À voir ce soir sur Réunion 1ère: un documentaire
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À voir ce soir sur Réunion 1ère: un documentaire
8 ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ • TÉMOIGNAGES DU MERCREDI 12 FÉVRIER 2013 À voir ce soir sur Réunion 1ère: un documentaire et un débat sur l’enseignement de la langue créole réunionnaise La batay pou nout lang kréol é nout lidantité rényoné i avans ! Valérie Filain, journaliste à Réunion 1ère, animatrice de l’émission “La Vie devant Soi”. Ce soir à 20 heures, sur Réunion 1ère Télé, est diffusée la première émission “La Vie devant Soi”, avec la projection d’un film documentaire très intéressant d’Anaïs CharlesDominique et produit par Laurent Médéa (Tik Tak Production), suivie d’un débat sur l’enseignement de la langue créole dans notre pays. Une émission enregistrée ce lundi au Port. L’essentiel à retenir de cette émission très riche en informations et en idées est le fait qu’elle prouve à quel point le combat du peuple réunionnais pour faire reconnaître et valoriser les atouts de son identité et de sa langue créole connaît de réelles avancées dans la population. Notamment chez les jeunes, de plus en plus fiers d’être Réunionnais. Ce combat continue plus que jamais face à l’assimilation néo-colonialiste. En effet, celle-ci essaie toujours d’inférioriser la créolité réunionnaise et ne reconnaît pas encore pleinement les droits du peuple réunionnais dans tous les domaines. L e documentaire à voir ce soir sur Réunion 1ère est intitulé “Aurélie, réussir en créole”. Il présente le travail admirable réalisé par Aurélie Filain, professeure de créole au lycée Jean Hinglo du Port. Aurélie Filain, professeure de créole, qui présente dans le film les nombreux avantages de l’enseignement de notre langue maternelle. Cette enseignante de 29 ans raconte notamment comment à l’université elle a découver t la littérature créole avec Carpanin Marimoutou et comment celui-ci lui a permis de connaître les richesses de cette langue, qu’elle enseigne à des élèves de classes terminales, en faisant un lien entre le créole et les autres matières de l’enseignement, comme la Philosophie, les langues, l’Histoire, etc. Cela enrichit les connaissances des élèves et plusieurs d’entre eux ont exprimé leur grande satisfaction à ce sujet. «I fo nou rézis» Anaïs Charles-Dominique, réalisatrice du documentaire “Aurélie, réussir en créole”. Dans ce film, des enseignants du créole, des élèves et des parents expriment leur conviction quant à l’importance de l’enseignement de la langue créole: «I fo nou rézis face au négationnisme et au racisme anti-créole, car le respect de notre identité réunionnaise spécifique est indispensable pour l’épanouissement de chaque Réunionnais». Cette résistance est d’autant plus importante qu’il y a malheureusement encore des préjugés négatifs qui circulent sur le créole, comme le disent plusieurs intervenants. La justesse de cette conviction est illustrée dans plusieurs reportages réalisés dans le documentaire, en particulier au sujet du film de William Cally sur la révolte de nos ancêtres esclaves en 1811 avec la trahison de Figaro (“Élie ou les forges de la Liberté”) et au sujet du Kabar ZIK (Zélèv Inskri an Kréol) du 11 décembre dernier au Port. Et comme dit notamment une élève, «le bilinguisme est une force, sé sa va pèrmète anou avansé». «Le Réunionnais encore trop méprisé» Ce lundi soir dans la salle du Ciné Casino au Port, après la projection du film, Anaïs Charles-Dominique, interrogée par Valérie Filain, a déclaré que pendant le tournage, elle a été «marquée par l’enthousiasme de l’enseignante du créole et des élèves», en estimant que «cela est indispensable pour tous les peuples». Et Aurélie Filain, soutenue par ses parents dans le film, a déclaré que le documentaire va contribuer à faire évoluer les mentalités, car «le Réunionnais est encore trop méprisé». Le débat qui a suivi a confirmé cette analyse et, en même temps, il a prouvé à quel point les Réunionnais sont de plus en plus convaincus de la nécessité d’enseigner davantage le créole, car il fait partie des atouts de notre peuple. D’autant plus, comme l’a souligné Valérie Filain, que «le créole et le français sont deux langues sur un pied d’égalité pour des Réunionnais décomplexés». L’enthousiasme du public Certes, dans ce débat, il y a eu quelques interventions avec des diversions, des confusions, des polémiques stériles sur la graphie du créole, voire des tentatives de donner un contenu politicien à la lutte pour le multilinguisme dans notre pays. Or, cette lutte fait partie des grandes causes défendues au niveau universel par des instances internationales comme l’UNESCO. En tout cas, dans l’émission “La Vie devant Soi” diffusée ce soir sur Réunion 1ère, les téléspectateurs pourront voir à quel point de nombreux intervenants ont exprimé avec force, soutenus avec enthousiasme par le public, la nécessité de promouvoir l’enseignement du créole à La Réunion. Ce fut le cas notamment d’Axel Gauvin, président de Lofis la lang, Laurence Dalleau-Gauvin, Cathy Lucilly, Jessie Andy, Yvette Duchemann, etc. Les applaudissements reçus par ces interventions montrent à quel point la batay pou nout lang kréol é nout lidantité rényoné i avans! L. B. ÉDUCATION ET SOCIÉTÉ 9 (photos C. F.) TÉMOIGNAGES DU MERCREDI 13 FÉVRIER 2013 • De nombreux intervenants ont exprimé avec force la nécessité de promouvoir l’enseignement du créole à La Réunion. Le public a soutenu les intervenants en faveur de l’enseignement du créole. Marie-Ange Pongérard, centenaire «J’ai connu tous les goûts, toutes les couleurs, toutes les douleurs aussi… mais j’ai été heureuse» Samedi 9 février, la Ville du Port a célébré les 100 ans de Mme Marie-Ange Pongérard, Citoyenne d’honneur de la Ville. Voici un court résumé de sa vie, avec des intertitres de “Témoignages”. F ille de Marie-Antoinette et Toussaint Maillot, Marie-Ange vient au monde le 9 février 1913 à Grand-Ilet (Salazie). Elle est la huitième d’une fratrie de neuf enfants dont elle est la seule vivante aujourd’hui. Agriculteur, Toussaint cultivait le manioc, la patate et le chouchou. Cela ne permettait pas de grandes rentrées d’argent, mais apportait au moins une subsistance à la maison. Marie-Antoinette s’occupait du foyer et de l’éducation des enfants tout en épaulant son mari. Quant aux enfants, dès qu’ils avaient un certain âge et qu’ils étaient assez forts, ils devaient prendre part aux activités, celles des champs comme celles de la maison. Chacun s’acquittait de sa tâche comme faisant partie intégrante de la vie quotidienne. Personne ne se plaignait, Marie-Ange, comme les autres. Chacun mettait du sien pour le bien de tous. C’est ainsi que Marie-Ange a grandi, nourrie de ces valeurs que sont le sens du devoir, du partage et de la solidarité dont elle saura faire preuve tout au long de sa vie. L’école de la vie Marie-Ange est partie à l’école, mais malgré ses capacités, elle a été contrainte de s’arrêter au cours moyen, car elle souffrait de fièvres chroniques. Ce parcours scolaire peut paraître modeste aujourd’hui, mais pour l’époque, c’était beaucoup. Lorsqu’on savait lire et écrire, on avait déjà ce qu’on appelait «un bagage». L’école de la vie faisait le reste. Quelque temps après, la famille Maillot s’installa au lieu-dit Ravine à Malheur à La Possession. A Ravine à Malheur, MarieAnge trouve le bonheur puisque c’est là-bas qu’elle rencontre l’élu de son cœur, Marcel Pongérard, qu’elle épousera le 30 septembre 1933. Elle avait alors vingt ans. De leur union naîtront neuf enfants qui ne sont plus que quatre aujourd’hui. Femme et mère au foyer… Marcel était à la fois bûcheron, charpentier et charbonnier. Il allait couper et préparer le bois en forêt où il restait plusieurs jours d’affilée, dormant dans les boucans. Quand il revenait, ce n’était pas pour longtemps, il lui fallait très vite repartir au travail. Marie-Ange restait à la maison, mais elle ne chômait pas. Elle devait gérer seule le quotidien, le ménage, s’occuper des enfants, veiller sur leur santé, leur scolarité, les faire grandir tout simplement. Elle a assumé ces charges avec beaucoup de courage. Un courage qui lui a permis de surmonter toutes les difficultés et les épreuves qu’elle a rencontrées au cours de sa vie, les plus dures étant la perte de cinq de ses enfants et puis celle de Marcel, son mari. … et militante Si la vie n’a pas toujours été tendre avec Marie-Ange, cela ne l’a pas empêchée d’être à l’écoute des autres et d’aider ceux qu’elle estimait encore plus démunis qu’elle. Le peu qu’elle avait, elle le partageait. C’est probablement cette générosité qui l’amènera à s’engager au sein de l’Union des Femmes françaises où elle a milité aux côtés d’illustres figures telles que Isnelle Amelin, Alice Pévérelly, Laurence Vergès, Odette Mofy… MarieAnge intervenait régulièrement auprès des femmes et des familles en difficulté pour leur apporter un peu de soutien et de réconfort. Elle participera aux luttes pour la justice sociale, pour le respect des droits sociaux et du citoyen, pour la démocratie. Elle connaîtra les années sombres marquées par la répression. L’esprit de solidarité Pour la petite histoire: Lors d’une élection municipale à La Possession, Marie-Ange et son mari viendront au secours du maire sortant de l’époque (Roland Jamin) qui portait l’étiquette communiste. Le candidat de la droite était proclamé élu grâce aux méthodes frauduleuses, pratique courante à l’époque et cautionnée par le pouvoir institutionnel représenté à ce moment-là par le Préfet Perreau-Pradier. Le candidat communiste fût expulsé de la mairie par la force et la violence. Sa maison était prise d’assaut. Pourchassé par les sbires de son adversaire, il trouva refuge chez les Pongérard qui lui offrirent le gîte et le couvert pendant quelque temps. C’est encore eux qui le recueilleront lorsque, plus tard, il se retrouva seul et complètement dépourvu. Pourtant, les Pongérard eux-mêmes n’étaient pas riches et vivaient dans des conditions qui n’étaient pas faciles, mais ils possédaient une qualité qui n’a pas de prix: l’esprit de solidarité. Portoise de cœur et de conviction Par la suite, la famille Pongérard s’installe au Port dans le quartier du Cœur-Saignant. Au Port, MarieAnge poursuivra son action militante avec les forces de gauche pour la défense des plus pauvres et pour un véritable projet de déve- loppement de cette ville. Membre de l’OPIAPA et de l’Association générale des retraités, elle participe à la dynamique de la vie associative. Elle est un témoin privilégié de l’histoire de notre île et des grandes transformations de la ville du Port depuis quelques décennies. Portoise de cœur et de conviction, Marie-Ange a contribué par son engagement au développement de la cité maritime. En 2006, la municipalité du Port lui décerne le titre de Citoyenne d’honneur. Aujourd’hui, quand on demande à Marie-Ange quel regard elle porte sur sa vie, voici ce qu’elle répond: «J’ai connu tous les goûts, toutes les couleurs, toutes les douleurs aussi… mais j’ai été heureuse».