Balai, Pelle et Viviane…

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Balai, Pelle et Viviane…
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Balai, Pelle et Viviane…
En cette fin d’année 2010, je devais prendre
connaissance que le nombre global des salariés de la commune de Beaumont s’élève à soixante
dont quarante agents territoriaux titulaires, à temps plein ou à temps partiel. En ce début de l’année
1975 le nombre de tous les employés de notre commune était alors de neuf dont cinq titulaires à
plein temps. La commune comptait alors 1873 habitants au recensement officiel organisé au mois
de mars 1975. Ce qui signifie que aujourd’hui, la commune comptant un peu plus de quatre mille
habitants, la proportionnalité des emplois titulaires communaux s’est multipliée par huit, ni plus ni
moins mais toute de même cela. Puisque alors seulement trois ouvriers municipaux dont deux à
plein temps, André et Yves, assuraient à maxima l’ordinaire du travail communal d’alors. Tous les
trois, avec Marcel, le chauffeur du camion, assuraient simultanément la collecte villageoise des
ordures ménagères, service alors non concédé à une entreprise privée. A une époque à laquelle le tri
sélectif n’existait pas, ce qui signifiait des masses énormes, volumineuses et lourdes à évacuer, à
foisonner et à réduire par le feu, à la décharge municipale du quartier d’Orfeuille.
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Entre autre activité, un prenant travail obligeait
nos deux employés de la voirie à assurer l’entretien des rues de Beaumont en leur rendant une
propreté exemplaire. C’était principalement le domaine de compétence de André. Ce dévoué
employé de notre commune alors dont la qualification professionnelle était : Ouvrier d’Entretien de
la Voie Publique. Plus tard, fut amené à être nommé Ouvrier Professionnel de 1er Catégorie…Et
ceci par naturelle reconnaissance de la qualité de son travail. Lui qui, quelle que fut la saison, le soir
venu, déposait son balai, sa pelle et sa viviane dans le petit local technique, une sorte d’entrepôt
municipal, exigu et malaisé. C’était un lieu insuffisant de remisage du peu d’outils communaux à
leur disposition. Pour les utiliser sur la place du Rasset, et dans les rues en coeur de bourgade.
Alors, pour lui, caniveaux et rigoles, avaloirs et
grilles ne possédaient pas de secret. A la saison de l’automne, des amas de feuillages en provenance
des platanes de l’entour obstruaient l’écoulement d’autant de masses d’eaux pluviales. A une
époque bien pluvieuse. Alors, le brave André, le balai à la main donnait généreusement de sa
disponibilité en rendant dégagées de toutes salissures les ruelles, rues, venelles et places et placettes
de la commune.
Il en allait aussi de la propreté de la place de
l’Eglise à l’occasion du marché hebdomadaire du samedi matin. Alors, très fréquenté par les
ménagères du village, ce marché comptait simultanément deux marchands de légumes. Chacun sait
que cette corporation délaisse habituellement sur place autant d’immondices d’origine végétale, des
éléments périssables qu’il importait de transporter sans attendre à la même décharge municipale
d’Orfeuille. Vers midi et demi, alors par alternance, André et Yves nettoyaient proprement la
place et à l’aide du même camion utilisable que pour les ordures ménagères de la semaine…A la
satisfaction générale, ils laissaient place nette et irréprochable. Il s’agissait d’une astreinte, eux qui
d’ordinaire ne travaillaient pas le samedi. De bonne grâce, ils acceptaient cette intervention se
révélant telle une véritable corvée, l’astreinte du nettoyeur.
Parce que aussi de ce temps là, les ouvriers de la
voirie ne disposaient pas de moteur portatif soufflant et qui aurait pu leur être utile à l’occasion du
corso pascal. En effet au lendemain des festivités, les places et rues de la commune se trouvaient
jonchées par des amas de confettis et autres objets de la fête, cotillons et serpentins. Alors, tous les
deux, toujours André et Yves et malgré la pénibilité de l’ouvrage urgent et prenant, faisaient de
leur mieux en ne comptant ni leur fatigue ni leur dénouement. Aujourd’hui, les employés font usage
d’un outillage performant, ce qui n’était pas le cas d’alors.
Ainsi en allait le nettoiement des rues du village
automnal, hebdomadaire du samedi et en lendemain de corso. Le temps n’était pourtant pas à la
précipitation mais à l’application, au calme, à la concorde et à la sérénité quoique limitée dans le
temps. Le travail s’accomplissait simplement et patiemment, calmement mais avec toute la
conscience voulue. Si les balayeurs de Beaumont possèdent aujourd’hui des véhicules et des outils
efficients et adaptés…Alors, nos compagnons ne possédaient bien sûr pas de véhicule léger. La
commune ne possédait en tout et pour tout que d’un petit camion de la marque Saviem, d’occasion
quand il n’était pas en panne, ce qui s’avérait fréquent. Il en allait de leur dénuement d’alors. Il en
va autrement de l’équipement actuel de la nouvelle génération des balayeurs municipaux. Pour
autant et à titre de comparaison, les employés du secrétariat de mairie se trouvaient placés, à leur
niveau d’équipement, dans le même corollaire dénuement. Personne ne s’en plaignait pendant que
tous le déploraient tout de même, faute de pouvoir attendre mieux.
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Sans rechigner, il importait de faire avec, en une
époque comme pionnière, démunie et dont les survivants se souviennent des circonstances avec
douceur et tout de même reconnaissance. Vis-à-vis de cette situation ingrate et exigeante,
aujourd’hui, personne n’éprouve de rancœur…Eux tous qui travaillaient alors pendant 42 heures
par semaine, comparativement aux 35 heures légales actuelles. Eux qui ne bénéficiaient pas de
vêtements de travail ni de treizième mois de salaire. Eux tous placés à contribution parce que seul le
travail décidait, tous se montrant corvéables, mobilisables à tous moments. Eux qui en retour ne se
trouvaient pas pour autant rétribués à hauteur rigoureuse de toutes leurs heures supplémentaires
intégralement effectuées. C’était de ce temps d’il y a 38 années aujourd’hui, un autre petit monde
comme à la même place de celui d’aujourd’hui mais dans des conditions matérielles et
professionnelles tellement différentes et difficiles, très insuffisantes mais admises avec résignation
et surtout avec fierté. Parce que c’était de ce temps pendant lequel sur la voie publique s’utilisaient
au fil des jours ouvrables et des saisons se succédant à si vive allure…
Balai, Pelle et Viviane…
Jean d’Orfeuille

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