L`énigme du bigfoot - Infos

Transcription

L`énigme du bigfoot - Infos
L’énigme du bigfoot
Le film Patterson
Aux États-Unis, Roger Patterson poursuit de minutieuses enquêtes sur le bigfoot. Il accumule les
documents, archives, articles de journaux, études. En 1966, il a publié un livre sur les
« abominables hommes des neiges d’Amérique ». Il a créé le « Abominable Snowmen Club of
America » qui envoie à ses membres un bulletin trimestriel. Il part souvent dans la forêt, à cheval,
accompagné d’une mule qui porte les provisions.
Il installe son campement le soir, à la manière des « cow-boys » popularisés par Hollywood. Il porte
un chapeau à larges bords, des « chaps », ces jambières en cuir qui évitent de s’écorcher aux
buissons et aux épineux. Son repas cuit dans un pot de métal suspendu à un trépied, au-dessus du
feu de bois. Assis sur une souche, le fusil à portée de main, de même que la gourde remplie d’eau, il
attise le feu à l’aide d’un branchage. Le sac de couchage est encore roulé à ses pieds. À l’arrièreplan, attachés à un pin Douglas, le cheval et la mule semblent veiller sur lui.
Scène convenue, cliché, dira-t-on ! Sans doute, mais la vie du trappeur, du chasseur ou du chercheur
d’or ressemble parfois à une succession de clichés, de scènes idylliques ou grandioses, dans le cadre
agrandi des montagnes, des lacs et des torrents. Du moins lorsque rien ne vient en troubler
l’harmonie…
Le 20 octobre 1967, Roger Patterson chevauche en compagnie d’un partenaire, Bob Gimlin, dans la
vallée de Bluff Creek en Californie du Nord.
Au détour d’une courbe prononcée, une clairière s’ouvre, constituée en réalité par le lit en partie à
sec du torrent. À cet instant, les chevaux se cabrent, désarçonnant les cavaliers : un être gigantesque
traverse la clairière à moins de trente mètres d’eux. Patterson saisit sa caméra et commence à filmer
tout en courant vers la créature qui se déplace de la gauche vers la droite. Elle mesure à peu près
deux mètres trente pour un poids estimé à 180 kg.
Ses seins pendulaires – c’est une femelle – sont bien visibles, et un pelage noir et lustré recouvre le
corps, à l’exception d’un mince rectangle allongé – tel une fente en longueur, aux angles marqués –
au niveau des yeux. L’être balance les bras avec une amplitude importante, le rythme de la marche
demeure régulier, même lorsqu’il enjambe un tronc d’arbre mort. On remarque une crête osseuse à
l’arrière du crâne ; le cou est très ramassé ; le dos et la musculature des épaules, imposants. Le
diamètre et la forme des bras et des jambes semblent irréguliers, comme alourdis par les
protubérances
des
muscles
qui,
dirait-on,
roulent
sous
la
toison
noire.
Patterson continue la
poursuite, tout en essayant d’ajuster l’objectif de la caméra. La créature, que l’on a vue brièvement
de face, puis de profil jusqu’à cet instant, se retourne à demi, en une rotation du torse. Elle regarde
Patterson sans se départir de son apparente nonchalance. C’est le torse et la tête qui pivotent
ensemble à partir des hanches – peu marquées – à la manière de quelqu’un qui souffre d’un
torticolis. Puis la créature s’enfonce dans la forêt, toujours du même pas régulier, et disparaît au sein
des buissons.
Pendant ce temps, Bob Gimlin a réussi à maîtriser les chevaux, affolés par l’aspect de la créature ou
bien par la puanteur qu’elle dégage. Les deux hommes la suivent à la trace mais un affluent du
torrent leur barre le chemin. Ils se précipitent jusqu’à la ville la plus proche afin d’alerter la
communauté scientifique. Le lendemain, René Dahinden, chercheur privé et expert autodidacte en
matière de Sasquatch, se rendit à Bluff Creek et exécuta un moulage d’une empreinte. Mais la pluie
s’était mise à tomber pendant la nuit et les risques d’inondation forcèrent les hommes à quitter la
vallée.
Le film de Patterson représente une séquence continue de 65 mètres, de format 16 mm, en couleur.
Au début, pendant que Patterson courait, l’image floue tressaute avant de se stabiliser. Après mise
au point, la créature, lorsqu’elle se détourne, apparaît avec une netteté assez impressionnante à
l’écran. L’arrêt sur image précise l’aspect général, massif, de la femelle Sasquatch : tronc épais sans
rétrécissement entre les épaules et les hanches, pelage court, presque pelucheux, crâne conique qui
s’enfonce dans les épaules comme en l’absence de cou. La pilosité du visage est réduite, inexistante
sur la paume des mains et la plante des pieds, les jambes épaisses et musclées, les fesses
proéminentes.
Un document unique
On peut aisément imaginer l’intérêt que suscite un tel film, que ce soit auprès des spécialistes ou du
grand public. Il fut d’ailleurs projeté dans le pays tout entier et aujourd’hui encore, on continue de
l’analyser et de le disséquer lors de congrès de zoologie. Penchons-nous sur l’examen critique qu’en
tira John Napier et ce, pour plusieurs raisons : Napier remplissait à l’époque des fonctions
officielles au sein du prestigieux Smithsonian Institute et tout en conservant un esprit ouvert,
s’efforçait à la rigueur et à la prudence ; parallèlement, ses compétences scientifiques lui valaient
une réputation méritée. En outre, il se livra à une étude approfondie du film quelques mois
seulement après la rencontre de Bluff Creek, le 2 décembre 1967 pour être précis.
Napier établit un compte rendu que l’on peut résumer ainsi : 1. La démarche, globalement, se
rapproche de celle de l’homme moderne, Homo Sapiens. 2. Le rythme de la marche, la fluidité des
mouvements du corps et le balancement des bras sont grossièrement exagérés. 3. En dépit de
l’importance des seins pendulaires, la démarche ressemble à celle d’un être humain de sexe
masculin. 4. Le sommet du crâne de forme conique est assurément d’apparence non-humaine ; on le
retrouve fréquemment chez les gorilles mâles adultes et les orangs-outangs mâles. La fonction de
cette crête osseuse est de fournir une attache suffisante aux muscles puissants destinés à animer les
mâchoires massives. C’est une caractéristique essentiellement mâle, observable dans de très rares
occasions chez les femelles. 5. La structure physique de la créature et le poids qu’elle implique,
notamment au niveau du torse, laissent supposer que le centre de gravité soit plus élevé que chez
l’homme ; ce qui devrait modifier la démarche.
Or le centre de gravité de la créature est identique à celui de l’homme moderne. 6. L’existence des
fesses, typique de l’être humain, est en désaccord avec la nature simiesque de la partie supérieure de
la créature : la moitié supérieure du corps ressemble à celle d’un singe et la partie inférieure est
typiquement humaine. Il est pratiquement impossible d’envisager l’existence de tels hybrides dans
la nature. Une moitié de cet être est certainement artificielle : si l’on considère sa démarche, ce ne
peut être que la partie supérieure.
Pour John Napier, il demeure évident que la
démarche de la créature comporte un côté forcé. Mais pourquoi l’auteur du canular éventuel,
préparé avec soin, gâcherait-il ses effets ? Napier suppose qu’en l’occurrence, un individu costumé,
déterminé à suivre une trajectoire rectiligne, s’efforçait de graver ses empreintes avec netteté dans
le sol sablonneux tout en effectuant de grandes enjambées.
D’où l’aspect « exagéré » de sa démarche. On notera que John Napier conclut à l’imposture non pas
a priori, mais après étude minutieuse du document filmé. Ce trait d’honnêteté mérite d’être
souligné. Le mépris de la communauté scientifique à l’égard d’une découverte hors-norme est plus
fréquent qu’on ne le croit. Ainsi l’identification du Coelacanthe, poisson à « pattes » appartenant à
un groupe considéré comme éteint depuis 65 millions d’années et pêché vivant au large de l’Afrique
du Sud en 1938, demeure-t-elle exemplaire. Le professeur Smith a décrit, dans son ouvrage A la
Poursuite du Coelacanthe (Plon, 1960), les difficultés qu’il rencontra pour faire admettre à ses
collègues qu’ils se trouvaient en présence – d’autant qu’ils pouvaient l’examiner à loisir – d’un
exemplaire de « fossile vivant ».
René Dahinden et Peter Byrne : le point de vue des hommes de terrain
Je reviens dans mon livre Sasquatch et le mystère des hommes sauvages sur les réactions diverses
de « l’establishment » vis-à-vis du film de Patterson qui fut, dans l’ensemble, traité par le mépris en
Amérique du Nord, dans les années 1967-68. Au point que René Dahinden, chercheur indépendant,
s’employa à rechercher de par le monde des interlocuteurs susceptibles de le prendre au sérieux : il
entreprit un voyage en Grande-Bretagne et en Europe afin d’y montrer moulages et photographies
d’empreintes et d’y présenter des enregistrements de témoins oculaires.
Né à Lucerne en Suisse en 1930, Dahinden, placé dans un orphelinat catholique un mois après sa
naissance, fut adopté par un couple jusqu’en 1939, puis placé dans une institution. Au bout d’un an,
sa mère le réclama mais l’enfant ne sut pas s’adapter à sa nouvelle famille : une mère, qu’il ne
connaissait pas plus que son beau-père doté d’un fils et d’une fille nés d’un précédent mariage. On
l’envoya dans une famille à la campagne et pendant trois ans il fut garçon de ferme. À quinze ans,
endurci, il travailla chez un boucher, un marchand de vin, puis comme matelot sur un bateau
lacustre. Pendant quelques années, il parcourut l’Europe passant d’un petit métier à l’autre. Il
descendit le Rhin en canot pneumatique, de sa source glacière jusqu’à Bâle. Il rencontra sa future
épouse Wanja à Stockholm et ils décidèrent d’émigrer au Canada en 1953.
Un fermier de Calgary, Wilbur Willick, l’embaucha. René Dahinden se souvient du 3 décembre
1953 : la radio annonça la formation d’une expédition, sous l’égide du quotidien Daily Mail de
Londres, pour rechercher le Yéti dans l’Himalaya. René s’exclama : « Chasser un tel être, ça devrait
être formidable ! ». Wilbur lui répondit : « Pas besoin d’aller si loin ; on a la même chose, en
Colombie Britannique ». René trouva un emploi l’été suivant à environ 500 km au nord de
Vancouver, Colombie Britannique. Chaque fois qu’il put se rendre dans cette ville, il y fréquenta le
musée et la bibliothèque publique. Mais alors qu’il accumulait les documents sur le Sasquatch, les
Canadiens qu’il interrogeait tentaient de le dissuader : « Voyons, ce n’est qu’une légende indienne,
rien de plus ! ».
Jeune aventurier impétueux, René admet qu’à cette
époque « il n’était pas en mesure d’évaluer ce qu’il lisait ou entendait » Cependant au fil des
années, René examine les comptes rendus, interroge les témoins et vérifie leurs dires sur le terrain.
Ses recherches ne font qu’aviver sa curiosité ! En 1956, il s’associe avec John Green dont les
publications reflètent les découvertes effectuées par les deux partenaires sur une période de treize
ans. René Dahinden participe brièvement à la Pacific Northwest Expedition de Tom Slick, avec un
salaire de trois cent cinquante dollars par mois, logé et nourri. Mais René soupçonne certains
membres de l’expédition d’exploiter Tom Slick qui consacre un budget important à la recherche du
Sasquatch ; leur esprit de lucre lui répugne et il souffre, semble-t-il, de l’absence d’organisation au
sein de l’équipe. Il reprend rapidement sa liberté afin de poursuivre ses propres recherches,
s’associant à l’occasion avec divers partenaires.
Ainsi, le 14 décembre 1969, en compagnie d’Ivan Marx, on le retrouve au nord-est de l’état de
Washington, sur les bords de l’immense lac Roosevelt, près de Bossburg, région faiblement
peuplée, proche de l’Idaho. Ils y découvrent des traces qui deviendront célèbres et donneront
naissance à bien des controverses. Les pas s’inscrivent dans la neige sur une rive à pente accentuée,
traversent une voie ferrée, une route, une clôture, mènent à la forêt, puis reviennent au lac.
L’empreinte du pied gauche, longue de 42,5 cm, large de 13,5 cm est normale ; celle du pied droit
témoigne d’une déformation grossière et ne comporte que quatre doigts. Après avoir examiné les
traces pendant la plus grande partie de la journée, René Dahinden en conclut qu’il s’agit d’un être
vivant doté de doigts de pieds mobiles. Il compta 1049 empreintes au total. John Napier suppose
qu’elles sont authentiques. La déformation du pied droit, congénitale ou accidentelle, présente des
caractéristiques telles « qu’il est très difficile d’imaginer un charlatan doué d’une subtilité, d’un
savoir – et d’une perversité – suffisants pour falsifier délibérément une empreinte de cette nature ».
Les empreintes sont donc convaincantes du point de vue biologique, en raison d’une part de
l’anomalie, parfaite si l’on peut dire, du pied droit ; et de l’apparence normale du pied gauche, en
termes de fonction et de structure.
Si l’on admet avec Don Hunter que « René Dahinden est l’archétype de l’homme hanté par une
mission », il n’est guère surprenant que ses convictions se soient fortifiées : les preuves de
l’existence du Sasquatch s’accumulent, fruits de ses propres investigations ou de celles de ses
collègues. Dans ce contexte de passion et d’émulation, le film Patterson représentait un élément du
dossier, déjà volumineux, d’une valeur inestimable ; c’était peut-être la preuve définitive de
l’existence du Sasquatch. En tout cas, René Dahinden le croyait.
Que s’était-il passé après la rencontre du 20 octobre 1967 ? Patterson et Gimlin avaient contacté
diverses personnalités, dont John Green à qui ils demandaient d’avertir des scientifiques. Aucun
n’accepta de se déplacer, disant qu’ils jugeraient après projection du film. Dahinden, alors à San
Francisco, se rendit immédiatement à Bluff Creek où, malheureusement, l’orage interrompit les
recherches complémentaires. Mais pour Dahinden, comme pour Green et bien d’autres, la validité
du film était incontestable : la démarche du Sasquatch est plus souple que celle d’un Homo
Sapiens ; les genoux demeurent pliés, conférant ainsi une allure fluide à la créature, alors que nous
raidissons la jambe, plions le genou et ainsi de suite. Cependant, la créature présente une structure
et une démarche humaine dans l’ensemble. Il pouvait s’agir d’un hominidé, en toute probabilité.
Peter Byrne quant à lui se trouvait dans la jungle du sud-ouest du Népal le jour où la créature de
Bluff Creek fut filmée. De retour aux États-Unis, il visionna le film et se posa lui aussi la question
inévitable : est-ce une créature vivante authentique ou bien un homme costumé ? S’adressant à
divers spécialistes, il présentera le film en 1973, au chef technicien des studios Walt Disney, à
Burbank, en Californie qui déclara : « Si c’est un faux, il faut alors admettre qu’il s’agit d’un chefd’œuvre car, d’après nous, le seul endroit au monde où une simulation de cette qualité puisse voir le
jour, c’est ici, dans nos studios, et cette pellicule n’a pas été impressionnée chez nous ».
Lors de l’entretien privé qu’il m’accorda en avril 1994, Peter Byrne précisa qu’il reste à passer le
film Patterson au crible des dernières techniques d’analyse de l’image à l’aide d’un ordinateur. On
ne peut affirmer à cent pour cent que le film soit authentique tant que cette analyse, processus
coûteux, n’a pas été effectuée. Mais Peter Byrne pense qu’il ne s’agit pas d’une mascarade : en
effet, la perspective d’un truquage d’une telle complexité lui semble impossible. Connaissant les
deux hommes, Patterson et Gimlin, auteurs du film, Peter Byrne les estime incapables de se livrer à
une imitation du Sasquatch et à une mise en scène aussi élaborées.
Peter Byrne connaissait Patterson personnellement et il
insiste sur l’intérêt sincère que ce dernier portait au Bigfoot. Le livre que Patterson écrivit, illustra et
publia à compte d’auteur en témoigne. Peter Byrne rendit visite à Patterson quelques semaines
avant sa mort : Patterson souffrait cruellement de la maladie de Hodgkin et ne pesait plus que
quarante-cinq kilos. « Je n’oublierai jamais l’une de ses dernières confidences », dit Peter Byrne.
« Nous avions emporté un fusil et nous aurions dû tirer sur cette créature ; ainsi les gens nous
auraient crus ». Patterson souffrit jusqu’à la fin de ses jours du scepticisme qui se manifesta
fréquemment à l’égard de son film. Projeté en de nombreuses occasions, le film rapporta quelques
bénéfices à Patterson sous forme de droits d’auteur. Après sa mort, les droits en échurent à sa
famille et le partenaire de Patterson, Gimlin, ne toucha pas un centime. Il en éprouva de l’amertume
mais ne démentit jamais l’authenticité du film. Peter Byrne pense que Gimlin aurait pu aisément se
venger en déclarant, si tel avait été le cas, qu’il s’agissait d’une mise en scène.
Peter Byrne remarque également que l’emplacement présentait des risques. En effet, le vendredi
après-midi, on peut y rencontrer des chasseurs, des amateurs de randonnées, et il y a dans la région
des lieux isolés qui conviendraient certainement mieux à la mise en œuvre d’un canular.
Le Dr Grover Krantz interrogea Bob Gimlin peu après le décès de Patterson : Gimlin l’assura qu’il
lui était impossible de présenter le moindre argument pour étayer la thèse d’une tromperie perpétuée
par son partenaire. En supposant que Patterson eût imaginé la participation d’un acolyte vêtu d’un
costume de fourrure, ce dernier aurait pu y laisser la vie. Patterson et Gimlin avaient décidé de ne
pas utiliser d’arme à feu. Mais en cas de rencontre inopinée avec le Sasquatch, vrai ou faux,
Patterson pouvait-il préjuger du comportement de Gimlin ? Ce dernier, sous le coup de la panique,
ou bien encore estimant son compagnon menacé, n’aurait-il pas fait feu ?
En fin de compte, Patterson était-il techniquement capable de se livrer à une « fabrication » ?
Grover Krantz – de même que Peter Byrne – répond négativement. Lorsque Grover Krantz,
commentant le film, aborda les détails techniques de biomécanique, Patterson perdit pied
rapidement, à la manière du jeune étudiant qui, le regard perdu, tente de se raccrocher à ses maigres
connaissances. Pourtant, afin de produire un document falsifié tant soit peu convaincant, Patterson
aurait nécessairement dû connaître ces détails d’ordre biomécanique.
On peut ainsi multiplier les questions et les suppositions sans pour autant dissiper le mystère qui
pèse sur l’objet observé comme sur l’observateur. En l’occurrence, qui était Patterson ? J’ai souvent
scruté son visage sur les photographies. J’y ai vu un cavalier vieillissant, aux traits marqués à la
manière du Montgomery Cliff du film de John Huston, Les Désaxés (The Misfits) ; un de ces
Américains simples, aventureux, cow-boy de rodéos, organisateur de spectacles, un peu cascadeur,
s’adaptant aux circonstances, vivant sans grand souci du confort matériel dans son petit ranch. Sa
silhouette, chapeau à larges bords, veste en peau de mouton à col retourné, bottes à talons, se
découpe sur la maison d’habitation modeste en planches et en rondins. Je l’imagine sans peine,
chevauchant au bord des torrents, s’enfonçant sous les grands arbres de la forêt, l’œil et l’oreille
naturellement aux aguets, dans le cadre sauvage qui fut le sien.
Était-il, comme je le croirais volontiers, un être solitaire qui ne cessa d’interroger la forêt ? Celle-ci,
un certain jour, lui envoya un signe – sans doute -– qui l’écarta un peu plus de la communauté des
hommes.
Jean-Paul Debenat
Source : Para Sciences

Documents pareils