas du tout.
P.B. : J’ai même un truc de Noël ici qui est aussi amusant où on lui avait demandé de corriger
son… un service voulait remettre en ordre tous les dossiers alors il n’avait pas signé ou il
n’avait pas indiqué quelque chose dans son curriculum vitae quand il était rentré vingt ans
avant. Alors il avait renvoyé à Lamberto Lambert un petit mot très gentil dans lequel il disait :
« est-ce que tu me laisses autant de temps à rectifier cette erreur grave et malheureuse que
vous n’en n’avez pris à la découvrir ? ». Ceci est au sujet du drapeau, j’avais proposé, ça n’a
pas été retenu, j’avais proposé deux choses aussi quand je suis arrivé : c’était de faire des
journées portes-ouvertes, ce que maintenant ils font, mais quand j’ai proposé ça on m’a dit :
« Mais tu es complètement fou ? Ouvrir le Berlaimont au public, mais c’est insensé ! » … et
c’était aussi de voir si on ne pouvait pas obtenir que la Commission soit nommée « Prix
Nobel de la paix », parce que des institutions le sont, j’avais dit : « Pour Delors ce serait un
prestige », surtout qu’au début il n’avait pas une image magnifique, mais dire quand-même, si
y a un organe qui œuvre… j’avais vu le professeur Stengers à l’époque, qui m’avait expliqué
comment il fallait faire etc. et ici, c’est Jean-Michel Baer qui m’a dit : « merci pour ta
proposition, on va l’examiner », et puis ça a été complètement enterré et y a quelques années,
je l’ai rencontré dans un aéroport et il m’a dit « pourquoi ça n’a jamais marche ? ». Je lui ai
dit »ça aurait pu marcher si tu tétais donné un peu plus de mal pour le faire marcher » [rires].
M.D. : Et nous sommes en quelle année au sujet de cette proposition ?
P.B. : 1986.
M.D. : Début 1986 ?
P.B. : Oui. il a du prendre ses fonctions, c’était en 1986 que Delors a dû arriver, et donc j’ai
lancé cette idée à ce moment-là à Jean-Michel Baer qui était son attaché de presse à Paris et
qui est devenu après membre de son cabinet et qui après a repris média qui était mon bébé,
donc c’est vous dire que la boucle était bouclée.
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M.D. : Tout à fait, c’est parce que nous sommes dans ces eaux chronologiques-là
P.B. : Oui.
M.D. : 1985, vous passez à la X où vous resterez jusqu’en 1987.
P.B. : Oui.
M.D. : Donc vous êtes auprès de Franz Froschmaier.
P.B. : Oui.
M.D. : Encore une fois pardonnez-moi, mais, dans cette DGX un petit peu polymorphe, en
quoi consiste votre tâche ou vos tâches ?
P.B. : [Lorsque je suis arrivé à la DG X à peu près en même temps que Franz Froschmaier, le
Directeur général, la politique de l’Information de la Commission était essentiellement
centrée sur la diffusion d’informations sur les activités de la Commission. Il n’y avait pas une
véritable politique de Communication, d’image, ou d’activités Grand Public. Pour ma part,
j’étais responsable de la Division « Planning et programmation », directement rattachée
auprès du Directeur général]4.
M.D. : Excusez-moi, c’était une nouveauté introduite par Froschmaier ou bien ça existait ?
P.B. : Non, non, non, elle existait. Que faisait-elle ? Elle faisait chaque année ce fameux
rapport dont je vous ai parlé là tout à l’heure, [rire] ça ne devait pas leur demander longtemps
mais enfin, ils le faisaient. C’était eux qui étaient responsables, donc quand ils avaient fait ça
ils avaient conscience qu’ils avaient établi le programme pour toute l’année et la deuxième
chose, ils géraient un système absolument insensé qui s’appelait : « la Gestion par PPBS »,
c’est-à-dire : Program Planning Budgeting System5. L’invention venait de McNamara6 aux
4
5
Le passage entre crochets a été rajouté lors de la révision du texte par le témoin.
En fait PPBS est à renvoyer à Program Planning Budgeting System.
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États-Unis. Quand j’étais à l’Organisation, Claude Cheysson, commissaire au Budget ; avait
mis en œuvre ce système de gestion pour la Commission. J’étais toujours resté très, très,
réticent sur l’application à toute la Commission de ce système qui obligeait chaque année,
chaque unité et chaque direction générale, etc., à faire un catalogue complet de tout ce qu’ils
allaient faire, de tout ce que ça allait coûter par tâche etc. etc. etc. Aussi comme responsable
de la Division « organisation » je me suis dit: « bon très bien, mais c’est aux États-Unis qu’on
l’a inventé, et mis en œuvre. Qu’en reste-t-il là-bas ? » Je n’ai pas trouvé de contact aux ÉtatsUnis mais bien au Canada ou le système avait été adopté par le ministère de la santé. Je suis
parti au Canada, j’ai rencontré là les spécialistes du PPBS qui m’ont emmené chez le ministre
fédéral canadien de la santé publique qui m’a confirmé que les États-Unis l’avaient
abandonné, comme souvent en Europe. Les Canadiens, eux avaient commencé un peu trop tôt
donc ils étaient en pleine action et le ministre m’a dit : « Ne faites jamais “un truc pareil”, ça
marche plus ou moins pour les hôpitaux, pour l’instant j’essaie de le maintenir, mais ça me
prend 48 heures sur 24 de travail pour essayer de faire fonctionner ce système ! ». Et donc on
a eu de très, très, très longues discussions, ils m’ont expliqué pourquoi ils avaient choisi le
système de la santé parce que là les choses sont plus faciles à identifier, les seringues, les
médicaments, etc. mais dans le domaine politique et dans le domaine des idées, dans le
domaine des projets de lois c’est évidemment impossible à appliquer et finalement, ça alourdit
tout le système et en fait on travaille pour le PPBS et on ne travaille plus pour les actions
proprement dites. Donc ce petit excursus historique pour vous dire que moi, je suis revenu de
là-bas et j’ai freiné des quatre fers évidemment. Mais quand je suis arrivé à la DG X, manque
de chance, c’était la dernière DG qui ne jurait que par le PPBS et cette unité-là, c’était sa
raison de vivre. Donc tous les bureaux extérieurs étaient obligés de fournir chaque année des
tonnes de papiers pour justifier qu’ils allaient acheter un crayon, qu’ils devraient avoir du
papier pour faire leur revue locale etc. Le directeur général perdait un temps fou à signer
après, toutes les autorisations pour dix crayons en plus de ce qui était prévu dans le PPBS. Et
on ne travaillait plus que pour ça. J’ai dit à Franz Froschmaier : « Franz, je m’en vais ou bien
tu mets fin au PPBS ! ». Heureusement Franz Froschmaier était de mon côté, mais j’ai eu un
mal fou à persuader les fonctionnaires de quitter ce système qui était aberrant. À cela s’ajoute
qu’il n’y avait pas de délégation de signature et que par conséquent le Directeur général devait
signer tous les engagements de dépense quel qu’en soit le montant, soit environ 2000
6
Il s’agit de Robert Strange McNamara (1916-2009), Secrétaire d’État américain à la Défense sous JFK et
Lyndon Johnson.
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
engagements sur une année. Pour convaincre le staff de la DG j’ai passé tout un week-end à
prendre toutes les dépenses des bureaux, dépense par dépense et j’ai fait des graphiques pour
montrer que, ceux-là je les ai gardé, pour montrer à Franz Froschmaier que, dépense par
dépense, s’il signait 20% des dépenses, il couvrirait 80% du budget total d’information et
pour les 80 autres dossiers de dépenses, il les laissait à ses chefs de service mais ça ne
couvrait que 20% du budget total (loi de Pareto). Et donc il pouvait vivre rassuré. Peut-être
qu’un jour il se ferait épingler sur le fait qu’il n’avait pas vu 10 bics de plus à Rome qu’à
Paris, mais bon. Et il a fallu que je montre ça et alors on m’a dit, je me rappellerai toute ma
vie de ça, on m’a dit : « Oui, ici nombre d’engagement : 1 à 5000 engagements, donc je les ai
tous pris, Bureau États-membres : 545, bureau États-tiers : 211, Bureaux services… » ça j’ai
dû faire après parce j’avais fait ça uniquement pour les pays membres de la Communauté et
on m’a dit : « Oui, oui mais ça, c’est vrai tu as raison mais ça n’est pas vrai pour les autres
bureaux, c’est tout autre chose, etc. parce que, gna, gna, gna. » Alors je me suis amusé à faire
le truc et à leur montrer exactement que c’étaient exactement les mêmes chiffres, 20/80 la loi
de Pareto, up emballé et alors pour finir ils ont supprimé Finalement le PPBS à la DGX a été
supprimé.
M.D. : Non, non.
P.B. : Une fois débarrassé de ce fatras de la gestion administrative de PPBS nous avons
décidé de développer des actions centrées sur l’image de la Commission et tournées vers le
Grand Public (graphisme, drapeau, sport, campagnes d’intérêt public, etc…).
M.D. : À propos de ce que vous décrivez, de ce que l’on peut appeler une conception plutôt
de la communication, une sorte d’explicitation du discours du porte-parole plutôt que ce qui
avait été à l’époque du Service commun, et puis encore un peu par la suite, la volonté d’une
politique d’information ? Est-ce qu’il n y a pas eu une rupture, due le cas échéant aux
Britanniques et à leur conception de…
P.B. : Non, les Britanniques n’ont eu aucune influence. Non, je peux vous l’assurer, c’était
vraiment au niveau de Franz Froschmaier que cela s’est joué parce qu’il était très réceptif à ce
qu’on pouvait lui proposer et il voulait faire quelque chose. Le problème c’est que chaque fois
il fallait soulever des montagnes. Malgré qu’à l’époque la Commission se plaignait de sa
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
mauvaise image. Comment se fait-il que le message de l’Europe ne passe pas, que les
populations soient si mal informées ? En dépit des masses de documents, diffusées pour
expliquer les actions de la Commission ? Mais abandonner cette information (ou réduire) sur
les activités bureaucratiques (directives, résolutions, règlements) pour passer à une politique
de de communication et travailler dur l’image de la communauté et sur les symboles n’était
pas évident. Mais ce n’est pas l’arrivée des Britanniques qui a modifié les choses, en tout cas
pas dans les premières années où moi je les ai connus là. Les Britanniques c'était surtout en
quoi la Commission ou plutôt la Communauté peut profiter à la Grande-Bretagne, qu'est-ce
qu'on peut en tirer. Et surtout pas améliorer l'image de la Commission, ça les arrangeait plutôt
bien.
M.D. : Quelles sont pour vous les personnalités marquantes des collèges qui se sont succédé?
P.B. : Jean Rey, Président de la Commission, parce qu’il était encore là quand je suis arrivé,
Émile Noël, le secrétaire général, on en a parlé suffisamment, Lamberto Lambert qui m'a
marqué évidemment à vie... Wellenstein aux relations extérieures qui était un grand
bonhomme qui était de la même stature qu’Émile Noël, c'étaient de grands commis de la
Commission. Et Fernand Spaak que j'ai cité, oui.
M.D. : Alors en quelles circonstances étiez-vous amené, le cas échéant, à avoir des contacts
avec Wellenstein ? C'est à cause de l’inspection des bureaux ?
P.B. : Comme je présidais le screening, j'ai fait l'interview de tous les directeurs généraux. Au
départ de Lamberto Lambert, Wellenstein cherchait un assistant et il m’a proposé le poste. Ca
ne s'est pas fait pour des raisons de pondération nationale. Spaak, je l'ai connu parce que
j'étais à Washington pour l'inspection de la délégation donc je l'ai vu lors de son retour à
Bruxelles comme chef de cabinet du Président Thorn. Lamberto Lambert, il était le directeur
général lorsque j'étais aux effectifs. À l'époque c'était l'unité qui préparait chaque année les
demandes d'effectifs supplémentaires dans le cadre du budget et nous qui allions le défendre
au comité budgétaire et au Conseil. Enfin Émile Noël… C’est à l’occasion de la fusion des
exécutifs. Je faisais partie de la petite équipe qui l’assistait pour la mise en place du nouvel
organigramme de la Commission. À l’époque, on travaillait presque jour et nuit. Ainsi un jour
Alex Hoven, le chef de cabinet de Jean Rey s'adressa à moi, à deux heures du matin, et me dit
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HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
: « Alors, il était beau le film ?», on sortait de réunion et je dis : « pourquoi? », il me dit :
« mais vous êtres parti à 20h et je vois que vous êtes de nouveau là », je dis : « oui mais je
n'ai pas été au cinéma, mon fils est né il y a une demi-heure! » [rires]. Evidemment il a ri mais
j'aurai eu juste le temps d'aller à la clinique, de voir mon fils naître et de repartir au bureau.
C'est pour vous dire qu'on travaillait quand-même pas mal, ça c'est une petite anecdote.
M.D. : Vous venez de faire une allusion au comité budgétaire.
P.B. : Oui.
M.D. : Est-ce que l'élection du Parlement européen au suffrage universel en 1979 a modifié en
quoi que ce soit la nature de la relation Commission-Conseil notamment dans les matières
budgétaires ?
P.B. : Certainement mais pas seulement les effectifs et le budget dans les autres domaines
aussi et je parlerai de la culture après. Mais ce n’est pas seulement l'élection au suffrage
universel, ce sont également tous les pouvoirs successifs progressivement donnés au
Parlement en matière de codécision. Cela s'est fait progressivement. Je dirais par exemple la
Culture, pourquoi Robert Grégoire, alors que la Culture n'existait pas dans le traité, a-t-il pu
quand même monter toute une série d'actions culturelles. Il avait l'appui de Jack Lang et
d’Émile Noël c'est incontestable mais qu'il était parvenu à faire inscrire dans le budget, une
ligne « actions culturelles ». Et à partir de là, chaque année, il grappillait un peu de crédit en
plus pour des actions nouvelles. Mais c’est le Parlement européen, en votant cette ligne
budgétaire, qui a permis l'émergence d'une politique culturelle. Mais pour détenir des crédits
il était obligé de monter des actions qui séduisent les parlementaires.
M.D. : C’est à propos du budget et des rapports au Parlement…
P.B. : Oui, donc, le Parlement était évidemment d’une importance majeure pour avoir des
crédits et non le comité budgétaire. Le comité budgétaire n’avait qu’une envie, c’était de le
supprimer. Le budget avait une très grande importance par rapport au Parlement dans la
mesure où le Parlement pouvait, à travers le budget, initier un certain nombre de choses. Et au
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
fur et à mesure qu’il a eu en plus des instruments comme la codécision évidemment, son
pouvoir a fini par s’accroître.
M.D. : Et donc à propos de la culture, époque de Grégoire, c’est inscrit dans le budget
secrétariat général ?
P.B. : Non. Le budget n’était pas réparti par direction générale mais selon la nature de la
dépense.
M.D. : Au secrétariat général, pardon.
P.B. : Avec le COREPER ?
M.D. : Oui.
P.B. : De la même manière que tous les dossiers au Conseil passent successivement par un
Comité [(pour ce qui me concerne le comité budgétaire, comité des affaires culturelles,
comité de l’information, groupe recherche, groupe culture) ils sont ensuite traités au
COREPER et enfin au Conseil. Selon mes fonctions je suivais le dossier sur le fond (budget,
information, culture) soit au plan de la procédure (télécommunications, recherche)7].
M.D. : Oui, tout à fait. Nous en venions en à des questions qui peuvent paraître
inquisitoriales, mais qui sont essentiellement posées dans le but de parvenir, tant que faire se
peut, à une typologie.
P.B. : Inquisitez.
M.D. : Donc vous êtes effectivement marié, vous avez un ou plusieurs enfants ?
P.B. : Deux.
M. D. : Deux. Quels établissements d’enseignement ont-ils fréquenté ?
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Le passage entre crochets a été rajouté lors de la révision du texte par le témoin.
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P.B. : Mon fils à Saint-Michel et ma fille a fait le Berlaymont.
M.D. : Donc il n’a pas été question d’école européenne ?
P.B. : Non. Avec un grand regret. Avec un grand regret parce que je vois quand-même la
maîtrise des langues, et l’ouverture d’esprit, enfin je ne dis pas qu’ils n’ont pas un esprit très
ouvert mais quand je vois certains jeunes que j’ai eu il y a quinze, vingt ans qui avaient à peu
près l’âge de mon fils à la Commission quand je les ai revu comme stagiaires ou comme
jeunes fonctionnaires, etc. … Ils avaient quand-même une surface linguistique et intellectuelle
quand-même très solide. Or, l’image que j’avais de l’école européenne était extrêmement
négative. Au départ, quand j’étais jeune et que mes enfants étaient jeunes, j’avais une image
très négative. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas d’où ça vient, plus tard, je me suis aperçu,
en voyant des produits de l’école j’ai changé d’avis. C’est une école qui pouvait aussi faire
beaucoup de dégâts parce que très dure. Donc moi, j’ai pris la voie un peu conservatrice.
M.D. : Oui, merci beaucoup. Alors, de fait vous êtes belge donc la question se pose moins,
voire ne se pose pas du tout. Mais est-ce qu’il y a des lieux de sociabilités entre fonctionnaires
que vous avez fréquentés ?
P.B. : Bonne question. Non. Je dois dire, j’étais très boulot, boulot. Workaholic.
M.D. : Vous n’êtes visiblement pas le seul.
P.B. : Jour et nuit. Sur ma table de nuit il y avait toujours des papiers … J’attendais mes
enfants au tennis ou au cheval ou n’importe où en signant des tonnes de signataires que
j’avais dans la voiture. J’ai voyagé aussi pas mal à cause de ces inspections, etc. ou pour
toutes sortes de raisons parce que quand vous faites ce métier il faut s’informer de tout ce qui
se passe ailleurs, de ce qu’il se passe dans les autres pays, il faut y aller. Ça n’a pas de sens de
rester dans son bureau. C’est d’ailleurs la force aussi des fonctionnaires. C’est pour cela que
j’avais très fort poussé, quand j’étais en position de le faire, sur la mobilité des fonctionnaires,
etc. Et après je me suis dit, on aurait dû être beaucoup plus nuancés dans la mesure où la force
des fonctionnaires était que le fonctionnaire européen avait un avantage considérable sur
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même des gens remarquablement formés ou des énarques etc. C’est qu’ils savaient ce qui se
passait dans les autres pays alors que l’énarque il savait ce qu’il se passait en France. Et eux
connaissaient leur sujet, l’agriculture ou les Télécoms, etc., dans 9 pays ou 16 ou plus tandis
que les autres ne connaissaient que ce qu’il se passait dans leur pays. Et en plus si ces
fonctionnaires étaient stables alors que les autres fonctionnaires étaient des fonctionnaires qui
passaient trois ans à Bruxelles et repartaient… J’ai compris peut-être un peu tard que
l’acharnement… Parce qu’en fait la pression venait du Conseil et du comité budgétaire en
particulier : « si vous voulez plutôt créez des nouvelle tâches, supprimez des autres, mutezles, c’est toujours les mêmes », etc., etc. C’était peut-être pas innocent cette pression pour
muter les fonctionnaires tout le temps de façon à les affaiblir entre guillemets. Bon,
parenthèse.
M.D. : Est-ce que vous avez écrit, que ce soit un article ou plusieurs articles, voir un livre sur
votre travail à la Commission ?
P.B. : Non. Hélas non. Et pourtant j’avais emporté toutes mes archives lorsque j’ai pris ma
retraite mais j’ai tout détruit un an après en me disant que je ne me plongerais jamais làdedans. Je voulais profiter de la retraite pour faire autre chose.
M.D. : Oui, oui, oui. Voilà, d’accord et en même temps vous avez répondu …
P.B. : Mais j’ai gardé quelques souvenirs parlants pour moi, tout simplement.
M.D. : Tout à fait. Et, est-ce que vous avez conservé des photographies ? La question, je vous
la pose parce que dans la perspective de la rédaction de l’ouvrage et de sa publication à
l’horizon de l’automne 2014, nous cherchons à détecter les…
P.B. : J’en ai une qui est merveilleuse mais je ne parviens plus à mettre la main dessus. Cela
se passe à Royaumont. Delors vient d’être nommé Président, nous sommes en octobre ou en
novembre et il doit distribuer les portefeuilles. Il décide de réunir la nouvelle Commission à
Royaumont. Et moi je vais trouver Froschmaier et je dis : « écoute Franz, si on veut faire un
trombinoscope et c’est à dire avoir des photos des commissaires convenables etc., si on allait
les prendre là-bas, les saisir sur place, est-ce que tu serais d’accord ? ». J’appelle Jean-Michel
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Baer Jean-Michel me dit « oui, d’accord », … je pars avec une équipe et le photographe de la
Commission qui est un type extraordinaire, en tant que photographe, en tant qu’homme aussi,
enfin en tant que photographe…On va à Royaumont et il dit : « il me faut d’abord une image
de la Commission ». Je lui dis : « la Commission elle se réunit à 8h30 demain matin, on va
aller se mettre dans salle à 8h, etc. ». Et on va dans la salle où tout était préparé. Et je vois
mon photographe qui tire une tête et puis qui se précipite, qui enlève toutes les bouteilles
d’eau en disant : « si je prends une photo et si chaque fois, j’ai une bouteille Vitel devant moi,
devant chaque commissaire il y a une bouteille », donc il enlève les bouteilles. Et pendant
qu’il est en train d’enlever les bouteilles, il y a Delors qui arrive et il arrive vers moi, il me dit
gentiment bonjour et donc j’ai une photo de Delors où il me dit bonjour, et je me dis c’est le
moment, c’est l’instant de lui demander son accord pour les photos « monsieur le Président,
nous sommes venus pour avoir des photos des commissaires qui donnent une image contrôlée,
enfin, par nous, etc. de la Commission, j’appartiens à la DGX… ». Et je lui dis : « vous allez
probablement descendre vers 10 heures, il fait beau, vous allez vous promener avec les
commissaires, est-ce qu’il vous serait possible d’aller de l’un à l’autre afin de prendre une
photo de vous avec chacun des commissaires, il y aura la photo générale, et en plus une photo
mais de vous avec chacun des commissaires…ils seront contents.». Delors alors me regarde –
et c’est à ce moment là, et c’est là qu’on reconnaît les bons photographes, c’est à ce momentlà qu’il prend la photo –, qui me regarde avec œil et qui me dit : « et si j’en loupe un ? ». Je
lui ai dit : « mais ça ne peut pas arriver, monsieur le Président ». Et il l’a fait, on a quandmême réussi. Toujours dans l’image d’améliorer l’image de la Commission, j’avais organisé
une autre opération communautaire. Delors vient d’être nommé et il apparaît à la télévision
belge, le nouveau président il n’est pas très souriant. Il a derrière lui, comme image de
l’Europe, une image complètement défraîchie de l’hôtel de ville de la Grand-Place de
Bruxelles. Je me dis, voilà encore une image de la Commission et de la Communauté qui n’a
rien à voir avec le projet européen. Je fonce chez Froschmaier et je lui dis : « il faut
absolument que les commissaires suivent un entrainement pour passer à la télévision ».
J’avais entendu dire qu’à la fédération belge, ils avaient un studio dans lequel les hommes
d’affaire peuvent aller s’entrainer aux interviews télévisées et aux exposés télévisés. Je dis à
Froschmaier : « est-ce que tu es d’accord pour que j’essaie de faire quelque chose ? », « oui,
oui, oui ». Je contacte Christine Ockrent et je contacte un journaliste de la BBC dont le nom
m’échappe maintenant mais aussi très connu et Christine Ockrent étant parfaite bilingue
français-anglais, ça ne posait pas de problèmes. On a monté ça à une vitesse phénoménale,
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j’ai été voir Jean-Michel Baer et je lui ai dit : « Écoute, si tu veux que la Commission puisse
passer à la télévision, il faut absolument les briefer et les driller, etc. parce qu’il y’en a deuxtrois qui sont des hommes politiques, y’en a qui savent, mais les autres ça va être la
catastrophe. Et alors on a monté un petit recueil dans lequel on expliquait tout, on a donné ça
à tous les commissaires et on a dit : « Bon, vous prenez vos fonctions le 6. Pendant le mois de
janvier, dites-nous quand vous voulez passer … un brief» oui, parce qu’on avait des studios
assez développés dans la Commission, « vous pourrez passer ». Et là, ça a été très bien
organisé, ils sont presque tous passés, y’en a quelques uns qui n’ont pas voulu mais très peu.
Finalement ils sont tous passés y compris Delors. Delors pour le mettre en condition, j’avais
acheté un disque d’un clarinettiste célèbre, je ne sais plus son nom maintenant pour mettre
une musique d’ambiance parce qu’il était fan du gars, on lui a offert le disque après. Et donc
ils ont été interviewés, agressivement, pas agressivement, enfin de toutes les manières et on
leur a donné tous les conseils : comment s’habiller, comment se comporter, qui regarder
comment regarder, que faire, etc. Ca a très bien marché et avec le dernier coup que les deux
journalistes avaient trouvé : « maintenant c’est terminé, merci, bravo monsieur le
commissaire, bonne chance, etc., etc. » et donc le commissaire part tout à fait relax, il sort du
studio et il se trouve, crack, avec une meute de journalistes devant lui avec des spots, des
micros et des trucs et hup ; la question méchante qui arrive. Ca faisait partie, évidemment, du
scénario, c’était très amusant. Mais après on en a plus jamais parlé, y a plus personne qui a
repris l’initiative. J’ai trouvé ça dommage, ça avait été un des grands moments de la
formation de commissaires parce que au début quand vous dites : « on va les former à ça »,
tout le monde dit « mais non, ils savent, ils savent, ils savent » et après tous ceux qui l’ont fait
ont dit : « merci, c’était très intéressant, etc.». Evidemment Christine Ockrent, ce n’était pas
n’importe qui…
M.D. : Non, non, non
P.B. : Le journaliste britannique n’était pas n’importe qui non plus, enfin bon. Encore une
chose : vous avez une idée, à cette époque-là, vous pouviez la percer et puis, up la réaliser, la
faire bon. On prend des risques mais on s’en fout. Ca c’est des réunions du groupe culture. Ah
ça, ça doit être à Vienne. Ca, ça doit être à Vienne. Ca je ne sais pas où c’est, je ne sais même
plus, je n’ai pas écrit derrière. Ça, c’est aussi à Vienne. Chaque présidence, chaque groupe
emmenait tous ses membres faire une de leurs réunions à l’extérieur. Les réunions du groupe
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Recherche que j’ai suivies aussi très longtemps, ça c’était très intéressant, on a visité tous les
états membres en Europe, etc., avec évidemment des commentaires et des informations
irremplaçables. Ça, ça doit être dans un « boui-boui » à Lisbonne. Ça, je ne sais pas ce que
c’est, non plus. Ça c’est peut-être Albi, non, c’est pas Albi, je ne sais pas ce que c’est. Il
faudrait que je refasse ma mémoire. Ça, ça n’a rien à voir, hup. C’est à l’armée, c’est autre
chose. Ca, où est-ce que c’est ? Je ne reconnais même pas le drapeau.
M.D. : ce n’est pas le drapeau du Liban ?
P.B. : ça c’est à Lisbonne. Non je crois que c’est à Lisbonne parce que c’était le délégué de
Lisbonne. A moins que ? Non, pas au Liban. Je ne vois pas où ça peut être. Là il faudrait que
je rafraîchisse ma mémoire bien évidemment parce que je ne… Je ne sais pas quel genre de
photos vous cherchez. Non, ça c’est la Cappadoce, ça c’est lorsqu’on a inspecté le bureau
d’Ankara, chaque fois qu’on inspectait un bureau, évidemment, on allait un peu dans le pays
pour voir à quoi ressemblait le pays, à quoi ressemblaient les gens.
M.D. : Oui, oui.
P.B. : Depuis lors, je dois dire, les seuls qu’il ne faut jamais faire intégrer chez nous c’est les
Turcs, parce que ça, ça n’a rien à voir. On dit toujours : « mais qu’est-ce que c’est que d’être
européen ? ». En voyageant et en allant dans tous les pays, en revenant en Europe, chaque fois
qu’on débarque d’Amérique latine, on débarque à Madrid, d’ailleurs, on arrive à Rome, fin,
voilà, on a le sentiment d’être en Europe. Alors on dit : « c’est quand-même bizarre ». J’arrive
à New York, New York c’est aussi une civilisation occidentale, j’ai pas l’impression d’arriver
en Europe, j’arrive au Québec ou à Toronto, ou à Ottawa ou à Vancouver, j’ai pas
l’impression d’arriver en Europe ou d’être chez moi. Quand j’arrive, à Schiphol ou n’importe
où, je m’dis : « tiens, on est à la maison ». Alors qu’est-ce que ça veut dire ? Et on a réfléchi
beaucoup sur l’identité européenne là-dessus. Et pour finir, la définition que j’ai trouvée c’est
Umberto Eco, dans un tout petit bouquin qui s’appelle : « Sur l’Ethique » ou je ne sais plus
quoi où il dit : « la capacité de l’Européen, c’est sa capacité d’adaptation, au fil des jours, au
fil des siècles, au fil de l’histoire, au fil du temps, c’est sa capacité d’adaptation « . D’être
adapté à l’environnement, au monde à tout, quelque soient les circonstances et en avançant.
C’est la seule chose que j’ai trouvée de commun aux peuples d’Europe. Parce que si vous
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
allez dans les autres pays, effectivement, vous sentez toujours cette espèce… ils sont bloqués
dans quelque chose. Excusez-moi de l’aparté.
Ça, c’est à Rio, ça c’est toujours à Rio. C’était dans le cockpit du pilote de l’avion entre Rio
di Janeiro et Santiago où vous avez ces grandes lignes où on ne sait pas ce que c’est, vous
voyez c’est comme ça.
M.D. : Oui, oui, oui, oui.
P.B. : Je dois en avoir d’autres ailleurs. Ça, c’est un cocktail à Caracas. Ça, c’est aussi pris de
l’avion, ça c’est le survol des Andes, ça c’est le survol de l’Argentine. Vous aviez
automatiquement à l’époque un militaire qui vous attendait. Ah, c’est la fameuse cabine de
l’avion. Ca c’est Chile, ça c’est el Rio de la Plata, ça, c’est loin de Chile. Ça, c’est une île, ça,
c’est Trinidad et Tobago, ça c’est le Chili, ça c’est les Andes, ça c’est toujours le Chili avec
les cactus … non, c’est l’inspection de Caracas, Santiago. Et là je suis revenu j’avais fait 22
décollages et atterrissages en une semaine. Quand je suis atterri à Bruxelles, j’ai voulu
téléphoner à ma femme, j’ai du prendre l’annuaire téléphonique pour retrouver mon numéro
de téléphone, incapable. En plus j’avais rédigé le rapport dans l’avion entre New York et
Bruxelles, donc je n’avais pas dormi, parce que je n’avais pas le temps en rentrant, donc e
l’avais fait dans l’avion, directement. Ça c’est une visite en Suède, quand j’étais à
l’organisation, où j’avais été visiter la réorganisation de Volvo. Ils étaient extraordinaires. On
était un groupe d’une dizaine et alors cinq sont monté dans cet avion là et puis il y avait un
autre avion pour cinq et ils avaient une demi-heure de retard et on est arrivé en même temps à
Göteborg et vous savez pourquoi ? Parce qu’il y avait un avion qui volait plus vite que l’autre,
alors ils ont mis celui qui allait le plus lentement d’abord et puis ils ont attendu avec celui qui
allait le plus vite et on s’est rattrapé de notre côté. Ils étaient stupéfiants les Suédois. Oui,
c’est tout ce que j’ai. L’autre jour, j’en avais trouvé du Japon mais je vois qu’elles ne sont pas
là. Non. Bizarre. Non, alors c’est tout ce que j’ai. Ah à moins qu’elles soient cachées plus
loin. Ça c’est quoi ? Non, ça on a vu. « Voyage du groupe recherche, Grenoble ». Oui,
Grenoble, ils ont un fameux centre aussi. Voyez ça c’est les fameuses visites dont je vous
parlais. Ah ben voilà Delors avec sa Commission !
M.D. : Aaah.
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HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 »
Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
P.B. : Voilà Delors avec sa Commission mais je ne l’ai pas, celle avec moi. Ça c’est à
Royaumont, celle-là fatalement. Ca, c’est l’équipe Organisation, oui. Ça c’est des photos
purement internes.
M.D. : Oui, mais s’agissant, de fait, d’une histoire interne de la Commission, on ne va pas
multiplier, mais …
P.B. : Ça c’est Lamberto Lambert, tiens, ça.
M.D. : Ah oui.
P.B. : Alors, ça c’est un truc extraordinaire. C’est un séminaire qui avait été organisé avant la
fusion pour les trois institutions où des fonctionnaires des trois institutions s’étaient réunis à
Pont-à-Mousson. C’est un souvenir que nous avons tous… oui, on s’est amusé comme des
fous.
M.D. : Ce qu’au fond, ici nous avons le directeur général avec une partie de son équipe.
P.B. : Ca c’est le départ de Lamberto Lambert…
M.D. et P.B. : en 1973.
P.B. : … avec son équipe. Ça, c’était sa secrétaire. Ça c’est l’équipe d’inspection, il y a
Burghardt qui est devenu directeur général après, délégué à Washington. Ah oui, ça c’est le
Japon, ah elles sont là « le Japon ». Ca c’est Trinidad et Tobago parce que le dimanche on
avait été faire un saut jusque là.
M.D. : Oui, mais ceci est une excellente photo pour l’illustration pour un ouvrage.
P.B. : Non, l’ennui c’est que je ne peux pas vous identifier, là il y a moi-même ; Patrick
Evrard qui est devenu secrétaire général de la cour des comptes, Burghardt qui est devenu
directeur général, qui a succédé à Spaak à Washington et puis qui est devenu directeur général
de je ne sais plus quelle DG, relations extérieures peut-être. Et celui-là c’est un Français je ne
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
vois plus on nom ; et lui je vois pas du tout qui c’est, je ne vois plus et je ne vois pas où ça a
pu être pris. Où est-ce que nous étions ? Je ne sais pas du tout. Oui donc celle de Lamberto
Lambert et son staff. Ça c’est le Japon, ça c’est toujours le Japon, ça c’est à l’Hôtel, ça c’était
l’assistante du représentant permanent. Ça c’est amusant, c’est à Kyoto. À Kyoto, là vous
avez le Café « Chez Pierre ». Alors évidemment ils ont pris, ils ont voulu vraiment prendre
ma photo en dessous. Ça, c’est dans l’ultra-rapide entre Tokyo et Kyoto, ça c’est dans une rue
de Kyoto. Ça c’est la maison de Georges Washington, au bord du Potomac, très belle vue. Ça,
c’est aussi à au bord de la mer à Caracas. Enfin, ce n’est pas Caracas Ah oui ! Ca c’est, pour
vous dire que je me suis occupé des sports aussi, pour faire approuver les sports, ou que la
Commission associe son nom à des images sportives, là j’ai eu le soutien implicite de Delors,
parce qu’il adorait la…
M.D. : la bicyclette.
P.B. : Ils avaient organisé un marathon européen à Dublin pour le début de leur présidence,
etc. Alors j’ai dit : « on doit quand-même sponsoriser ce truc-là », alors, pour leur donner
10.000 écus ou enfin, une rawette pour des choses simplement, ça a été la croix et la bannière
avec le contrôle financier pour trouver le malheureux code budgétaire dans lequel on pourrait
insérer cela. Ça c’est la croix et la bannière. Enfin, on l’a eu et alors, après ça a fait boule de
neige, on a dit : « mais on a fait ça, on va faire ça » et puis bon. Ça c’était la première
manifestation sportive officiellement organisée. Ca c’est Ottawa. Ça, c’est la Cappadoce.
Voilà, c’est tout ce que j’ai comme photos. J’ai rien d’autre, ça c’est une fête de Noël du
groupe… c’est l’Organisation ça.
M.D. : Comment pourrions-nous, le cas échéant, si vous en êtes bien entendu d’accord,
procéder pour la copie de certaines de ces photos ?
P.B. : Je vous passe la photo et vous en faites une copie. Il n’y a pas de soucis là-dessus.
M.D. : D’accord.
P.B. : Aucun souci, mais je vous dis, le problème c’est que là je ne peux pas identifier tout le
monde, ça c’est embêtant. Il y en a un qui pourrait me revenir en tête mais je ne sais plus,
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Entretien avec Pierre BOCKSTAEL (07.07.2010)
mais l’autre m’est totalement inconnu. Je ne vois même pas où ça a été pris. Et la photo avec
Delors c’est dommage, je la trouve plus. Ça c’est quoi ça ? « Comité technique intérieur…».
C’est à Grenoble, ça. La photo avec l’œil de Delors je ne sais plus où elle est passée. Bon ça
c’est le service militaire, ma femme a tout remis ensemble. Non là, volontiers, si il y’en a une
qui a un moment, vous vous rappelez la photo et vous vous dites…
M.D. : Oui, oui, tout à fait je…
P.B. : Si votre secrétaire m’envoie un email en me disant : « je voudrais cette photo-la et cette
photo-la », aucun souci, je vous l’envoie.
M.D. : D’accord. Très bien.
P.B. : Je ne sais pas si j’ai répondu à toutes vos questions ou si je vous ai servi à quelque
chose…
M.D. : Je vous remercie vraiment beaucoup et très sincèrement. Il n’est pas impossible que
nous revenions vers vous ayant avancé dans le travail et que l’un ou l’autre point conduise à
revenir sur un point ou sur un autre.
P.B. : Oui, sur ceci, c’est avec plaisir que je le fais.
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Index
Baer, 20, 29
Bodson, 7
Braun, 8
Burghardt, 33
Carpentier, 9, 18
Cheysson, 22
de Visscher, 11
Delors, 20, 28, 32, 33, 34, 35
Eco, 31
Foucault, 17
Froschmaier, 17, 21, 22, 23, 28
Genicot, 11
Grégoire, 7, 8, 9, 25, 26
Hoven, 24
Huybrechts, 4
Ladrière, 11
Lambert, 6, 12, 15, 20, 24, 33, 34
Lang, 7, 25
McNamara, 21, 22
Noël, 7, 8, 10, 12, 15, 18, 20, 24, 25, 34
Ockrent, 29
Ortoli, 13
Rey, 24
Ripa di Meana, 9
Ryckmans, 11
Schubert, 6
Spaak, 18, 24, 33
Stengers, 20
Thorn, 18, 24
Van Hoof, 16
Verrue, 9
von Goeler, 5
Wellenstein, 24
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