Pièges à éviter
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Pièges à éviter
PLANIFICATION SUCCESSORALE Pièges à éviter CAROLINE RHÉAUME onseiller un client ayant des liens avec les États-Unis peut être vu comme un défi intéressant pour certains et comme un véritable casse-tête pour d’autres. Bien des stratégies de planification fiscale et successorale qui seraient avantageuses pour un résident canadien pourront ne pas avoir les mêmes effets si le client ou un membre de sa famille est citoyen ou résident américain. À l’aide d’un cas pratique, nous dresserons la liste des éléments à analyser afin de bien conseiller un client ayant des liens avec les États-Unis et nous discuterons des stratégies à considérer. C Cas pratique – Le couple Marcoux Vous avez récemment eu une rencontre avec un nouveau client dénommé Marc Marcoux. Marc revient des États-Unis où il a passé six ans. C’est un poste d’ingénieur en informatique à Boca Raton en Floride qui l’avait amené à s’expatrier pour quelques années. Lors de votre rencontre, Marc est accompagné de sa conjointe Judy. Ils se sont rencontrés alors que Marc vivait aux États-Unis. Ils vous fournissent les informations suivantes : Marc et Judy se sont mariés à Boca Raton il y a deux ans; Ils sont revenus au Canada à la fin de l’année 2005; Marc est âgé de 48 ans alors que Judy est âgée de 45 ans; Judy est citoyenne américaine; Ils n’ont pas d’enfant. WWW.CONSEILLER.CA lorsque vous conseillez des clients ayant des liens avec les États-Unis Marc vous demande si vous êtes en mesure de l’aider à clarifier sa situation. Il a un revenu annuel de 200 000 $ plus boni. Sa conjointe ne travaille plus, mais détient des actifs d’environ 500 000 $ générant un revenu de placement. Il a une résidence à Montréal qu’il a payée 350 000 $. Il a un régime de pension américain de type 401(k) d’environ 70 000 $ qu’il désire rapatrier au Canada. Enfant unique, sa conjointe devrait hériter d’actifs ayant une valeur de près de 2 millions $US d’ici un an ou deux. Au cours de son séjour aux États-Unis, Marc a acheté une résidence à Boca Raton qu’il aimerait conserver, valant environ 800 000 $. Marc ne détient pas de carte verte et n’est pas citoyen américain. Grâce aux options d’achat d’actions qu’il a reçues et exercées lors de son séjour, Marc a réussi à amasser 750 000 $. Cette somme est présentement investie dans des placements à court terme. Il possède aussi un REER de 120 000 $, dont 20 000 $ sont investis en actions de sociétés américaines. Durant la période où il vivait aux États-Unis, Marc n’était pas résident canadien. Judy a entendu dire qu’elle pourrait être assujettie aux droits successoraux américains à son décès compte tenu de sa citoyenneté américaine. Afin d’éviter ce problème, elle songe, soit à renoncer à sa citoyenneté américaine, soit à prendre une assurance vie afin de couvrir les impôts américains. Elle est également prête à faire des donations de son vivant si nécessaire. Marc croit pouvoir rapatrier son OBJECTIF CONSEILLER 26 401(k) au Canada sans impôt, car il n’est plus résident américain. Marc aimerait également souscrire une assurance vie dont Judy serait la bénéficiaire. Marc a un testament aux termes duquel il lègue tous ses biens à Judy en propriété absolue. Judy a un testament similaire. Ces testaments ont été faits au Québec. Bien qu’intéressante, la situation de Marc et de Judy comporte certaines complications. Avant de discuter de stratégies, quelques concepts de base doivent être bien compris afin d’éviter certains pièges. Citoyens américains vivant au Canada Les citoyens américains sont assujettis à l’impôt sur le revenu américain sur leurs revenus de toute provenance, à l’impôt sur les dons et aux droits successoraux américains. Toute personne née aux États-Unis est citoyenne américaine et est assujettie à ces impôts qu’elle vive ou non aux États-Unis. Les droits successoraux américains sont calculés sur la valeur de la succession mondiale, moins certaines dettes. Pour l’année 2006, le taux maximal des droits successoraux est de 46%. Pour 2006, dans la mesure où la valeur de la succession mondiale du citoyen américain n’excède pas 2 millions $US, il n’y aura pas de droits successoraux à payer. Selon ce qui est actuellement prévu par le gouvernement américain, ce montant devrait demeurer à 2 millions$US pour 2007 et 2008 et augmenter à 3,5 millions$US pour 2009. Le gouvernement américain a annoncé que les droits successoraux seront abolis en 2010 mais, en l’absence de modification législative, ils seront réintroduits en 2011 avec une exemption de un million$US. Il est à noter que dans le calcul de la valeur de la succession mondiale, nous devons inclure la valeur des biens tels que les REER, les régimes de pension, les options d’achat d’actions, les biens immobiliers et les polices d’assurance vie, notamment lorsque le citoyen américain a des droits dans la police communément appelés incidents of ownership. Le droit de changer les bénéficiaires, de résilier la police, d’emprunter sur elle ou de la donner en garantie sont des exemples d’incidents of ownership. Les citoyens américains sont également assujettis à l’impôt sur les dons. Ceux-ci ont toutefois droit à une exemption à vie de un million $US. De plus, ils ont droit à une exemption annuelle de 12 000 $US (pour 2006) par donation, par donataire, autre qu’un conjoint. Si le donataire est un conjoint citoyen américain, l’exemption est d’un montant illimité. Si le donataire est un conjoint qui n’est pas citoyen américain, l’exemption est de 120 000 $US pour 2006. L’utilisation d’une partie de l’exemption à vie peut toutefois avoir un impact sur le crédit global disponible aux fins des droits successoraux américains et réduire ce crédit. Résidents canadiens ayant des biens aux États-Unis Les résidents canadiens peuvent être assujettis à l’impôt sur le revenu américain s’ils gagnent du revenu de source américaine. Ils peuvent également être assujettis aux droits successoraux américains s’ils détiennent des biens situés aux États-Unis, ce qui inclut les actions de sociétés américaines détenues personnellement ou dans un REER ou FERR, les options d’achat d’actions de sociétés américaines, les régimes de pension américains et les biens immobiliers situés aux États-Unis. Il est vrai que grâce à la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis les droits successoraux peuvent être réduits. Selon la Convention fiscale, un crédit égal au plus élevé des montants suivants peut être réclamé en réduction des droits successoraux américains : • • 13 000 $US et Valeur des biens américains Valeur de la succession mondiale x crédit global pour l’année du décès Sur la base de cette formule, un Canadien dont la valeur de la succession mondiale est inférieure à 2 millions $US n’aura généralement pas de droits successoraux à payer. En 2009, ce montant augmentera à 3,5 millions $US. Une déclaration de droits successoraux doit toutefois être produite si la succession veut prendre avantage de la Convention. Les Canadiens qui ne sont pas citoyens américains peuvent également être assujettis à l’impôt sur les dons lors de la donation de certains biens situés aux États-Unis. Ils n’ont toutefois pas droit à l’exemption à vie de un million $US, mais ont droit aux autres exemptions mentionnées précédemment. Sur la base des informations reçues de la part des clients, nous pouvons déjà faire les constats suivants: Judy Dans la mesure où elle gagne des revenus, Judy devra produire des déclarations de revenus aux autorités fiscales canadiennes et américaines. Bien que la valeur des biens détenus par Judy n’excède pas 2 millions $US pour le moment, une fois qu’elle aura reçu son héritage, sa situation sera différente. On peut également se questionner sur la façon dont le testament de Marc est rédigé. Compte tenu de la valeur de ses biens mondiaux, s’il devait léguer le tout à Judy en propriété absolue, cela aurait pour effet d’augmenter de façon importante son assujettissement aux droits successoraux amériJUIN 2006 27 cains. Si Marc devait prendre une police d’assurance vie payable directement à Judy, cela aurait aussi pour effet d’augmenter les droits successoraux payables par la conjointe. De son côté, Judy devra bien analyser sa situation globale avant de souscrire une assurance vie afin de ne pas augmenter son assujettissement aux droits successoraux américains. Faire des donations de son vivant n’est pas nécessairement la solution. Marc Si nous examinons la situation de Marc, nous notons que, selon la liste de ses biens, sa succession mondiale approche les 2 millions$US et que ses biens situés aux États-Unis valent environ 800 000 $US (résidence, 401(k) et REER portion US). Dans la mesure où la valeur de sa succession mondiale augmente avec les années, il pourrait éventuellement faire face à un problème de droits successoraux américains. S’il devait hériter de Judy, l’impact pourrait être majeur. À titre d’indication, Marc aurait des droits successoraux payables de plus de 250 000 $US sur ses biens situés aux États-Unis avant toute planification fiscale et tout crédit. Lors de prochaines chroniques, nous discuterons de certaines idées de planification visant à réduire l’impact des droits successoraux américains. Nous discuterons également des façons d’intégrer l’assurance vie dans la planification financière de Marc et de Judy, de la façon de rapatrier le régime 401(k) au Canada et des impacts pour Judy de renoncer à OC sa citoyenneté américaine. Caroline Rhéaume, avocate, M.fisc., AdmA., Pl.fin., Conseillère Gestion de Patrimoine, Partenaires Financiers Richardson Ltée. WWW.CONSEILLER.CA