Lire la lettre ouverte aux cavaliers et professionnels du

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Lire la lettre ouverte aux cavaliers et professionnels du
Eric Louradour : ex-collaborateur de Georges Morris (ex-entraineur de l’équipe américaine de saut
d’obstacles), ex-coach de cavaliers olympiques et de divers champions nationaux, trois fois
instructeur de l’année en Italie, formateur de chevaux et instructeur, auteur des ouvrages « Grâce
aux chevaux » et « Equi-libre »
Où va-t-on ?
Il est 3h du matin, je n’arrive plus à dormir, les idées et les images se bousculent dans ma tête…
Cela me donne envie de les exprimer sur le papier.
Je pense à ce jeune champion de France CSO poney, à qui on a fait croire qu’il était surdoué et dont
la famille, croyant avoir un génie et surement mal conseillé, l’a poussé à s’engager dans le métier
difficile de cavalier…
Je pense à cette jeune fille vulgaire, montant un cheval sale, mal toiletté, et aussi mal habillé que sa
cavalière, qui hurle après son père et son instructeur. En sortie de piste, elle s’oppose à une
récupération active pour son cheval et d’une voix tonitruante elle rétorque être fatiguée…
Je pense à ce reportage sur Equidia d’un stage chez Mario Luraschi qui s’étonne et s’exaspère
même, devant le niveau d’équitation et le manque de bases de ses élèves qui ont eu la chance de
gagné un stage chez le maître…
Je pense à l’évolution technique de notre sport autorisant les cavaliers à utiliser des guêtres
postérieures, obligeant les chevaux à avoir un passage de dos et de postérieurs exagéré qui n’est pas
naturel et les endommagent à plus ou moins long terme.
Sans ces ustensiles, les sans-faute se feraient plus rares. Le niveau technique des épreuves serait
probablement revu à la baisse. Les cavaliers seraient obligés de travailler correctement le physique et
le dressage des chevaux afin qu’ils soient souples, sereins et utilisent bien leur corps pour éviter les
fautes aux obstacles. Ils participeraient certainement à moins de concours, pour maintenir le moral
et le physique optimaux des chevaux.. Les chevaux seraient ainsi moins sollicités, moins stressés et
moins endommagés. Cela réduirait surement les problèmes de dopage . Les bons chevaux
réapparaitraient, car on dit souvent qu’il y a pénurie. Cela est logique, vu la difficulté et la fréquence
des compétitions.
Le commerce des équidés ré-augmenterait et certainement leur valeur serait réajustée. Cela
permettrait à plus de passionnés de posséder un cheval et de participer à des concours…
Je pense à ces compétitions organisées seulement pour faire de l’argent et dont les horaires,
les infrastructures, le surbooking ne permettent même pas de travailler les chevaux hors des temps
de compétitions. Comment dresser et faire évoluer correctement certains chevaux, qui nécessitent
plusieurs sorties journalières. Cet état de fait peut même inciter des cavaliers à administrer des
tranquillisants aux chevaux qui de nature fuient dans la crainte….
Je pense à ces constructeurs de parcours qui sont rarement des cavaliers ou n’ont jamais atteint
un bon niveau technique d’équitation, mais qui se gargarisent avec la difficulté de leurs parcours et le
nombre restreint de sans-faute…
Je pense à ces cavaliers hors du commun qui n’ont pas un piquet de chevaux suffisant, pour leur
permettre de cumuler assez de points et être parmi les meilleurs mondiaux. Même s’ils montent un
crack, l’insuffisance de chevaux et de points les cantonnent à des compétitions de seconde zone…
Je pense à tous ces cavaliers, comme les Whitaker entre autres, qui ont choisi ce métier sans penser
s’enrichir financièrement mais seulement par amour et passion des chevaux et de notre sport.
Gagner pour leur pays est une fierté. Ils se contentent de moins de gain, mais apprécient d’être
considérés comme des centaures et d’être reçus en concours dans les plus beaux hôtels avec les
honneurs dû à leur rang d’athlètes de haut niveau, d’artiste ou de prodige…
Je pense à ce journaliste de télévision qui se permet des critiques à l’égard de certains cavaliers
au haut niveau ! Mais qui est-il ? Qu’a-t-il fait à cheval ou dans ce milieu ? D’où vient-il ?
Je pense que je suis dans cet état, car hier soir j’ai appris, que pour la seconde fois, un représentant
d’une autre nation allait être le porte-drapeau de l’équitation française.
Alors que l’on entend de nos politiques, qu’il faut acheter et consommer français, je m’étonne de
cette décision. J’ai su la nouvelle en ante-prima sur un réseau social par un journaliste qui se
réjouissait de cette nomination.
Ce dernier ne se rend pas compte du discrédit que cela jette sur le talent de nos cavaliers, sur la
méthode française d’équitation, sur tout notre système, sur certains de nos anciens cavaliers
internationaux qui ont apporté des médailles à la France et beaucoup à notre milieu et au sport.
Tous ces talentueux cavaliers français que nous avons actuellement perdront certainement
d’éventuels clients ou opportunités de travail . Les nouvelles nations équestres de pays émergeants
qui nous observent, iront voir à l’étranger ce que nous sommes allés chercher , vu que la fédération
pense qu’il n’y a plus assez de talents en France. Même mon mentor, Georges Morris, ex-entraineur
de l’équipe de saut d’obstacles des États-Unis et fantastique ambassadeur de la méthode
d’équitation française, a été très surpris par ce choix fédéral.
Les illustres écuyers qui ont fait la fierté de notre équitation inscrivant une méthode et un style bien
français, doivent se retourner dans leurs tombes. Eux qui ont pris la peine d’écrire des ouvrages lus
et reconnus sur tous les continents, qui ont été visité par des cavaliers du monde entier, qui sont,
pour certains, devenus entraineurs d’équipes nationales à l’étranger et ont fait évoluer l’équitation
mondiale.
Je n’aime pas les critiques, à moins qu’elles soient constructives. Je ne désire pas donner de leçons
à qui que ce soit, je veux seulement réagir, faire part de mes réflexions et tirer une sonnette
d’alarme afin d’inviter au dialogue. Peut être est-il temps que nous nous unissions, que nous nous
concertions, que nous discutions et trouvions tous ensembles des solutions. Essayons de donner une
dimension fantastique même aux choses les plus simples ! Essayons de tirer à nouveau vers le haut
ce sport qui mérite l’appellation d’ Art. Souvenons-nous des vraies valeurs que l’équitation nous
enseigne : respect, humilité, discipline, courage, détermination, constance, élégance… Les mauvais
actes ou mauvaises décisions d’un père, d’un enseignant ou d’une fédération peuvent avoir des
effets néfastes sur plusieurs générations, sur notre sport et toute une filière, donc veillons à prendre
les bonnes décisions.
Après toutes ces pensées et ces écrits je pense me recoucher. Malheureusement , c’est déjà l’heure
de se lever. Mais je suis heureux ! Heureux d’avoir fait ce que j’ai fait et surtout de retrouver mes
amis les chevaux, qui eux, ne me déçoivent jamais…
Sportivement vôtre.
Eric Louradour

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