Concevoir l`élevage pour simplifier le travail
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Concevoir l`élevage pour simplifier le travail
8 Travailler efficacement et confortablement © CRAB © CRAB Concevoir l’élevage pour simplifier le travail La mise aux normes bien-être et, a fortiori, la reconstruction d’un élevage, sont l’occasion de remettre à plat la conception et la manière de travailler. C’est la démarche qu’a suivi René Colin en 2004. Simplification et rationalisation du travail sont les mots d’ordre de cet élevage. «Offrir de bonnes conditions de travail, malgré un rythme soutenu». Voici les motivations qui ont orienté René Colin dans l’élaboration de son élevage de 900 truies. Cet élevage du Nord Finistère a été entièrement reconstruit en 2004 suite à un incendie. La mise en groupes des truies s’est inscrite logiquement dans ce projet. «Je suis allé visiter une station de recherche aux Pays-Bas afin de voir l’ensemble des systèmes existants» explique René Colin. «Le Dac m’intéressait, mais ne répondait pas à mon souhait d’alimenter les truies en soupe. Le système réfectoire-courette me rebutait : la gestante ressemble vite à une forêt de tubes.» Ainsi, l’éleveur a naturellement fait le choix du système auge avec bat-flanc. «Pour moi, il s’agit d’un système simple, le meilleur compromis entre coût et performances». I Une équipe organisée Parmi les huit salariés que compte l’exploitation, six travaillent sur l’élevage : Didier le responsable d’élevage, Jean-Marie et Sébastien en PS-engraissement, Didier et Bastien en maternité, ainsi que Norbert en verraterie-gestante. Les deux autres salariés sont en charge de la Faf, des cultures, de la station de traitement et de l’entretien. «Ils travaillent à l’intérieur de l’élevage uniquement en appoint, en cas de surcharge de travail» spécifie Didier. «Notre organisation est assez rationnelle : chacun est responsable de son secteur. En revanche, tous se partagent les tâches les plus ingrates comme le nettoyage des fosses». Pour sa part, René Colin a en charge les aspects administratifs. Tech PORC Novembre - Décembre 2012 - n°8 © CRAB Un tableau référence l’ensemble des truies présentes sur l’élevage, bande par bande. « D’un seul coup d’œil, nous connaissons le stade physiologique de chaque bande, leurs effectifs, le nombre de retour, etc ». Les membres de l’équipe communiquent grâce à de nombreux tableaux et fiches présents partout dans l’élevage. Chacun enregistre ses propres données (pour la GTTT et GTE). Au niveau informatique, tout l’élevage est en réseau : « au bureau ou à la maison, on peut savoir tout ce qui se passe dans l’élevage : les performances bien-sûr, mais aussi le fonctionnement de la ventilation par exemple » commente René Colin. «La personne de garde le week-end emporte un ordinateur portable à son domicile pour gérer les alarmes à distance, sans avoir nécessairement besoin de se déplacer». Tous les deux mois, René organise un déjeuner avec ses salariés afin de faire le point et définir la feuille de route de l’entreprise. Dossier Spécial Pour gagner en productivité, la politique de l’élevage passe également par la maintenance et la responsabilisation des salariés. «Avec notamment la Faf, trois machines à soupe et deux multiphases, nous sommes très dépendants de la technique» explique René Colin. «Je suis partisan d’une maintenance préventive pour atteindre le zéro-panne. J’ai bien sûr investi dans du matériel robuste, mais aussi fait en sorte de responsabiliser les salariés. Ils anticipent les problèmes, pour ne pas être ennuyés le lendemain. Nous appelons rarement le service après-vente, j’ai à cœur d’avoir les compétences en interne». I La SARL René Colin en quelques chiffres • 890 reproducteurs présents - 100 % des porcs engraissés sur site • Cultures sur 60 ha. Epandage sur 160 ha. • Conduite en 20 bandes, sevrage à 21 jours • Objectif de 43 truies à la mise bas • 31 sevrés par truie productive et par an en 2011 • Adhérent Aveltis I Des échographies dès trois semaines Norbert, en charge de la verraterie-gestante, réalise les échographies trois et quatre semaines après l’insémination sur les truies bloquées en verraterie. «L’échographie dès trois semaines permet de gagner une semaine dans la gestion du troupeau : inséminations des retours et planning des réformes» justifie Didier. «Une seconde échographie est effectuée quatre semaines après l’insémination sur seulement quatre ou cinq truies pour lesquelles subsiste un doute». Globalement, le responsable d’élevage estime à 30 min pour 50 truies le temps consacré à cette tâche chaque semaine. I 15 secondes pour vacciner une truie En dehors des vaccinations semestrielles contre le parvovirus et la grippe, quatre bandes sont vaccinées chaque semaine. Afin d’éviter toutes erreurs, le protocole et la préparation sont rigoureux. Les vaccins à réaliser et les bandes concernées sont consignés dans un agenda. «La veille des vaccinations, je recopie ces informations sur une feuille en indiquant les vannes cor- © CRAB «Au sevrage, nous les laissons sur ce quai durant 30 min et allons faire autre chose pendant ce temps. Les truies se frottent mutuellement, il n’est pas nécessaire de les brosser. Les truies sont ainsi propres pour les inséminations» commente Didier Malledant. Une tâche peu gourmande en temps et sans risque. respondantes, cela évite d’avoir le moindre doute une fois dans la salle» indique Norbert. A l’aide d’un autre salarié, il effectue les vaccinations sur les truies en liberté en 45 min pour quatre bandes de 43 truies « Soit 15 secondes par truie! ». Les truies sont à jeun pour les vaccinations et ne reçoivent jamais d’aspirine. Une aiguille est utilisée par case, soit sept truies. Sur ce point, Didier précise : «Nous avons testé un système d’injection pneumatique pour éviter les contaminations croisées, sans pour autant être convaincus par le matériel. Notre méthode actuelle est rodée et nous conviens». Une vermifugation est réalisée deux fois par an par l’intermédiaire de la machine à soupe. Cette tâche, bien que rapide (5 min par semestre), est précisément planifiée. «Toutes les bandes sont vermifugées en une fois, sauf les quatre présentes en maternité. Un second traitement est donc réalisé cinq semaines plus tard, en verraterie uniquement» explique Didier. «Il faut également être vigilant à ce que la vermifugation n’ait pas lieu durant une période de départ de charcutiers, afin d’éviter toute contamination qui entraînerait un délai d’attente». © CRAB Les vaccins à réaliser et les bandes concernées sont consignés dans un agenda. «La veille des vaccinations, je recopie ces informations sur une feuille en indiquant les vannes correspondantes, cela évite d’avoir le moindre doute une fois dans la salle». I Le travail en gestante simplifié au maximum En dehors de tâches spécifiques, Norbert ne passe que 10 min par jour en gestante. «C’est le temps nécessaire pour faire le tour des deux salles gestantes tous les matins». Seulement deux Tech PORC Novembre - Décembre 2012 - n°8 9 10 repas sont surveillés par semaine. «Je vérifie que toutes truies vont manger et je nettoie les cases. L’ensemble me prend une trentaine de minutes». Pas besoin de trappes dans les caillebotis, les déjections accumulées dans les coins sont dégagées à la pelle vers le milieu de la case pour être évacuées par piétinement. I Idée pratique : Le chariot pèse et transporte les porcelets I Trouver le bon compromis entre sanitaire et travail Pour René Colin, la biosécurité était une composante incontournable lors de la construction de l’élevage : douche obligatoire, fumigation du matériel entrant, autorenouvellement des animaux, etc. La biosécurité reste une préoccupation importante dans la conduite quotidienne de l’élevage. Ainsi, les fosses sont lavées et désinfectées à chaque bande. «C’est la tâche la plus ingrate à effectuer dans notre élevage» explique René. «Elle pourrait être facilitée par un système de soulèvement des caillebotis. En revanche, l’automatisation du lavage est impossible, car il nous faudrait plus de temps pour installer le matériel que pour laver». «45 min de travail par fosse, à raison de dix fosses à nettoyer par semaine, le travail est conséquent. C’est pourquoi toute l’équipe est mise à contribution» précise Didier. «C’est le prix à payer pour nos très bonnes performances, et nous permet d’éviter des vaccinations sur les porcelets bien plus contraignantes». © CRAB Un treuil élévateur permet de basculer les cadavres dans les bacs d’équarrissage stockés dans une chambre froide (en arrière plan). Une tâche pénible rendue moins physique. Tech PORC Novembre - Décembre 2012 - n°8 © CRAB Une caisse de pesée et de transport a été élaborée à l’EARL René Colin. Transportée par un chariot élévateur, elle permet de peser les porcelets au sevrage et de les déplacer jusqu’au post-sevrage (deux caissons de 34 porcelets). « Les porcelets n’ont pas besoin de marcher 80 m dans le couloir et de traverser le hangar de la Faf » explique Didier. Ce système est également utilisé en sortie de post-sevrage pour peser des lots de 13 porcs. René Colin a conçu son élevage sur l’amélioration de la qualité de vie au travail et les performances. Et le pari semble être gagné. La simplification des tâches permet d’optimiser le travail. «Nous avons simplifié le travail au maximum. Rien n’est fait de manière systématique. Par exemple, une longue réflexion sur le sanitaire nous a amené à acidifier l’eau en maternité et postsevrage, ainsi nous n’utilisons plus d’antibiotiques». Sur les truies en groupes, l’éleveur n’exprime aucun regret. «A part l’investissement, la mise en groupes des truies apporte un plus : une diminution du travail.» Sarah HEUGEBAERT Chambres d’agriculture de Bretagne [email protected]