voir la Fiche juridique au format PDF

Transcription

voir la Fiche juridique au format PDF
LE MOIS PROCHAIN :
L'importance d'enregistrer sa marque de commerce
SEPTEMBRE 2006
SOUS-TRAITANCE ET CLAUSE D’ARBITRAGE :
ATTENTION !
L’arbitrage commercial est un mode de résolution de conflits de plus en plus
présent dans le monde des affaires.
L’arbitrage se résume sommairement à un système de justice privé qui est
sur un même pied d’égalité avec le système judiciaire étatique. L'arbitrage
permet à des parties de clore un différend dans un cadre et des délais
adaptés à leurs besoins. Par ailleurs, l’arbitrage est un processus privé
et confidentiel.
D’ailleurs, la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Desputeaux c. Éditions
Chouette, [2003] 1 R.C.S. 178, a pleinement reconnu le caractère légitime de
cette justice privée en parallèle à celle des tribunaux étatiques.
Me ERIC SIMARD, avocat
FASKEN MARTINEAU
Eric Simard est associé chez Fasken
Martineau. Il y exerce en litige civil et
commercial, plus particulièrement en droit
de la construction et en matière de
responsabilité du fabricant. Il possède
une expertise particulière tant en matière
de litiges complexes que de recours
collectifs. Il représente des entreprises du
secteur privé et public ainsi que des
banques devant les diverses instances
judiciaires. Dans un contexte de mondialisation, Me Simard est appelé à conseiller
un nombre important de fabricants et de
fournisseurs étrangers ayant des activités
économiques au Canada, tant dans le
cadre de contrats de distribution que de
contrats de coentreprise. Il a été impliqué
à titre de procureur dans plusieurs dossiers
d'arbitrage commercial et a développé
une expertise particulière en matière
de litige faisant l'objet d'une clause
d'arbitrage.
Tél. : 514 397 5147
[email protected]
Cette décision s’inscrit dans la foulée d’une pratique de plus en plus
répandue en matière de contrat d’entreprise et de fournisseurs. C’est
pourquoi il est primordial pour les parties de bien évaluer l’impact que peut
avoir ce type de clause particulièrement lorsque la responsabilité d'un
entrepreneur à l'égard d’un donneur d'ouvrage est tributaire de la bonne
exécution du sous-traitant.
Une récente décision de la Cour d’appel du Québec (Robertson Building
Systems Ltd. c. Constructions de la Source inc. J.E. 2006-812) est un cas de figure
intéressant et illustre bien l’impact que peut avoir une clause d’arbitrage lorsque
le moment venu, un entrepreneur opérant une entreprise au Québec veut appeler en garantie un sous-traitant pour se tenir indemne d’un défaut allégué par le
donneur d’ouvrage dans le cadre d’une action intentée par ce dernier.
Dans cette affaire, Constructions de La Source inc. (« La Source »), une
entreprise d’Abitibi, était partie à un contrat d’entreprise à titre
d'entrepreneur auprès d’un donneur d'ouvrage qui avait lui-même
contracté avec Hydro-Québec l’érection de divers bâtiments pour le poste
de distribution Tilly. La Source a ensuite sous-contracté à Robertson Building
Systems Limited (« Robertson ») la fourniture d'acier de structure. Robertson
est une compagnie américaine spécialisée dans l’érection de bâtiments en
acier et a une place d’affaires en Ontario.
Or, l’action du donneur d'ouvrage à l’encontre de La Source faisait état que
cette dernière avait violé ses obligations contractuelles en ne finalisant pas
dans les délais les travaux prévus au contrat. La Source prétendait que
Robertson avait fait défaut de respecter ses engagements contractuels aux
termes du contrat de fourniture de structure d’acier. Par conséquent, La
Source appelait en garantie Robertson.
Le contrat intervenu entre La Source et Robertson comportait une clause
d’arbitrage selon laquelle tout litige découlant du contrat devait être
renvoyé à l'arbitrage et régi selon
les règles de la province de
l'Ontario. Par conséquent, en vertu
de cette clause, Robertson a
présenté une requête en exception
déclinatoire afin que les parties au
recours en garantie (La Source et
Robertson) soient renvoyées à
l’arbitrage. Soulignons que l’action
principale dans ce dossier avait été
intentée contre La Source par le
donneur d'ouvrage, une entreprise
québécoise, devant les tribunaux
du Québec.
En première instance, la Cour
supérieure a rejeté l’exception
déclinatoire de Robertson au motif
notamment que la règle procédurale de droit international privé
édictée à l’article 3139 C.c.Q. est à
l'effet que les tribunaux québécois
ont juridiction pour entendre une
action en garantie lorsqu’ils sont
compétents pour entendre l’action
principale et que cette règle devait
primer sur la convention d’arbitrage
intervenue entre La Source et
Robertson. Ce faisant, la Cour a
refusé par le fait même d'appliquer
l’article 3148 al. 2 C.c.Q. selon
lequel les tribunaux québécois ne
sont pas compétents lorsque les
parties choisissent par convention
de soumettre leur litige à
l’arbitrage.
En appel, Robertson a eu gain de
cause. Il faut dire qu’entre le
jugement de première instance et
l’audition de l’appel, la Cour
suprême du Canada a rendu son
jugement dans l’affaire Grecom
Dimter c. J. R. Normand inc. [2005]
2 R.C.S. 401. Dans cette décision,
la Cour suprême reconnaît la
primauté de la volonté exprimée
par des parties dans les clauses
d’arbitrage et d’élection de for sur
la règle procédurale de l’article 3139 C.c.Q. qui prévoit que l’action en
garantie doit suivre le recours principal. La question était donc réglée sur ce
point lors de l’audition de l’appel. La Source a tenté de contester la validité
de la convention d’arbitrage sur la base de trois moyens additionnels.
Tout d’abord, elle a prétendu n’avoir pas consenti à la clause d’arbitrage,
laquelle était reproduite sur le Building Purchase Order signé par un de ses
représentants. La Source a plaidé que la clause d’arbitrage ne pouvait
s’appliquer à l’entente de fourniture du bâtiment d’acier intervenue entre
elle et Robertson, étant donné que les négociations et l’entente sur l’objet
essentiel du contrat étaient intervenues plusieurs semaines avant que son
représentant ne signe le Building Purchase Order. De plus, selon La Source,
la clause était abusive étant donné qu’elle avait prétendument été imposée
par Robertson dans le cadre de ce qui s’avérait être un contrat d’adhésion.
En effet, c’est sous la pression découlant de sa relation d’affaires avec les
autres parties impliquées (i.e. le donneur d'ouvrage et Hydro) et sans
comprendre la teneur de son engagement que La Source aurait signé le
Building Purchase Order. Elle a finalement prétendu que la convention
d’arbitrage était une clause externe au contrat d’adhésion et qu’elle lui était
donc inopposable.
La Cour d’appel n’a retenu aucun des trois moyens plaidés par La Source.
En effet, elle a statué que la clause d’arbitrage avait été valablement conclue
entre les parties et faisait pleinement partie du contrat malgré les
prétentions de La Source selon lesquelles la clause d’arbitrage était abusive
et lui avait été imposée. À cet effet, le juge Chamberland a émis la remarque
suivante à la fin du jugement :
«[36] Premièrement, les entrepreneurs québécois auraient avantage
à b i e n l i re l e s c o n t r a t s q u ’ o n l e u r p ro p o s e e t à b i e n e n
comprendre les implications avant d’y apposer leur signature. Ceci est
particulièrement vrai lorsque, comme l’espèce, l’une des clauses du
contrat a pour effet de soustraire les différends contractuels à la
compétence des autorités québécoises alors que le contrat initial
concerne la construction d’un édifice au Québec.»
La Source devra donc se défendre seule à l’encontre de l’action principale
intentée par le donneur d’ouvrage. Il est donc utile pour les entrepreneurs
et les fournisseurs québécois de bien s’informer sur la portée des clauses
d'arbitrage dans les contrats d’entreprise et de fourniture de matériaux afin
que ceux-ci ne soient pas dans l'impossibilité d ' a p p e l e r e n g a r a n t i e
l e u r s sous-traitants lors de la survenance d’un litige alors que ces derniers
souhaitent procéder par voie d’arbitrage.
Pour en savoir plus à ce sujet, n’hésitez pas à communiquer avec l’auteur.