Apolipoprotéines

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Apolipoprotéines
Apolipoprotéines
Les lipides (cholestérol, triglycérides, phospholipides),
insolubles en milieu aqueux, sont transportés dans le sérum
liés à des protéines, formant les lipoprotéines. Cette partie
protéique est appelée apolipoprotéine ou, plus simplement,
apoprotéine. Les apoprotéines sont elles-mêmes composées
de l’association de plusieurs polypeptides, ce qui leur
confère une grande variété : dix classes et sous-classes sont
connues. Ces classes et sous-classes de protéines diffèrent
par leur structure primaire, leur conformation spatiale et
leurs fonctions métaboliques.
Les lipoprotéines circulantes contiennent une proportion variable de ces protéines ; de plus, elles contiennent
chaque type d’apoprotéine en quantité variable
(tableau 48).
Certaines lipoprotéines sont caractérisées par la présence d’un seul type d’apoprotéine, dite « majeure »
(exemple : les apolipoprotéines B pour les LDL ou les
apolipoprotéines A pour les HDL). C’est à partir de
cette constatation que s’est développée l’utilisation des
apolipoprotéines dans le bilan lipidique. Leur hétérogénéité dans les fractions lipoprotéiques leur confère un
caractère de marqueurs spécifiques pour la caractérisation de la lipoprotéine correspondante.
Les lipoprotéines ont été classées en fonction de leur
composition en apoprotéines :
• celles qui contiennent une seule apoprotéine : les lipoprotéines primaires ;
• celles qui en contiennent deux ou davantage : les lipoprotéines secondaires.
L’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-apoprotéine
permet aujourd’hui l’exploration spécifique d’une lipoprotéine donnée. Les différents caractères de ces apoprotéines font l’objet de nombreuses études car, si elles
apportent des renseignements dans le cas de la maladie
athéromateuse, elles permettent en outre d’évaluer des
risques génétiquement déterminés. De plus, elles ne sont
pas seulement impliquées dans le transport des lipides,
mais certaines réactions métaboliques et enzymatiques
dépendent de leur présence.
Apolipoprotéines A
Les apolipoprotéines A, ou apoprotéines A, ou Apo A,
regroupent plusieurs sous-unités dont les plus courantes
sont les Apo A1 et Apo A2. Les Apo A4, quant à elles,
sont surtout étudiées comme modèle génétique.
Les Apo A1 se présentent sous forme d’une simple
chaîne polypeptidique. Leur affinité est grande pour les
phospholipides qui, en retour, modulent fortement la
structure secondaire et tertiaire de ces apoprotéines au
sein des lipoprotéines. Les Apo A1 constituent la fraction protéique majoritaire des HDL. Elles entrent pour
une part bien moindre dans la composition des chylomicrons.
Les Apo A2 sont presque exclusivement localisées au
niveau des lipoprotéines HDL. Elles sont formées de
deux chaînes polypeptidiques identiques, reliées par un
pont disulfure. Leur affinité est également très grande
pour les phospholipides.
Leur lieu de synthèse est l’intestin et le foie, particulièrement pour l’Apo A1. Leurs fonctions, en revanche, sont
légèrement dissociées :
• l’Apo A1 a un rôle structural majeur (lipoprotéines
HDL). Elle est également activatrice de la lécithinecholestérol-acyl-transférase (LCAT). Elle intervient
dans la captation des HDL par le foie grâce à un système récepteur-dépendant ;
• l’Apo A2 joue surtout un rôle modulateur sur l’activité de la lipase hépatique, et entre en compétition
avec l’Apo A1 à la surface des HDL.
Tableau 48
Apolipoprotéines majeures
Apolipoprotéines mineures
< 10 % du total
Chylomicrons
Apo A1
Apo B
Apo C1 C2 C3
Apo E
Apo A2
Apo E (peptide riche en arginine)
Apo H
Apo A4
VLDL
Apo B
Apo C1 C2 C3
LDL
Apo B
HDL
Apo A1
Apo A2
Apo A1
Apo C
Apo C1 C2 C3
Apo A2
Apo D
Apo H
Apo E
Apo D
Apo E
Apo F
Apo H
HDL : high density lipoproteins ; LDL : low density lipoproteins VLDL : very low density lipoproteins.
Les Apo A1 sont mesurées par immunoturbidimétrie.
Cependant, en cas d’hypertriglycéridémie (sérum lactescent), il est préférable d’utiliser la technique d’immunodiffusion radiale.
Les valeurs normales sont :
• chez l’homme : 1,04 à 2,02 g/l ;
• chez la femme : 1,08 à 2,25 g/l.
Le taux est plus élevé chez la femme, comme pour le
cholestérol des HDL, jusqu’à la ménopause.
L’Apo A1 diminue au cours des hypertriglycéridémies
et surtout d’affections hépatiques graves par défaut
de synthèse secondaire à l’insuffisance hépatique.
En revanche, elle augmente dans les hyperα-lipoprotéinémies familiales, au cours de la prise
modérée d’alcool, ainsi que de contraceptifs oraux.
Un des principaux intérêts de l’Apo A1 en biologie clinique reste l’estimation du risque cardiovasculaire. En
effet, l’Apo A1 étant quantitativement représentative
des HDL, il est tentant d’attribuer un effet protecteur à
des taux élevés d’Apo A1 circulante. Le phénomène est
beaucoup plus complexe. Il est prouvé que les sujets
atteints de maladie de Tangier (diminution notable,
voire disparition de la fraction HDL, donc des Apo A)
ne présentent pas plus d’affections cardiovasculaires
que les autres.
L’augmentation sous l’effet de l’alcool et des contraceptifs oraux semble paradoxale si l’on considère cette
molécule comme de bon pronostic dans le risque cardiovasculaire ; ce sont ces constatations qui ont permis
de compléter l’étude de cette apoprotéine en aboutissant au dosage de la lipoparticule LpA1.
Il reste que l’Apo A1 semble un bon élément d’évaluation globale du risque cardiovasculaire : son augmentation ne constitue pas un facteur de protection, mais sa
diminution signe un risque supplémentaire. Sa détermination est indissociable de celle de l’apoprotéine B dans
l’étude du risque.
L’Apo A1 a trouvé un nouvel intérêt dans l’estimation
de la fibrose hépatique. En effet, elle est prise en compte
dans le calcul du FibroTest estimant cette fibrose en
évitant la biopsie hépatique. Au cours de cette pathologie, complication quasi permanente des affections
hépatiques aussi bien infectieuses que toxiques,
l’Apo A1 montre une diminution due à une baisse de
sa transcription ainsi qu’à sa capture par la matrice
extra-cellulaire. Des valeurs très faibles peuvent être
atteintes en cas de fibrose avancée et en dehors de tout
problème cardiovasculaire.
L’Apo A2 ne semble avoir que peu d’intérêt dans les
affections cardiovasculaires ; il apparaît que la lipoprotéine A1-A2 (seule à porter cette Apo A2) serait un
vecteur du cholestérol vers les vaisseaux et les tissus,
donc un paramètre du risque athéromateux. Aucun
réactif n’existe à l’heure actuelle sur le marché pour la
déterminer.
Apolipoprotéines B
Les apolipoprotéines B, ou apoprotéines B (Apo B),
sont principalement des protéines structurales. Ce sont
les apoprotéines majeures des lipoprotéines de basse
densité (LDL), mais elles se retrouvent également dans
les lipoprotéines précurseurs de ces LDL que sont chylomicrons et lipoprotéines de très basse densité (VLDL).
Deux formes ont été trouvées : l’Apo B100 et
l’Apo B48, l’Apo B100 étant quantitativement la plus
importante. Sa synthèse a lieu dans les cellules intestinales, où elle est intégrée aux VLDL et aux chylomicrons, mais la plus grande partie est cependant
formée au niveau hépatique en vue de sa liaison aux
LDL.
L’affinité des Apo B est forte pour l’héparine ainsi que
pour certaines glycoprotéines membranaires, ce qui
explique leur rôle métabolique de régulation : régulation de la captation des lipoprotéines riches en cholestérol et régulation de la biosynthèse de ce cholestérol.
C’est en effet grâce à ces Apo B que les LDL peuvent
être internalisées au niveau hépatique par l’intermédiaire du récepteur de Goldstein et Brown. Celui-ci va
assurer l’épuration du cholestérol de ces LDL en les
transformant en acides biliaires. Il reconnaît pour ce
faire la molécule d’Apo B sur la lipoprotéine, mais
nécessite également comme « clé » supplémentaire une
molécule d’Apo E. L’augmentation des Apo B sériques
est notable surtout en cas d’absence ou de diminution
de synthèse de ces récepteurs, ou encore de nonreconnaissance par ces récepteurs du message chimique
transmis par l’Apo B (et médié par l’Apo E).
Les travaux de génétique moléculaire ont permis de rattacher deux affections héréditaires sévères à une anomalie de l’Apo B elle-même ou de son récepteur :
l’hyperlipémie de type IIa de Fredrickson (FH : familial
hyperlipemia) et le déficit familial en Apo B100 (FDB :
familial defective apolipoprotein B100). Ces deux affections présentent à peu près le même tableau clinique et
biologique : hypercholestérolémie majeure, xanthomes
cutanéo-tendineux et surtout accidents cardiovasculaires prématurés. Dans la FH, la cause de la pathologie
serait un déficit des récepteurs aux LDL et donc une
moindre captation de l’Apo B-cholestérol pour destruction. Dans la FDB, une mutation du résidu 3 500 de
l’Apo B100 modifie la protéine, dont la capacité de liaison au récepteur de Goldstein et Brown est très diminuée. Cette affection a toujours été trouvée chez des
patients hétérozygotes et aurait une fréquence de 1/600
à 1/700 dans la population caucasienne. L’intérêt de la
différenciation de ces deux affections réside surtout
dans le fait que leur réponse aux traitements hypolipémiants n’est pas la même.
Cependant, une augmentation des Apo B existe également à taux moins élevé dans tous les troubles du métabolisme des lipoprotéines contenant des triglycérides
(VLDL, chylomicrons) : ce sont les hyperlipidémies de
types I, IV et V de Fredrickson. Il faut noter que
l’absence totale de synthèse de l’Apo B peut exister chez
certains sujets.
Les valeurs physiologiques sont de 0,6 à 1,17 g/l chez
la femme et 0,66 à 1,33 g/l chez l’homme. Les valeurs,
plus basses chez la femme, le restent le plus souvent
jusqu’à la ménopause.
Ces valeurs usuelles sont obtenues par une technique
immunoturbidimétrique standardisée.
En biologie clinique, les Apo B sont le plus souvent
dosées dans le but d’évaluer un risque cardiovasculaire.
On a en effet observé que, chez des sujets présentant un
risque de ce type ou ayant déjà eu une atteinte cardiovasculaire, le taux de l’Apo B était augmenté, et ce que
le cholestérol plasmatique soit lui-même augmenté ou à
la limite des valeurs physiologiques. Chez ces mêmes
sujets à risque, l’augmentation de l’Apo B se traduit par
l’apparition de fractions LDL plus denses, du fait de
l’augmentation du rapport protéines/lipides au sein de
ces lipoprotéines. Ces lipoprotéines LDL plus denses
présentent en outre des caractéristiques métaboliques
spécifiques : élimination plus lente, diminution de leur
capacité de fixation aux récepteurs cellulaires des LDL,
conduisant à une moindre dégradation du cholestérol.
Il a été montré que cette augmentation de l’Apo B était
parallèle aux résultats des coronarographies obtenus
chez ces patients. L’Apo B s’avère donc beaucoup plus
discriminante que le cholestérol plasmatique pour l’évaluation du risque cardiovasculaire.
La détermination de l’Apo B est difficilement dissociable de celle de l’Apo A1.
tinal. Elle active la lécithine-cholestérol acyltransférase
in vitro, mais son action in vivo n’a pas été démontrée.
L’Apo C2, synthétisée elle aussi au niveau du foie et
de l’intestin, est retrouvée au niveau des chylomicrons,
VLDL et HDL. Elle serait responsable de la liaison des
phospholipides à la surface des HDL et surtout elle
active la lipoprotéine-lipase. Ces deux molécules ne
sont pas mesurables en routine par les techniques traditionnelles.
Toujours synthétisée au niveau du foie et de l’intestin,
l’Apo C3 se retrouve également dans les lipoprotéines
riches en triglycérides : chylomicrons et VLDL, ainsi
qu’au niveau des HDL sous trois isoformes. Son action
métabolique serait complexe : inhibition de l’action de
la lipoprotéine-lipase et de la triglycéride-lipase hépatique, ainsi que de la recapture des VLDL et des
remnants de chylomicrons par le foie. Sa diminution est
observée au cours de déficits héréditaires et de la maladie de Tangier. En effet, le gène de cette apoprotéine se
trouve sur le chromosome 11, voisin de celui de
l’Apo A1 et de l’Apo A4. La proximité de ces trois gènes
sur le même chromosome les rend susceptibles d’une
délétion globale. Ce phénomène serait responsable de
10 % des maladies cardiovasculaires prématurées survenant chez le jeune enfant. Son augmentation est habituelle dans les hyperlipémies de types III, IV et V.
Les valeurs usuelles de l’Apo C3 par immunoélectrodiffusion sont de 16 à 45 mg/l pour les hommes
comme pour les femmes.
Apolipoprotéines E
Principalement localisées au niveau des VLDL, les apolipoprotéines E (Apo E ou arginine-rich proteins) sont
des apolipoprotéines structurales mineures qui participent à la régulation du catabolisme et de la captation
des lipoprotéines riches en triglycérides ou en cholestérol. Leur synthèse a lieu au niveau de très nombreux
organes : foie, cerveau, rein, mais pas au niveau intestinal (contrairement à d’autres apolipoprotéines).
Les apolipoprotéines C (Apo C) sont les apolipoprotéines dont le métabolisme et le rôle physiopathologique sont les moins connus et les plus complexes.
Leur structure et les différentes formes sont définies
grâce à des techniques d’isofocalisation : ce sont les
Apo C1, C2, C3.
Les Apo E ont un rôle dans :
• la redistribution des lipides entre les différentes cellules au sein d’un même tissu ou d’un même organe ;
• le transport des lipides depuis leur lieu de synthèse
jusqu’aux organes effecteurs ; il existe un récepteur
spécifique de l’Apo E au niveau hépatique, mais le
plus important est le récepteur Apo B/E de Goldstein
et Brown, qui reconnaît à la fois l’Apo B100 et
l’Apo E, permettant ainsi l’épuration du cholestérol
des LDL.
L’Apo C1, présente dans les chylomicrons, les VLDL et
les HDL, est synthétisée au niveau hépatique et intes-
L’Apo E est la clé du récepteur permettant l’internalisation du cholestérol. Elle serait de plus capable de modu-
Apolipoprotéines C
ler l’existence de ce récepteur au niveau de la membrane
cellulaire.
Les valeurs usuelles de l’Apo E par électroimmunodiffusion sont :
• chez l’homme : 13 à 76 mg/l ;
• chez la femme : < 94 mg/l.
L’hétérogénéité génétique de l’Apo E a été rapidement
mise en évidence. Le gène codant pour cette protéine
est situé sur le chromosome 19. Trois isoformes
majeures : E2, E3 et E4 sont connues, déterminant
6 génotypes.
Le génotype le plus courant en France est E3/E3. Sa fréquence est de 55 % et il n’est lié à aucune pathologie
particulière.
L’hyperlipoprotéinémie de type III, caractérisée par la
présence de â-VLDL, est liée au génotype E2/E2, représentant 1 à 2 % de la population générale. Plus de 90 %
des sujets porteurs de cette hyperlipoprotéinémie sont
homozygotes E2/E2 et 10 % sont hétérozygotes. La
détermination de ce génotype peut être d’autant plus
intéressante que la bande broad â, classiquement décrite
sur les lipidogrammes de ces sujets, est souvent techniquement difficile à retrouver et inconstante.
L’allèle E4 (retrouvé chez 31 % de la population générale, dont 10 % à l’état homozygote) favorise une diminution de l’expression des récepteurs Apo B/E, donc un
défaut d’épuration des LDL, responsable de l’hyperlipoprotéinémie de type II ; l’Apo E4 est donc décrit
comme facteur de risque cardiovasculaire. Les
sujets E4/E4 présentent des concentrations sériques de
cholestérol et d’Apo B très supérieures à celles des
autres phénotypes.
Il a été suggéré que les lipoprotéines contenant de
l’Apo E régulent la concentration plasmatique en
Apo B. Enfin, les allèles de l’Apo E pourraient conditionner la réponse à certains traitements hypolipémiants.
L’allèle E4 de l’Apo E a également été décrit comme un
facteur de risque de la maladie d’Alzheimer dans sa
forme tardive (> 60 ans). Cet allèle est plus fréquent
chez les patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer
que dans une population saine de même âge et même
sexe. Un effet dose du gène (homozygote > hétérozygote) a été décrit sur la fréquence et l’âge d’apparition
de la maladie. Cependant, cet allèle représente un facteur de risque, en aucune façon un facteur prédictif de
la maladie d’Alzheimer et en aucun cas un élément diagnostique.

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