variabilite de reponse des races ovines a l`effet male

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variabilite de reponse des races ovines a l`effet male
VARIABILITE DE REPONSE DES
RACES OVINES A L’EFFET MALE
A Chanvallon (1-2), L Sagot (1), E Pottier (1), C Fabre-Nys (2)
(1)
CIIRPO (Centre Interrégional d’Information et de Recherche en Production Ovine)Institut de l’Elevage, Site expérimental du Mourier, 87800 Saint Priest Ligoure
(2)
UMR6175 INRA/CNRS/Haras Nationaux/Université de Tours, 37380 Nouzilly
RESUME
L’introduction d’un bélier dans un troupeau de brebis en anoestrus saisonnier induit chez
certaines d’entre elles une reprise des cycles de chaleurs, appelé « effet bélier ». Cependant,
la réponse des brebis est très variable d’une race à l’autre. L’hypothèse généralement émise
est que l’effet mâle s’applique de façon optimale si l’anoestrus n’est pas trop profond,
paramètre qui varie à un temps donné d’une race à l’autre. Notre objectif est de déterminer
la période d’anoestrus optimale pour appliquer un effet mâle en fonction de la race. Pour
cela, nous réalisons des suivis de cyclicité sur toute la saison d’anoestrus puis nous testons des
effets mâle à plusieurs périodes de cette saison pour déterminer le moment de réponse
optimal en terme de reprise de cyclicité, fertilité et étalement des mises bas. Notre étude est
axée sur une race à bonne capacité de dessaisonnement naturel (F1 OIFxRomanov), deux
races très saisonnées (Mouton Vendéen et Mouton Charollais) et une race intermédiaire (Ile
de France). Les premiers résultats semblent en partie remettre en cause les connaissances sur
la saisonnalité des races ovines. Les résultats d’effets mâle sont à compléter avant de pouvoir
tirer des conclusions définitives sur l’application de cette technique en élevage.
Mots-clés : Saisonnalité, Effet mâle, Races ovines
INTRODUCTION
Les ovins sont des animaux à reproduction saisonnière, leur saison de reproduction se
réduit à la période de jours courts, lorsque la durée du jour diminue (4). Ils se fient donc à un
signal environnemental particulier, la photopériode (1). Ainsi, sous nos latitudes, la saison de
reproduction démarre pendant l’été ou le début de l’automne et sa longueur varie
largement selon les races mais se termine généralement pendant l’hiver. Les races ovines,
sous des latitudes similaires, sont donc plus ou moins sensibles à la variation de la durée du
jour, elles sont classiquement classées en trois catégories :
-
Les races ou croisements à base de races rustiques (dont les prolifiques) sont
considérées comme ayant la saison sexuelle la plus longue, du printemps au début
de l’hiver (F1 Ile-de-France x Romanov, Romane).
-
Les types herbagers affichent des saisons courtes, limitées en général à la fin de l’été
et à l’automne (Mouton Vendéen, Mouton Charollais).
-
Les croisements de ces deux premières catégories ainsi que les Ile de France et
Berrichon du Cher sont considérés comme des intermédiaires.
Cependant, le système d’élevage actuel pousse l’éleveur à produire toute l’année. Pour
cela, la reproduction est contrôlée par l’utilisation d’hormones qui induisent de manière
artificielle la cyclicité chez les brebis à n’importe quel moment de l’année. Mais aujourd’hui
les consommateurs demandent des produits « propres, écologiques et éthiques » (3). Cela
signifie chez les producteurs de moutons qu’il faut minimiser voire complètement éliminer les
traitements chimiques ou hormonaux sur les animaux. Le but a donc été de développer des
techniques de reproduction durable sans diminuer, voire en améliorant, les performances
reproductives des animaux.
L’effet mâle est une de ces techniques. Il consiste à l’introduction d’un bélier dans un
troupeau de brebis en anoestrus, cela peut provoquer chez la brebis une ovulation
silencieuse (c’est-à-dire sans expression des chaleurs) dans les 48 heures (2,6). Ensuite, une
partie des brebis manifeste un cycle normal de 17 jours suivi d’une expression des chaleurs
vers J19 (J0 étant le jour d’introduction du bélier); l’autre partie des animaux manifeste
d’abord un cycle court de 6-7 jours sans oestrus puis un cycle normal accompagné de
chaleurs vers J25. Deux vagues de chaleurs apparaissent ainsi à J19 et J25 (5). Cet ‘effet
mâle’ apparaît donc comme une technique naturelle, pratique et économique de
reproduction à contre-saison. Mais la réponse à cet ‘effet mâle’ est très variable d’une race
à l’autre, ce qui empêche la généralisation de cette technique. En effet, les races répondent
différemment à la photopériode et n’ont de ce fait pas la même profondeur d’anoestrus à
un temps donné. La profondeur d’anoestrus se définit par la proportion de brebis cycliques à
un moment précis : moins il y a de brebis cycliques, plus l’anoestrus est profond. L’hypothèse
généralement émise est que l’effet mâle s’applique de façon optimale si l’anoestrus n’est
pas trop profond.
Dans cette optique, notre objectif concerne l’étude de l’interaction entre le génotype, la
saisonnalité et l’effet mâle chez les ovins. Nous avons donc souhaité en premier lieu
déterminer avec précision la période et la profondeur d’anoestrus chez les trois catégories
de races ovines décrites précédemment. Grâce à ces données, nous souhaitons tester des
effets mâle à trois périodes de la saison d’anoestrus (début, milieu et fin). Nous souhaitons
ainsi déterminer la capacité de réponse à l’effet mâle des différentes races et le moment
adéquat d’application de la technique en vue de proposer aux éleveurs une technique de
reproduction à contre saison à la fois naturelle, économique et fiable tout en conservant ou
en augmentant les performances reproductives.
MATERIEL ET METHODE
SUIVI DE CYCLICITE
Animaux. L’étude porte sur une race à saison sexuelle longue (F1 Ile-de-France x Romanov ;
N=20 : 10 antenaises et 10 adultes), deux races à saison sexuelle courte (Mouton Vendéen ;
n=23 adultes et Mouton Charollais ; n=20 adultes), et une race intermédiaire (Ile-de-France ;
n=20 antenaises). Les brebis sont isolées de tout contact avec le bélier ou son odeur durant
toute l’expérience.
Protocole expérimental. Le suivi de cyclicité consiste à réaliser une prise de sang tous les 7 à
10 jours sur chaque brebis depuis la fin de la saison sexuelle jusqu’au début de la suivante
afin de déterminer avec précision la période d’anoestrus (la saison sexuelle étant
caractérisée par une proportion de brebis cycliques atteignant 90%). Le dispositif n’ayant pu
être mis en place assez tôt en 2007, il est reconduit en 2008 afin de mieux cerner le début de
l’anoestrus.
Dosages hormonaux. Le sang récolté est centrifugé puis le plasma est congelé. Le dosage
de la progestérone est réalisé par la méthode ELISA à l’INRA de Nouzilly : l’hormone est à un
taux particulièrement faible chez une brebis non cyclique, alors qu’elle augmente
significativement en phase lutéale chez une brebis cyclique. Une brebis est annotée comme
étant non cyclique à une date si elle présente une concentration très faible de progestérone
à cette date ainsi qu’aux dates des prises de sang précédente et suivante.
EFFET MALE
Animaux. Les effets mâle ont été réalisés sur des brebis adultes ou des antenaises des 4 races
étudiées.
Protocole expérimental. Avant chaque essai, il est nécessaire de sélectionner les brebis non
cycliques, l’effet mâle ne s’appliquant que sur des brebis en anoestrus. Pour cela, deux prises
de sang sont réalisées à J-15 et J-4 (J0 étant le jour d’introduction du bélier) pour doser la
progestérone plasmatique.
Ensuite différents protocoles ont été mis en place en fonction du lieu et du nombre
d’animaux disponibles (ferme expérimentale, lycée agricole, élevage…) :
Protocole n°1 : Des béliers de lutte sont introduits à J0 dans le troupeau de brebis en
anoestrus pour une durée de deux cycles. Les résultats d’agnelage sont analysés
(fertilité, étalement des mises bas).
Protocole n°2 : Des béliers de lutte ou des béliers vasectomisés sont introduits dans le
troupeau à J0 pour une durée de deux cycles ou de 11 jours. A J11, une prise de sang
est réalisée. Les résultats sont analysés en terme de pourcentage de cyclicité à J11 en
réponse à l’effet mâle puis en fonction des résultats d’agnelage si un bélier de lutte a
été introduit.
Protocole n°3 : Deux lots de brebis sont constitués : un des lots (AVEC VASECTO) est
présenté à un bélier vasectomisé pendant 11 jours, l’autre lot (SANS VASECTO) ne subit
aucune stimulation particulière. A J11, une prise de sang est réalisée sur chaque animal.
Ensuite un bélier de lutte est introduit dans chaque lot pour une durée de deux cycles. Le
pourcentage de cyclicité à J11 et les résultats d’agnelage seront analysés en fonction
des lots.
Dosages hormonaux. La méthode de dosage est identique à celle décrite précédemment.
RESULTATS ET DISCUSSION
RACE A SAISON SEXUELLE LONGUE : F1 ILE-DE-FRANCE X ROMANOV
Suivi de cyclicité. La saison d’anoestrus s’étend en moyenne du 14 mars au 23 août avec
une durée moyenne de 163 jours (Figure 1, Tableau 1). Elle est plus courte chez les antenaises
(Figure 2). La reprise de cyclicité s’étale sur un temps très court. Sur une période allant d’avril
chez les adultes ou mai pour les antenaises jusqu’à mi-juillet, la proportion de brebis cycliques
est nulle. L’anoestrus est alors très profond ce qui est particulièrement surprenant chez une
race prolifique connue pour ses aptitudes au déssaisonnement.
Effet Mâle. Les différents effets bélier testés pour ce type génétique ont eu lieu en début de
saison d’anoestrus (23 mars). La reprise de cyclicité suite à l’introduction du bélier
vasectomisé s’étale de 65 à 80%. L’utilisation du bélier vasectomisé avant la mise en lutte
entraine un groupement des mises bas (10 à 18 jours vs 26 jours sans bélier vasectomisé) et
une augmentation de la fertilité (0,95 à 1 vs 0,7)(Tableau2).
Etant donné les résultats surprenant, le suivi de cyclicité est réitéré sur d’autres brebis F1 en
2008, le même protocole sera de plus appliqué sur des brebis Romane, race similaire en
terme de saisonnalité et de prolificité. L’effet mâle donne des résultats satisfaisants en début
d’anoestrus, d’autres effets mâle seront testés en milieu et fin de saison d’anoestrus c’est-àdire début juin et début août 2008 sur des brebis F1 et Romanes.
RACES A SAISON SEXUELLE COURTE : MOUTON VENDEEN ET MOUTON
CHAROLLAIS
Suivi de cyclicité. Chez le Mouton Vendéen, l’entrée en saison d’anoestrus a lieu avant
février (début de nos suivis), la reprise de la saison sexuelle a lieu progressivement de fin juillet
à début septembre (Figure 3). Deux vagues d’anoestrus profond semblent exister (mi-avril et
fin juin). Chez le Mouton Charollais, le début de la saison d’anoestrus n’est pas non plus visible
sur nos données (les suivis n’ayant pu commencer qu’en mai). La reprise de saison sexuelle
s’étale de mi-août à mi-septembre (Figure 4).
Effet Mâle, Mouton Vendéen. Des effets mâle ont été testé le 30 mars et le 15 juin. La reprise
de cyclicité s’élève respectivement à 6,7 et 4,3% onze jours après l’introduction du bélier
vasectomisé (Tableau 2). L’effet mâle semble inefficace à ces deux périodes. Cependant,
87% des brebis mettant bas du lot ‘Sans Vasecto’ se sont accouplées entre J15 et J30 après
l’introduction du bélier de lutte suggérant que c’est lui qui a déclenché des chaleurs (soit un
intervalle mise en lutte/mise bas de 160 à 175 jours). Dans le lot ‘Avec Vasecto’, seule 1 brebis
avait été diagnostiquée cyclique 11 jours après l’introduction du mâle vasectomisé et a été
saillie dans les jours suivant l’introduction du bélier de lutte (mise bas 154 jours plus tard). Les
autres ont été saillies 14 à 36 jours après l’introduction du bélier de lutte (soit un intervalle mise
en lutte/mise bas de 159 à 181 jours) (Figure 5) ce qui est difficile à interpréter considérant
que notre suivi de cyclicité a montré qu’à cette période, seulement 10% des femelles sont
spontanément cycliques. L’utilisation du bélier vasectomisé a semble-t-il stimulé la cyclicité
des brebis mais différemment d’un effet mâle classique.
Effet Mâle, Mouton Charollais. Le Mouton Charollais présente une fertilité moyenne suite à un
effet mâle en avril (45 à 63%, Tableau 2). Cependant, l’étalement des mises bas indique que
68 à 87% des femelles ont été saillies entre J15 et J30 après l’introduction du bélier, ce qui
suggère qu’un effet mâle a eu lieu (Figure 6).
D’après nos premières données de cyclicité, la proportion de brebis en cycle oscille
principalement entre 10 et 20% entre avril et juillet pour ces deux races. Ce résultat est assez
surprenant chez des races connues pour être très saisonnées, d’autant plus si l’on compare
les profils de cyclicité avec des brebis a priori peu saisonnées que sont les F1. Le suivi de
cyclicité sur ces deux races est renouvelé depuis décembre 2007 afin de connaître le début
de la saison d’anoestrus. Les résultats d’effets bélier restent à approfondir, le rôle du bélier
vasectomisé sur l’étalement des mises bas est inattendu. De nouveaux essais sont prévus en
février, mai et août 2008 chez le Mouton vendéen.
RACE INTERMEDIAIRE : OIF
Suivi de cyclicité. Le suivi n’a pu être réalisé que sur une période courte allant d’avril à juin.
Les premiers résultats semblent indiquer une période d’anoestrus très profond début mai (0%
de brebis cycliques), puis la reprise de cyclicité débute mi-mai.
Effet Mâle. Les antenaises Ile-de-France (n=19) semblent avoir répondu à l’effet mâle au 29
juin (Protocole n°2) puisque 59% ont commencé un cycle sexuel à l’introduction des béliers.
Les premiers résultats de cyclicité sont insuffisant pour tirer d’ores et déjà des conclusions, un
suivi complet a débuté en 2008. La réponse à l’effet mâle en juin est bonne pour des
antenaises. Des effets mâle sont prévus en février, avril et juin 2008 sur des adultes.
CONCLUSION
Ces premières données sur la saisonnalité des races ovines sont relativement inattendues,
notamment pour les F1 par rapport aux connaissances assez anciennes que nous possédons
dans ce domaine. De nouveaux suivis sont prévus en 2008. L’effet mâle apparaît être une
technique intéressante en vue du contexte économique et éthique actuel mais de nouvelles
expériences sont nécessaires pour proposer aux éleveurs une application fiable en fonction
des races. Les études prévues en 2008 devraient permettent de répondre en partie à ces
demandes.
BIBLIOGRAPHIE
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Development, 2006, 52: 145-152
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Research, 2003, 48: 155-171
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technique actuelle de maitrise de la reproduction. INRA Productions Animales, 2000,
13 : 223-231
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to the ram effect. Reproduction, Fertility and Development, 2004, 16: 479-490
Figure 1. Proportion de brebis F1 adultes cycliques en fonction du temps (n=10)
Figure 2.Proportion de brebis F1 antenaises cycliques en fonction du temps (n=10)
Tableau 1. Saison d'anoestrus chez les brebis F1 Ile-de-France x Romanov
Anoestrus
Adultes
Antenaises
Total
Début
11-mars
17-mars
14-mars
Fin
25-août
22-août
23-août
Durée moyenne (j)
167±8,2
159±10,4
163±6,4
Figure 3. Proportion de brebis Mouton Vendéen cycliques en fonction du temps (n=23)
% de brebis cycliques
100
80
60
40
20
0
Figure 4. Proportion de brebis Mouton Charollais cycliques en fonction du temps (n=20)
Nombre de brebis mettant bas
4
3
2
Sans Vasecto
Avec Vasecto
1
0
Intervalle Mise en lutte/ Mise bas (jours)
Nombre de brebis mettant bas
Figure 5. Etalement des Mises bas chez les brebis Mouton Vendéen suite à un effet mâle en juin. Le temps de
gestation a été estimé à 145 jours.
7
6
5
4
3
Série1
2
Série2
1
0
Intervalle Mise en lutte/ Mise bas (jours)
Figure 6. Etalement des Mises bas chez les brebis Mouton Charollais suite à un effet mâle en avril. Chaque série
correspond à une expérimentation. Le bélier de lutte a déclenché des chaleurs entre J15 et J30 (soit un intervalle
mise en lutte/mise bas de 160 à 175 jours) chez 68 et 87% des brebis mettant bas respectivement pour la série 1 et 2.
Tableau 2. Récapitulatif des résultats d'effets mâle chez les races F1, Mouton Vendéen et Mouton Charollais
Races
Protocole n°
Lots
Nb animaux
Date Mise Vasecto
% animaux cycliques à J11
Date Mise lutte
Fertilité
F1 Ile-de-France x Romanov
3
Ø Vasecto
Vasecto
20
20
20
09-mars
20
65
80
23-mars
23-mars
0,7
1
0,95
Mouton Vendéen
2 sans lutte
3
Ø Vasecto
Vasecto
Vasecto
23
23
45
30-mars
02-juin
6
0
4,3
16-juin
16-juin
0,7
0,87
Mouton Charollais
1
75
60
02-avr
0,45
0,63

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