La Comédie Musicale

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La Comédie Musicale
La Comédie Musicale
de Hollywood à Jacques Demy
Si la Comédie Musicale est, aujourd'hui, à de rares exceptions près, un
genre de cinéma appartenant au passé, son histoire est fortement liée à
l'avènement du cinéma sonore. Petit retour en arrière. Et petite précision
sémantique : avant le cinéma parlant, le cinéma existait. Si, si... Nombre
de chefs d'oeuvre du Septième art ont été réalisés avant les années
1930. Que l'on pense à l'Aurore ou le Dernier des hommes de Murnau, la
Foule de Vidor ou encore les films de Chaplin... C'est pourquoi il est
toujours gênant de juxtaposer un qualificatif définissant un handicap
(muet) et le terme de cinéma lorsque l'on désigne la production de cette
époque...
On situe habituellement la première tentative de « cinéma parlant » en
1927, avec la projection du Chanteur de jazz (The Jazz singer) d'Alan
Crosland, mais de nombreuses expériences dans ce sens furent menées
bien avant cette date. En fait, frappées par une baisse importante de la
fréquentation des salles, les Majors avaient tenté à plusieurs reprises de
mettre au point la synchronisation de l'image et du son dans le but de
donner un nouvel élan au spectacle cinématographique. Il faut savoir que
les numéros musicaux, chantés ou dansés, ont toujours été présents dans
les salles de spectacle. Et la musique, un simple piano ou un orchestre
entier pour les productions prestigieuses, a régulièrement accompagné la
projection des films. Il était donc tout à fait naturel, pour l'industrie du
cinéma, de puiser dans la tradition du « musical » américain - celle de
Broadway surtout - pour un « inventer » une nouvelle forme de spectacle
cinématographique. On ne s'étonnera donc pas que la première réussite
en la matière concernât une « Comédie Musicale ». Le genre était né.
Grâce au succès du film d'Alan Crosland puis celui de The Singing Fool
(toujours avec Al Jolson grimé en Noir),
qui, l'année suivante, rapporte deux fois
plus de recettes que le Chanteur de
jazz, les grands studios hollywoodiens
signent un accord pour mettre fin à ce
que désormais on appelera le « cinéma
muet » (à noter que les Américains
qualifient ce cinéma de « silencieux »).
Chantons sous la pluie (Singin' in the
Photo de promotion pour
Chantons sous la pluie
rain), incontournable « must » de la
Comédie musicale, réalisé par Stanley Donen et Gene Kelly en 1952,
décrit avec beaucoup d'humour et de virtuosité le passage au « parlant ».
Mais ce film est également l'une des dernières réussites du genre.
C'est dans les années 30 et 40 que se situe l'Âge d'or de la Comédie
musicale. Son déclin commençant avec la désaffection des salles au cours
des années 50, due en grande partie à la concurrence d'un tout nouveau
média, la télévision.
On le sait, l'autre grand événement qui secoua l'Amérique dans les années
1930, avant d'atteindre l'Europe, fut la Crise financière sans précédent
et la terrible récession qui en découla. Le tout nouveau cinéma parlant se
donnait donc pour mission d'en mettre plein les yeux et les oreilles à un
public déprimé par la situation économique et sociale. Grande liberté fut
alors donnée à des réalisateurs inventifs comme Busby Berkeley qui
expérimentait une mise en scène purement graphique des « Musicals de
Broadway »
:
plans
en
plongée,
chorégraphies
hallucinantes
et
foisonnement kaléïdoscopique. A la RKO, studio le plus artisanal, on misa
tout sur le duo Fred Astaire-Ginger Rogers qui assura la réussite
financière de la petite Major avec des films comme la Joyeuse divorcée
(1934), le Danseur du dessus (Top Hat,
1935) ou encore Sur les ailes de la danse
(Swing Time, 1936)...
Côté
MGM,
Ziegfeld
c'est
(1936)
département
avec
que
musical
ça
sera
The
Great
décolle.
Le
confié
au
compositeur Arthur Freed qui, pour sa
première production, lance la jeune Judy
Garland dans le Magicien d'Oz (1939).
Les inséparables Ginger Rogers
et Fred Astaire
Dès lors, la MGM et Arthur Freed feront la pluie et le beau temps à
Hollywood. Car après la Prohibition, la Crise et la Dépression, ce fut au
tour de la Deuxième Guerre mondiale de miner le moral des spectateurs.
La pimpante Cyd Charisse à l'affiche de
Tous en scène
La MGM récupère Busby Berkeley et donne carte blanche au génie de
Gene Kelly et Stanley Donen et à celui de Vincente Minnelli : le Pirate
(1948), Un jour à New-York (On the Town, 1949), Un Américain à
Paris (1951), Chantons sous la pluie (1952), Tous en scène (The Band
wagon, 1953)... sont tous issus de la MGM et produits par Arthur Freed.
A la fin des années 50, devant les coûts de production de plus en plus
élevés, les grands studios externalisent les tournages et débutent leur
lent mais certain déclin. La contre-culture, le rock en tête, jette un voile
de désuétude sur la comédie musicale traditionnelle. West Side Story
(1961) s'inscrit dans ce souci de répondre aux attentes du jeune public,
mais la fin est proche. Les dernières réussites seront des cas isolés.
Dans les années 70, un chorégraphe de Broadway fougueux et plein de
talent, Bob Fosse, donne encore au genre de belles offrandes : Sweet
Charity, remake dansé et chanté des Nuits de Cabiria de Fellini (1969),
Cabaret, film aux 8 Oscars,
avec
la
fille
de
Vincente
Minnelli et de Judy Garland,
Liza Minnelli (1972) et Que le
spectacle commence (All that
Jazz, 1979).
Le
jeune
Brian
de
Palma
mariera Musical et rock avec
Liza Minnelli dans Cabaret
Phantom of Paradise (1974)
et en 1978, en pleine vague disco, on tentera d'exploiter le filon avec la
Fièvre du samedi soir qui révélera John Travolta. La même année, Hair
de Milos Forman revenait sur la période hippie en adaptant un show à
succès de Broadway. A noter encore, plus près de nous, les « hommages »
ponctuels comme Tout le monde dit I love you de Woody Allen (1997) ou
encore le disjoncté Moulin Rouge de Baz Luhrmann (2001).
En France, un cinéaste a inventé un genre à lui tout seul, le « cinéma enchanté ». Dès son premier film, Lola (1960), Jacques Demy rêve en
couleurs, scope et musique. Faute des financements nécessaires et sous
l'influence de la Nouvelle vague, Lola sera un film, certes en scope, mais
en Noir et blanc et sans véritables numéros musicaux.
Partie remise avec les Paraluies de Cherbourg (1964), où, avec la
complicité de Michel Legrand, Demy met entièrement en musique tous les
dialogues de ce mélodrame qui lui vaut la Palme d'or à Cannes.
Catherine Deneuve et Nino Castelnuovo dans les flamboyants
Parapluies de Cherbourg
Les Demoiselles de Rochefort (1967) convoque Gene Kelly pour un
second rôle éblouissant dans cet hommage au Musical hollywoodien. Peau
d'Ane en 1970 puis Une chambre en ville en 1982 sont encore de belles
et audacieuses réussites. En France toujours, le couple DucastelMartineau, pour leur premier film en 1998, rendent un hommage évident à
Demy. Aucun hasard à retrouver en tête du générique de Jeanne et le
garçon formidable, mélo chanté à l'heure du Sida, le fils de Jacques
Demy et Agnès Varda, Mathieu Demy.
Et puis, le cinéma ne se limite pas au seul Occident. En Inde, le cinéma a
fait sien ce genre très populaire. Et depuis quelques années, la puissante
industrie de Bombay est surnommée Bollywood, contraction de Bombay et
Hollywood. Mais, ce ci est une autre histoire... CP