Les atypies cytonucléaires
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Les atypies cytonucléaires
2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE Photo 1 : Carcinome vésical, MGG, x 500. Noter l’anisocytose et l’anisocaryose au sein du contingent néoplasique (flèche), ainsi que le caractère cohésif des amas cellulaires. Les atypies Photo 2 : Desquamation carcinomateuse dans un épanchement pleural, MGG, x 500. Au milieu de cellules atypiques, une volumineuse cellule dite “en bague à châton” (flèche). Noter également le contingent inflammatoire associé, composé de polynucléaires neutrophiles. cytonucléaires en cytologie A. BRIEND-MARCHAL Vébiotel 41 bis avenue Aristide-Briand 94110 Arcueil OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES Connaître les critères d’atypies nucléaires et cytoplasmiques en cytologie afin de déterminer le degré de malignité d’une tumeur. Reconnaître une figure de mitose, tenter d’en évaluer les éventuelles atypies. CRÉDITS DE FORMATION CONTINUE La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est à effectuer auprès du CNVFCC (cf. sommaire). 42 L’examen cytologique des ponctions de masses superficielles ou profondes, d’organes internes, d’épanchements pleuraux ou abdominaux est basé sur l’interprétation des caractéristiques cytonucléaires des cellules observables, ainsi que du contexte (fond de frottis) et de l’éventuelle structure tridimensionnelle des amas cellulaires si elle existe sur les étalements. l es tumeurs se caractérisent par une prolifération continue et variablement anarchique de cellules au sein d’un tissu. La cytologie va permettre d’évaluer, sur un étalement d’une ponction de tissu suspect, la nature de ce tissu et les éventuelles anomalies morphologiques que présentent les cellules qui le composent. Les atypies cytonucléaires ne peuvent être interprétées que si le cytologiste connaît parfaitement les caractéristiques morphologiques physiologiques propres à chaque catégorie cellulaire. Les cellules saines d’un tissu présentent en effet souvent une certaine uniformité dans la taille, l’affinité tinctoriale, les caracté- ristiques du noyau et du cytoplasme (taille, contour, aspect, couleur…). Les cellules néoplasiques présentent des anomalies morphologiques d’intensité variable (de discrètes à sévères). Les trois grandes catégories de tumeurs malignes sont constituées par l’origine du tissu à partir duquel la tumeur prend naissance : les carcinomes sont des tumeurs malignes d’origine épithéliale ; ■ ■ les sarcomes sont des tumeurs malignes d’origine mésenchymateuse ; ■ les tumeurs à cellules rondes sont constituées d’un groupe nettement plus hétérogène ; PratiqueVet (2010) 45 : 442-445 (442) 2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE Photo 3 : Lymphome malin de haut grade, MGG, x 1000. Noter le caractère monotone des caractéristiques cytonucléaires au sein du contingent prolifératif. Photo 4 : Carcinome des corps ciliaires, MGG, x 500. Les cellules malignes présentent de nombreux critères de malignité, notamment : anisocytose, anisocaryose, plurinucléations, macro ou plurinucléolations, basophilie et vacuolisation cytoplasmiques variables (flèches). Les atypies cellulaires Les atypies nucléaires [1-3] [1-3] L’anisocytose (PHOTO 1) L’anisocaryose (PHOTO 1) L’anisocytose est une anomalie fréquemment rencontrée, en particulier dans les carcinomes, les sarcomes et les mésothéliomes. L’anisocaryose est une anomalie fréquemment rencontrée, en particulier dans les carcinomes, les sarcomes et les mésothéliomes. Il s’agit d’une différence de taille entre les cellules de la même population. Des microcytoses (cellules de petite taille par rapport à une cellule saine de la même population) ou, à l’inverse, la présence de cellules géantes, présentant parfois une énorme vacuole déportant le noyau à un pôle de la cellule (cellules dites “en bague à châton”, PHOTO 2) sont notées sur l’étalement de la masse tumorale maligne. Il s’agit d’une différence de taille entre les noyaux des cellules de la même population. Des micronuclei ou, à l’inverse, de très volumineux noyaux à l’origine d’un rapport nucléocytoplasmique très élevé sont fréquemment observés. La monotonie des caractéristiques cellulaires Dans certaines tumeurs à cellules rondes, en particulier dans les lymphoproliférations malignes (PHOTO 3), c’est plutôt la monotonie des caractéristiques cellulaires qui est suspecte. En effet, dans les structures lymphoïdes normales, il existe un panachage cellulaire qui disparaît progressivement dans les lymphomes avec l’envahissement du tissu par une population clonale plus ou moins monomorphe. (443) PratiqueVet (2010) 45 : 442-445 Les fragmentations nucléaires ou l’observation de mitoses atypiques (ex : fin de télophase avec une majorité de chromosomes dans une des cellules filles et seulement quelques chromosomes dans la deuxième cellule fille) ne sont pas rares. Les plurinucléations (PHOTO 4) Les plurinucléations sont des atypies fréquemment rencontrées, dans les carcinomes, les sarcomes et les mésothéliomes. Dans certains cas, les noyaux des cellules se divisent sans qu’il y ait de division cytoplasmique concomitante, ce qui engendre de véritables cellules géantes et monstrueuses remplies de noyaux souvent eux-mêmes atypiques. L’épaississement de la membrane nucléaire et aspect de la chromatine L’épaississement de la membrane nucléaire est, avec l’aspect de la chromatine, un critère de malignité. Les diverses populations cellulaires n’ayant pas physiologiquement le même degré de complexité et de condensation chromatinienne, l’aspect de cette chromatine doit être considéré comme typique ou atypique en fonction de l’aspect de la chromatine de la même population cellulaire saine. Dans les carcinomes et les lymphomes, une chromatine fine est souvent associée à la présence d’un voire de plusieurs nucléoles. Ceux-ci témoignent d’une activité chromatinienne accrue de la cellule. Le nombre, la localisation (centrale, excentrée), le contour (rond, anguleux), la taille (macronucléole ou petit nucléole) ainsi que le caractère proéminent ou discret de ce nucléole sont autant de critères permettant de grader le degré de malignité. Dans les sarcomes, la chromatine est plus souvent grossièrement mottée ou granuleuse. Bien que la nucléolation des cellules mésenchymateuses normale soit fréquente, la présence de plusieurs nucléoles, parfois de taille différente et à contour irrégulier sont des critères de malignité. 43 2 EN PRATIQUE > BIOLOGIE CLINIQUE Photo 5 : Desquamation carcinomateuse dans un épanchement pleural, MGG, x 500. Noter, outre la basophilie de certains amas, la structure acineuse des amas de cellules tumorales (flèche). Caractéristiques des mitoses Dans de nombreux types de tumeurs, l’index de division élevé se traduit par l’observation de mitoses dont les caractéristiques anormales apparaissent parfois évidentes. Ainsi, une télophase aberrante avec séparation inégale des chromosomes entre les deux cellules filles, ayant pour conséquence une cellule à micronoyau et une autre à macronoyau, ou encore une métaphase irrégulière avec une répartition inadéquate des chromosomes au niveau des fuseaux de division. Toutefois, il faut être prudent avant d’interpréter des mitoses comme atypiques car la superposition cellulaire sur les étalements tumoraux peut induire en erreur et faire interpréter par excès des images normales comme inhabituelles. Les atypies cytoplasmiques [1-3] La quantité de cytoplasme et son affinité tinctoriale sont les deux premiers éléments à noter. Une basophilie oriente vers une certaine immaturité cellulaire et peut constituer un critère de malignité (PHOTO 5) . L’irrégularité des contours cytoplasmiques peut être également suspecte. 44 Photo 6 : Sarcome histiocytaire, MGG, x 1000. La population cellulaire maligne (flèches) présente une anisocytose et une anisocaryose marquées, des plurinucléations, une basophilie et une vacuolisation cytoplasmiques très hétérogènes. Toutefois, certaines cellules, comme les cellules mésothéliales, peuvent présenter physiologiquement un contour irrégulier et un cytoplasme basophile sans que ces caractéristiques soient considérées comme suspecte. La présence de granulations ou de vacuoles peut également être suspecte (PHOTO 6) . C’est le cas notamment pour les cellules sarcomateuses observées sur certains fibrosarcomes et hémangiosarcomes. MÉMO Les atypies cytonucléaires des carcinomes sont souvent nettes avec des aberrations morphologiques facilement identifiables. ■ ■ Les atypies cytonucléaires des sarcomes sont généralement moins évidentes, plus délicates à évaluer. ■ Les atypies cytonucléaires dans les tumeurs à cellules rondes sont très variables : de majeures pour les mésothéliomes à subtiles pour les lymphomes. Conclusion La complexité des critères de malignité tient dans la subtilité des atypies dans certaines tumeurs malignes. Les cellules issues de tissus hyperplasiques ou métaplasiques présentent parfois des atypies qui peuvent aisément être confondues avec un processus tumoral. Une excellente connaissance des caractéristiques cytonucléaires normales, une évaluation du fond de frottis et une bonne corrélation avec les données épidémiologiques et cliniques sont indispensables pour ne pas surdiagnostiquer ou sous-diagnostiquer les tumeurs malignes. >>À LIRE... 1. Raskin RE, Meyer D (2001). Atlas of Canine and Feline Cytology. WB Saunders, Philadelphia, 430p. 2. Cowell RL et coll (2008). Diagnostic Cytology and Hematology of the Dog and Cat, Third edition. Mosby, St Louis, 475p. 3. Baker R, John H. Lumsden JH (1999). Color Atlas of Cytology of the Dog and Cat. Mosby, St Louis, 288p. PratiqueVet (2010) 45 : 442-445 (444)