Une médaille pour les kinés

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Une médaille pour les kinés
Une médaille
pour les kinés
La France a ramené sept médailles d’or olympiques. Si la victoire tient à
l’athlète, ce dernier s’appuie sur un staff d’encadrement et d’entraînement
dont font partie les masseurs-kinésithérapeutes du sport. Une jolie occasion
pour saluer leur travail.
par Marie-Laure Wallon
le dossier
JEUX OLYMPIQUES
D.R.
Le staff des kinésithérapeutes de l’Akef (Association des kinésithérapeutes des équipes de France).
Lors de son interview en direct du premier 20 heures
de Laurence Ferrari,Alain Bernard, le champion olympique du 100 mètres nage libre, le médaillé de bronze
du 50 mètres et le médaillé d’argent au relais, a remercié
les professionnels qui l’ont aidé dans la réalisation de sa
performance : parmi eux, il a cité les kinésithérapeutes
et les ostéopathes. Une occasion de faire sortir de
l’ombre les kinésithérapeutes souvent mis de côté au
profit des entraîneurs, des préparateurs physiques et
des médecins. Et pourtant, ces praticiens passionnés
accompagnent, tout au long de l’année, les athlètes sur le
terrain.Voyons de plus près leur rôle à travers les témoi-
gnages croisés des sportifs et des kinésithérapeutes.
Sabreur de son état, Boris Sanson a remporté avec
deux autres frères d’arme, une médaille d’or en finale
contre les Etats-Unis. Pour lui, “les kinésithérapeutes
sont des gens qui s’occupent de nous pour que notre corps
aille bien. lls sont attentifs à nos blessures, à nos douleurs
et à notre bien-être, à l’écoute de nos problèmes physiques”.
Etudiant en kinésithérapie en première deuxième année
à l’école de Saint-Maurice, il apprécie d’autant mieux
ce rôle. L’Équipe de France féminine de handball a perdu,
en quart de finale contre les Russes, et s’est retrouvée
classée en cinquième position. Stéphanie Cano,
jeudi 18 septembre 2008 / n° 1121 / Kiné actualité /
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Ka
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ailière droite, également étudiante en kinésithérapie en deuxième année à Bordeaux, considère que
“le kinésithérapeute fait partie intégrante du staff d’encadrement, équipe qui permet la performance du sportif. Il
tient aussi un rôle très important de confident”. Mais il
n’est “pas assez remercié ni valorisé”.
La confiance avant tout
Outre son rôle de soins, le kinésithérapeute a un rôle
délicat de “tampon” entre l’entraîneur et le sportif.
C’est au kinésithérapeute qu’il revient d’apprécier les
dires du sportif et ceux de l’entraîneur et de faire la
part des choses. Doit-il filtrer ou relayer l’information ?
C’est tout un art. “Cette finesse de perception ne s’apprend
pas dans les livres”, remarque Marc Saunier, fondateur
et président de l’Akef (Association des kinésithérapeutes des équipes de France). C’est dans cette optique
que cette association a mis au point une formation
dédiée aux kinésithérapeutes des équipes de France.
“Il s’agit d’apprendre à gérer l’harmonie dans un groupe, à
gérer la performance d’un athlète. Le kinésithérapeute doit
savoir jusqu’où il peut aller”, explique Marc Saunier. Dans
cette formation, directeurs techniques, préparateurs
mentaux et kinésithérapeutes viennent raconter leur
vécu.
Le cas le plus fréquent est celui de la reprise après
blessure entre la pression de l’entraîneur, la réticence
du joueur et l’avis technique du kinésithérapeute. “Chez
nous, l’entraîneur a beaucoup de respect, c’est très rare
qu’il rentre dans la salle de soins, sorte de zone neutre
dans laquelle l’athlète exprime les pressions qu’il ressent
de part et d’autre”, raconte Damien Salducci, kinésithérapeute de la Fédération française d’escrime
(cf. portrait p. 15). “Il respecte toujours l’avis du staff
médical. Il faut préciser que dans notre fédération, les MK
ont tous une formation en kiné du sport, une solide expérience du terrain et sont introduits peu à peu dans les équipes,
d’abord dans les stages, puis dans les compétitions. De
même, les entraîneurs disposent d’une très bonne formation
en préparation physique et sont souvent d’anciens sportifs.
Ils connaissent donc parfaitement leurs armes. Résultat : il
y a une totale confiance entre les athlètes, les entraîneurs et
les kinésithérapeutes, mais cette confiance est très fragile :
la moindre erreur ou faute de jugement de la part d’un
kinésithérapeute peut la mettre en péril”, alerte-t-il.
“L’important est de bien communiquer pour expliquer ses
choix”, conclut-il.
La confiance, c’est aussi le ciment de la relation pour
Annick Le Nahour, kinésithérapeute de la Fédération
française de handball (cf. portrait p. 15) : “au fil des
ans s’instaure une confiance qui dépasse la simple relation
avec un patient. En compétition, on vit en permanence
ensemble, notamment aux Jeux Olympiques, où l’on partage
un appartement avec les joueurs”.
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“Attention à ne pas créer de dépendance entre un kinésithérapeute et un athlète”, alerte Frédérique Bouriat,
kinésithérapeute de la Fédération française de natation
dans les disciplines plongeon et natation synchronisée.
Un kiné de terrain
“Le kiné sportif est avant tout un professionnel de terrain
qui intervient aussi bien au niveau des soins que de la
nutrition”, explique Stéphane Verbrackel, kinésithérapeute de la Fédération française d’escrime, présent à
Pékin. “Avant la compétition, il pose des strapping sur les
blessures récurrentes ; pendant la période de compétition,
il prodigue des massages, effectue des étirements, parfois
des mobilisations et il fait de la récupération ‘active’. Les
massages sont plutôt dynamiques afin que la musculature
ne se relâche pas complètement. Une fois la période de
compétition terminée, il pratique la récupération ‘pure’
pendant les jours qui suivent”, détaille-t-il. “En fait, on
répond ponctuellement à la demande. Il faut être très
réactif et faire preuve d’une bonne capacité de jugement”,
dit-il aussi, exemple à l’appui. Aux J.O d’Athènes, un
escrimeur s’était fait transpercer la main par la lame
de son adversaire. Que faire ? Nous avions dix
minutes pour réagir face à la demande du médecin. En
l’occurrence, nous lui avons porté des soins sur la
piste et il a repris la compétition. “Ce rôle spécifique du
kinésithérapeute du sport, ce travail de terrain (et non de
rééducation) se tissent après des années”, insiste-t-il. “La
particularité de notre métier tient au fait que nous intervenons uniquement à l’occasion des stages, des entraînements et des compétitions. Or, il y a des disciplines comme
le cyclisme où les sportifs s’entraînent le plus souvent en individuel. Ceux-là, nous ne les voyons qu’à l’occasion des compétitions”, remarque Annick Le Nahour.
Le casse tête chinois des accréditations
A chaque Jeux Olympiques, le principe est le même :
ce sont les directeurs techniques nationaux (DTN) des
fédérations qui proposent aux comités d’organisation
olympiques la présence d’un MK ou d’un médecin ou
les deux. Mais, en fait, tout dépend du nombre d’accréditations pour le staff d’encadrement délivrées pour
toute la durée des jeux pour chaque discipline. Ce
nombre est calculé en fonction du nombre d’athlètes. Le
plus souvent, le rapport est de 50 à 55 %, en l’occurrence 50 % cette année en Chine, c’est-à-dire, une
accréditation pour deux athlètes, ce qui met les directeurs techniques devant des choix cornéliens, un vrai
“casse-tête” chinois qui aboutit parfois à mettre “les kinésithérapeutes de côté au bénéfice des médecins”, explique
Marc Saunier. “Les critères de choix seront toujours
techniques et tactiques avec la difficulté de gérer les
susceptibilités. C’est un crève-cœur de ne pas pouvoir
envoyer des kinésithérapeutes qui ont suivi des athlètes
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toute l’année”, ajoute-t-il. Parmi les MK accrédités, certains le sont au Village (olympique) ou sur le site (piscine ou piste par exemple) ou dans une résidence à l’extérieur réservée en général aux remplaçants. Ensuite,
selon les fédérations, les kinésithérapeutes interviennent à la demande. C’est ainsi qu’un kinésithérapeute
affecté au Village ou à l’hôtel des résidents va intervenir
sur le site. “Et encore plus exceptionnel”, précise
Frédéric Bouriat, “on peut intervenir, uniquement dans le
cadre des Jeux Olympiques, sur une autre discipline que la
sienne pour le bien des athlètes”. “Ce qui compte, explique
Christophe Cozzolino, kinésithérapeute de la
Fédération française de natation, c’est d’arriver à faire
travailler ensemble des professionnels différents (médecins,
kinésithérapeutes, préparateurs physiques, préparateurs
mentaux dans un même but : celui de servir l’athlète, avec
un chef d’orchestre qui est l’entraîneur.” En natation, ils
sont partis à trois, deux MK restant à la piscine et l’un
au village.
De son côté, Christophe Cozzolino faisait partie du
“pool” des kinésithérapeutes, une autre “catégorie” de
MK sur les J.O. Ces professionnels sont habilités à
“donner des coups de main dans toutes les disciplines”.
En escrime, ils sont également partis à trois, Stéphane
Verbrackel, MK chef de la Fédération, Jean-Claude
Savarin, MK ostéo et Damien Salducci.
Solidarité, confiance et respect sont autant les valeurs
des J.O que celles des kinésithérapeutes du sport.
D’ailleurs, ces derniers sont souvent d’anciens sportifs
Ainsi, Stéphane Verbrackel a suivi un double parcours
de sportif de haut niveau et de kinésithérapeute, tout
comme Jean-François Lamour, tous deux escrimeurs
et issus de la même promotion de l’école de SaintMaurice.
ANNICK LE NAHOUR
DAMIEN SALDUCCI
MK EQUIPE DE FRANCE D’ESCRIME
“L’escrime requiert
des jeux de jambes”
Diplômé de l’école de MK de Lyon,
en 2001, il a complété sa formation
par un DU de kiné du sport.
Après un stage de fin d’étude à
l’Olympique lyonnais (foot), il a travaillé dans un club de première
division d’escrime à Lyon tout en
étant assistant dans un cabinet libéral.
En 2003, il intègre l’Equipe de
France d’escrime. Sa première
compétition s’est déroulée avec
l’équipe des sabreuses, puis il a
enchaîné sur les championnats
du monde (Leipzig, Turin, SaintPétersbourg, les championnats
D.R.
d’Europe à Kiev en 2008) et les
Jeux Olympiques de Pékin, sans compter de nombreuses autres compétitions. Il était aux côtés de Boris Sanson lors de la préparation à Yantai.
A Pékin, il était affecté à l’hôtel des sports (dédié aux remplaçants), mais
en fait, il était souvent dans les gradins. “L’escrime requiert des jeux
de jambes avec des changements d’appui et de rythme, sollicite un travail de
proprioception et provoque de gros déséquilibres musculaires” commente-t-il.
Installé en libéral, Damien Salducci travaille en cabinet à la Défense.
MK À LA FÉDÉRATION FRANÇAISE
DE HANDBALL
“Soigner au plus
vite pour éviter
les traumatismes”
Diplômée de l’école de Lyon en 1990, Annick Le Nahour ne
connaissait rien à la kinésithérapie du sport. Elle débute à
l’Olympique lyonnais, côté féminin avant de remplacer, par un
heureux hasard, un kinésithérapeute au centre de formation de
l’Olympique lyonnais. C’est là qu’elle fait une rencontre décisive avec le médecin de cette structure, Jean-Marcel Ferret.
“C’est lui qui m’a appris à sentir les lésions musculaires.” En
1996, elle intègre en libéral le centre de médecine et de kinésithérapie du sport créé par ce médecin,
ce qui ne l’empêche pas d’accompagner
un champion de Formule 3000 sur les
Grands Prix. En 2000, elle ajoute une
nouvelle discipline à son arc, en acceptant d’être kinésithérapeute d’une équipe
de cyclistes sur Lyon. En parallèle, elle
travaille au centre du docteur Ferret et
D.R.
pour le staff de l’Equipe de France de
vélo sur piste. Handballeuse, Annick a
rejoint la Fédération comme kiné en 2001, et de fil en aiguille
intègre le staff de l’Equipe de France A des filles. “Mon objectif
avant Pékin était d’amener toutes les filles dans les meilleures
conditions afin d’être susceptibles d’être sélectionnées pour les
Jeux, et ensuite, de les soigner au plus vite pour éviter les traumatismes. Il s’agissait surtout de soins de prévention”.
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