Inauguration de la Place Jacques Demy Samedi 5 Juin 2004

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Inauguration de la Place Jacques Demy Samedi 5 Juin 2004
Inauguration de la
Place Jacques Demy
Samedi 5 Juin 2004
Monsieur le Maire de Paris,
Monsieur le Président du Conseil Régional d’Ile de France,
Chère Agnès Varda, Chère Rosalie Varda-Demy et Cher
Mathieu Demy,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Ce 5 juin n’a rien d’une journée ordinaire.
C’est le jour que nous avons choisi avec Bertrand Delanoë et la
famille de Jacques Demy pour rendre hommage à ce grand cinéaste,
en cette date anniversaire de sa naissance il y a 73 ans.
Votre présence, Monsieur le Maire, donne à cette inauguration
toute l’importance qu’elle mérite. Au nom des élus et des habitants du
14ème, je veux vous en remercier tout particulièrement.
La décision de donner le nom de Jacques Demy à cette place que
la « vox populi » avait l’habitude d’appeler « Place du marché » a été
prise à l’unanimité par le Conseil de Paris à la veille des dernières
élections municipales.
Avec mon équipe municipale, j’ai voulu que cette journée soit
empreinte de l’univers de Jacques Demy, en faisant du Carnaval du
14ème qui se déroule en ce moment le décor enchanté et vivant de cet
hommage.
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Ce cinéaste d’exception aurait peut être aimé peindre cette place
en jaune et en faire le théâtre d’une comédie musicale à l’instar de la
place Colbert dans Les Demoiselles de Rochefort.
Vous avez sans doute cet après-midi croisé des enfants qui
semblent sortir de l’univers de Peau d’Ane, inspiré des contes de
Charles Perrault.
La passion de Jacques Demy pour les couleurs et la peinture se
retrouve dans la beauté magique de ses films.
Jacques Demy disait : « J’aime la couleur violente. Je crois qu’elle a
des effets bénéfiques sur l’homme. Un certain rose m’excite, un bleu
me met de bonne humeur, un certain vert me fait rire ». Il se
considérait comme un coloriste aimant faire « chanter ensemble un
rouge et un rose ».
A la beauté des couleurs, il associe celle des musiques de ses
films, composées, avec quel talent, par Michel Legrand, son alter ego
musicien, son frère de création.
La vie de ce « passeur de merveilles », pour reprendre
l’expression si belle et si juste des « Cahiers du cinéma », fut, dès
l’âge de 9 ans, tout entière consacrée au cinéma et à l’art.
Son cinéma ne ressemble à aucun autre. Auteur, metteur en
scène, réalisateur, il fut l’inventeur d’un genre et d’un style
nouveaux : « le film en chanté » comme il se plaisait à le dire luimême.
Il rencontra très vite le succès avec Les Parapluies de
Cherbourg, film qui reçut la Palme d’or à Cannes en 1964. Puis il
réalisa Les Demoiselles de Rochefort et Peau d’Ane, et plus tard
Une Chambre en Ville, véritables œuvres d’art qui appartiennent à la
culture et à l’imaginaire de milliers de femmes et d’hommes.
Le cœur de Jacques Demy appartient sans nul doute à la ville de
Nantes. Cette ville a marqué toute sa vie et tout son univers de
création. Il y passa sa jeunesse avant de venir à Paris en 1958. Il a
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laissé à Agnès Varda, sa femme, le soin de s’en faire le témoin en lui
confiant son récit « Une enfance heureuse », à partir duquel Agnès
Varda a réalisé le très beau film Jacquot de Nantes.
En 1959, Jacques Demy s’installa dans le 14ème, rue Daguerre
qui devint pour lui comme un second port d’attache. Il y revenait avec
plaisir après chaque voyage. Il y vécut avec Agnès Varda et leurs
enfants.
En bon »Daguerréotype » comme dirait Agnès, il aimait ce quartier et
ses habitants, il aimait le 14ème.
Permettez-moi à cet égard d’évoquer un souvenir personnel. C’était à
l’Entrepôt, il y a un peu plus de 15 ans, à la veille d’élections
municipales auxquelles je participais. J’y tenais une réunion festive. A
ma plus grande surprise, mais pour mon plus grand bonheur, Jacques
Demy, qui ne fit jamais partie d’aucun comité électoral, vint,
accompagné d’Agnès Varda, apporter son soutien au jeune candidat
que j’étais, déterminé déjà à travailler et à agir pour son
arrondissement, qui était le sien et qui est toujours celui d’Agnès
Varda.
Non seulement reconnu, mais aimé dans le monde du cinéma et
bien au-delà, Jacques Demy a profondément marqué le destin de ses
comédiens et comédiennes, qu’il aimait, comme Anouk Aimée,
Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, Yves Montand, Danielle
Darrieux, Marcello Mastroiani, Jeanne Moreau, Jean Marais, Delphine
Seyrig, Danièle Delorme, Michel Piccoli et bien d’autres grands
acteurs ; je ne peux les citer tous. Tous ces comédiens et l’équipe qui
l’entourait au quotidien aimaient à dire que Jacques Demy était « un
maître humain, doux, attentif », « d’une grande pureté dans son regard
et son cœur », selon l’expression de Jean Marais.
Jacques Demy était un homme audacieux. Il a enrichi le cinéma
de films populaires sur fond de guerre - la guerre d’Algérie dans Les
Parapluies de Cherbourg - ou de lutte sociale - la grève des chantiers
navals de Nantes en 1955 dans Une chambre en Ville -. Joyeux ou
tristes, ses films ont toujours pris la défense des travailleurs et des
sans grade. Ses héros sont les « prolos » : ouvriers, garagistes,
employés de banque, des travailleurs comme lui-même : sa mère était
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coiffeuse, son père garagiste. Comme l’a dit si joliment sa femme,
« mécanique et coiffure ont été les deux mamelles de Jacquot ».
Enfin, je souhaite terminer cet hommage en saluant
chaleureusement la famille de Jacques Demy. Agnès Varda tout
d’abord, son épouse, figure emblématique de notre 14ème, qui occupe
elle aussi une grande place dans le cinéma et qui a restauré trois des
films de Jacques Demy en leur redonnant leurs couleurs d’origine :
Les Parapluies de Cherbourg, Les Demoiselles de Rochefort, et
très récemment Peau d’Ane que vous pourrez découvrir ou
redécouvrir ce soir en projection sur le parvis de la Mairie. Agnès
Varda est un relais entre l’œuvre de Jacques Demy et son public.
Leurs enfants ensuite : Rosalie Varda-Demy, costumière de
cinéma, et Matthieu Demy, comédien et réalisateur.
Enfin, je ne saurais oublier sa sœur Hélène Demy, présente
parmi nous, et son frère Yvon Demy qui n’a pu être des nôtres.
Chers amis, en honorant aujourd’hui la mémoire et l’œuvre
magnifique de Jacques Demy, en lui consacrant cette place, c’est à
tout le 7ème art que nous rendons hommage.
Puisse cette place contribuer symboliquement à ce que le 14ème
demeure une terre d’accueil et de création pour les artistes.
Un grand merci, un très grand merci à Jacques Demy.
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