Common Law et Commonwealth Caraïbe

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Common Law et Commonwealth Caraïbe
CoMMoM LAw et CoMMoNweALth CARAïBe
Préface
Rédigé dans un style clair et accessible, l’ouvrage de Renuga Devivoisset constitue une excellente introduction à la Common law et un
remarquable viatique pour naviguer à travers des systèmes juridiques issus
de la matrice initiale anglaise. L’on sait en effet que la Common law relève
d’une tradition spécifique, distincte de celle marquée par le droit romain,
et se retrouve aussi bien aux etats-Unis que dans la plupart des etats
membres du Commonwealth britannique, y compris, bien sûr, ceux qui
appartiennent à l’aire caraïbe. Le lecteur francophone intéressé - on pense
en particulier aux étudiants inscrits en faculté de droit auxquels l’ouvrage
est prioritairement destiné - pourra donc utilement se familiariser avec les
notions élémentaires forgées par cette tradition juridique et les voir fonctionner dans des contextes variés, qu’il s’agisse de l’Angleterre, des etatsUnis ou encore des etats ou territoires de la Caraïbe.
Car le travail réalisé par Renuga Devi-voisset n’est pas qu’une simple
introduction à la Common law. Force est d’admettre qu’il est aussi et surtout le premier ouvrage didactique permettant à un public d’étudiants francophones d’accéder au droit de la Caraïbe anglophone. Ce n’est pas son
moindre mérite que d’avoir réuni, sous la forme d’une synthèse remarquable, des matériaux généralement dispersés reflétant l’extrême fragmentation d’une région, y compris l’aire anglophone qui nous intéresse
plus particulièrement ici. D’autant que, par ailleurs, cette synthèse se nourrit très largement, sans se départir de sa vocation pédagogique, d’un savoir
spécialisé, trop souvent confiné dans quelques ouvrages difficilement
accessibles.
Ainsi l’auteur montre comment les liens historiques tissés à travers la
colonisation ont pesé sur la formation - et continuent à peser sur le devenir - des systèmes juridiques et légaux en vigueur dans la Caraïbe du
Commonwealth. en dépit de l’indépendance acquise à partir des années 60
par une bonne partie des territoires sous domination britannique et de la
volonté affichée et constamment réaffirmée de se forger une nouvelle identité, les etats concernés reproduisent pour l’essentiel le modèle de l’ancienne métropole. en dehors de quelques variantes représentées
notamment par la petite île de sainte-Lucie et le Guyana qui sont pour
autant loin de remettre en cause le modèle dominant, l’orthodoxie juridique semble être la règle. sauf peut être en matière de droit jurisprudentiel et écrit applicable à la réglementation des centres financiers offshore.
ici, en effet, les territoires non indépendants prennent très nettement leur
distance avec la réglementation en vigueur dans la métropole, au risque de
susciter des tensions et des conflits au sein même du CARiCoM. Risque
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ReNUGA Devi-voisset
calculé néanmoins, tant il est vrai que les intérêts financiers associés à ces
centres offshore sont considérables.
Ailleurs, la reproduction du modèle juridique hérité de la période
coloniale ne va pas sans générer des interrogations : de plus en plus de
voix s’élèvent pour demander si les sociétés en question, dont le développement est nettement dissocié de celui du Royaume Uni, sont encore en
phase avec leurs propres systèmes juridiques et légaux actuels. A cet
égard, cette étude tombe à point nommé pour les étudiants et tous ceux qui
sont soucieux de comprendre les tenants et les aboutissants des débats qui
se font jour dans la région. Au plan horizontal, des interrogations se nourrissent, par exemple, de la régionalisation du droit induite par la mise en
place par des structures telles que la CARiCoM ; mais d’autres puisent
également leur vigueur dans les relations – verticales cette fois – unissant
les territoires, indépendants ou non, à la Grande Bretagne à travers le
Conseil Privé. Cour suprême d’Appel pour l’ensemble des pays anglophones de la région, à l’exception de la République du Guyana, le Conseil
Privé est fréquemment critiqué : il lui est reproché une certaine incapacité
à se prononcer conformément aux attentes exprimées localement et pour
tout dire d’être déphasé par rapport à la réalité spécifique de la Caraïbe
anglophone. D’où la volonté de plus en plus clairement affichée en faveur
de la création d’une Cour d’Appel de la Caraïbe anglophone…
Au total, Renuga Devi-voisset nous livre un manuel dont l’utilité pour
les étudiants de l’Université des Antilles et de la Guyane, mais de manière
générale, tous ceux qui désirent découvrir les spécificités de la région par
rapport à la Common law et au droit des etats-Unis ne fait aucun doute. il
couvre en effet tout le spectre de la Common law : des sources anglaises
aux « variantes » caraïbes, en passant par le modèle américain, il offre un
« circuit » pédagogique complet et adapté aux étudiants de second et troisième cycles, dont en particulier ceux qui préparent des diplômes d’études
spécialisées et qui pourront utilement se reporter aux développements systématiquement consacrés au droit commercial. Un dernier mot pour dire
que le lecteur ne peut que sortir enrichi d’un ouvrage qui propose, par
ailleurs, à ceux qui le souhaitent, d’aller plus loin grâce à la bibliographie
en français et en anglais placée à la fin de chaque chapitre.
Justin DANieL
Directeur du CRPLC
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CoMMoM LAw et CoMMoNweALth CARAïBe
Introduction
Avec une population d’environ six millions d’habitants, les treize
etats anglophones (ou plus exactement : anglo-créolophones) et les six
colonies ou territoires dépendants de la Couronne britannique forment ce
qu’il est convenu d’appeler le ‘Commonnwealth caraïbe’ - à quoi il
convient d’ajouter, linguistiquement, les iles vierges américaines et Puerto
Rico. Celui-ci n’occupe donc que la troisième place linguistique, en
termes de poids démographique, derrière la Caraïbe franco-créolophone
(8 millions de locuteurs, dont 7, 2 en haïti) et bien sûr la Grande Caraïbe
hispanophone (50 millions sans le ‘Groupe des trois’ - Colombie, venezuela, Mexique). Mais son intérêt premier, pour le juriste comme pour
d’autres disciplines, se situe ailleurs. Le Commonwealth caraïbe est
d’abord un lien entre l’Amérique anglophone du nord et l’Amérique
latine. Mais, tandis qu’il est lié, géographiquement, à l’immense puissance
juridique américaine, il l’est, historiquement, avec l’un des systèmes juridiques les plus répandus dans le monde avec le droit civil hérité du droit
latin, la Common law originaire d’Angleterre. Cependant, américaine
et européenne, la Caraïbe se revendique aujourd’hui de plus en plus
caribéenne.
Cet ouvrage souhaite apporter aux étudiants de droit et au public francophone concerné un accès méthodique à cet espace légal très peu accessible à ce jour, en-dehors des recherches spécialisées de langue anglaise. il
est divisé en trois sections. La seCtioN i retrace l’origine de la Common
law de l’Angleterre et du Pays de Galles, et en présente les grands traits
spécifiques. La seCtioN ii est consacrée aux etats-Unis, qui constituent
dans le monde actuel la plus grande nation pratiquant une forme adaptée
de Common law, et qui exercent, de par la proximité géographique et la
puissance d’attraction, une influence de plus en plus marquée dans l’évolution actuelle de la région caraïbe. C’est à partir de ces fondements historico-géographiques que la seCtioN iii décrit les aspects les plus
marquants des systèmes juridiques du Commonwealth caraïbe.
Calqués, jusqu’aux indépendances, sur le modèle britannique, ceux-ci
n’en présentent pas moins un certain nombre de particularités, soit héritées
d’un passé colonial contradictoire, soit liées, depuis les indépendances, à
des volontés politiques de plus grande souveraineté juridique ou aux impératifs du réalisme économique (cas, par exemple, des législations dites offshore, qui ne sont par ailleurs nullement une spécificité caraïbe). il
convient de ne pas oublier, pour autant, le poids inverse de dépendances
juridictionnelles régionales et internationales de plus en plus lourdes. tandis que le Royaume-Uni européanise son système juridique, qui est le par-
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ReNUGA Devi-voisset
tage fondamental du Commonwealth caraïbe, tant les conventions internationales que la régionalisation politique de la Caraïbe et son intégration
future dans un contexte américain “hémisphérique” plaident dans le sens
d’une homogénéisation juridique de la région. il en ressort que l’une des
caractéristiques principales d’une “caribéisation” du système juridique
hérité dans le Commonwealth caraïbe est la contradiction entre, d’une
part, la nécessité de plus en plus pressante de se mettre en conformité avec
une législation toujours davantage internationalisée, et, d’autre part, une
exigence fondamentale des peuples, qui est de pouvoir se reconnaître à travers les lois qui les gouvernent. Ce que suzanne LaFont intitule, à propos
du droit de la famille en Jamaïque, “l’émergence d’une tradition légale
afro-caraïbe” (san Francisco, 1996) en est un signe de plus en plus visible
parmi d’autres - certains d’ailleurs fort problématiques (le retour de la
peine de mort…).
Compte tenu de la diversité et de la difficulté d’accès aux sources primordiales du droit jurisprudentiel dans la Caraïbe, il va de soi que cet
ouvrage ne prétend pas analyser de manière approfondie les systèmes en
question. Conçu comme un cours, ses objectifs sont les suivants : 1. servir
de manuel d’anglais juridique fondamental ; 2. apporter à son public : étudiants francophones de second et troisième cycle de droit en particulier,
des éléments d’initiation qui relèvent à la fois d’une indispensable
connaissance générale de la Common law, et d’une découverte juridique
de la Caraïbe anglophone - région le plus généralement oubliée des
ouvrages pédagogiques tant de droit international que de droit “angloaméricain” ; 3. offrir un certain nombre de cas, documents et textes
annexes au cours, qui permettent aux étudiants d’aborder, à partir des fondements de la Common law, quelques domaines juridiques : histoire du
droit et des institutions, évolution juridique des communautés afro-américaines, Caraïbe et droit international, droits de l’homme, etc. ; 4. enfin,
chaque seCtioN se termine par un chapitre plus spécialisé : droit des
contrats (seCtioN i), trusts (seCtioN ii), droit des sociétés (seCtioN iii). Ces chapitres sont plus particulièrement destinés aux étudiants
désirant s’engager dans un Dess, aux étudiants d’Aes, ou à tous ceux qui
souhaitent s’initier de manière générale sur les lois commerciales des pays
anglo-saxons, notamment dans la perspective d’échanges professionnels
avec les Antilles de langue anglaise. Chaque chapitre est suivi d’une brève
bibliographie qui permettra à ceux qui le souhaitent d’approfondir les
questions abordées.
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Nous avons donc regroupé à la fin des trois cours un certain nombre
de CAs, DoCUMeNts et teXtes, soit illustrant plus particulièrement
un domaine privilégié du cours, soit susceptibles d’une exploitation pédagogique plus spécifique en cours d’anglais juridique. Pour ce qui est de la
seCtioN i, nous avons donné la priorité, plutôt qu’aux liens traditionnels
du Royaume-Uni et du Commonwealth, à quelques questions qui concernent actuellement au plus haut point la Common law britannique dans le
cadre de l’Union européenne et, par ricochet, le positionnement vis-à-vis
CoMMoM LAw et CoMMoNweALth CARAïBe
de l’europe des pays du Commonwealth caraïbe : évolution des rapports
entre Droit Civil (droit inquisitorial) et Common law (droit adversarial)
dans le contexte de la codification internationale accélérée du Droit ; harmonisation de l’”europe légale” ; évolution de la société et du droit ; rapports entre la Cour européenne de Justice, la Cour européenne des Droits
de l’homme et l’éthique (Royaume-Uni et irlande) ; problèmes posés en
Grande-Bretagne par la création à tampere d’un réseau juridique intégré
de lutte contre la criminalité (eurojust).
Pour les etats-Unis, force était de s’en tenir à un choix radicalement
réduit : c’est pourquoi, là encore, nous avons donné la priorité à quelques
aspects susceptibles d’un écho tout particulier dans la Caraïbe. C’est ainsi
qu’une place spéciale a été réservée au cas des systèmes juridiques minoritaires américains ou associés aux etats-Unis (Louisiane, Puerto Rico),
lesquels manifestent la présence de la diversité juridique au cœur même du
‘continent’ devenu le plus lourd de la Common law ; aux grands moments
de l’évolution de la législation concernant la communauté Afro-américaine, de l’esclavage et de la doctrine du ‘equal but separate’ jusqu’aux
questionnements actuels sur la Discrimination positive (Affirmative
Action) ; aux débats internationaux liés à une pratique accrue de la peine
de mort ; à l’avenir du système électoral ; à quelques autres questions
éthiques liées soit à des débats qui ont fait histoire, soit à l’actualité
(internet et la censure)…
Quant au Commonwealth caraïbe, c’est donc la diversité des
contraintes légales héritées de son histoire, de sa géographie et de son obligation à gérer son propre avenir qui a dicté notre sélection trop rapide :
moments marquants de l’émancipation dans les colonies britanniques ;
présentation des constitutions, notamment à propos des Droits de
l’homme ; création de la future Caribbean Court of Justice et débats relatifs à l’usage de la peine de mort dans l’ensemble actuel du Commonwealth hors europe (cas de l’inde) ; poids juridique croissant de la
régionalisation sur les institutions (oeCe, CARiCoM, oeA) ; rôle et
évolution des juridictions hybrides caraïbes, dans le contexte plus large du
Commonwealth (réforme du droit civil français à sainte Lucie, cas du
Guyana et de l’Afrique du sud) ; place juridique des minorités amérindiennes de la Caraïbe, dans le contexte actuel de la revendication amérindienne pan-américaine et du Droit international des minorités (Guyana,
Dominique, Canada, Australie). il va de soi que la perspective pégagogique qui est la nôtre ne pouvait qu’offrir un aperçu de cette diversité abordée. Nous espérons cependant que la démarche par étapes adoptée, et la
diversité même des textes, permettra à un plus large public d’entrer dans
une « région légale » du monde riche de réflexions croisées et contradictoires sur l’avenir du « droit humain » qui sera celui des jeunes générations
polyglottes.
Une difficulté était le choix orthographique entre l’anglais standard et
l’américain. Nous avons choisi de rédiger chaque seCtioN avec le correcteur orthographique correspondant : le lecteur ne s’étonnera donc pas
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de lire par exemple ‘organisation programme’ dans la seCtioN i et
‘organization program’ dans la seCtioN ii.
Pour finir, un bref lexique permet de vérifier certains termes de vocabulaire effectivement utilisés dans l’ouvrage. Afin de ne pas alourdir inutilement le travail, nous renvoyons, pour un apprentissage plus approfondi
de la langue juridique anglaise, aux nombreux lexiques et manuels disponibles sur le marché et à notre brève sélection bibliographique.
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