Rapport de recherche IHESI - retouralaccueil Érudit

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Rapport de recherche IHESI - retouralaccueil Érudit
CENTRE DE RECHERCHES CRIMINOLOGIQUES
FACULTE DE DROIT
UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
Bilan des connaissances sur la police de
proximité en Belgique
Rapport final
Janvier 2000
Thierry HENDRICKX
Sybille SMEETS
Cedric STREBELLE
Carrol TANGE
(sous la direction de Philippe MARY)
I.H.E.S.I.
Ministère de l’Intérieur (France)
Convention de recherche 99/1111
1
2
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS UTILISEES
B.A.V.
C.C.P.D.
Dév. et soc.
J.P.
M.B.
Mouv. Com.
Off. pol.
P.G.R.
R.D.P.C.
R.I.C.P.T.
S.G.A.P.
V.S.P.P.
Z.I.P.
Bureau d’assistance aux victimes
Conseil consultatif (communal) de prévention de la délinquance
Déviance et société
Journal des procès
Moniteur belge
Mouvement Communal
L’Officier de police
Police générale du royaume
Revue de droit pénal et de criminologie
Revue internationale de criminologie et de police technique
Service général d’appui policier
Secrétariat permanent à la politique de prévention
Zone interpolices
3
4
INTRODUCTION
A la demande de l’Institut des Hautes Etudes sur la Sécurité Intérieure, le Centre de
recherches criminologiques de l’Université Libre de Bruxelles (U.L.B.) s’est vu confier
la rédaction d’un « Bilan des connaissances sur la police de proximité en Belgique ».
De manière générale, le Centre développe depuis quelques années une expertise
importante sur les questions policières en Belgique. En effet, plusieurs de ses membres
travaillent depuis près de cinq ans sur celles-ci, en particulier via des recherches
portant sur la police de proximité en Belgique (réalisées pour le compte du ministère
de l’Intérieur), sur l’organisation des services de police à Bruxelles, ou encore via leurs
activités professionnelles hors du Centre (participation à diverses commissions
parlementaires : commission sur la criminalité organisée, commission Dutroux et
consort). L’ensemble de ces activités a débouché sur diverses publications sous forme
d’ouvrages ou d’articles dans des revues scientifiques. En outre, l’actuelle réforme des
services de police a été suivie au fur et à mesure de son élaboration par le Groupe de
réflexion sur la législation pénale (Réflex) rattaché à l’Ecole des sciences
criminologiques et a donné lieu à la rédaction de notes remises au Parlement et à
l’organisation de conférences sur la question. Enfin, de par son activité de recherche
couvrant l’ensemble du champ d'administration de la justice pénale, à tous les stades
d’intervention, les membres du Centre disposent également d’une expertise
permettant d’envisager les problématiques policières sur fond de l’ensemble du
contexte sociétal belge.
De manière spécifique, cette recherche a été confiée à quatre chercheurs du Centre de
recherches criminologiques, spécialisés dans les matières touchant à l’institution
policière et à la police de proximité en particulier.
Délimitation de l’objet de recherche et sources mobilisées
Cette recherche vise non pas à évaluer l’opérationnalisation ou même la pertinence de
la mise en place d’une police de proximité en Belgique mais bien à dresser un bilan des
connaissances portant sur celle-ci. C’est pourquoi, l’option choisie par l’équipe de
recherche est de présenter ce bilan autour des trois « pôles de connaissance » sur la
police de proximité que sont le politique, l’institution policière et la recherche
scientifique.
Le premier « pôle de connaissance » - le politique - vise à cerner comment la police de
proximité est envisagée dans les discours des principaux acteurs concernés au niveau
décisionnel.
5
Ce niveau « politique » sera, dans un premier temps, abordé à travers le niveau de
décision supra-local (le pouvoir fédéral). En effet, la volonté de mettre en œuvre une
politique policière de proximité en Belgique est récente, mais est principalement due à
l’initiative du pouvoir fédéral – ministère de l'Intérieur en particulier. Dès lors, pour
cerner « l’état des connaissances sur la police de proximité en Belgique », nous ne
pouvions faire l’économie de nous intéresser au préalable à l’existence et à la définition
d’une telle politique. Pour cette partie, les sources d’information mobilisées sont tout
naturellement les différents textes législatifs et réglementaires, ainsi que les
déclarations gouvernementales portant sur les questions de police.
Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à l’intégration du concept de police
de proximité aux niveaux décisionnels locaux (provinces et communes) dans la mesure
où, comme nous le verrons, c’est le niveau local qui sera désigné par le gouvernement
fédéral comme le plus pertinent pour l’opérationnalisation d’une police de proximité.
Pour cette partie, nous nous sommes basés sur les discours des pouvoirs locaux tels
qu’ils apparaissent dans différentes publications (principalement sous forme d’articles)
et les conférences et colloques.
Le deuxième « pôle » se base sur les discours policiers sur la police de proximité
(principalement ceux des responsables policiers) tel qu’il apparaît principalement,
comme pour les niveaux locaux, dans différentes publications spécialisées et au cours
des conférences et colloques portant sur des questions policières ou de sécurité afin de
cerner dans quelle mesure et comment le concept de police de proximité a été reçu par les
policiers et s’inscrit éventuellement dans la définition d’une politique policière et dans
les pratiques policières locales.
C’est donc principalement via l’analyse des discours - sur les intentions et sur les
pratiques - que ce bilan des connaissances sur la police de proximité sera d’abord
envisagé.
Nous terminerons par le « pôle » scientifique en nous intéressant aux programmes de
recherche portant sur la police et plus spécifiquement sur la police de proximité en
Belgique. Dans ce cadre, nous pourrons également aborder, à la lumière des résultats
de ces recherches, les divergences et les convergences entre les discours et les pratiques de
terrain des policiers de base.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il nous semble indispensable de mentionner
quelques remarques d’ordre méthodologique.
6
Premièrement, s’agissant de faire un « bilan des connaissances sur la police de
proximité », l’équipe est partie du principe que pour qu’une source d’information soit
mobilisée, il faut qu’elle soit rendue publique et accessible à tous. Nous n’avons dès
lors pas tenu compte des sources « internes » destinées uniquement aux acteurs d’une
institution spécifique (notes de travail parlementaire, journal interne, etc.). Pour des
raisons de temps cette fois-ci, nous n’avons pas tenu compte non plus des informations
publiées dans les différents médias belges.
Deuxièmement, en raison de la première remarque, notre intention n’est pas de faire
ici un tableau exhaustif de la connaissance sur la police de proximité mais de dégager
des tendances, de repérer ou de distinguer des logiques à l'œuvre. Cela est d’autant
plus vrai que nous disposions de peu de temps et de moyens dans le cadre de cette
recherche. Cependant, les chercheurs chargés de cette recherche sont ceux ayant
travaillé sur les (seules) recherches portant sur l’évaluation de la mise en œuvre
concrète de la police de proximité en Région bruxelloise (C. Tange) et en Région
Wallonne (Th. Hendrickx, S. Smeets et C. Strebelle). Cette « expertise » de plusieurs
années a été bien évidemment mis à la disposition de ce « bilan des connaissances ».
De plus, pour pallier les manques que cette synthèse – comme toute synthèse - ne
pourra éviter de rencontrer, le lecteur intéressé trouvera en annexe de ce rapport une
bibliographie, que nous espérons la plus complète possible, sur la police en Belgique et
en particulier sur la police de proximité belge.
Le paysage policier belge1
Il y a actuellement en Belgique trois services de police générale : la police judiciaire près
les parquets, la gendarmerie fédérale et la police communale.
La police judiciaire près les parquets est compétente en matière judiciaire sur le
territoire de l’arrondissement judiciaire. Elle est placée sous l’autorité du Ministre de la
Justice et sous la direction directe du procureur du Roi et du procureur général du
parquet duquel elle dépend. La police judiciaire dispose de plus ou moins 1.400
fonctionnaires.
1
Cette partie vise à permettre au lecteur de ce faire une idée générale (et rapide) du paysage policier
belge – à bien des égards spécifique. Pour plus d’informations le lecteur se réfèrera utilement à L. VAN
OUTRIVE, Y. CARTUYVELS, P. PONSAERS, Les polices en Belgique; histoire socio-politique du système
policier de 1794 à nos jours, Bruxelles, Vie ouvrière, 1991 ; E. DERRIKS, G. RENAULT, La collaboration entre
les trois services de police réguliers, Bruxelles, Politeia, 1996. Sur les aspects plus juridiques, voy. not. D.
BATSELE, La loi du 11 février 1986 sur la police communale, Bruxelles, Nemesis, 1989 ; Ch. DE
VALKENEER, Le droit de la police. La loi, l’institution et la société, Bruxelles, De Boeck Université, 1991 ;
G.L. BOURDOUX, Ch. DE VALKENEER, La loi sur la fonction de police, Bruxelles, Larcier, 1993 ; Th.
VANDENHOUTE, La réforme de la police en Belgique Bruxelles, Bruylant, 2000 (à paraître).
7
La gendarmerie est compétente en matières judiciaire et administrative sur l’ensemble
du territoire belge. Globalement, la gendarmerie est constituée de deux composantes
principales : les éléments nationaux (état-major, unités opérationnelles et services
d’appui nationaux) et les éléments locaux (unités territoriales). Ces unités sont
réparties en districts – qui correspondent aux arrondissements judiciaires -, euxmêmes divisés en brigades (427). Chaque district possède également une brigade de
surveillance et de recherche (B.S.R.) qui se charge des tâches judiciaires spécialisées.
L’effectif de la gendarmerie s’élève à plus ou moins à 16.000 membres.
Enfin, chaque commune possède un corps de police communale (583) dirigé par un
chef de corps. Les polices communales sont compétentes en matières judiciaire et
administrative sur le territoire de la ville ou de la commune. Les effectifs d’une police
communale varient d’un policier à plus ou moins 1.600. Le cadre organique de la
police communale est d’environ 19.000 personnes, l’effectif réel est de plus ou moins
16.000 policiers.
Pour l’exercice de leurs missions, les polices communales et la gendarmerie sont
soumises à des autorités administratives (tâches administratives) et judiciaires (tâches
judiciaires) spécifiques. Les autorités administratives sont le bourgmestre (maire) pour
la commune, le gouverneur pour la province et le Ministre de l’Intérieur pour
l’ensemble du pays. Les autorités judiciaires sont le procureur du Roi et le procureur
général. En outre, le Ministre de la Justice (sur base ou non des avis rendus par le
Collège des procureurs généraux) peut donner aux services de police les directives
générales qu’il juge nécessaires à l’accomplissement des tâches judiciaires.
Depuis 19922, ces trois services de police ont une législation commune, mais il existe
pour chacun de ces services une loi particulière déterminant leurs tâches spécifiques,
leur organisation et leurs compétences3. En outre, depuis 1997, le gouvernement s’est
lancé dans une vaste réforme des services de police visant à instituer un service de
police intégré, structuré à deux niveaux, local et fédéral. Ce projet à été concrétisé dans
la loi du 7 décembre 19984 et devrait connaître sa matérialisation dans le courant de
l’année 2001.
2
Loi du 5 août 1992 sur la fonction de police (M.B. 22.XII.1992).
La loi du 7 avril 1919 (M.B. 12.IV.1919) pour la police judiciaire près les parquets, la loi du 2 décembre
1957 (M.B. 12.XII.1957) pour la gendarmerie et le titre IV de l’Arrêté royal du 24 juin 1988 sous l’intitulé
« Nouvelle loi communale », ratifié par la loi du 26 mai 1989 (M.B. 30.V.1989) pour la police communale.
4
Loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, M.B.
5.I.1999. Voy. à ce propos Th. VANDENHOUTE, op. cit.
3
8
PREMIERE PARTIE. – LE POLITIQUE
9
Titre premier. - Le niveau supra-local
Chapitre premier. – Contexte général d’émergence de la police de
proximité
Depuis les années 70, dans la plupart des pays occidentaux, l’institution policière
connaît des modifications profondes qui correspondent à une volonté politique
d’impulser une vision nouvelle de la nature de son travail et de son organisation. Les
profonds changements qu’ont connus et que connaissent nos sociétés modernes ont
contribué à transformer le mode de fonctionnement de la police. La crise économique
de l’Etat social, caractérisée par la croissance du chômage, sa concentration dans
certaines classes d’âge et certains groupes sociaux, le renforcement des inégalités
sociales, le développement des phénomènes d’exclusion, la crise des finances
publiques (et donc des services publics) et des mécanismes de redistribution,
concourent non seulement à alimenter un sentiment d’insécurité auquel correspond un
accroissement de la victimisation, mais aussi à une focalisation sur la petite
délinquance considérée et/ou présentée comme la principale, voire même la seule
cause de l’insécurité.
Cette focalisation se trouvera renforcée par un certain nombre de prises de position
des instances internationales en matière de politique criminelle. Ainsi, de la Déclaration
de Caracas,5 adoptée lors du sixième Congrès des Nations Unies pour la prévention du
crime tenu en 19806 aux travaux du neuvième Congrès tenu au Caire en 1995, les
priorités se sont sensiblement précisées dans une optique qui viendra légitimer
certaines orientations. En 95, il fut notamment rappelé : que la coopération
internationale, par l'intermédiaire de l'O.N.U., paraissait indispensable dans des
matières telles que la criminalité urbaine ou la délinquance juvénile; que l'approche
communautaire dans le domaine du maintien de l'ordre était à privilégier en vue de
susciter une plus grande participation du public aux activités policières; qu'il était
nécessaire de développer une approche intégrée et décentralisée des problèmes liés à
l'insécurité (notamment sur base d'un renforcement des politiques locales,
partenariales, contractuelles, communautaire et l'amélioration de l'équipement et de la
formation des services de police)7.
5
Adopté par l'Assemblée générale le 15 décembre 1980 par sa résolution 35/171.
Insistant sur la nécessité de « réviser les stratégies traditionnelles de lutte contre la délinquance qui
sont fondées exclusivement sur des critères juridiques » pour les coordonner « avec les stratégies de
développement social, économique, politique et culturel ».
7
Un rôle important est donc joué par les Nations Unies dans la définition des orientations des
politiques de prévention. Si l’on peut s’interroger sur la portée réelle des textes adoptés par les
différents organes onusiens, il reste que bon nombres des lignes de force qui s’y dessinent se
6
10
Tout comme les Nations Unies, le Conseil de l’Europe va mettre la prévention à son
ordre du jour. Dès 1987, il recommande aux Etats membres de consacrer « un effort
particulier à des stratégies préventives de la criminalité visant à réduire la
victimisation et à alléger les charges imposées à la justice pénale »8. La quatrième
conférence de politique criminelle de 19909 marque encore davantage l’intérêt du
Conseil de l’Europe pour le domaine de la prévention en mettant l’accent sur la
prévention de type situationnelle et le développement de partenariat sous forme
contractuelle entre, d’une part, les pouvoirs publics et privés, et d’autre part, les
pouvoirs publics et le citoyen. Tout comme dans les politiques de l’O.N.U., c’est la
petite délinquance urbaine qui sera ciblée via la mise en œuvre de politiques locales,
globales, alliant social et répression.
Enfin, diverses conférences internationales sont organisées par des collectivités locales
qui vont, d’une certaine manière, orienter les politiques de prévention vers une
perspective « localiste »10. Les "grands messes de la prévention" que constituent ces
Conférences internationales “ ont, de toute évidence, contribué à diffuser le modèle, à
l’élaborer et à le légitimer. Des réseaux plus ou moins formalisés sont nés ou se sont
développés à partir de ces rencontres, plusieurs organisations internationales et
nationales vouées à la promotion et au soutien du modèle de prévention en voie de
développement ont été mises en place dans la foulée de ces réunions internationales,
avec leurs personnels, leurs experts, leurs budgets et leur propre production
documentaire. Ces rencontres internationales ont joué un rôle important pour les
acteurs des ‘nouvelles politiques de prévention’, ils y ont trouvé un lieu d’échange et
de valorisation de leurs projets et expériences ”11. Cette influence est évidemment
intimement liée à la qualité des acteurs qui participent à ces grands messes. On
distingue à cet égard deux types d'acteurs qui ont pu orienter le développement des
nouvelles politiques de prévention en Europe: d’une part les acteurs nord américains,
retrouveront dans les politiques belges : prévention, ciblage de la petite délinquance ou de la
délinquance urbaine, politiques locales, logiques contractuelles, partenariat, approche communautaire
(Voy. Ph. MARY, G. CAPPELAERE, « Le programme des Nations Unies pour la prévention du crime et
la justice pénale », R.D.P.C., 1996, n°1, pp. 76 et sv.).
8
Comité européen pour les problèmes criminels, Organisation de la prévention de la criminalité,
Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1988.
9
Conseil de l’Europe, Quatrième conférence de politique criminelle (Strasbourg, 9-11 mai 1990), Strasbourg,
CDPC (91)2, 1991.
10
Outre la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux d’Europe (Genève, 3-5 juin 1993),
nous citerons également les trois Conférences internationales sur la sécurité, les drogues et la prévention
de la délinquance en milieu urbain organisées à l’initiative du Forum des collectivités territoriales
européennes pour la sécurité urbaine (Barcelone en 1987, Montréal en 1989 et Paris en 1991). La
Conférence de Montréal est particulièrement importante en ce sens qu’elle a influencé directement la
Déclaration de La Havane. Nous noterons également que les deux dernières conférences ont été
organisées en collaboration avec les municipalistes nord-américains.
11
I. POULET, Les nouvelles politiques de prévention, Une nouvelle forme d’action publique ?, Bruxelles,
S.S.T.C., 1995, p. 7.
11
d’autre part des municipalistes. Deux influences directes sont donc à prendre en
compte pour tenter de comprendre l’orientation prise par les politiques de prévention,
d’autant que ces conférences ont reçu l’aval tant des Nations Unies que du Conseil de
l’Europe, renforçant par là leurs légitimités12.
Progressivement donc, la question de l’insécurité, transformée en « problème public »,
va être projetée au rang d’enjeu des débats et des luttes politiques, renforcé en cela par
l’émergence de l’extrême droite de plus en plus présente et dont quelques thèmes de
prédilection (immigration, délinquance, etc.) susciteront une attention nouvelle de la
part des partis démocratiques, voire, parfois, viendront contaminer le discours d’un
certain nombre d’entre eux. Cette politisation du sentiment d’insécurité aura pour
conséquence directe d’accroître, dans la plupart des pays, l’attention portée à
l’organisation policière, à ses activités et aux aspects de sa politique13.
Dans ce contexte, un constat s’imposera : alors qu’elle se donne comme mission
principale la répression de la délinquance, la police est mise en échec. Son manque
d’efficacité sera d’autant plus critiqué que le taux d’élucidation ne cessera de diminuer
et ce, malgré l’augmentation des effectifs policiers. Ce constat aura pour conséquence
l’émergence d’un questionnement général du politique en réaction à l’échec d’un
modèle de police criminelle, qui s ’est développé au 20ème siècle en tant que forme
d’organisation policière dominante et dont le champ d’investigation principal est la
répression du crime. Ce questionnement a généralement mené à des propositions qui
privilégient un « nouveau »14 modèle de police, dit de community policing, qui est
encore présenté, à l’heure actuelle, comme la réponse la plus pertinente à la répression
du crime sur le plan local, mais aussi à sa prévention et au maintien de l’ordre.
12
Pour un inventaire des stratégies de prévention du crime en Europe et en Amérique du Nord, voy. J.
GRAHAM, T. BENNETT, Crime prvention strategies in Europe and North America, Helsinki, HEUNI, 1995.
13
Pour la Belgique, voy. not. Ph. MARY, Délinquant, délinquance et insécurité. Un demi-siècle de traitement
en Belgique (1944-1997), Bruxelles, Bruylant, 1998, spéc. pp. 603-637; G. PYL, « Les contrats de sécurité »,
Politeia, 21 octobre 1992, n° 4, pp. 18-19; J.-C. VAN CAUWENBERGHE, « Des contrats de sécurité pour
les villes et communes », in Institut Emile Vandervelde, « Les villes et les communes face à la violence
urbaine : les contrats de sécurité (Colloque organisé le 19 juin 1992) », Notes de documentation, décembre
1993, n° 37 ; Y. CARTUYVELS, « Insécurité et prévention en Belgique : les ambiguïtés d’un modèle
“ global-intégré ” entre concertation partenariale et intégration verticale », Dév. et Soc., 1996, n° 2, pp.
153-171 et « Les politiques de prévention socio-pénales en Belgique, métamorphoses de l’action
étatique ? », in Ph. GERARD, Fr. OST, M. VAN DE KERCHOVE, (Sld.), Droit négocié, droit imposé ?,
Bruxelles, P.U.B., F.U.S.L., 1996, pp. 581-603 ; P. HEBBERECHT, « La nouvelle politique fédérale belge
de prévention de la criminalité », in P. HEBBERECHT, F. SACK, (Sld.), La prévention de la délinquance en
Europe, Paris, L’Harmattan, 1997, pp. 101-128 ; I. POULET, op. cit. ; A. REA, « Sécurité ou solidarité.
Confusion dans la politique de sécurisation des villes », Cahiers marxistes, 1995, n° 200, pp. 51-66.
14 Si le modèle de community policing peut apparaître comme un phénomène récent dans les services de
police, certains auteurs précisent qu’il s’agit, en réalité, d’une approche renouvelée, « de la réapparition
du concept original du service de police public en milieu urbain », abandonné durant une certaine
période au profit d’un modèle de police plus professionnelle. A. NORMANDEAU, « Police de
proximité, police communautaire, police d’assurance pour l’an 2000 », R.D.P.C., 1994, n° 6, p. 712.
12
D’autres événements, tels ce que l’on a appelé les émeutes urbaines15, vont questionner
encore plus gravement la police, car ils mettront notamment en évidence des lacunes
importantes dans les rapports que la police entretient avec les citoyens. Souvent, en
effet, le déclenchement de l’émeute est dû à un incident qui intervient à un moment de
tension extrême entre la population d’un quartier et la police, et qui met directement
en cause la légitimité de l’action de celle-ci.
Comme le souligne D. Monjardet, se pose ainsi à l’égard de la police « la question de
sa productivité, de la quantité et la qualité de son travail, sous le double aspect de son
efficacité (dans le traitement de la délinquance) et de sa pertinence (dans les rapports
qu’elle entretient avec la population), et cette double question est posée de l’extérieur,
par les usagers du service public policier, les groupes sociaux, les associations, les élus
locaux ou nationaux, etc. »16.
Face aux problèmes de délinquance et d’émeute, c’est en définitive tout le
fonctionnement policier qui est mis en cause. Il y a crise du système et apparaîtra, dans
la plupart des pays occidentaux, une production importante et continue de réformes
ou de projets de réformes contribuant à mettre en œuvre un nouveau modèle policier.
Les autorités politiques vont ainsi tenter de répondre à la problématique de l’insécurité
par la mise en œuvre de « politiques publiques de sécurité » privilégiant la voie de la
prévention dans le cadre d’une réflexion sur les modalités d’intervention de la police.
Peu à peu, il semble que se soit opérée une prise de conscience tendant à mettre en
évidence que, si la police occupe une place privilégiée dans le dispositif sécuritaire,
notamment par la possibilité de recourir à la force physique, elle ne saurait néanmoins
remplir cette fonction seule, particulièrement aujourd’hui, sans prendre en
considération l’évolution de la société et l’action d’autres institutions. Une tendance
dominante consistera à affirmer qu’une politique de sécurité efficace suppose de situer
l’action et les stratégies policières dans une perspective à la fois de collaboration avec
le public et de partenariat avec d’autres institutions concernées par la gestion de la
sécurité publique, notamment les institutions à finalités socialisatrices comme l’école,
la famille, les associations, les travailleurs sociaux, etc.17
15
Dans le monde occidental de l’après-guerre et plus précisément dans le courant des années 60, les
Etats-Unis ont connu une première vague d’émeutes. L’Angleterre n’a pas été épargnée par le
phénomène (événements de Brixton de 1981). En France, le phénomène apparaîtra avec une première
émeute en 1989 bien que certains événements avaient déjà défrayé la chronique depuis 1981.
Mentionnons déjà que la Belgique connaîtra elle aussi le même phénomène bien que dans une moindre
mesure (1991, 1997).
16
D. MONJARDET, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 238.
17
J.L. LOUBET DEL BAYLE, La Police; approche socio-politique, Paris, Montchrestien, 1992, p. 63.
13
Mais de manière plus large, et peut-être plus fondamentale, la (re)valorisation du
modèle de community policing constitue une tentative de réponse à un malaise, à une
crise d’efficacité et de légitimité, qui touche l’ensemble des mécanismes de contrôle
social des démocraties occidentales. En effet, ces mutations ne concernent pas
uniquement l’institution policière, mais s’étendent à un mouvement d’ensemble qui
implique la justice (avec, par exemple, la médiation pénale ou les maisons de justice),
ainsi que la plupart des agences de l’Etat pour lesquelles les notions de « proximité »,
de « service au profit du public » sont devenues cruciales à la suite des principales
critiques émises à leur encontre et, en particulier leur mode de fonctionnement
monolithique, stigmatisant, inégalitaire et trop éloigné des préoccupations et des
attentes des citoyens18.
Nombre de ces critiques font régulièrement, depuis plusieurs années, la une de
l’actualité belge, mais ne sont pas pour autant nouvelles. L’on peut ainsi mentionner
celles relatives au système pénal, portées dans les années 80 par le mouvement
abolitionniste, dénonçant le fait que ce système s'appropriait le conflit des personnes
qui y sont impliquées, le retirait du contexte et l'interprétait selon des stéréotypes pour
finalement le transformer en problème abstrait et n'y apporter en retour que des
solutions elles-mêmes stéréotypées car limitées à la stigmatisation par la punition19. De
ces critiques est notamment née la proposition de mettre en œuvre un nouveau
modèle qui se concrétiserait, non plus au niveau macro-structurel, mais au niveau
microsociologique. Il ne ferait plus référence ni à une culture rétributive, ni à une
culture réhabilitative, mais bien à une culture réparatrice ou restauratrice. Le modèle
de police de proximité peut, à maints égards, être rattaché à une telle proposition.
Chapitre II. –Emergence d’un concept « belge » de police de proximité
Notre objectif, dans cette partie, n’est pas de définir le modèle de police de proximité
tel qu’il est opérationnalisé dans les différents corps ou services de police mais de
dégager les contours qu’a pris cette notion lors de son introduction dans le paysage
policier belge.
Le développement d’un discours sur la pertinence du modèle de police de proximité
est indissociable en Belgique d’un contexte politique fort troublé par une série
d’événements aux conséquences considérables pour le champ policier belge. Il est
également indissociable du développement d’une politique policière. En effet, à
18
Y. CARTUYVELS, Ph. MARY, « Malaise de la justice : et au-delà ? », in L’affaire Dutroux. La Belgique
malade de son système, Bruxelles, Complexe, 1997, pp. 97-126.
19
L. HULSMAN, J. BERNAT de CELIS, Peines perdues. Le système pénal en question, Paris, Le Centurion,
1982.
14
l’instar de la quasi-inexistence d’une politique criminelle20, la Belgique n’a pas connu
de politique policière uniforme avant le début des années 90.
C’est pourquoi nous nous proposons de mettre en évidence brièvement dans ce
chapitre les événements conjoncturels qui sont à l’origine de la réflexion entamée, ainsi
que les mesures prises par le gouvernement fédéral qui sont de nature à avoir une
influence sur la mise en œuvre de la police de proximité. Cette analyse, dans laquelle
s’articuleront les éléments de définition de la police de proximité telle qu’elle a été
envisagée par le pouvoir Fédéral, constitue, selon nous, un point de passage obligé si
l’on veut comprendre les logiques et les tendances d’un tel discours.
En effet, comme nous le verrons, le discours sur la police de proximité a été construit au
fur et à mesure des différentes réformes ou réorganisations des services de police – et
donc des textes réglementaires (lois, circulaires et directives) issus principalement du
ministère de l'Intérieur - pour finalement n’acquérir sa « forme finale » que très
récemment.
Section Ière. - Les années 80 : les événements catalyseurs d’une politique policière
orientée vers le citoyen
De manière schématique, on peut dire que l’ensemble des réformes concernant la
police ces dix dernières années trouve son origine dans différents événements
dramatiques qui ont marqué les années 80 (tragédie du Heysel, terrorisme des Cellules
Communistes Combattantes, tueries du Brabant). Ces évènements ont en effet conduit
le pouvoir politique à porter son attention sur le fonctionnement des appareils
policiers et judiciaires et à engager une réflexion en profondeur sur la politique à
l’égard de la délinquance et de l’ordre social, ainsi que sur le rôle et les modalités
d’intervention des services de police. L’importance politique de la question policière
était ainsi reconnue21.
Comme dans d’autres pays occidentaux, on peut distinguer deux types de mesures
prises par le gouvernement au cours de la décennie qui va suivre. Dans un premier
temps, on assistera surtout à une augmentation quantitative des moyens
(augmentation budgétaire, renforcement du personnel de la gendarmerie, création de
différentes structures orientées vers la grande criminalité). De même, dès 1985, le
gouvernement accordera les crédits nécessaires à la réalisation d’un audit des services
20
21
Sur cette question, voy. Ph. MARY, Délinquant, délinquance et insécurité, op. cit.
Voy. Y. CARTUYVELS, op. cit., pp. 154-155.
15
de police22, ainsi qu’au financement d’un premier programme de recherches
universitaires concernant « la police et la sécurité du citoyen ». C'est également à cette
époque que sera instaurée la Commission parlementaire chargée d’enquêter sur la
façon dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme a été menée (dite
« Commission Bourgeois »), dont les résultats des travaux seront rendus publics en
avril 199023.
Ce que l’on peut retirer, pour notre étude, des travaux de la Commission (et qui
corrobore partiellement les résultats de l’audit commandité quelques années
auparavant), c’est le constat unanime de la nécessité de réformer le fonctionnement
des services de police en général en améliorant la qualité du service offert au citoyen.
Ce qui sera mis en avant, au-delà de la question du manque d’effectifs, sera
essentiellement la dispersion, les doubles-emplois et la concurrence entre les services
de police ainsi que la nécessité de moderniser et de restructurer l’appareil policier en
Belgique.
La Commission d’enquête pointera le manque de définition d’une politique explicite à
l’égard de la délinquance et de l’ordre social, de lignes directrices précisant le rôle et
les modalités d’intervention de la police, l’ineffectivité du contrôle de ses activités, ces
différents éléments étant considérés comme de nature à mettre sérieusement en danger
sa légitimité démocratique, d’autant que l’on s’interrogera sur l’autonomie de
l’appareil policier par rapport au politique et sur l’importance de la relation de
confiance avec le public. La Commission d’enquête parlementaire, bien que
s'intéressant peu à la police communale, soulignera que la première mission de la
police réside dans la prévention des infractions et qu’il est préférable que cette tâche
puisse être reconnue à un service de première ligne, lié à la population.
Section II. - Les années 90 : l’amélioration du fonctionnement des services de police
La réponse du gouvernement au rapport de la Commission parlementaire (le « Plan de
la Pentecôte » du 5 juin 1990) ne retiendra que pour partie les propositions de la
commission parlementaire, mais va esquisser une nouvelle politique policière en
marquant clairement une ligne de conduite fédérale qui, dans les années 90, mettra en
œuvre une série de mesures en vue d’améliorer le fonctionnement des services de
police. Parmi les différences notables avec les conclusions de la Commission, on peut
22
Pour une analyse critique, à la fois de l’initiative du gouvernement et de cet audit voy. Ch. DE
VALKENEER, « Analyse de l’audit réalisé sur les services de police en Belgique », J.P., 21 avril 1989, n°
149, pp. 10-13 et 5 mai 1989, pp. 17-20.
23
Voy. J. MOTTARD, R. HAQUIN, Les tueries du Brabant. Enquête parlementaire sur la manière dont la lutte
contre le banditisme et le terrorisme est organisée, Bruxelles, Complexe, 1990.
16
souligner le fait qu’alors que la police communale n’avait que peu retenu l’attention de
la commission, le plan de Pentecôte lui accorde une attention particulière. Il prévoit
davantage des mesures qualitatives que quantitatives, marquant ainsi une
différenciation avec les mesures qui avaient été prises majoritairement dans les années
80.
Dans ce cadre, le plan mentionnera, entre autres, que « globalement, la Belgique
n’affecte pas moins de moyens humains et financiers aux services de police que les
autres Etats qui lui sont comparables (...). Le Gouvernement estime qu’en raison de la
situation difficile des finances publiques, il s’agira avant tout de faire mieux avec ce
qu’on a, de mieux utiliser les ressources humaines, financières et matérielles et de
n’envisager qu’avec la plus grande prudence les augmentations de crédits sollicités »24.
Cependant, si l’ambition du gouvernement est de mieux travailler avec les moyens
humains, financiers et matériels disponibles, le programme ne mentionne pas la mise
en place d’un nouveau modèle de police et, de ce fait, ne présente pas de rupture
fondamentale avec la fonction de police telle que définie jusqu’alors. Les mesures qui
seront prises marqueront ce manque d’ambition politique dans la redéfinition de cette
fonction policière. Globalement, il concerne :
1. le projet de loi sur la fonction de police en vue de créer un cadre légal commun aux
trois services de police générale ;
2. la volonté de revaloriser la fonction de la police communale, en mettant l’accent sur
le rôle des bourgmestres en tant que responsables de l’ordre public et de la sécurité et
la nécessité de l’intégration de l’intervention policière dans une politique globale de
prévention. Le plan rappelle aussi l’importance « de moderniser et d’augmenter le
professionnalisme de la police communale en améliorant la formation, le recrutement,
l’organisation, l’équipement (...) ». En effet, « dans les petits corps surtout, la police
communale n’a pas toujours réussi à se développer de manière suffisamment rapide
pour pouvoir assurer aujourd’hui une fonction de police moderne et complète. Que la
police communale soit de moins en moins un service de police à part entière, constitue
une évolution préoccupante ». Dans la même optique, « le gouvernement souligne
l’importance d’un contact étroit avec la population afin d’assurer une police efficace et
démocratique. A ce sujet, il s’en réfère notamment aux constatations de la Commission
d’enquête concernant la fonction de l’agent de quartier ». Pour la réalisation de ces
24
Communication gouvernementale du 5 juin 1990, p. 6.
17
objectifs, le ministre de l’Intérieur25 organise dans chaque province une table ronde
pour discuter des propositions et des mesures à prendre26 ;
3. la proposition de démilitariser la gendarmerie ;
4. le contrôle des services de police et de renseignements, pour rétablir la confiance de
la population dans ses services, en garantissant le respect des libertés et droits
fondamentaux des citoyens, et pour examiner le fonctionnement, l’efficacité et la
coordination de ces services.
Dans la foulée de ce plan, une série de mesures furent effectivement prises, qui se
succéderont à un rythme qui donne la mesure de l'importance accordée au problème.
Ainsi, on peut mentionner, sans être exhaustif, le vote de la loi sur la fonction de
police27, la mise sur pied de la concertation pentagonale28, un ensemble de circulaires
relatives à la collaboration policière entre les communes, à l’aide aux victimes et à la
prévention de la criminalité, la démilitarisation de la gendarmerie, le contrôle des
services de police et de renseignements, les normes de sécurité minimales, la mise sur
pied d’un service général d’appui policier (S.G.A.P.) et d'une commission permanente
de la police communale, etc.
S’affichait, ce faisant, une volonté d’offrir au citoyen un ensemble de garanties de
nature à rendre plus démocratique l’exercice de la fonction de police. Ainsi, cet extrait
de la communication du 5 juin 1990 : « Libertés démocratiques, transparence, efficacité
et responsabilités sont les quatre principes à la lumière desquelles doivent se
comprendre toutes les mesures qui seront annoncées. Tout en étant indispensables au
respect des libertés démocratiques et des droits de l’homme, le maintien de l’ordre, la
sécurité des citoyens et la répression des délits, impliquent nécessairement, l’usage de
la contrainte. La recherche d’une meilleure efficacité de nos services de police
préventive et de l’appareil répressif, ne peut donc en aucune façon, signifier un
25
Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Louis Tobback, sera le « grand instigateur » non seulement de
l’ensemble des réorganisations de la police communale mais également de la politique de prévention de
la délinquance au niveau local. Les ministres de l’Intérieur qui lui succèderont ne feront qu’appuyer ces
politiques.
26
Voy. L. TOBBACK, Revalorisation de la police communale : propositions et initiatives du Ministre de
l’Intérieur, Bruxelles, Politeia – Vanden Broele, 1991.
27
Loi du 5 août 1992 (M.B. 22.XII.92). Cette loi ne fera qu’entériner des pratiques policières antérieures
sans donner de pistes ou de lignes de force permettant de réorienter les pratiques policières dans une
optique nouvelle.
28
La loi de 1992 prévoit que dans chaque arrondissement judiciaire, les bourgmestres et le procureur du
Roi organisent une concertation systématique « avec les chefs de la gendarmerie, de la police
communale et de la police judiciaire près les parquets, ou leurs représentants » et cela dans le but de
promouvoir une meilleure coordination entre les fonctions de police administrative et de police
judiciaire, la collaboration entre les services de police et une politique administrative, criminelle et
18
affaiblissement des libertés individuelles et collectives puisque les polices doivent être
au service de la population. Les moyens et pouvoirs reconnus aux polices
administratives et judiciaires, aux autorités chargées de l’action publique et aux juges,
doivent être utilisés dans la stricte mesure où ils sont indispensables à l’exercice des
missions pour lesquelles ils ont été attribués »29. Le gouvernement marquera
également la volonté de revaloriser les polices communales et de voir leur intervention
s’inscrire dans le cadre d’une politique globale de prévention.
C'est dans ce cadre que sera impulsée une politique globale de prévention avec
l’adoption, en juin 1992, des contrats de sécurité. Ceux-ci viseront notamment la
réorganisation du travail des polices communales dans une optique de police de
proximité, de manière à répondre à la critique selon laquelle la police communale
n’exerce pas suffisamment la surveillance préventive et n’est pas assez disponible aux
demandes et besoins de la population. C’est dès lors dans le cadre des contrats de
sécurité, et au départ des polices communales, que la police de proximité sera
impulsée par le ministère de l'Intérieur.
Section III. - L’impulsion d'une politique intégrée de sécurité sur le plan local par la
mise en œuvre des contrats de sécurité
A la suite des élections législatives de novembre 1991 caractérisées par la nette
progression des partis d'extrême droite, mais également des « émeutes » qui ont
marqué le mois de mai 1991 à Bruxelles, le nouveau gouvernement présenta son Pari
pour une nouvelle citoyenneté pour répondre au malaise de l'électeur30 et un
« programme d'urgence sur les problèmes de société » afin de garantir la sécurité du
citoyen31. Le 19 juin 1992, le conseil des ministres adopta un certain nombre de
mesures parmi lesquelles les contrats de sécurité.
Ces contrats, passés entre les communes, les régions et l'Etat fédéral, sont à l'image des
préoccupations du gouvernement : la police, la prévention et l'aide aux victimes. Le
lien avec les réformes en cours au niveau policier est très clairement établi puisque les
obligations minimales en matière de sécurité, mais également la concertation
pentagonale et le recours au recrutement supra-local constitueront un préalable au
contrat. L’objectif de ces contrats sera de garantir la sécurité des citoyens dans les villes
policière intégrée au niveau local dans le domaine de l’ordre public, de la prévention et de la lutte
contre la criminalité et l’exécution de cette politique par les services de police.
29
Communication gouvernementale du 5 juin 1990, p. 3.
30
M. WATHELET, Le pari pour une nouvelle citoyenneté, Bruxelles, 1992.
31
Services du Premier ministre, Déclaration gouvernementale prononcée devant le Parlement, le 9 mars 1992
par le Premier ministre, Bruxelles, INBEL, 1992.
19
et les communes, de rétablir la qualité de la vie et de répondre aux besoins locaux en
matière de sécurité et de protection des citoyens. Ils visent également à rétablir la
confiance des citoyens dans les autorités, à commencer par les autorités communales,
considérées comme étant les premières responsables de la sécurité des citoyens, mais
aussi en améliorant les contacts avec les services de police et en augmentant la qualité
et la rapidité de ceux-ci.
Les contrats de sécurité viseront ainsi la mise en œuvre d’un travail policier plus
proche du citoyen et des problèmes sur le terrain, mais également de toute mesure de
nature à prévenir la criminalité, qu’elle soit d’ordre technique ou social, dans le cadre
d’une politique de prévention intégrée. Les contrats de sécurité ambitionnent ainsi de
développer une organisation policière fortement intégrée dans la “ communauté ” et
en contact avec elle : « Le métier de policier ne peut être essentiellement un métier de
bureau (...). Le métier de policier ne doit pas s’exercer exclusivement à bord d’engins
motorisés. Le policier doit aussi être dans la rue en contact direct avec les citoyens.
C’est par les services qu’il rend qu’un agent apprend à connaître et à comprendre les
problèmes des gens. A partir de ce moment, il verra les familles en détresse, les enfants
maltraités, ceux qui ne vont pas à l’école, ceux qui se droguent..., il pourra mesurer la
déviance des uns, la délinquance des autres »32. Dans ce cadre, il est rappelé
l’importance d’une police de quartier : « On n’insistera jamais assez sur le rôle
déterminant de la police communale en matière de sécurité locale. Ainsi faut-il
accentuer encore son rôle en fonction des principes suivants : (...) sacraliser l’agent de
quartier (îlotier) »33.
Bien qu’il ne se « nomme » pas encore, on retrouve ici l’essentiel des lignes de force
d’un futur modèle de police de proximité34. En effet, à ce moment, si l’on parle déjà de
« police de proximité », le concept lui-même – ou son application aux services de
police – n’est pas encore défini per se. Deux ans après le « Pari », le ministre de
l’Intérieur de l’époque mentionne cette situation lors de la remise d’un rapport du
Comité P (comité de contrôle des services de police) sur la relation entre les services de
32
M. WATHELET, op. cit., p. 28.
Ibid., p. 29 (nous soulignons).
34
Précisons encore que, fin de la guerre froide et démantèlement de l’Etat social aidant, ces réformes
s’inscrivent dans un changement de conception de la police qui, de force de maintien de l’ordre,
apparaît de plus en plus comme une « force de sécurité intérieure ». En effet, comme l’indique Y.
Cartuyvels, « la mutation est significative du tournant politico-social des années 1980 : la fin des grandes
ébullitions sociales et d’une culture intégratrice du conflit, la montée d’un terrorisme violent et
l’émergence de nouvelles figures de l’exclusion actualisent un changement de perception de la question
sociale et de l’appareil policier »(Y. CARTUYVELS, op. cit., p. 156). Et, de son côté, P. Hebberecht a pu
souligner que « pour une nouvelle génération d’officiers supérieurs de la gendarmerie, l’insécurité était
de moins en moins associée à une déstabilisation politique par les syndicats de gauche et par la gauche
radicale et de plus en plus par la criminalité. Pour ces officiers, le maintien de l’ordre (établi) devenait
moins prioritaire comme tâche policière. Par contre, la recherche d’auteurs de délits était perçue comme
une tâche de plus en plus importante »(P. HEBBERECHT, op. cit., p. 104).
33
20
police : « Le comité a consacré beaucoup d’attention à la notion de police de
proximité sans pour autant la définir explicitement. Il n’a d’ailleurs pas examiné ce que
les services de police (...) entendent par cette notion et ce qu’elle implique dans leur
fonctionnement. En l’absence d’une définition claire et d’une étude en la matière, les
critiques qui s’y rapportent deviennent très vagues »35. Il ajoute cependant que « selon
moi, la notion de police de proximité se réfère au mode d’intervention. C’est un
concept, une philosophie qui doit être sous-jacente à tout acte ou intervention d’un
policier. La police de proximité est donc une méthode de travail. Elle ne modifie donc
en rien la répartition des tâches »36.
Pourtant, comme nous allons le voir, c’est bien dans le cadre normatif concernant le
partage des tâches entre gendarmerie et police communale que va se définir la police
de proximité en Belgique...
Section IV. - Un cadre opérationnel pour la mise en œuvre du modèle de police de
proximité : les zones interpolices
Au chapitre des réformes consacrées aux services de police et à la mise en œuvre de
politiques de sécurité coordonnées et concertées, se trouve la volonté du
gouvernement de valoriser la mise en place de zones interpolices (Z.I.P.) en vue
notamment d’améliorer la collaboration entre les différents services de police et de
promouvoir la définition d’une politique policière sur le plan local. Différentes
circulaires ont veillé à opérationnaliser cette nouvelle forme de collaboration entre
services de police37.. Leur contenu est intéressant à préciser en ce qu’il permet de tracer
les lignes directrices qui sous-tendent cette nouvelle conception et d’énoncer les
modalités d’action qui visent à l’opérationnaliser. D’autre part, et comme nous le
verrons, c’est à travers ces différentes circulaires que va se définir « cette » police de
proximité que le gouvernement entend mettre en place dans les polices communales.
Le principe de base est la mise en place d’une nouvelle collaboration policière dans le
cadre de zones interpolices par une répartition des tâches prioritaires entre la police
communale et la gendarmerie. Il s’agit, dans un premier temps, de délimiter le
territoire qui peut être composé d’une ou plusieurs communes au sein desquelles la
politique de sécurité et la collaboration entre les services de police générale seront
définies par une Charte de sécurité.
35
C. JANSSEN, S. JANSSENS, entretien avec J. Vande Lanotte, ministre de l’Intérieur, « Tous sur le
terrain... », Politeia, 1994, n° 10, p. 8.
36
Ibid., p. 9.
37
Dont la plus importante pour notre propos est la circulaire Z.I.P.1 du 5 décembre 1995.
21
Les prémisses sur lesquelles se fonde l’élaboration de ce nouveau mode de
fonctionnement sont les suivantes :
-
un solide ancrage policier local qui confirme le principe de la décentralisation
politique de la police. Cette approche décentralisée est symbolisée par la personne
du bourgmestre qui doit assumer un rôle important en matière de sécurité ;
-
une police axée sur la communauté. Il est fait référence à une police qui ne peut
être un instrument au-dessus de la communauté ayant uniquement une fonction
répressive et de contrôle. Tous les services de police doivent adopter une nouvelle
mentalité qui consiste, en collaboration avec la population, à veiller à ce que les
libertés et droits fondamentaux soient garantis en toute sécurité et dans un contexte
de respect de l’ordre public;
-
la nécessité pour la police de rendre des comptes qui renvoie au devoir de
justification à l’égard des autorités; celles-ci doivent, avec les services de police,
déterminer progressivement leurs objectifs en matière de politique de sécurité dans
le cadre de la concertation pentagonale, et préciser la manière dont elles entendent
le réaliser. Les conclusions en la matière doivent être décrites dans la Charte de
sécurité qui fera l’objet d’une communication auprès de la population;
-
l’abandon de l’idée de subsidiarité d’un service de police par rapport à un autre qui
part du principe que la sécurité du citoyen sur l’ensemble du territoire doit être
garantie par l’implication d’un maximum de personnel policier sur la voie
publique et ce, dans un esprit de collaboration;
-
corollaire indispensable : la nécessité de procéder à une répartition claire des
tâches, à une coordination et à une collaboration plus poussées ainsi qu’à une
transmission plus développée de l’information38.
La philosophie que le ministère de l’Intérieur veut promouvoir par la mise en place de
ces Z.I.P. est explicitement celle du community policing au travers de ce qu’il nomme
une « philosophie d’exécution policière des tâches orientées vers la population ». Dans
ce cadre, la première circulaire relative à cette matière traduit la notion de community
policing par celle de « fonction de police de base » définie comme « une vision, une
philosophie et un concept, relatif à l’approche et à l’exécution policière des tâches qui
est essentiellement axée sur les sentiments et les problèmes d’insécurité de la
population dans un territoire donné et qui se traduit par une police visible, accessible
et abordable, qui a pour but de résoudre les problèmes d’insécurité en concertation
38
Circulaire Z.I.P.1 du 5 décembre 1995.
22
avec les autorités locales et la population ainsi qu’avec toutes les autres instances
locales ou organisations qui peuvent y contribuer. Elle requiert de la part de la police
une orientation externe (orientation vers le client) et un souci de qualité et, de la part
de la population, une disponibilité de collaborer avec la police et une confiance
(rétablie) en celle-ci »39.
Cette définition du nouveau modèle à mettre en place s’articulera dès lors autour de
deux problématiques qui sont loin d’être récentes : d’une part, le partage des tâches
entre services de police et d’autre part, le souci de légitimité de ceux-ci.
Section V. - Les « années blanches » : la réorganisation des services de police
Si les événements dramatiques de la fin des années 80 avaient amené le pouvoir
politique à dessiner les première lignes d’une politique policière, lignes qui vont se
renforcer au fur et à mesure des circulaires ministérielles, les affaires d’enlèvements et
de meurtres d’enfants qui ont défrayé la chronique belge durant les années 1996 et
1997, vont amener le gouvernement, dans sa déclaration du 7 octobre 199740, à
précipiter la restructuration de l’appareil policier belge.
Ainsi, une dizaine d’années après l’instauration d’une première commission d’enquête
parlementaire chargée d’enquêter sur la façon dont la lutte contre le banditisme et le
terrorisme a été menée, une autre commission (sur la manière dont l’enquête, dans ses
volets policiers et judiciaires a été menée dans l’affaire « Dutroux-Nihoul et consorts »)
va voir le jour. Ses débats, retransmis en direct par la télévision et suivis par des
millions de Belges, remettront l’appareil policier (et judiciaire) sur la sellette,
reproduisant, dans les grandes lignes, ce que la Commission de 1990 avait déjà pointé
comme « dysfonctionnement ». S’en suivra un programme de réformes très ambitieux
- et surtout jamais égalé – de la justice, dans lequel figurera une réforme profonde des
services de police41.
Profonde, car si divers projets de restructuration fonctionnelle avaient tenté de mettre
un terme à la guerre des polices en opérant une répartition des tâches entre les services,
la réforme proposée par le gouvernement, en réponse principalement au rapport de la
« Commission Dutroux », entreprend de modifier de manière beaucoup plus radicale
et structurelle le paysage policier belge.
39
Ibidem.
Voy. Annexe 3 de la déclaration gouvernementale du 7 octobre 1997.
41
Voy. à propos du contexte, Y. CARTUYVELS, Ph. MARY, « Malaise de la justice : et au-delà ? », op.
cit.
40
23
Si elle touche directement notre objet d’étude par les modifications structurelles qu’elle
entend apporter, la réorganisation ainsi amorcée nous interpelle surtout par l’objectif
annoncé d’atteindre une structure policière orientée vers la population et au service de
tous les citoyens, vers une « approche intégrée des problèmes de maintien du droit et
de l’ordre public », par l’entremise « d’une approche globale des problèmes de la
société ».
Après une série de négociations, la Chambre finira par adopter, le 22 octobre 1998, le
projet de loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux42. Sur le plan
structurel, cette loi prévoit la mise en place d’une structure policière à deux niveaux
autonomes – le niveau fédéral et le niveau local – assurant ensemble la fonction de
police intégrée sous les auspices d’autorités distinctes. L’article 3 énonce que « la
police locale assure au niveau local la fonction de police de base, laquelle comprend
toutes les missions de police administrative et judiciaire nécessaires à la gestion des
événements et des phénomènes locaux sur le territoire de la zone de police, de même
que l’accomplissement de certaines missions de police à caractère fédéral. (...) La police
fédérale assure sur l’ensemble du territoire, dans le respect des principes de spécialité
et de subsidiarité, les missions spécialisées et supralocales de police administrative et
judiciaire, ainsi que des missions d’appui aux polices locales et aux autorités de
police ». La fonction de police de base sera donc assurée par la police locale, et
uniquement par elle précise l’exposé des motifs43, c’est-à-dire par les polices
communales et les brigades territoriales de la gendarmerie constituées en un seul
service de police sur le territoire de chaque zone de police (actuelle zone interpolices).
L’exposé des motifs précise en outre que les missions de la police locale doivent
s’exécuter dans une approche intégrée basée sur le community policing : « Depuis le
Plan dit de Pentecôte du 5 juin 1990, on a opté pour une approche intégrée des
phénomènes de sécurité. (...) La même approche plaide également pour une fonction
de police axée sur la communauté, ce que l’on appelle le community policing »44 .
« Notre police doit reposer sur le concept de la police de proximité, principe qui
commence à se développer en Belgique. En effet, la première condition d’un service de
police moderne qui fonctionne bien, c’est que la police poursuive une intégration
optimale dans la communauté. La police de proximité est, à la fois, une stratégie
philosophique et organisationnelle qui permet à la police et à la population locale de
coopérer étroitement et afin de résoudre crimes, délits, et d’éviter le sentiment
d’insécurité, les désordres sociaux, la délinquance de quartier. Des contacts étroits
42
Loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, M.B.,
5.I.1999.
43
Proposition de loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, Exposé des
motifs, Chambre des Représentants de Belgique, 1997-1998, n° 1676/ 1, p. 4.
44
Ibid., pp. 4-5.
24
permanents et personnels constituent ici une première condition. Une police intégrée
socialement peut disposer d’informations sociales. Celles-ci permettront sans nul
doute de signaler des conflits et des problèmes et de les éviter »45.
Section VI. - Conclusions
Si le premier pas d’une politique policière de proximité est franchi avec le plan de la
Pentecôte, c’est en 1991, à la suite d’« émeutes urbaines » à Bruxelles et d’élections
traduisant une montée de l'extrême droite, que sont réorientées de façon décisive les
thématiques développées jusqu'alors à propos de la police, en mettant l’accent cette
fois sur le manque de confiance des citoyens dans leurs institutions, avec en point
d’orgue les services de police. Dans l’intervalle, on observe, à l’instar de ce qui a pu
être fait dans d’autres pays, un glissement de la problématique du grand banditisme
vers la gestion de la petite et moyenne délinquance en milieu urbain essentiellement.
Apparaît donc à ce moment une nouvelle préoccupation venant se greffer sur la
première : comment faire face à la petite délinquance et surtout comment rétablir la
confiance du public en sa police ? La thématique du sentiment d'insécurité devient et
restera un cheval de bataille tout au long de cette évolution du discours politique, en
ce compris celui de la police de proximité.
Rapidement, deux dimensions se recouvrent. L'une est liée au manque endémique de
moyens constaté dans les polices communales et qui tend à laisser croire que de toute
manière aucun modèle de fonctionnement n'aurait de chance dans de telles conditions.
L'autre pose la question de savoir quel mode de gestion du travail policier (dépendant
du modèle choisi) offre le plus d'avantages pour répondre à l'inquiétude de la
population. Peu à peu, les préoccupations purement structurelles et matérielles font
place à l'idée qu'il est nécessaire d'adopter une nouvelle approche en matière de travail
policier. Et cette nouvelle orientation prendra le visage du community policing.
Cependant, si la volonté de mettre en place « une nouvelle philosophie » d’action
existe, un problème demeure : il n’existe pas de consigne sur la façon de traduire cette
philosophie de manière opérationnelle et, tout comme on le constate en France,
« malgré la multiplication des textes de référence, la police de proximité présente un
contour plutôt flou »46.
Cette absence de clarification du concept se retrouve très clairement dans l’utilisation
d’un vocabulaire lié à des pratiques déjà anciennes auquel vont s’ajouter une série de
termes plus ou moins équivalents que l’on estime ex post être parents de la notion de
45
Doc. Parl., Sénat, 1996-1997, n° 1/700/1, pp. 129-130.
B. JANKOWSKI, « La police de proximité : regard de la recherche sur un nouveau style de police », Les
Cahiers de la sécurité intérieure, 1993, n° 13, pp. 209- 230.
46
25
community policing : « police de proximité », « police de base », « police de première
ligne », « police à part entière », etc. Ainsi, les pistes et orientations en provenance du
gouvernement fédéral apparaîtront toujours sous la forme de circulaires du ministère
de l’Intérieur, et cela par couches successives induisant au fil du temps une agrégation
de termes multiples sous celui, fédérateur, de « fonction de police de base ».
Ces divers vocables ont ceci de commun qu’ils soulignent dans les vœux du supralocal l’importance d’offrir un service policier accessible, disponible, efficace et efficient
en étant à l’écoute des besoins locaux dans l’exercice des missions tant administratives
que judiciaires. Mais, outre que les précisions apportées par ces circulaires
interviennent fort tardivement et de manière connexe à l’objet principal de celles-ci (fin
1994 et 1995 pour les plus importantes), venant remplir a posteriori une nouvelle
politique policière que l’on souhaiterait voir suivie par l’ensemble des corps de police
communale du pays, le contenu de ces textes ne permet que difficilement de remplacer
instantanément tout en les fédérant la multiplicité des termes employés jusqu’alors.
Ainsi, l’idée centrale dans le modèle que l’on cherche à promouvoir est que les services
de police exécutent leurs missions dans « un cadre de travail orienté vers la
population ». Qu'est-ce à dire? Si le ministre de l'Intérieur aménage ce cadre de travail
dans sa circulaire Z.I.P. 1 selon la philosophie du community policing qu'il assimile
purement et simplement, comme nous l’avons dit, à l'appellation fonction de police de
base, il apparaîtra toujours que la seule chose qui ne demeure pas dans un flou
important est la définition d’une clé de répartition des tâches entre services de
première ligne (composante de base) et services spécialisés (composante additionnelle), si
tant est que ces tâches soient elles-mêmes définies de manière telle qu’il n’y ait pas
sujet à discussion. Bref, on oscille ainsi en permanence entre des principes généraux
d’exécution des tâches, une philosophie de travail policier, et la volonté d’opérer une
répartition des tâches policières en fonction du critère de proximité et qui débouche
sur la définition de deux « composantes opérationnelles » de la fonction de police.
Chose notable, face à cette préoccupation de rapprocher la police du citoyen, outre la
focalisation du discours fédéral sur la police communale (plutôt que la gendarmerie) acteur pourtant relégué pendant longtemps à l’arrière plan des préoccupations
politiques - , c’est presque tout naturellement la figure de l’agent de quartier - et
éventuellement celle de l’îlotier - qui fera l’objet de l’attention lorsqu’il faudra trouver
une concrétisation à cette police que l’on présente désormais comme constituant
l’épine dorsale de la police de base. Nous aborderons ce « choix » - plus pratique
qu’idéologique – dans la partie relative aux discours des policiers sur la police de
proximité.
26
En ce qui concerne la réforme actuelle des services de police, si la réorganisation votée
s’inscrit en des termes nouveaux sur le plan structurel, nous pouvons relever une
certaine continuité en ce qui concerne la politique policière qui sous-tend cette
réforme. En effet, c’est à une confirmation, voire un renforcement des politiques
menées en matières de police ces dernières années, auxquels nous sommes conviés,
non sans quelques paradoxes. En termes d’objectifs tout d’abord et de moyens ensuite.
En termes d’objectifs, la volonté manifestée durant les années 80 de moderniser un
appareil policier défaillant, d’en augmenter l’efficacité et, surtout, de lui redonner une
légitimité auprès de la population reste plus que jamais d’actualité. Loin de nier que
d’importants efforts ont été consentis pour atteindre ces objectifs, la « tornade
blanche », dix ans plus tard, est venue poser le bilan des réformes entreprises jusqu’à
ce jour. Échec ou insuffisance des moyens mis en œuvre, le vote de défiance manifesté
à l’égard de la politique policière au sens large renforce l’idée selon laquelle les
objectifs n’ont pas été atteints et qu’il convient de se remettre à l’ouvrage.
En termes de moyens, pour ce qui nous concerne, l’accent est mis sur le renforcement
des dispositifs impulsés par le Plan de la Pentecôte. Zones interpolices, concertation
pentagonale, renforcement du rôle du bourgmestre, renforcement de la fonction de
police de base au service de tous les citoyens, politique de prévention globale et
intégrée, autant de moyens qui ont, entre autres, été lancés pour rendre plus moderne,
efficace et légitime l’institution policière. Autant de moyens qui se trouvent
aujourd’hui renforcés alors même que, paradoxe des paradoxes, non seulement ces
moyens n’ont pas permis de rencontrer les objectifs posés au début des années 90, mais
ils ont de surcroît montré tantôt leur insuffisance, tantôt leur inadéquation, voir même
n’ont encore rien démontré...
Nous pouvons donc conclure, en ce qui concerne le discours du pouvoir fédéral sur la
police de proximité.
1. Que l’intérêt pour les services de police et la politique policière est né suite à une
série d’évènements dramatiques et a consisté en une réponse à l’événement - et
donc à l’opinion publique - plutôt qu’en une décision politique mûrement réfléchie.
2. Que cet intérêt a d’abord porté sur les aspects quantitatifs avant de s’intéresser aux
aspects qualitatifs de la réorganisation des services de police.
3. Que le modèle de police de proximité s’est défini ex post par rapport à une volonté
de rapprochement de la police avec la population, d’amélioration de la qualité du
service policier et de la (re)légitimation de l’institution policière.
27
4. Qu’en pratique, la mise en place de la police de proximité se fait en priorité dans les
polices communales et surtout dans le cadre des contrats de sécurité.
5. Enfin, que le discours fédéral sur la police de proximité se caractérise par le flou le
plus total, du moins en ce qui concerne sa définition. Qu’au surplus, le modèle luimême – ou du moins ses caractéristiques – est associé aux « concepts » de
« fonction de police de base », « police à part entière », « community policing » ou
encore « police communautaire », créant de ce fait une confusion – et même une
ambiguïté - entre pratiques et philosophie, principes organisationnels et définitions
d’une fonction policière.
28
Titre II. – Le niveau local
L’histoire policière de la Belgique est, depuis ses origines, mâtinée d’un débat sur le
degré de décentralisation à conférer à ses forces de l’ordre. Dès 1830, en réaction aux
systèmes qui ont préexisté, le Constituant opte pour une structure policière assez
largement décentralisée. Si la gendarmerie et, dans une moindre mesure, la police
judiciaire forment chacune un corps unique, il en va tout autrement pour les polices
communales morcelées aujourd’hui en 583 corps distincts, éparpillées sur tout le
territoire national.
Cette décentralisation est d’autant plus significative que cette police a toujours occupé,
du moins formellement, une place relativement importante dans le paysage policier
belge. Cependant, cet émiettement des polices communales tend depuis toujours à
marginaliser ce corps de police. Alors qu’en matière de police administrative, la
gendarmerie, centralisée, parle d’une seule voix, les polices locales dépendent chacune
d’autorités différentes et offrent à ce titre une multitude de visages et autant de
configurations possibles pour la mise en œuvre de la police de proximité.
De quelles autorités parle-t-on ? Chaque police communale du royaume relève de
l’autorité d’un gouverneur47, personnage hybride, à la fois chef de l’exécutif provincial
et fonctionnaire représentant le ministre de l’Intérieur au niveau de la province. Dans
cette dernière fonction, il est chargé de veiller au maintien de l’ordre dans la province
et à l’application des règlements de police. Pour mener à bien ces fonctions, il dispose
d’un pouvoir réglementaire, de tutelle et de coordination à l’égard des polices locales,
ce qui lui fait jouer un rôle potentiellement significatif en matière de définition d’une
politique policière locale. Il pourra se substituer au bourgmestre en cas de défaillance
de celui-ci. Le bourgmestre représente en fait la véritable figure de proue de la
politique policière au sein de la commune, la mission du gouverneur, en matière
d’autorité de police administrative, étant d’une certaine façon seulement supplétive.
47
Il existe un gouverneur pour chacune des dix provinces du pays ainsi qu’un onzième pour
l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale.
29
Chapitre premier. - L’attentisme des pouvoirs locaux
La loi communale48 impose à chaque commune l’obligation de mettre sur pied un
corps de police. Pour le reste, la loi laisse, théoriquement, une très grande autonomie
au pouvoir communal, essentiellement en la personne du bourgmestre49, en ce qui
concerne l’organisation et le fonctionnement de son corps de police. Cette autonomie
n’est pas illimitée puisque, outre les compétences du gouverneur dont il a été question,
le pouvoir fédéral définit pour sa part des éléments tels que l’uniforme, l’armement, la
formation, la nomination des commissaires de police tandis que le pouvoir régional50
exerce une tutelle à l’égard des décisions communales. Toutefois, c’est au bourgmestre
que revient, en principe, la tâche de déterminer l’importance qu’il désire donner au
corps de police communale, les priorités qu’il souhaite fixer dans le choix des
missions, les moyens qu’il veut lui conférer, le choix d’assurer une permanence de
garde et d’intervention 24 heures sur 24, etc., soit autant d’éléments qui façonnent au
quotidien le travail des polices communales. Toutefois, ce principe tend à être battu en
brèche depuis quelques années. En effet, dès l’aube des années 90, la politique mise en
œuvre par le gouvernement fédéral aura tendance à investir la police communale
sinon à réduire cette autonomie communale, tout en affirmant, dans le discours, sa
volonté de faire du bourgmestre la personne clé en matière de sécurité et d’ordre
public sur le territoire communal. Ce renforcement constant de l’emprise du ministère
de l’Intérieur sur la police communale va être mis en œuvre par le biais de la
réglementation et, surtout, des modes de financement, ce qui sera aussi de nature, bien
sûr, à influencer les orientations de ce corps de police.
Un facteur explique plus particulièrement cette reprise en main. A cette époque, les
polices communales sont, de très loin, le parent pauvre du paysage policier belge. Sur
le plan politique, les mandataires communaux ne prennent guère leurs responsabilités
par rapport à la question policière. Le résultat de ce désintérêt est qu’il n’y a guère,
tout comme au niveau fédéral, de définition d’une politique policière communale de la
part des élus locaux. On cherche en vain des lignes directrices tant au niveau de
l’organisation que dans la philosophie d’action des polices communales. Sur le plan
fonctionnel, les échanges sont peu nombreux entre les bourgmestres et leur
commissaire en chef. La définition des priorités auxquelles devrait s’attacher la police
communale fait seulement l’objet de contacts très ponctuels et informels. Bien qu’ils
48
Article 170 de la « nouvelle loi communale » du 24 juin 1988 (M.B., 3.IX.1988).
Le Conseil communal, soit l’assemblée locale, dispose quant à elle de compétences en matière de
définition du cadre, d’approbation du budget ou de recrutement des membres de la police communale.
50
Les trois Régions du pays (flamande, wallonne et bruxelloise) disposent de la tutelle administrative sur
les communes.
49
30
soient la figure clé de la politique policière locale, les bourgmestres n’en n’ont pas
moins le plus souvent une très mauvaise connaissance des besoins et du
fonctionnement des corps de police. « On en arrive ainsi à ce que, soit, l’autonomie
communale devienne en réalité l’apanage du chef de corps dont les conseils et
suggestions sont pris pour argent comptant par le bourgmestre qui ne fait qu’entériner
la volonté de celui-ci, soit, le désintérêt pour le corps de police est tel que le chef de
corps ne dispose ni de lignes de conduites, ni de moyens pour mener une véritable
action policière au sein de la commune »51. Du reste, ce manque d’intérêt des
bourgmestres à l’égard de leur police s’explique aussi par leur manque de
connaissances dans ce domaine. Au mieux, les bourgmestres semblent seulement
s’intéresser aux « dysfonctionnements », lorsqu’ils sont interpellés ou encore à leurs
obligations purement légales.
Le manque endémique de moyens et, pour corollaire, le sous-effectif chronique de
l’ensemble des polices communales sont les conséquences les plus visibles de cette
politique. Dans un tel contexte, on ne s’étonnera guère que, fin des années 80, les
polices communales, à quelques rares exceptions près, semblent avoir fait le deuil
d’une police proche de la population, préfiguration du concept actuel de police de
proximité tel que défini au niveau supra-local. Pourtant, une telle pratique, inhérente à
des petits corps de police et à l’image du garde champêtre qui leur est associé, est
restée omniprésente dans le paysage policier, en particulier dans les zones rurales,
jusqu’au milieu des années 70. A partir de 1976, la fusion des communes représente un
cap qui sera fatal à cette organisation. A l’époque bon nombre des 2359 communes du
royaume ne disposent, tout au plus, que de quelques gardes champêtres et leur corps
de police sont, de fait, très peu spécialisés. Les policiers opèrent encore dans un cadre
spatial restreint au sein de communautés locales à taille humaine. Le nombre d’entités
communales va alors fondre, radicalement, passant d’un seul coup de 2359 unités à
589.
La fusion des communes, qui touche évidemment directement les polices communales,
est davantage l’occasion d’une rationalisation de celles-ci que d’un redéploiement sur
la base, par exemple, d’un certain nombre de principes constitutifs du modèle de
police de proximité. Un des objectifs de ce regroupement consistait alors à créer des
entités d’une taille suffisante pour mener une gestion locale plus efficace des affaires
publiques, ce qui aurait dû également avoir un impact positif sur le travail policier à
l’échelle du quartier. Toutefois, l’apport positif que pouvait représenter la culture
policière rurale au sein des nouvelles polices communales à été fortement négligé et
refoulé. A l’époque, il n’a pas non plus été jugé opportun de préparer la police à un
monde en pleine mutation. Dans les années qui vont suivre ce regroupement, crise
51
E. DERRIKS, G. RENAULT, op. cit., p.44.
31
économique et endettement des communes aidant, la fusion va davantage être
synonyme de repli que de redéploiement des services, tout en créant, dans le chef de la
population, un sentiment d’éloignement du politique, de son administration et donc
de sa police. Etant donné qu’il est difficile de comprimer la rémunération ou les
avantages sociaux des agents, la rationalisation a davantage porté sur la localisation
des divisions ou des services policiers. On a surtout spécialisé les services et les
commissariats de quartier ont été vidés de l’essentiel de leurs effectifs quant il n’ont
pas purement et simplement été fermés. Le pouvoir communal a eu d’autant moins
d’états d’âme que, comme nous l’avons souligné, la police communale ne représentait
guère une priorité à leurs yeux.
Chapitre II. - Vers une reprise en main par le fédéral
Début des années 90, le champ étant libre, et sous la pression d’un certain nombre
d’événements52, le gouvernement fédéral va reprendre les choses en main. L’enjeu
sécuritaire devient alors prioritaire. Dans un tel contexte, on constate également un
revirement de la part de quelques mandataires communaux. De fait, un certain
nombre de grandes figures politiques locales, en particulier les bourgmestres
socialistes de grandes entités urbaines53, plus particulièrement touchées par les
carences matérielles et fonctionnelles de leur corps de police, vont peser de tout leur
poids pour que le fédéral ouvre son porte-monnaie à leurs polices, décidément fort
désargentées, et mette en œuvre une politique à l’image de celle développée en France
depuis les années 80. Le bourgmestre de Charleroi, très impliqué dans l’élaboration et
la mise en œuvre des contrats de sécurité, prend, au nom des bourgmestres, position
en ce sens : « Le monde municipal veut s’impliquer davantage, pressé qu’il est par son
opinion publique et par des citoyens insatisfaits de la façon dont on assure la sécurité
puisqu’on a pas toujours les outils pour pouvoir le faire. Il nous paraissait qu’une
façon d’avoir ces outils était justement d’imaginer, comme nos amis français le font, un
certain nombre de contrats entre les villes, l’Etat et les Régions pour appliquer sur le
terrain un certain nombre de politiques »54.
Le niveau communal, et partant la police communale, devient, pour le gouvernement
fédéral, le niveau par excellence où déployer cette nouvelle politique. Outre la
« pression » des instances supra-nationales insistant sur la nécessité d’un retour au
local (voy. supra), un tel choix peut s’expliquer aisément. Malgré les carences
observées, la police communale dispose encore de nombreux atouts : elle reste la plus
proche de la population et possède des facultés d’adaptation potentiellement
52
53
voy. supra.
J.-Cl. VAN CAUWENBERGHE, op. cit., p.99.
32
intéressantes, ce qui va surtout s’avérer utile lorsque la politique de prévention mise
en œuvre par les gouvernement successifs va se focaliser de plus en plus sur la
question de la petite criminalité urbaine. Du point de vue officiel du ministère de
l’Intérieur, ce contact étroit de la police communale avec la population reste le garant
d’un service de police efficace et démocratique.
Chapitre III. - Les contrats de sécurité
Le fer de lance de cette politique devient, dès 1992, les contrats de sécurité. Ils seront
finalement moins inspirés par l’expérience française que par les politiques
« administratives » menées dans les pays anglo-saxons et aux Pays-Bas, des
programmes qui ont très fortement imprégné le discours des hommes politiques qui
vont se succéder au poste de ministre de l’Intérieur. Dotés d’une forte implantation
locale, ils contractualisent un partenariat entre le gouvernement fédéral et les
principales villes du pays. L’insertion locale des contrats vise à donner une place
centrale aux autorités communales dans le développement de cette politique, en
particulier le bourgmestre et le chef de corps de la police communale, en raison du
contact plus étroit qu’elles entretiennent avec la population, de leur meilleure
connaissance des problèmes rencontrés par celle-ci, sans oublier les spécificités locales
de ces problèmes. Ces contrats, d’orientation nettement sécuritaire, comportent aux
côtés d’un volet préventif, un important volet policier.
Face, d’une part, à une gendarmerie toujours plus professionnelle et spécialisée dans la
grande criminalité, capable d’assurer un large éventail de missions et occupant, de
facto, une position centrale dans « l’échiquier » policier belge et, d’autre part, à une
police communale dévalorisée par un sous-investissement chronique55 et de moins en
moins apte à répondre aux demandes toujours croissantes de la population, le
ministère de l’Intérieur entend donner, par la mise en œuvre de ce volet, une
impulsion sans précédent aux corps de police communale. On entend renforcer le rôle
des bourgmestres, inscrire l’intervention policière dans une politique globale de
prévention et moderniser l’appareil policier (en termes de formation, de recrutement,
d’organisation et d’équipement).
Cependant, selon le bourgmestre de Charleroi, « les actions devront être tournées vers
le délinquant et vers la victime, et non en faveur du policier. Le contrat de sécurité ne
constitue pas un plan pour revaloriser la police communale. Il n’est pas un plan pour
organiser différemment son travail. C’est un plan pour sécuriser davantage. Et notre
54
55
Ibid., p. 101.
Ch. DE VALKENEER, « La commune et la sécurité », Mouv. Com., 1994, n° 3, p.135.
33
objectif est bien clair : c’est à la fois le monde des délinquants sur le territoire de notre
commune et le monde des victimes. Nous voulons privilégier, à travers les contrats de
sécurité, une approche intégrée qui agit sur des terrains de prévention et de
répression, et non pas une mécanique policière nouvelle »56.
De manière générale, le discours du pouvoir local donne l’impression de ne pas avoir
perçu un certain nombre d’enjeux, en particulier la mise en œuvre de la police de
proximité, les contrats n’étant pour eux qu’une sorte de « manne céleste ». Sur le
terrain, les moyens supplémentaires dégagés par le ministère de l’Intérieur traduisent
pourtant également une volonté de travailler autrement, au travers de la mise en
œuvre d’un certain nombre d’éléments directement inspirés du modèle de police de
proximité. Ils doivent permettre d’embaucher de nouvelles recrues et plus
particulièrement de redéployer la fonction d’agent de quartier, devenu figure de proue
de cette nouvelle politique de proximité57. Il sera aussi question de créer de nouveaux
services (administratifs, avec l’engagement, plus particulièrement de personnel civil,
pour soulager les policiers des tâches administratives, assistants de police, brigade
canine, service d’analyse, cellule routière ou section judiciaire), de l’intensification de
la coopération avec la gendarmerie et entre polices communales, notamment pour
l’échange de données, des contacts avec la population (information sur la police,
visites à la population, visites de la population, visites dans les écoles), de
l’amélioration des infrastructures policières et de l’accueil dans les commissariats, en
particulier au point de vue de l’aide aux victimes (tant au niveau de la formation des
policiers, de l’accueil ou de la coopération avec les structures locales), de la
sécurisation des commissariats de police et des maisons communales. Au demeurant, à
travers la création de postes décentralisés, la revalorisation de la police de première
ligne et en particulier des agents de quartier, l’amélioration de la formation et des
conditions d’accueil de la population, nombre de ces mesures montrent une volonté de
mettre clairement l’accent sur la police de proximité. De cette manière le ministère de
l’Intérieur ne fait que reprendre un concept « à la mode ». Il « drible » également les
pouvoirs locaux incapables de prendre seuls les choses en main.
Chapitre IV. - La loi de fonction de police et les zones interpolices
La même année, le parlement vote la loi de fonction de police qui, de manière
générale, fixe les règles de compétences, les obligations et les missions des différents
services de police et détermine les relations entre ceux-ci et les autorités
administratives et judiciaires. Dans la foulée, la loi met aussi en œuvre la concertation
56
57
J.-Cl. VAN CAUWENBERGHE, op. cit., pp. 103-105.
Pour rappel, le Plan de Pentecôte parle littéralement de « sacraliser » l’agent de quartier.
34
pentagonale qui, de manière à réduire les dysfonctionnements, notamment en matière
de coordination, mis en évidence par la commission d’enquête parlementaire sur le
banditisme et le terrorisme, associe à différents niveaux (provincial, local et par
arrondissements judiciaires) les autorités administratives (le gouverneur et le
bourgmestre) et judiciaires et les représentants des trois grands corps de police. Dans
les faits, c’est surtout le gouverneur, institution à mi-chemin entre le pouvoir local et
fédéral, qui se voit investi d’une mission de coordination, les bourgmestres ayant émis
les plus vives réserves face à ce qu’ils considèrent comme une nouvelle atteinte à
l’autonomie communale58.
Le ministère de l’Intérieur ne s’arrête pas en si bon chemin. Considérant que la petite
taille de nombreuses polices communales est un handicap, dans la mesure où il ne
permet pas à ces entités d’assurer un service complet à l’égard de la population, le
pouvoir fédéral entend dès lors obliger les communes à assurer une permanence
continue. Ce faisant, il s’agit de rationaliser les moyens des polices de première ligne
en développant la collaboration entre gendarmerie et polices communales et en
constituant des Z.I.P.59 et les Chartes de sécurité. Pratiquement ces Chartes attribuent
les missions à caractère national à la gendarmerie, la police communale se voit, quant à
elle, systématiquement confinée aux missions strictement locales, principalement les
tâches administratives, les moins valorisées au sein de l’appareil policier.
Chapitre V. - La réforme des polices
Il semble que la réforme des polices qui doit aboutir à l’horizon 2001 ait été l’occasion
d’un dernier sursaut de la part des bourgmestres. Voyant l’affirmation selon laquelle
« l’organisation d’une police locale dépasse la sphère des intérêts communaux»60,
comme une intrusion claire et nette du pouvoir fédéral dans une prérogative (la
sécurité communale), chasse gardée des bourgmestres, ces derniers sont finalement
montés au créneau.
Malgré l’évidente disparité des situations locales entre grandes agglomérations
urbaines et communes rurales, les bourgmestres, parlant d’une seule voix, ont profité
de l’occasion pour réaffirmer le caractère démocratique de l’échelon local et partant la
nécessité d’y établir une police proche du citoyen61 : « On peut (...) craindre que sur le
terrain l’administration de la police se détache de plus en plus de l’administration
communale. Or une étroite collaboration entre ces deux administrations est restée,
58
L. VAN OUTRIVE, op. cit., p. 9.
Ces Z.I.P. n’ont jamais été mises en place en Région bruxelloise.
60
Ch., SO 1997-1998, 1676/1, p. 41.
61
Ch., SO 1997-1998, 1391/1, pp. 345 et sv.
59
35
jusqu’à présent le meilleur gage d’un service de police proche de la population dans
toutes ces matières qui concernent directement la population »62. Un tel argument sert
évidemment, au premier chef, les intérêts des bourgmestres puisque qui, sinon eux,
incarne par essence le pouvoir le plus proche de la population et, partant, celui qui est
le plus à même de défendre cette police de proximité ?
Chapitre VI. - Conclusions
Si le local est le principal levier en matière de redéploiement des services de police,
force est de constater que ces réformes ont eu pour conséquences de « vassaliser »
toujours davantage les autorités communales. En effet, l’octroi des budgets des
contrats de sécurité s’accompagne de la mise en œuvre d’un certain nombre de
directives élaborées par le ministère de l’Intérieur. Ces dispositions touchent plus
particulièrement l’amélioration de la coordination entre la police communale et la
gendarmerie par la constitution de zones interpolices, la mise en place d’un conseil
communal de prévention de la délinquance (C.C.P.D.), comme en France, et d’une
concertation pentagonale mais aussi par des normes minimales d’encadrement à
atteindre63, en matière de recrutement des policiers, de budget et d’équipement. Le cas
échéant, en cas de non respect de ces dispositions, le gouvernement est en droit de
suspendre ou de récupérer les sommes allouées aux communes. Ces dernières,
motivées par des pressions essentiellement de nature financière, ne peuvent
qu’emboîter le pas aux réformes instiguées par le ministère de l’Intérieur. L’adhésion à
ces programmes se fait bien souvent sans grand enthousiasme, davantage parce que le
déblocage des subsides est conditionné par la remise de projets et par des négociations
impliquant les autorités locales. Et lorsque les bourgmestres réagissent, il s’agit surtout
d’interventions basées sur des intérêts purement locaux. Autrement dit, les contrats de
sécurité ont forcé les bourgmestres à s’intéresser à leur police ne fût-ce que par les
négociations que les contrats impliquent mais, in fine, la définition de la politique
policière est aujourd’hui davantage dans les mains des institutions fédérales. Somme
toute, le paysage policier local n’en est pas pour autant changé du tout au tout, le
pouvoir fédéral se révélant autant incapable de définir une politique policière
cohérente64.
62
« La réforme des polices : position de l’Union des villes et communes de Wallonie », Mouv. Com., 1997,
n° 6-7, pp. 332-333.
63
Arrêté royal du 9 mai 1994 relatif au nombre minimum d’emplois à prévoir au cadre organique des
fonctionnaires de police de la police communale.
64
L. VAN OUTRIVE, op. cit., p. 12.
36
DEUXIEME PARTIE. – LE POLICIER
37
S’agissant de faire l’inventaire du discours des acteurs policiers concernant la police de
proximité, il convient de garder à l’esprit deux choses.
Premièrement, comme nous l’avons déjà évoqué, la réflexion générale sur la police en
Belgique s’est constamment profilée dans un contexte d’urgence, de réponse à
l’événement, et n’a finalement fait l’objet, de la part des acteurs institutionnels, que de
peu de réflexions à proprement parler. Les responsables policiers eux-mêmes ont
souvent mis en évidence ce biais : « Les seules discussions menées [en Belgique] sur
ces thèmes ont trop souvent lieu à l’occasion d’incidents ou de crises »65. « On dit bien
souvent que la police a autre chose à faire que de combattre des incidents et
notamment qu’elle doit se charger de résolution de problèmes mais, l’autorité ellemême donne le mauvais exemple »66.
Deuxièmement, il faut tenir compte de la structuration des organes de police et des
voies de communication dont ils disposent pour se faire entendre. Pour cette partie,
nous nous sommes donc basés sur les articles de policiers publiés dans les revues
belges des services de police : L’Officier de police – Revue de la Fédération royale des
commissaires et commissaires adjoints de Belgique ; Politeia – Revue professionnelle
belge des services de police – remplacée par le Journal de la police depuis janvier 1999 ;
Vigiles – Revue du droit de police ; et la Revue de la Gendarmerie. Cependant, on peut
également mentionner comme sources d’information disponibles les divers syndicats
policiers – mais dont les positions sont essentiellement véhiculées par la presse – et les
divers « organes représentatifs » de la police. En ce qui concerne spécifiquement la
police communale, deux organes entrent dans cette catégorie : la Fédération royale des
commissaires et commissaires adjoints et la Commission permanente de la police
communale. Ces deux organes sont d’autant plus importants que s’agissant de
représenter 583 corps de police ayant chacun ses spécificités et ses intérêts propres, ils
sont les seuls à présenter une position commune.
La Fédération royale des commissaires et commissaires adjoints fut créée en 1969. Elle
remplit un rôle de représentation des polices communales belges auprès des autorités
65
R. VAN DE SOMPEL, « Return to sender ou back to the future ? L’évolution de la gendarmerie vers
une fonction de police orientée vers la communauté », Politeia, 1997, n° 5, p. 17.
66
P. DE BRUYN, commissaire en chef de la police communale de Dilbeek, « Rôle, objectif et ensemble
des tâches de la police locale de demain », Off. Pol., 1999, n° 6, p. 99. Voy. égal. à propos de la dernière
réforme des polices et de son contexte : F. MULLENERS, commissaire en chef de la police communale
de Genk, « Armageddon », Off. Pol., 1999, n° 2, pp. 5-11 ; C. DE TROCH, président de la commission
permanente de la police communale, « La police communale dans un modèle de police futur », Off. Pol.,
1997, n° 5, pp. 147-152 ; D. STEELANDT, « L’agent de quartier entre le slogan et la réalité », Off. Pol.,
1995, n° 7, pp. 11-15.
38
fédérales et a pour but de s’impliquer dans les décisions relatives aux politiques de
sécurité. La création de la Commission permanente de la police communale était
prévue depuis 1986 par la loi sur la police communale du 11 février 1986 mais n’a vu le
jour qu’une dizaine d’années plus tard67. La Commission a pour mission d’étudier et
de donner des avis sur tous les problèmes relatifs à la police communale. Sa
composition est déterminée par l’arrêté royal du 5 avril 1995 et tient compte de
l’équilibre linguistique, de la classe des communes et de la répartition géographique.
La présidence de la Commission permanente ainsi que celle de la Fédération est
assurée par la même personne68.
Titre premier. – « Les acteurs policiers et la
terminologie »
« Une discussion fondamentale sur l’organisation policière doit partir de la question :
quelle sorte de fonction de police souhaite-t-on pour résoudre quels problèmes de
sécurité ? »69. La réponse, pour l’heure, fait toujours défaut et cette absence de débat et
de réflexion structurée se retrouve notamment, comme nous l’avons déjà dit, dans
l’utilisation d’un vocabulaire lié à des pratiques déjà anciennes. Ce point de vue est
d’ailleurs très largement partagé par les policiers.
Dans ce cadre, il est intéressant de constater que l’essentiel de la littérature concernant
le community policing en Belgique se trouve concentré en un seul numéro d’une revue
destinée aux personnels des services de police, numéro publié en 199570 et dans lequel
s’exprime le commissaire Carlos de Troch pour la police communale et le Colonel
Roger Van de Sompel pour la gendarmerie71. Les deux auteurs y relèvent les
confusions de langage entre le community policing, d’une part, et la police de proximité,
d’autre part ou encore l’usage de terminologie à consonances trompeuses.
Cette notion, somme toute, embarrasse : « Dans tous les textes (…) on trouve des
expressions et des déclarations concernant la criminalité, la sécurité du citoyen,
67
A.R. du 5 avril 1995 (M.B. 10.V.1995).
Pour de plus amples informations concernant la Commission permanente de la police communale,
voy., e. a., Politeia, 1997, n° 4, pp. 8 et sv.
69
R. VAN DE SOMPEL, « La fonction de police de base au sein de la gendarmerie », Politeia, 1995, n° 9,
p. 21.
70
Politeia, 1995, n° 9. Outre les articles des auteurs précités, on y trouve également des articles de J.
Alderson, commissaire en chef d’honneur des comtés de Devon et Cornouailles au Royaume-Uni, T.
Vanden Broek et Ch. Eliaerts, collaborateur scientifique et professeur à la Vrije Universiteit Brussel
(V.U.B.) et J. Vande Lanotte, ministre de l’Intérieur.
71
Ce dernier était à l’époque coordinateur national des projets service de police de base de qualité au sein de
la gendarmerie.
68
39
community policing, police de base et autres, mais, en pratique il semble que ces notions
sont expliquées et appliquées autrement et que tout le monde n’a pas les mêmes
idées »72.
Chapitre premier - La voix de la police communale
On constate en particulier, au travers d’articles émanant de chefs de corps, que
l’attention porte essentiellement sur la figure (relativement ancienne en Belgique) de
l’agent de quartier. « L’agent de quartier est la carte d’identité de la police communale.
Une police communale dépourvue de travail de quartier fait le même travail que la
gendarmerie » relatait un policier communal73. Il est le « particularisme »74 de la police
communale : « Au centre de l’idée ‘agent de quartier’ il y a la conception redécouverte
que la population est la partenaire de la police et non son adversaire. L’agent de
quartier répond par excellence à l’image que l’on se fait d’une police visible, accessible,
contactable telle qu’elle existe dans la conception d’une assistance policière de base ou
communautaire »75.
De manière générale, face à la priorité accordée à ce policier en particulier, on peut
émettre l’hypothèse qu’en l’absence d’une prise de position plus précise dans ce
domaine par les pouvoirs politiques supra locaux76 et face au risque que cette précision
fait courir de devoir se lancer dans un processus ample de réformes, certains
bourgmestres et chefs de corps ont préféré se rabattre sur la remise au goût du jour77 –
du moins dans le discours – de l’agent de quartier78. Cette focalisation sur un service
72
P. DE BRUYN, op. cit., p. 100.
Y. NAESEN, C. JANSSEN, N. DE MAN, S. JANSSENS, « La proximité, un gage de la satisfaction des
citoyens. À la rencontre de la police communale », Politeia, 1997, n° 4, p. 26.
74
C. JANSSEN, S. JANSSENS, entretien avec Ph. Warny, commissaire en chef de la police communale de
Namur, « À propos de la police communale et de son avenir », Politeia, 1997, n° 6, p. 4.
75
D. STEELANDT, op. cit., p. 5.
76
P. De Bruyn rappelait lors de son intervention à la » Journée de la police communale » (Bruxelles, 7
mai 1999) que, rien dans l’analyse de la littérature ne permet de dire que le législateur a une quelconque
vision de la police, de son rôle, de sa finalité sociale (P. DE BRUYN, op. cit., pp. 98-108).
77
Voy. Y. HENDRIX, commissaire adjoint à la police communale de Flémalle, « Agent de quartier : une
profession vide de sens », Off. Pol., 1998, n° 6, pp. 41-44 ; P. PIRARD, commissaire adjoint à la police
communale de St – Trond, « L’agent de quartier au Limbourg », Off. Pol., 1997, n° 10, pp. 13-17 ; Ph.
WARNY, « La police de quartier est indispensable », Off. Pol., 1997, n° 5, pp. 131-137.
78
C. De Troch rapporte également un témoignage intéressant sur ce sujet. À l’opposé de la gendarmerie,
dit-il, « les membres de la police communale exerçaient leurs tâches et leurs missions au sein de la
population, parmi laquelle ils avaient été recrutés. Leur connaissance de la communauté locale et les
liens étroits qui les unissaient à elle étaient d'ailleurs considérés comme une faiblesse de la police
communale ; faiblesse qui concernait la manière dont étaient menées les missions répressives judiciaires.
(...) Les solutions aux problèmes relatifs à ce qu'on dénomme aujourd'hui la ‘petite criminalité’ (...)
comme les actes de vandalisme, les disputes familiales, les larcins, etc., étaient le fruit d'une étroite
collaboration avec la population. (...) En outre, nombre de situations conflictuelles étaient évitées, sinon
ramenées à leur juste proportion, du fait que la police n'était pas seule à être au courant du phénomène.
73
40
est, en effet, moins coûteuse en moyens financiers et en efforts organisationnels
puisque qu’elle n’implique que le renforcement – à l’aide des contrats de sécurité, et
donc du financement du fédéral ou de la Région, par exemple – d’un service de
quartier. De plus, le flou concernant cette fonction est moins gênant à ce stade que
celui entourant la police de proximité.
Certains indices de cette situation sont décelables. Il en est ainsi, par exemple, du
nombre d’articles de policiers consacrés à la fonction d’agent de quartier face au peu
d’articles consacrés à la police de proximité79 (ou au service de police de base) qui,
lorsqu’ils existent, soulèvent de nombreuses questions quant au flou, la variété des
termes employés et la confusion que cela induit80. On peut toutefois souligner que les
auteurs de ces articles y relèvent souvent le caractère limité et « sloganesque » de la
médiatisation de l’agent de quartier lorsqu’il n’est pas inclus dans une réorganisation
plus en profondeur d’un corps de police81.
Les causes profondes des conflits et les rapports des habitants entre eux étaient connus. Un contact
régulier, une présence ponctuelle et une analyse juste des problèmes rendaient possible une intervention
policière efficace. (...) Dans les corps plus importants de villes de taille moyenne ou grande, c'est dans la
fonction de l'agent de quartier qui se manifestait ce service orienté vers la population. L'agent de
quartier apparaissait comme une personne de confiance, trait d'union entre population et corps de
police, médiateur, fonction de signal » (C. DE TROCH, « La police communale et sa place dans le cadre
de sa mission de police de base », Politeia, 1995, n° 9, pp. 15 et sv.).
79
Voy. T. KOENRAAD, commissaire adjoint à la police communale de Gand, « Une police toute proche.
À Gand, la police de quartier se transforme en police de proximité », Politeia, 1998, n° 5, pp. 12-14.
L’auteur y évoque cette fois la notion « d’agent de proximité ».
80
Voir à ce propos F. MULLENERS, op. cit.
81
D. STEELANDT, op. cit.
41
Chapitre II. - La voix de la gendarmerie
La gendarmerie a été démilitarisée par une loi du 18 juillet 1991, opérant de la sorte un
transfert de compétences du ministère de la Défense à ceux de l’Intérieur (pour les
compétences de police administrative) et de la Justice (pour les compétences
judiciaires). Depuis lors de multiples réformes sont intervenues en son sein (structure,
recrutement, formation, évaluation, etc.), avec pour fil conducteur le développement
de la « police de base de qualité » (le développement de ce projet a commencé en mars
1993). Il est à noter cependant – et cette remarque à son importance - que, bien que
relevant maintenant du ministère de l’Intérieur, la Gendarmerie n’a pas été concernée
par les multiples programmes développés par celui-ci. Dès lors, contrairement aux
polices communales, les réformes ou les réorganisations dans le sens d’une police de
proximité ont été initiées en « interne », au sein même de la gendarmerie.
Il semble cependant que le développement de la police de proximité au sein de la
gendarmerie ne soit pas purement philosophique mais réponde également à une
vision plus stratégique. Ainsi, comme le rappelle L. Van Outrive : « C’est surtout en
lançant un service de police de base fondé sur plusieurs éléments de la community
policing, ou police de proximité, que la gendarmerie a fini par concrétiser et achever
son parallélisme concurrentiel avec les autres services de police et par engendrer bien
des chevauchements de compétence. C’est la première fois que la gendarmerie
s’occupe explicitement et systématiquement du besoin de sécurité de la population.
Auparavant elle se présentait comme un des piliers qui soutiennent la nation belge,
mission qui lui avait été assignée formellement en 1830, l’accent étant toujours mis
principalement sur le maintien de l’ordre public et sur la mission de renseignement
politique. Cette dernière tâche était réservée aux B.S.R. [Brigades de Surveillance et de
Recherche], qui n’ont commencé à s’occuper des tâches judiciaires spécialisées que de
manière progressive et avec des effectifs limités »82.
De manière générale, la police de proximité passe avant tout par une amélioration de
la qualité : « Le concept de la police de base traduit la philosophie d’une gendarmerie
qui refuse le repli sur elle-même et qui s’ouvre au monde extérieur »83. Sa mise en
œuvre progressive passe « petit à petit d’une amélioration de la qualité des services
existants à des projets plus profonds allant dans le sens du community policing »84. On
82
L. VAN OUTRIVE, op. cit., pp. 18-19.
C. JANSSEN, « La gendarmerie dans tous ses états. Les gendarmes ont la parole », Politeia, 1996, n° 4,
p. 22.
84
S. JANSSENS, Y. NAESEN, entretien avec R.. VAN DE SOMPEL, « Back to basics. La police de base à
la gendarmerie », Politeia, 1996, n° 4, p. 27. Voy. aussi, R.. VAN DE SOMPEL, « Return to sender ou back
83
42
rejoint dans ces définitions très générales l’idée déjà véhiculée par le fédéral mais aussi
un certain nombre de policiers communaux.
Cependant, si les notions de police de proximité et d’agent de quartier sont peu usitées - la
culture propre à la gendarmerie, ses compétences légales, ainsi que la terminologie fait
que l’on y parle plus aisément de community policing et de « gendarme de secteur »85 ou
encore de « fonction de police orientée vers la communauté »86 -, les conceptions sont
également différentes. En effet, on parle plus volontiers de stratégies et de management.
On évoque également le problem oriented policing (approche par résolution des
problèmes, proactivité, action sur les causes et non les symptômes) et le partnership,
considérés comme les deux piliers du community policing auxquels la gendarmerie
ajoute un troisième : le « concept de qualité du service rendu à la population locale et à
l’autorité » (la population est considérée comme un « client »). In fine, le concept de
community policing tel qu’adopté par la gendarmerie, s’applique « tant dans la fonction
de police de base que dans celle de la police spécialisée »87. Ou, en d’autres termes : ce
concept s’applique « tant à la fonction de police locale qu’à la fonction de police supra
locale »88, l’important étant de les intégrer.
Pour autant, le colonel R. Van de Sompel s’interroge sur le contenu du community
policing : « Un concept ou un fourre-tout ? » : « Dans la littérature spécialisée consacrée
au community policing, il existe peu de consensus sur ce que ce type de fonction de
police est au juste. En effet, le community policing est généralement décrit au départ du
manque d’efficacité avéré de la fonction de police traditionnelle. Le contenu du
community policing est dès lors la conséquence logique à la réaction contre les
caractéristiques et les manquements de la fonction de police réactive. J’ai également
rencontré un vaste éventail de variantes dans l’application sur le terrain du community
policing par les services de police (essentiellement anglo-saxons) de par le monde. Cet
éventail allait de l’approche extrême orientée vers la communauté à l’approche
exclusivement orientée vers les problèmes. (…) La seule constante semble être le fait
que chacun admet que le community policing est un concept, une vision et une attitude
plutôt qu’une méthode, une stratégie ou une forme d’organisation qu’il est aisé de
délimiter »89.
to the future ? L’évolution de la gendarmerie vers une fonction de police orientée vers la communauté »,
op. cit., pp. 19-20.
85
Voy. C. JANSSEN, op. cit., pp. 17 et sv.
86
R.. VAN DE SOMPEL, « Return to sender ou back to the future ? », op. cit., pp. 16 et sv. ; Politeia, 1997,
n° 6, pp. 9 et sv.
87
R.. VAN DE SOMPEL, “ La fonction de police de base au sein de la gendarmerie ”, op. cit., p. 19.
88
Ibid., p. 20.
89
R.. VAN DE SOMPEL, « Return to sender ou back to the future ? », op. cit., p. 16.
43
Chapitre III. – « L’écho des voix »
Il faut, pour comprendre toute la portée de ces prises de positions, toujours garder à
l’esprit le climat dans lequel il s’inscrit : un climat, sinon de « guerre des polices », en
tout cas de luttes d’influence sur deux terrains, politique et pratique.
D’abord sur le terrain politique car les pistes de réforme des polices (déjà) en cours à
cette époque débouchaient sur des négociations de répartitions des tâches entre d’une
part, la police communale, et d’autre part, la gendarmerie90, les deux corps défendant
leurs prérogatives respectives.
Sur le terrain de la pratique ensuite car, au centre du débat sur la « fonction de police
de base », voire simplement sur la “ fonction de police ”, se trouve la population que
chacun des deux corps tente de « séduire »91.
Dans cette course, l’ancrage local de la police communale et son implication historique
au sein de la communauté lui donne un avantage (même si le contact avec la
population s’est progressivement perdu) sur une gendarmerie à la recherche de cet
ancrage mais qui bénéficie elle d’un professionnalisme plus pointu (de par ses moyens
matériels et humains mais également ses compétences sur l’ensemble du territoire
national qui lui permettent de mettre en place des services centralisés bénéficiant à
toutes les brigades de gendarmerie locales). Les discussions visant à restructurer la
« fonction de police de base » par une redistribution des tâches entre les deux services
de police viennent donc attiser, tout en tentant de trouver une « solution », une lutte
de compétences entre les deux corps. Les positions relatives à la police de proximité
sont donc, dans ce contexte, autant des arguments « corporatistes » que des arguments
plus « raisonnés » et témoignant d’un souci de moderniser la fonction de police.
Ainsi, les modélisations respectives de mise en œuvre de cette police de proximité sont
un bon exemple de cette rivalité. D’un côté la police communale propose une
« répartition ‘bi-partite’ au niveau de l’exécution des tâches » entre, d’une part, « un
service de police de première ligne spécialisé dans la ‘communauté locale’ » ou spécialisé
dans un domaine, et d’autre part, « un service de police de deuxième ligne spécialisé dans
90
C’est l’époque des négociations des zones interpolices (Z.I.P.). L’introduction des Z.I.P. avait pour but
d’apaiser les tensions existant entre la gendarmerie et la police communale tout en promouvant le
développement d’un « nouveau fonctionnement de la police » fondé sur un ancrage local, la
concertation et le partenariat (entre les corps de police) et axé sur la communauté. Voy. not. Politeia,
1996, n° 5. (numéro spécial Z.I.P.).
91
Le commissaire en chef de la police de Bruxelles, R. Van Reusel, ne rappelait-il pas son « souci d’être
proche du citoyen ! La police [ayant] quelque peu oublié ces dernières années qu’elle était au service de
la population » (C. JANSSEN, Y. NAESEN, « Dialogue et figures dirigeantes. Deux ingrédients pour une
thérapie de choc ? », Politeia, 1996, n° 2, p. 12).
44
les ‘actions’ particulières » ou spécialisée dans des activités. Chacun des domaines se
caractérisant « par une structure, une stratégie et une culture spécifiques propres »92.
D’un autre côté la gendarmerie propose, toujours au nom du community policing,
d’intégrer les deux, la fonction de police ne pouvant » être fractionnée si elle veut
rester fidèle au concept de la community policing qui suppose l’existence d’une seule et
même culture au sein de l’organisation de police »93.
Or il se fait que la police communale est essentiellement active sur le terrain de la
« police de première ligne »94, alors que la gendarmerie est présente sur les deux fronts,
avec une prédominance pour ce qui est police de « deuxième ligne » et qui la pousse à
reconquérir le terrain de la proximité : « L’instauration du gendarme de secteur et plus
largement de la police de base a irrité plus d’un commissaire de police »95. La
gendarmerie reconnaît d’ailleurs être partiellement responsable du mauvais accueil
fait par la police communale à la « police de base » de la gendarmerie96.
Cette « reconquête » est confirmée par le lieutenant général W. Deridder97 pour qui les
résultats de l’entreprise de réforme entreprise depuis 1993 et visant à l’implantation de
la « police de base » au sein de la gendarmerie, tendent à réduire le fossé qui la
séparait de la population98.
Titre II. - Contenu de la police de proximité dans le
discours des policiers communaux
92
C. DE TROCH, op. cit., p. 18.
R. VAN DE SOMPEL, « La fonction de police de base au sein de la gendarmerie », op. cit., p. 20. Voy.
également Major HEUZEL, « Les nouveaux acteurs locaux de la sécurité. Le point de vue des forces de
l’ordre », in Les nouveaux acteurs locaux de la sécurité, Colloque organisé par Le Forum belge pour la
prévention et la sécurité urbaine, Bruxelles, 25 mai 1998 : « Il faut en effet prendre conscience que pour,
au sein d’un corps fédéral aussi important que la gendarmerie, abandonner le modèle d’une police
réactive, évoluer vers une police communautaire, il faut agir sur tous les aspects du fonctionnement de
l’organisation ; l’élément culture n’étant pas le moindre des aspects. C’est une lame de fond qui traverse
l’organisation et dont les résultats se mesurent sur le long terme. Dans ce contexte, nombreux encore
sont ceux qui confondent l’activité de travail de quartier présentée comme typique des polices
communales avec la philosophie du travail communautaire ; en d’autres termes on peut avoirs des
agents de quartier dans son organisation sans pour autant s’inscrire dans une philosophie de police
communautaire ».
94
Voy. Y. NAESEN, C. JANSSEN, N. DE MAN, S. JANSSENS, op. cit., pp. 20-32.
95
C. JANSSEN, op. cit., p. 23.
96
Voy. S. JANSSENS, Y. NAESEN, entretien avec R. VAN DE SOMPEL, op. cit., p. 27.
97
Cette fonction est la plus haute au sein de la gendarmerie.
98
C. JANSSEN, S. JANSSENS, « Franchement, une interview du Lieutenant Général Deridder », Politeia,
1996, n° 4, p. 10.
93
45
En Belgique, avec la figure de l'agent de quartier, on retrouve une situation analogue à
celle de la France qui, dans le cadre du développement de la police de proximité, met
en avant l'îlotage comme « mode d'intervention prioritaire de la police urbain »99.
Dans une étude de la littérature disponible sur la question, K. Bettens tente de dégager
quelques aspects de cette fonction d’agent de quartier qui reste floue dans l'esprit de
beaucoup.
Ses objectifs seraient :
- favoriser le bien-être dans le quartier. Cette notion de « bien-être », l'agent de
quartier doit la définir, la découvrir lui-même selon le quartier ;
- être présent dans un territoire réduit ;
- soutenir le corps. Dans ce cadre, l’agent de quartier est instrumentalisé par le
corps de police qui en attend des informations.
La définition de la mission est fort variée et l'auteur en dégage les éléments généraux :
− « Surveillance de base dirigée sur le maintien de la loi et de l'ordre.
− Entretenir le contact avec le public et avec les cadres d'autres services d'aide
et d'assistance dans le quartier.
− Etre accueillant (borne d'appel).
− Arbitrage : intervention dans les disputes, les conflits...
− Soutien aux autres sections du service (traitement des affaires mineures,
assistance à l'occasion d'enquêtes et d'arrestations).
− Rassembler et fournir des informations (aux citoyens et aux collègues).
− Donner aide et assistance »100.
99
B. JANKOWSKI, op. cit., p. 212.
K. BETTENS, op. cit., pp. 39-43.
100
46
Étant soucieux à la fois du bien-être du quartier et du bon fonctionnement du corps de
police, il serait en fait « serviteur de deux maîtres ».
La mission elle-même comporte trois aspects :
− le travail est fourni par le quartier, le corps de police et l'agent lui-même qui
doit donc opérer un choix de priorités (souvent l'ordre et la tranquillité) ;`
− il s'agit principalement de gestion de problèmes de relations humaines ;
− l’approche de l'agent de quartier est davantage dirigée vers la solution de
problèmes (son diagnostic diverge donc souvent de celui de ses collègues).
Les conditions de travail :
− au niveau du profil, plusieurs éléments sont importants : pouvoir d'adaptation aux
groupes rencontrés, compréhension, tolérance, connaissance approfondie de la
législation, formation psychosociale dans le domaine des techniques de
l'observation et des relations, quelques années de pratique dans le corps sont
indiquées ;
− au niveau de l'organisation : visibilité (uniforme, déplacements à pied ou à vélo),
disponibilité (le moins de tâches administratives possible), connaissance profonde
du quartier (pas de changement régulier de quartier), incorporation de son travail
dans l'ensemble des activités du corps (importance de la collaboration des services
pour une bonne circulation de l'information).
Il apparaît donc qu'il est difficile de définir cette fonction. Un leitmotiv voit cependant
le jour selon lequel, pour le corps de police, elle est la plus indiquée pour alléger le
travail de celui-ci en solutionnant les problèmes mineurs avant que des démarches
judiciaires ne soient nécessaires. De plus, il y a la dimension de l'apport d'informations
aux collègues policiers chargés de la gestion des dossiers se rapportant au quartier de
l'agent. Avant tout, il favorise les contacts entre police et citoyen. Mais, même s'il
(re)devient une figure importante, Dirk Steelandt souligne pour sa part que l'on ne
peut faire porter tout le poids du renouveau de la police sur le slogan de l'agent de
quartier, car s'il contribue à ce renouveau et en constitue une composante essentielle, il
n'en est qu'une parmi d'autres (plus ou moins spécialisées) tout aussi nécessaires101.
101
D. STEELANDT, op. cit.
47
Titre III. - Contenu de la « fonction de police de base »
dans le discours des gendarmes
Nous avons déjà évoqué les « piliers » sur lesquels la gendarmerie fondait ses
conceptions : approche par résolution des problèmes, partenariat et « service de
qualité », le tout orienté vers la population. Sur le terrain, cela se traduit
structurellement par les « trois D » : décentralisation, déconcentration et
déspécialisation102, mais également par une démarche proactive en « analysant les
causes des problèmes et en agissant à leur encontre, ou encore en détectant les risques
possibles d’insécurité avant qu’ils ne deviennent effectivement un problème »103.
Quant au partenariat, il implique une mobilisation de la population. Cet aspect
important du community policing, la gendarmerie a tenté de le concrétiser « d’une part
en impliquant les citoyens dans les projets de police de base de qualité, d’autre part au
moyen d’enquêtes permettant d’identifier les attentes du client et enfin en organisant
des comptes rendus de son action devant les conseils communaux »104.
Le community policing étant également une philosophie, sa mise en œuvre induit aussi un
changement de culture au sein du corps, changement qui se manifeste sur trois plans.
« En premier lieu, une orientation vers l’extérieur est apparue. Le personnel dirige de
manière naturelle son regard vers l’extérieur. On raisonne d’une manière totalement
différente. On tient compte des attentes du monde extérieur, de la population et de la
manière dont on doit s’organiser au niveau interne pour y répondre. En deuxième lieu,
une culture de collaboration se développe. On ne prend plus les décisions seul. Partout
des groupes de personnes se rassemblent spontanément pour faire de la concertation,
de la participation et du travail d’équipe. Cela se reflète également dans les relations
externes. On met par exemple en place des réseaux d’informations en collaboration
avec des firmes de locations de voitures, des garages, des pharmaciens, des bijoutiers,
etc. Pour finir, l’approche des problèmes se centre davantage sur les causes, que sur les
symptômes. Les policiers sont formés pour l’action et sont ainsi moins enclins à
réfléchir aux causes d’un problème et aux éventuelles alternatives pour l’aborder.
Nous constatons que l’on part maintenant de manière systématique et structurée à la
recherche de solutions alternatives »105.
102
R. VAN DE SOMPEL, « La fonction de police de base au sein de la gendarmerie », op. cit., pp. 20 et sv.
Voy. égal. R. VAN DE SOMPEL, « Back to basics. La police de base à la gendarmerie », op. cit., pp. 26 et
sv.
103
R. VAN DE SOMPEL, « La fonction de police de base au sein de la gendarmerie », op. cit., p. 19.
104
Ibid., p. 20.
105
R. VAN DE SOMPEL, « Back to basics. La police de base à la gendarmerie », op. cit., p. 27.
48
Titre IV. - Conclusions
En résumé, nous voyons émerger en Belgique deux discours policiers concernant la
police de proximité, discours qui ne peuvent être dissociés du climat de « guerre des
polices » et de réformes en cours.
Ceci explique en partie pourquoi le troisième service de police – la police judiciaire
près les parquets - ne se prononce guère en la matière. En effet, la police judiciaire,
préoccupée par le maintien de ses prérogatives en matière judiciaire que lui dispute la
gendarmerie, profile son discours sur les compétences qui sont les siennes, à savoir la
police criminelle. Compétence qu’elle ne lie pas à une notion de police de proximité.
Elle ne fut d’ailleurs jamais désignée par le gouvernement comme devant faire l’objet
de réorganisations dans le sens d’une police de proximité.
Des discours émergeants nous retiendrons :
-
la critique générale à l’égard de l’autorité politique et son défaut de réflexion sur
les concepts généraux en matière de fonction de police ;
-
le repli corporatiste comme élément structurant des positionnements des différents
acteurs ;
-
le flou dans la terminologie ;
-
la réduction de la notion de police de proximité à la figure de l’agent de quartier
dans le discours de la police communale ;
-
une conception extensive de la police de proximité visant au développement d’une
« police de qualité » suite à sa démilitarisation dans le discours de la gendarmerie.
Si de nombreuses questions se posent en filigrane, on ne peut s’empêcher de voir dans
cet état des lieux la résultante de diverses contingences qui ont amené les acteurs
policiers à se positionner de la sorte. De tout temps la gendarmerie est le service de
police qui a bénéficié de plus de moyens au détriment, notamment, des polices
communales. Celles-ci, longtemps laissées pour compte ont été reprises en mains par
un ministère de l’Intérieur à une époque où toutes deux se trouvaient en perte de
légitimité auprès de la population. Pour autant, l’apport financier du pouvoir fédéral
ne permettait pas de compenser la situation financière désastreuse de la plupart des
communes, peu enclines à bourse délier pour réformer de fond en comble leur corps
de police. La gendarmerie quant à elle a dû trouver la parade à sa démilitarisation,
49
certes à grands renforts de moyens, mais avec une moindre intervention du politique.
Dans les deux cas, légitimité et modernisation ont été le moteur des réformes
entreprises marquées par la volonté, d’une part, de rassurer le public, d’autre part, de
s’assurer ses faveurs au travers le développement de ce que l’on pourrait appeler une
« police artisanale avec un management moderne ».
On laissera le mot de la fin de cette partie, à un gendarme : « Quoi qu’il en soit, je
pense qu’il restera très difficile de donner une interprétation belge convenable à un
concept aussi vaste que le community policing, alors que le débat fondamental sur les
tâches et le rôle des services de police n’a pas lieu, n’est pas clarifié ou qu’il n’existe à
cet effet qu’un consensus insuffisant. (…) L’introduction du community policing ne sera
pas chose aisée tant que dans le contexte belge, le rôle exact des autorités policières ne
sera pas explicité et que l’on ne précisera pas où se situe l’équilibre entre leur rôle
essentiel et une approche orientée vers la population (cette dernière peut par
conséquent impliquer qu’il existe des priorités et des attentes différentes que celles
proposées par les autorités). (…) Il ne peut suffire, pour le ministre de l'Intérieur, de ne
rien faire de plus que proposer le principe de la fonction de police de base dans une
circulaire. L’introduction de ce type de fonction de police ayant des conséquences pour
l’organisation, la structure et la gestion d’un service de police, le choix stratégique du
ministre implique par conséquent qu’il prenne également en considération toute une
série de conséquences de ce choix ou certains problèmes qui peuvent survenir et
envisage les solutions nécessaires. (…). Mais avant de pouvoir même penser à
introduire un concept de community policing à part entière, le problème essentiel qui
reste à résoudre en Belgique est la reconnaissance de ce que l’on appelle la
‘compétence discrétionnaire’ des fonctionnaires de police. (…) Enfin, il y a également
le problème de la réalité sociale qui n’est pas la même que celle que nous rencontrons
dans les autres pays où le community policing a été introduit »106.
106
R. VAN DE SOMPEL, « Return to sender ou back to the future ? », op. cit., pp. 17 et sv.
50
TROISIEME PARTIE. – LE SCIENTIFIQUE : LA
RECHERCHE BELGE SUR LA POLICE DE
PROXIMITE
51
Titre premier. - Politique et recherche : les politiques de
recherche sur la police en Belgique 107
Objet de recherche tardif en Belgique, la police apparaît timidement dans les années 70
dans un contexte de découverte plus large de la justice pénale comme objet de
recherche. La criminologie sociologique s'y intéressera en effet et soulignera l'intérêt et
la nécessité d'une approche sociologique en criminologie (face à la focalisation sur le
dossier de personnalité et le comportement délinquant qui prédomine alors). Pour les
tenants de cette mouvance, il est avant tout nécessaire de « politiser » la criminologie
par une remise en question de ce système pénal. Malgré cela, la police comme agence
du système pénal fera encore fort peu l'objet d'une attention spécifique face aux
recherches centrées en particulier sur le ministère public.
La plupart des recherches furent menées par des universités qui se heurtèrent au
problème de l'accès aux sources d'information. En outre, peu d'instances publiques et
d'autorités prendront en compte ces recherches pour l'élaboration ou l'évaluation
d'une éventuelle politique criminelle. Les débats se sont dès lors focalisés sur la
distinction que Junger-Tas fait entre une criminologie »dans le systèm »,
institutionnelle, qui se centre sur les objectifs du système (personnalité du délinquant,
efficacité de la peine) et une criminologie « en dehors du système », nongouvernementale, analysant le système, sa place dans le contrôle social et les modalités
de production des normes108.
Un premier tournant en ce qui concerne les recherches consacrées à la police viendra
avec la découverte, dans le courant des années 80, de la recherche par la justice pénale.
A la suite de la vague d'événements dramatiques survenus en Belgique au début de la
décennie, le Gouvernement fédéral lance dès 1986 via le ministère de l'Intérieur un
programme de recherches universitaires (13 sujets de recherche répartis entre 17
universités ou institutions). Les sujets abordés109, s'ils portent sur les services de police
107
Cette partie introductive s'inspire largement de l'article de Ph. MARY, « Chronique de criminologie.
La recherche criminologique en Belgique. Une recherche en bon État ? », R.D.P.C., 1998, n° 2, pp. 159171.
108
J. JUNGER-TAS, « Quelques réflexions sur la recherche criminologique en Belgique », R.D.P.C., 1974
– 75, n°8, pp. 702 – 704.
109
Prévention intégrée de la délinquance dans l’agglomération bruxelloise; criminalité, insécurité et
prévention intégrée de quartiers; la concertation policière aux Pays-Bas; Mondial ’90 - ciao hooligans; les
relations police-jeunes; la privatisation de la fonction policière; le maintien de l’ordre public; les suites
réservées par la police aux demandes de la population; police et immigrés; les interventions répressives
en matière de violence dans les stades; la formation des officiers de police; la statistique criminelle
intégrée; les missions judiciaires des polices communales.
52
et leur fonctionnement, se recentrent rapidement sur l'insécurité (le programme étant
intitulé « programme sur la police et la sécurité des citoyens »). Les commanditaires
vont désormais instiller un pragmatisme certain dans le contenu de la recherche
scientifique subventionnée. La question d'un certain fonctionnement sociétal passe dès
lors au second plan.
Le programme se focalisera donc sur les phénomènes locaux sans que le terme de
« police de proximité » n'apparaisse encore. Cinq thèmes seront développés :
-
le développement d'outils mettant à la disposition des services de police une bonne
information, fiable, complète facilement analysable et rapidement utilisable;
-
l'amélioration des services rendus à la population via une meilleure gestion du
temps et donc une amélioration de la présence et de la disponibilité ainsi que des
contacts avec la population. Dans ce cadre, deux angles de recherches seront
approfondis: les relations entre la police et la population (reprise des programmes
de 1986), entre la police et certaines populations (les jeunes et les immigrés) et
l'organisation de la police (patrouilles, agents de quartier, police judiciaire,
formation des policiers et relations humaines);
-
la thématique de la privatisation de la sécurité, suscitant l'intérêt face au
développement croissant du secteur privé en matière de sécurité;
-
l'approche des situations particulières posant problème: les vols avec violence ainsi
que la violence dans les stades de football.
-
enfin, considérant que la répression n'est que l'échec de la prévention, la police est
envisagée comme devant être avant tout préventive. Entretenant des liens directs
avec la question de la victimisation et de l'insécurité, cette thématique de la
prévention, malgré sa prégnance massive dans les discours politiques, ne fera
l'objet que de deux projets de recherche. L'inspiration provenant - par manque de
réflexion fondamentale en Belgique sur la prévention de la délinquance et
l'insécurité - de l'étranger, la touche personnelle du ministère de l'Intérieur
consistera à se focaliser sur la notion de "prévention intégrée", pilier des futurs
projets pilotes de prévention intégrée qui déboucheront sur les contrats de sécurité
dès 1992.
L'apport massif et soudain de moyens par le ministère de l'Intérieur dans ce domaine
de recherche fera même passer pour parents pauvres les autres domaines de la
recherche criminologique.
53
Le tournant décisif en ce qui concerne la transition de la préoccupation pour un certain
rapprochement de la police et du public vers l'apparition de la thématique « police de
proximité » se produira, toujours sous l'impulsion du ministère de l'Intérieur, à la suite
du rapport de la commission Bourgeois ainsi que de l'audit réalisé par Team Consult
qui pointaient les problèmes de coordination, de coopération et d'efficacité des trois
services de police générale. Il faut noter à ce propos que seule la police communale
fera l'objet d'un important programme de recherche qui reprendra certaines
thématiques présentes dans le précédent programme tout en s'orientant cette fois sur
l'idée de l'élaboration et de l'évaluation d'une nouvelle manière d'envisager la fonction
policière.
Sur fond de préoccupation sécuritaire, à la suite des élections de 1991, s'accompagnant
de la mise en place des contrats de sécurité, trois recherches vont principalement
s'intéresser à la thématique de la police de proximité: la première portant, dans un
souci pragmatique, sur l'élaboration d'un modèle de police s'inspirant du community
policing anglo-saxon et des expériences hollandaises, le tout en vue d'une adaptation à
la situation belge110; les secondes s'inscrivant dans une optique d'évaluation
scientifique de la politique des contrats de sécurité au travers notamment de la police de
proximité111. Toutes ces recherches étant commanditées par le ministère de l'Intérieur112.
110
T. VANDEN BROECK, Ch. ELIAERTS, Community policing. Organisatieveranderingen naar de
basispolitiezorg bij de gemeentepolitie. Ministerie van Binnenlandse Zaken, Algemene Rijkspolitie,
Bruxelles, Politeia, 1994.
111
S. SMEETS, C. STREBELLE, (sld. Ph. MARY) Police de proximité et contrats de sécurité. Recherche
réalisée pour le compte du ministère de l’Intérieur, P.G.R., rapport relatif aux trois années de recherche
allant du 15 janvier 1996 au 30 janvier 1999, Bruxelles, Ecole des sciences criminologiques de l’U.L.B.,
janvier 1999; G. HACCOURT, J. LACROIX, C. TANGE, (sld. I. POULET) Evaluation des contrats de
sécurité bruxellois. Recherche réalisée pour le compte du ministère de l’Intérieur, P.G.R., rapport relatif
aux trois années de recherche allant du 1er avril 1996 au 1er avril 1999, Bruxelles, Synergie (Service
Intervention Recherche Jeunes asbl), avril 1999.
112
Comme il a été mentionné, quelques recherches avaient, avant que soient avancés les vocables de
community policing ou de police de proximité, déjà exploré divers aspects du travail policier, parfois même
au travers de la figure de l'argent de quartier dont on décelait déjà le caractère potentiellement
emblématique d'une politique de rapprochement du citoyen. Dominées dans l'ensemble par la question
des relations entre police et public, ces recherches portent donc sur des secteurs d'activité policière
spécifiques, concernant chaque fois une catégorie de policier en particulier. Nous n'y feront référence
que dans la mesure où elles permettent d'apporter des précisions par rapport à l'état de la question de la
police de proximité depuis son apparition au grand jour en Belgique. De même, le ministère de
l'Intérieur continuera de subventionner des universités et écoles supérieures afin qu'elles réalisent des
recherches à vocation pragmatique portant sur le travail des services de police dans le cadre des
innovations introduites, mais sans qu'il y soit souvent question directement du modèle de police de
proximité (efficacité, rapport coût-bénéfice des tâches policières, ainsi que le souci d'une qualité –
« totale » - dans une approche essentiellement managériale nécessitant des outils d'évaluation ou encore
l'étude de certains phénomène spécifiques tels les « noyaux durs » juvéniles dans la perspective de
l'EURO 2000).
54
Titre II. - La recherche sur le modèle du community
policing et son importation en Belgique
L'optique de cette recherche, confiée à la V.U.B. (Vrije Universiteit Brussel) et la
méthode développée113 marquaient un souci pragmatique très clair; l'objectif étant
l'exploration du modèle anglo-saxon ainsi que des expériences hollandaises en matière
de police de proximité pour en tirer une application à la situation belge. Le travail
fourni tend donc à accorder une place importante aux considérations
organisationnelles susceptibles de favoriser la mise en place de cette « nouvelle »
police.
Dans cette perspective, les réflexions de T. Vanden Broeck et Ch. Eliaerts renvoient
principalement aux positions de John Alderson114 et au modèle développé en Hollande
comme sources d'inspiration et de concrétisation possible de la police communautaire
ou de proximité en Belgique. Ces réflexions devaient permettre de préciser une série
de termes employés de plus en plus couramment et qui devraient se traduire par des
mises en œuvre concrètes uniformes, sans préciser à ce stade les polices concernées,
mais en se focalisant sur un niveau d'exécution de la fonction de police, à savoir le
local.
Outre les éléments présents dans la mise en œuvre proposée par Alderson - réciprocité
entre la police et la communauté; réorientation de la patrouille; engagement de la
population dans des tâches à caractère sécuritaire; partenariat inter-organisationnel Vanden Broeck et Eliaerts mettent particulièrement l'accent sur l'importance des « trois
D »: déconcentration - décentralisation - déspécialisation. Afin d'opérationnaliser au
mieux la philosophie du community policing, ils estiment qu'il faut être particulièrement
attentif à une déspécialisation des tâches au niveau local (en plus de la décentralisation
et de la déconcentration115), mais cela de manière réfléchie au préalable, comportant
113
Outre l'étude des options prises à l'étranger concernant la réalisation de l'idée d'une fonction de
police de base et du community policing (avec modèles stratégiques de mise en œuvre à la clé), les
auteurs ont procédé à des études de cas, des interviews et des observations participantes dans divers
corps de police belges.
114
Qui est certainement le praticien et auteur anglo-saxon le plus cité dans le cadre de la discussion de
l'importation du modèle anglais en Belgique.
115
Par déconcentration, nous entendrons : « la forme d’organisation de l’administration dans laquelle le
pouvoir décisionnel est octroyé, par voie de délégation ou d’attribution de compétence, à des organes
subordonnés soumis au pouvoir hiérarchique de l’autorité supérieure qui dirige leur action par les
instructions qu’elle leur adresse ». La déconcentration telle que nous l’utiliserons dans notre étude
relève donc de l’attribution de pouvoirs décisionnels à des organes subalternes, confiant à ces derniers
un droit d’initiative. Dans la dynamique de mise en œuvre de la police de proximité, il s’agit donc de
l’attribution, au niveau le plus bas possible, d’un pouvoir d’initiative et de décision, visant à conférer
une autonomie et une responsabilité accrue aux organes « subalternes », tout en maintenant ceux-ci sous
la hiérarchie et le contrôle de leurs supérieurs. Cette déconcentration n'implique par forcément une
dissémination géographique à travers un territoire d’organismes, de services qui se trouvaient
55
une description claire des tâches, un encadrement, une formation et des recyclages116.
En ce qui concerne l'évaluation des changements envisagés, parmi les « postconditions » (une fois les modifications organisationnelles en place) doivent figurer
des évaluations internes et externes incluant également le point de vue de la
population (point de départ des préoccupations politiques). Ces évaluations devraient
inclure entre autre un inventaire des problèmes, des résistances et des obstacles
surgissant lors des changements d'organisation dans la police.
Vanden Broeck et Eliaerts relèvent que des exemples (aux Etats-Unis surtout) « ont
démontré que pour concrétiser de façon réussie l'organisation de cette philosophie
globale, des modifications organisationnelles profondes étaient nécessaires »117. En
effet, si l'on souhaite se lancer dans un projet de community policing, il est nécessaire de
réaliser qu'il « remet en question l'ensemble de la fonction de police »118.
Ils considèrent les Pays-Bas comme le meilleur exemple de cette concrétisation avec
leurs idées de « fonction policière de base » et d'« équipes d'agents de quartier ». Ces
dernières doivent permettre de mener à bien ces modifications organisationnelles:
− la fonction policière de base doit propager une assignation générale des tâches à la
police. L'idée étant alors de résoudre les problèmes quotidiens de sécurité de la
population au niveau conflictuel le plus bas possible. D'où la nécessité d'un contact
stable et de qualité entre la police et la population. Les trois « D » favorisent
particulièrement l'assignation générale des tâches;
− constitution d'équipes d'agents de quartier polyvalents.
Vanden Broeck et Eliaerts relèvent en outre que des problèmes graves, dont ils
renouvellent le constat en Belgique, risquent de surgir dans le courant des réformes
lorsque l'on constate l'absence de philosophie politique et de stratégie de mise en
œuvre claires.
Ces problèmes sont de plusieurs ordres:
-
structurels: par manque de préparation de la politique à suivre (ce qui renvoie à
une définition du contenu des tâches, de l'orientation de l'organisation globale, des
initialement, ou qui pourraient se trouver groupés en un seul lieu. Voy. Ph. DE BRUYCKER, Essai sur la
notion de déconcentration en droit administratif, Thèse présentée en février 1995 pour l’obtention du titre de
docteur en droit, Faculté de Droit, U.L.B.
116
T. VANDEN BROECK, Ch. ELIAERTS, op. cit.
117
Ibidem.
56
moyens); par un manque de personnel et d'une planification capable de soutenir les
changements;
-
culturels: qui sont en lien avec les difficultés posées par la propagation d'une
culture de corps différente, la disponibilité suffisante de connaissances préalables
et de savoir-faire sur le plan des changements d'organisation (ils considèrent par
ailleurs que si des réformes modestes peuvent suffire, un revirement culturel est lui
essentiel);
-
communicationnels: un « leadershipstyle » trop orienté sur le contrôle (top-down) et
sur les incidents119.
Diverses recommandations seront donc formulées qui concernent massivement ce
qu'ils nomment « pré-conditions » et qui sont l'étape sans laquelle toute réforme du
modèle policier actuel ne saurait être seulement envisagé sérieusement: masse critique
de moyens et de personnel à atteindre; formation, connaissances et savoir-faire à tous
niveaux des corps de police; définition et description des tâches concernant le niveau
local par le fédéral; adaptation des salaires et résolution du problème de la nomination
politique qui mine la compétence, la motivation et la crédibilité d'un corps.
Une mise en œuvre d'équipes d'agents de quartier permettrait de réunir le plus de
chances de réussite dans l'introduction d'un nouveau modèle de travail policier, en
définissant le plus de tâches. Toutefois, une introduction linéaire de celui-ci étant une
mauvaise chose, les efforts que cela demande étant trop importants pour le rendement
prévu sans compter l'absence de masse critique disponible, ils estiment que des
réformes moins importantes pourraient suffire en Belgique à la condition d'un
revirement culturel définit comme essentiel. Enfin, une stratégie est proposée aux
corps de police, s'articulant autour d'un management intensif, qui doit leur permettre
de s'engager dans un programme de réforme intégrant les soucis à la fois
organisationnels et culturels.
Titre III. - Recherches sur l’évaluation des contrats de
sécurité en ce compris la « police de proximité »
Dans le cadre de l’évaluation des contrats de sécurité cette fois, le ministère de
l’Intérieur va commanditer diverses recherches dont deux porteront leur regard sur la
118
T. VANDEN BROECK, Ch. ELIAERTS, « Community policing: une base destinée à la police de
proximité dans notre pays? », Politeia, 1995, n° 9, pp. 5-14.
119
T. VANDEN BROECK, Ch. ELIAERTS, Community policing. Organisatieveranderingen naar de
basispolitiezorg bij de gemeentepolitie, op. cit.
57
police de proximité. La première, réalisée par une équipe de l'Ecole des sciences
criminologiques de l'U.L.B. étudie la police de proximité sous l’angle des services
désignés prioritairement comme incarnant cette police (situation, discours des chefs de
corps et pratiques de terrain), à savoir les services de quartier en confrontant les
données récoltées au modèle de police de proximité élaboré à partir de la littérature
sur la question120. La seconde, confiée à l'équipe du centre de recherche Synergie
abordera également cette problématique pour d'autres communes et, selon des
modalités méthodologiques quelque peu différentes, sous l’angle de la place relative
des services désignés prioritairement comme incarnant cette police au sein des corps
de police (place et importance de chaque service, types de pratiques et discours des
chefs de corps). Les résultats sont confrontés aux traits normatifs perceptibles dans les
textes normatifs belges121.
Il faut souligner que, portant sur des corps de police communale relevant de deux
Régions différentes (la Région bruxelloise, agglomération urbaine, comprenant 19
corps de police communale partageant un contexte commun de capitale et la Région
wallonne dans laquelle sont répartis différents types de villes présentant toutes un
corps de police communale unique) et développant des approches méthodologiques
sensiblement différentes, ces deux recherches n'en sont pas moins parvenues à des
constats similaires à propos de la question de la mise en œuvre d'un nouveau modèle
de police au niveau local.
Chapitre premier. - Constats de la recherche confiée à l’U.L.B.
Section Ière. - La notion de proximité et la question de l’information
Selon l'équipe de l'U.L.B., la notion de police de proximité s’inscrit plus largement
dans celle de justice de proximité122. Toutes deux participent d’une logique de
rapprochement avec la population dans le cadre d’un accroissement de l’efficacité, de
la légitimité et de la rationalisation des moyens, logique qui devrait, à terme, permettre
l’humanisation des appareils de justice et policiers. Cette politique de proximité apparue en France dans les années 80 et en Belgique dans les années 90 - se veut une
120
Les traits de ce modèle sont: la concertation et le partenariat; les changements organisationnels « de
base » (décentralisation territoriale, déconcentration des lieux décisionnels, décloisonnement des
services, polyvalence de l’agent de base et déspécialisation du service de quartier); le rapprochement
entre la police et le public; l'élargissement de fonction policière.
121
Les résultats de ces deux recherches (U.L.B. et Synergie) sont basés sur de nombreux entretiens avec
les responsables politiques locaux et les responsables policiers et sur des mois d’observation
participante avec des policiers de terrain.
122
Voy. à ce propos not. Ph. MARY, « De la justice de proximité aux maisons de justice », R.D.P.C., 1998,
n° 3, pp. 293-303 ; A. WYVEKENS, « Justice de proximité et proximité de la justice. Les maisons de
justice et du droit », Droit et Société, 1996, n° 33, pp. 363-388; H. HAENEL, « Justice de proximité.
Premier bilan », Pouvoirs, 1995, n° 74, pp. 93-103.
58
réponse au caractère imposé des décisions qui génère une distance (principalement
symbolique) entre, d’une part, l’Etat et ses représentants et, d’autre part, les citoyens.
Dans ce cadre, la proximité « désigne d’abord (...) le caractère de ce qui est proche
géographiquement, mais la proximité est aussi affective - l’expression ‘les proches’
renvoie à une idée de parenté -, c’est aussi ce qui est imminent, ce qui va ou doit
arriver, ce qui est rapproché dans le temps »123. Ainsi, cette notion peut être envisagée
à travers trois dimensions : spatiale, temporelle et relationnelle.
Ce modèle fait l'objet d'un certain nombre de réflexions critiques quant aux dérives
auxquelles il peut conduire: problèmes relatifs à la définition - et la détermination d’une « communauté consensuelle », et partant, problèmes de la représentativité de
cette « communauté »; impossibilité pour la police d’éradiquer les causes socioéconomiques de la délinquance; délimitation des modalités de collaboration avec des
partenaires sociaux pour éviter de diluer la fonction policière; nécessité, pour certaines
missions policières, d’un rapport d'extériorité ou d'opacité plus important que peuvent
contrecarrer la transparence, la visibilité accrue et la proximité trop importante de la
population, etc.
Au fil de l'étude de divers dispositifs policiers manifestant certaines dimensions de la
proximité (spatiale, temporelle et relationnelle) se dégagera une autre spécificité de la
proximité appliquée aux services de police et aux agents de quartier en particulier: la
proximité de contrôle124. Les questions posées sont multiples: extension du contrôle
social formel et informel et donc, érosion des libertés individuelles et collectives;
accroissement concomitant du rôle de la police par rapport à un ensemble de
comportements que l'on appelle les incivilités; crainte que ces dispositifs ne fassent
courir le risque d'une application discriminatoire et arbitraire de la loi; et enfin, ces
réflexions paraissant très présentes dans la pratique des agents de quartier,
questionnement de la dimension informative de l’institution policière.
Si elle n’est pas l’apanage du modèle de police de proximité, l’information devrait y
avoir une finalité différente de celle qui lui est donnée dans le modèle de police
criminelle. En dépassant le contexte strictement pénal pour entrer dans un cadre
sociétal plus large, l’information sert avant tout à permettre la détection de problèmes
et de leurs causes sous-jacentes (proactivité) et la résolution de ces problèmes
(prioritairement par la régulation au moyen de la prévention et de l’assistance). Enfin,
le modèle de police de proximité nécessite, pour être effectif, que cette information soit
partagée et ne soit plus la « propriété » exclusive de la police. Les questions que l’on
peut dès lors se poser sont « à qui profite l’information ? » ou, en d’autres termes, « à
123
H. HAENEL, ibid., p. 94.
Voy. Y. CARTUYVELS, Ph. MARY, « Justice de proximité ou proximité de la justice ? Etat des lieux
en Belgique », in A. WYVEKENS, J. FAGET, (sld.), La justice de proximité, Toulouse, Eres, 2000, à paraître.
124
59
quoi sert-elle ? », s’agit-il de « faire autre chose » ou de « faire la même chose
autrement »?
Les chercheurs évolueront donc, dans l'examen de cette question de la gestion de
l'information par la police, d'une idée de départ: l’utilité de « savoir »125, à celle de la
création d’un savoir utile, perspective en vertu de laquelle l'agent de quartier occupe
une place particulière.
Les agents de quartier, point focal de la police de proximité, bénéficient d’une véritable
banque de données grâce à leurs contacts privilégiés avec le public. Ainsi, s’ils en ont
la volonté et les moyens, ces policiers peuvent transmettre des informations très fiables
aux autres services de police. Or, la signification qu’ils donnent à leur fonction
constitue un élément déterminant dans le choix d’utiliser ou non une information.
Les débats qui portent en Belgique sur le passage de l’information (dans le cadre plus
large d’une concertation et d’une collaboration des différentes instances policières et
judiciaires) et sur une éventuelle législation sur les enquêtes proactives, démontrent à
quel point celui qui possède l’information, et est en mesure de la gérer et de l’utiliser,
possède un pouvoir non négligeable. Pouvoir que certains qualifient de « dangereux »
dans la mesure où l’information n’est pas partagée et contrôlée. Mais ce que l’on
reproche surtout à l’institution policière, c’est l’utilisation qui est faite de ces données.
Est soulevé également le fait que le danger inhérent à la production d’une
connaissance basée uniquement sur des informations - ciblées - récoltées par les
policiers réside dans la volonté de tout catégoriser dans le but de tout rendre
prédictible. Dans cette hypothèse, l’intervention policière se basera à titre principal sur
des catégories prédéfinies qui conduiront les policiers à renforcer leur action vis-à-vis
de certains groupes ou de certains territoires micro-locaux considérés comme « à
risques »126.
Dans ce cadre, il semble alors important de bien circonscrire le rôle de l’agent de
quartier qui n’est en aucun cas un intervenant social, présent pour répondre « à un
échec de la structure institutionnelle globale ». (Trop) souvent, on attend de l’agent de
quartier qu’il se positionne comme le moyen terme entre les solutions strictement
pénales et le « laisser-faire pur et simple »127. Dans un contexte marqué par un
125
Et du développement d'une préoccupation croissante, notamment via l'informatisation des services
de police, pour l'amélioration de l'exploitation des données et de leur récolte via les interactions avec la
population.
126
T. JONES, T. NEWBURNS, D.J. SMITH, « Policing and the idea of democracy », British Journal of
Criminology, 1996, n° 2, p. 191.
127
Conseil national des villes et du développement social urbain, Les polices de la ville, Rapport du
groupe de travail du C.N.V., Paris, janvier 1993, p. 8.
60
relâchement des liens sociaux de solidarité et de contrôle, il est certain que l’on
demande de plus en plus au policier (surtout à l’agent de quartier) de jouer un rôle de
substitution, non seulement des autres agences de contrôle social formel, mais aussi de
contrôle social informel. Cependant, même s’il est un intervenant policier un peu
particulier qui possède l’étiquette « non dangereux » pour le public (étiquette qui le
distingue de ses collègues du service d’intervention128), l’agent de quartier possède, au
même titre que les autres policiers, cette force symbolique, la capacité potentielle
d’utiliser la force et la contrainte. Le danger réside justement dans le fait de croire - ou
de laisser croire - que cet agent de quartier peut intervenir sous une autre casquette
que celle de policier et que, dès lors, le public peut attendre de sa part la « mise entre
parenthèses du droit ».
Ainsi, ce qui semble déterminant pour faire la distinction entre les différents services
de police au sein d’un corps n’est pas tant la différence de finalité d’une fonction que
les modalités d’intervention permettant d’atteindre cette finalité. En général, on fait
une distinction entre une police d’intervention (ou de maintien de l’ordre) fondée sur
le recours à la force, et un rapport à l’autorité plus ouvertement asymétrique et une
police de proximité (ici incarnée par l’agent de quartier) basée sur une stratégie de
communication avec le public, visant à limiter ces recours à la force en leur substituant
l’action persuasive129. Cependant, le choix des individus qui feront l’objet d’une
« action persuasive » plutôt que d’un recours à la contrainte s’inscrit bien souvent dans
le pouvoir discrétionnaire de l’agent de base et est, dès lors, souvent déterminé par des
critères très subjectifs qui peuvent entraîner une gestion policière discriminatoire.
Une fois produit, la question suivante est bien sûr celle de l'utilisation du « savoir
utile ». Dans le modèle de police de proximité, les informations devraient être
partagées et permettre une gestion policière axée sur la résolution des problèmes. Dans
les faits, loin d’être partagée, cette information reste souvent à la seule disposition de
l’institution policière et ne sert, en général, qu’à alimenter la machine répressive et non
à permettre une dynamique au niveau de l’instauration d’une nouvelle philosophie ou
d’un nouveau modèle policier.
L’information, généralement récoltée par les polices de base (non spécialisées), n’est
donc pas conçue comme un moyen de redynamiser - ou de créer - le community
policing, mais sert au renforcement des anciens modèles (répression, crime fighting,
intervention). Dans ce cadre, les stratégies de proactivité deviennent un moyen parmi
d’autres, non pas d’amélioration de la qualité de vie, mais d’accroissement du contrôle
par la création d’une connaissance basée, avant tout, sur la catégorisation des
128
129
M. LINDEKENS, A l’écoute des policiers : le contact avec le public, Bruxelles, Story-Scientia, 1986, p. 36.
J.L. LOUBET DEL BAYLE, op. cit., p. 41.
61
individus dans des groupes « à risques ». Dans ce cas, le recueil d’information entre
dans un schéma qui est moins celui d’une police au service de la population qu’une
population au service de la police. Non pas « faire autre chose », mais « faire la même
chose autrement ».
Section II. - Bilan de la mise en œuvre d’une nouvelle police : le décalage entre
discours et pratiques
§ 1er. - Partenariat et concertation
L’absence quasi-complète d’une concertation véritable impliquant les agents de
quartier dans un processus de dialogue avec leur environnement professionnel est
patente. Lorsque ce dialogue existe, il s’insère bien souvent dans un dispositif informel
et ponctuel et il ne peut produire véritablement ses effets vu l’absence de structures de
concertation internes à l’appareil policier susceptibles de le relayer vers la hiérarchie
ou les autres services policiers. Quant aux partenariats, ils sont eux aussi bien souvent
non formalisés et peu concrets. Les contacts avec les acteurs sociaux sont encore
relativement rares. Quand ces contacts - ou ces partenariats - existent, ils sont fondés
sur des relations d’ententes personnelles bien plus que sur une véritable politique du
corps de police.
Ceci étant, des relais ont été institués entre l’institution policière et certains services
sociaux, des réunions avec des comités de quartier sont organisées, certaines actions
sont mises en œuvre conjointement avec des acteurs non-policiers (techno-prévention,
assistance aux victimes, etc.), mais c’est finalement bien peu de choses eu égard à l’idée
sous-jacente aux concepts de concertation et de partenariat d’une approche globale et
intégrée de résolution des problèmes (« de société »).
Les causes de ce bilan nuancé sont diverses: le manque d’implication de certains
bourgmestres (même si elle s’est sensiblement accrue), la désaffection et la méfiance de
certains partenaires à l’égard de la police (méfiance parfois suscitée par la politique des
contrats de sécurité), la méconnaissance des partenaires potentiels et leur manque
d’ouverture respectif, la marginalisation des services de police au sein des contrats de
sécurité, etc. Par contre, il existe d’autres raisons qui apparaissent directement liées à la
politique interne des corps de police. La première concerne l’absence de structure de
concertation, ou de processus visant à connaître l’avis des agents de quartier au sein
des corps de police, et permettant d’en tenir compte. La deuxième est que, bien
souvent, les agents de quartiers ne sont pas encouragés, et c’est parfois un
euphémisme, à participer aux réunions de quartier, lieu idéal de discussion et de
développement d’une politique de gestion commune du quartier par l’agent et les
habitants.
62
§ 2 . - Changements organisationnels « de base »
En ce qui concerne ce qui est appelé les « quatre D » - décentralisation,
déconcentration, déspécialisation et décloisonnement - plusieurs constatations peuvent
être faites.
Premièrement, les chefs de corps sont, en majorité, favorables à une certaine
déconcentration des lieux décisionnels qui se traduirait par une délégation plus
importante de pouvoir aux échelons inférieurs et partant, par une valorisation du rôle
des officiers dirigeant les entités décentralisées ou les services de quartier. Toutefois
l'autonomie des responsables semble être davantage le résultat de l’éloignement
spatial et du laisser-faire, que le fruit d'une politique de proximité. De plus, les
responsables divisionnaires, rechignant parfois à endosser de nouvelles
responsabilités, utilisent cette autonomie de fait bien souvent de manière négative au
lieu d’en profiter pour mettre en place une gestion différenciée selon les particularités
locales. Quand il s'agit de personnaliser des directives générales, il sera ainsi
davantage question d'interdire que de donner une consistance à cette autonomie
décisionnelle.
À l’échelon des policiers, les chefs de corps déclarent également appuyer ce qu’ils
appellent une éthique de la responsabilité des agents de base. Pourtant, il n'existe nulle
part trace d’une formalisation du pouvoir discrétionnaire des agents de quartier. Seule
la reconnaissance implicite laisse à l'agent la possibilité d'organiser une gestion
différenciée de son travail, qui reste toutefois largement tributaire de sa personnalité et
de son goût du risque. La polyvalence de l'agent qui est censée donner une substance
au pouvoir discrétionnaire n'est pas davantage soutenue par une politique globale et
cohérente. Ainsi, à l'heure actuelle, la formation préalable des policiers ne donne
sûrement pas aux agents une quelconque aptitude de « spécialiste de la polyvalence en
quartier ». L'apprentissage sur le tas induit toujours une prédominance du savoir-faire
sur le savoir. Les critères de sélection nuisent également à cette polyvalence :
l’ancienneté, une punition, le manque d'effectifs, des ennuis de santé, restent les
éléments qui motivent le plus souvent la mutation des agents en quartier.
La décentralisation territoriale est l’élément le plus souvent mis en avant par les chefs
de corps pour accroître la proximité de la police, du moins dans sa dimension spatiale.
L'engagement de civils détachés auprès des divisions a indéniablement apporté un
ballon d’oxygène aux services de quartier. Pour le reste, la décentralisation n'est nulle
part totale et le discours bienveillant à l’égard de cet élément butte le plus souvent
contre les impératifs budgétaires. Le manque de moyens limite en effet bien souvent
l’effectivité de cette volonté politique qui conduit parfois à l’aveuglement. La
décentralisation est en effet non seulement grande mangeuse de moyens mais, en
63
outre, elle favorise le cloisonnement des divisions existantes que peu de réunions
inter-services viennent briser. En pratique, si l'information circule encore, c’est grâce à
une série de mécanismes spontanés et informels.
§ 3. - Rapprochement entre police et public
En ce qui concerne le rapprochement entre la police et le public, est constaté aussi un
décalage entre les discours de chefs de corps et les pratiques de terrain. Si la volonté
d’opérer un rapprochement est présente chez tous les chefs de corps, son contenu n’est
pas le même que pour les agents de quartier. Même si dans ces discours, il y a
clairement une volonté d’aller au-delà d’un rapprochement strictement physique, l’on
peut remarquer que ce rapprochement s’envisage en priorité en termes d’amélioration
de la visibilité et de l’accessibilité policières par des aménagements organisationnels
ou structurels (aménagement des horaires, présence accrue sur le terrain par la
création de missions d’îlotage, engagement de civils pour le secrétariat, diminution des
tâches administratives, ouverture de divisions décentralisées, etc.), plutôt que sur base
d’une remise en question de la fonction de police.
Si les chefs de corps ont une idée très précise de ce qu’en théorie ce rapprochement
doit permettre (l’amélioration du taux d’élucidation, la résolution des problèmes que
rencontre la collectivité, la récolte d’informations et le renforcement de la légitimité de
l’institution policière), on constate que peu d’entre eux ont une réelle connaissance de
ce qui se passe concrètement sur le terrain. Pour les agents de quartier, le
rapprochement passe plus fondamentalement par l’amélioration des relations et des
contacts avec le public et la visibilité par une présence accrue dans le quartier n’est
qu’un des moyens - nécessaire mais insuffisant - pour y parvenir. Ce décalage entre le
discours et la réalité de terrain n’est pas étonnant dans la mesure où les relations qui
sont établies entre les agents de quartier et la population le sont, dans la majorité des
cas, sur des bases informelles. Dès lors que l’évaluation du travail des policiers ne se
fait qu’en fonction de critères quantitatifs, cette dimension relationnelle ne peut que
difficilement être prise en compte.
Un autre décalage réside dans le fait que, pour la plupart des chefs de corps, le
rapprochement entre la police et le public doit concerner l’ensemble des services du
corps. Pourtant, dans la pratique, seuls quelques services - parfois un seul connaissent des aménagements propres à favoriser ce rapprochement : service de
quartier, agents-auxiliaires de police, îlotiers, accueil. Les responsables policiers
justifient cette situation par le fait que l’agent de quartier, de par ses contacts
privilégiés avec la population, est le fer de lance de la police de proximité. Une autre
justification tient, toujours d’après les chefs de corps, à la résistance des policiers des
autres services (services d’intervention et brigades judiciaires principalement) à la
64
mise en place de ce type de philosophie dans un travail avant tout « réactif » et
« répressif ». Il faudrait dès lors un changement complet des mentalités tenant d’une
transformation globale de la culture du corps. Pourtant, peu de dispositifs sont mis en
place pour permettre cette « transformation culturelle ». Quant à la résistance qui
expliquerait pourquoi les dispositifs de rapprochement entre la police et le public ne
sont réservés qu’à quelques « élus », il faut bien constater qu’elle existe aussi dans les
services dits de « proximité », ce qui n’empêche nullement les chefs de corps
d’imposer des restructurations dans ces services.
§ 4 - Elargissement de la fonction policière
Enfin, en ce qui concerne l’élargissement de la fonction policière, ce qui frappe dans le
discours des chefs de corps, c’est l’absence d’une définition commune de la notion de
prévention. Si la plupart sont d’accord pour dire que la dimension préventive est un
passage obligé pour mettre en place un modèle de police de proximité, lorsqu’il s’agit
de circonscrire clairement cette notion, on se retrouve parfois dans le flou le plus total.
Cette difficulté de “ savoir de quoi on parle ” a des conséquences évidentes sur les
pratiques de terrain.
En matière d’assistance, le discours est plus précis. Les chefs de corps ont une idée très
claire de ce que ne doit pas faire l’agent de quartier : du travail social. Outre
l’assistance policière légale, les instructions qui sont généralement données aux agents
de quartier concernent la limitation de cette assistance à des services ponctuels à la
population et surtout à une mission de relais vers les services sociaux spécialisés. Dans
ce cadre, un problème qui se pose très clairement - et dont les chefs de corps ont
conscience - est celui de la méconnaissance générale de ces services sociaux dans le
chef des policiers.
Concernant la proactivité (que les chefs de corps lient à la détection des problèmes),
c’est l’agent de quartier qui est défini comme l’intervenant central. Le problème, c’est
qu’au-delà de cette constatation, peu de stratégies proactives sont mises en œuvre au
niveau du service de quartier. Tout au plus, existe-t-il des services au sein des corps de
police qui ont en charge la récolte et l’analyse de données, principalement criminelles.
Mais les agents de quartier ont rarement l’occasion de bénéficier des compétences de
ces services qui, de toute manière, traitent en priorité - si pas uniquement - des
informations quantitatives. De plus, si l’agent de quartier est considéré par les chefs de
corps comme le « révélateur des problèmes », le cloisonnement entre les différents
services du corps et l’absence de structure de concertation incluant ces intervenants de
base, rendent cette fonction très relative. L’agent de quartier récolte beaucoup
d’informations dans le cadre de son travail, mais force est de constater qu’un grand
nombre d’entre elles n’atteindront jamais un autre niveau que celui du service de
65
quartier. Lorsque ces informations sont transmises à un autre service, elles servent en
général à alimenter la machine répressive plutôt qu’à - comme l’espèrent pourtant les
chefs de corps - permettre une détection et une résolution de problèmes non
strictement infractionnels.
Dernier constat mettant en évidence le décalage entre discours des directions policières
et pratiques de terrain: si les discours font très clairement référence au modèle de
police de proximité, aucun n’a de vision globale de l’ensemble des effets que les
restructurations entreprises dans le cadre de la mise en place de ce modèle ont eu (ou
ont) sur les pratiques quotidiennes des policiers. Et force est donc de constater que ces
effets sont peu importants, voire inexistants. Pour beaucoup de policiers de terrain,
« rien n’a changé » sinon la charge de travail.
Schématiquement, les différentes dimensions données à la notion de proximité
peuvent être rassemblées en deux « modèles » : la police de proximité, d’une part, et la
proximité de la police, d’autre part130. Dans le premier cas, il s’agit de passer d’une
police de type criminelle à une police fondée sur le community policing. Dans le second
cas, il ne s’agit pas de faire autre chose, mais la même chose autrement : améliorer les
interventions de la police en la rapprochant, dans le temps et dans l’espace, des
situations qu’elle doit traiter. Si dans les deux cas se pose la question de la légitimité de
la police, dans le second elle se traduit surtout en termes d’efficacité.
De manière générale, la mise en place du modèle de police de proximité est encore
largement à l’état de chantier et parfois à peine au stade des fondations. Dans l’état
actuel des choses, le modèle de community policing est loin de s'imposer en tant que
nouveau modèle de police à l’organisation policière dans son ensemble et se limite
simplement à certains secteurs policiers qui, malgré le discours des chefs de corps,
restent relativement marginaux (en termes d’importance donné dans le corps).
Mais le constat ne s’arrête pas là. Si ces secteurs sont, par la force des choses ou la
volonté de responsables politiques et policiers, désignés comme étant ceux devant
fonctionner suivant la logique propre du modèle de proximité, il faut bien admettre,
qu’en pratique, soit ils travaillent selon la logique d’un autre modèle (celui de police
criminelle), soit ils se trouvent dans une situation de « syncrétisme131 » entre deux
modèles (le modèle criminel et le modèle de proximité). Dans les deux cas, loin d’être
une nouvelle voie, le modèle de proximité sert tout simplement à combler certaines
lacunes de l’organisation policière sans en modifier la logique dominante. Cette
130
Voy. à ce propos A. WYVEKENS, op. cit. et Y. CARTUYVELS, Ph. MARY, « Justice de proximité ou
proximité de la justice ? », op. cit.
131
Voy. à ce propos J.P. BRODEUR, « La police en Amérique du Nord : modèles ou effets de mode ? »,
Les Cahiers de la sécurité intérieure, n° 28, 1997, pp. 171-184.
66
situation a pour effet que l’on se retrouve parfois devant des décisions ou des actions
policières qui peuvent, à première vue, sembler contradictoires (d’une part, le
renforcement des brigades judiciaires et la multiplication des opérations « coups de
poing » et, d’autre part le rapprochement entre la police et le public, ne fut-ce qu’en
termes d’image positive). Dès lors, au risque de caricaturer les situations et de ne pas
faire justice aux situations locales, l’on peut dire qu’à l’heure actuelle, c’est davantage
de proximité de la police que l’on peut parler.
La police de proximité est avant tout une philosophie plutôt qu’un « paradigme
opérationnel »132. Le nœud du problème de sa mise en œuvre se situerait pour les
auteurs au niveau du fait que la réflexion sur le modèle qu’on tend à instituer se limite
encore largement, tant au niveau fédéral que local, à la forme c'est-à-dire aux
modalités pratiques – organisationnelles et structurelles – plutôt qu’au « fond ». En
d’autres termes, on se concentre davantage sur la question du « comment va-t-on
faire ? » plutôt que sur celle, plus fondamentale, du « que va-t-on faire ? », « que va
faire la police ? ”
Chapitre II. - Constats de la recherche confiée à Synergie
Section Ière. - Valorisation des tâches policières et des types de policier : la place des
policiers de quartier
En partant du niveau organisationnel des corps de police communale (partageant le
même contexte urbain) abordés dans le cadre de cette recherche, certaines tendances et
contre-tendances sont observées. D'une part, celle, largement majoritaire, qui tire les
conséquences de la mise en place d’unités motorisées de patrouille et d’intervention
(focalisées sur la vitesse d’intervention et la surveillance) sur un modèle de lutte contre
le crime (crime fighting). Cette tendance poursuit un glissement, un mouvement de
relégation au second plan du critère territorial. Est ainsi accentuée une spécialisation
fonctionnelle de la garde, se dissociant - au maximum des moyens disponibles - des
tâches dites « divisionnaires »133. D'autre part, celle, fort peu observée, qui s’oriente
sans ambages vers un retour à la prépondérance du critère territorial dans l’organisation
des tâches134. Elle peut se combiner à une déspécialisation relativement poussée de
132
Ibid., p. 174.
Tâches liées au suivi de pièces, parfois judiciaires pour de petites enquêtes, souvent administratives
et liées au quartier. On se rappellera, par exemple, que la déspécialisation des tâches est l’un des trois
« D » (décentralisation, déconcentration et déspécialisation) évoqués par l’étude de T. Vanden Broeck et
Ch. Eliaerts de 1994 portant sur la mise en œuvre d’un modèle qualifié de community policing en
Belgique.
134
Cette tendance ne se manifeste toutefois pour le moment que dans la mise en œuvre de projets pilotes
nécessitant un développement progressif et de longue haleine. Les premières étapes vraiment décisives
n'ont été franchies que récemment (et seulement partiellement dans le cadre de certaines divisions), sans
qu'il soit possible d'en évaluer la portée.
133
67
celles-ci lorsque le corps dispose des moyens nécessaires à cet effet, lui permettant de
continuer à assurer l’ensemble des missions de la fonction de police de base135.
En outre, l'étude de la valorisation de certaines tâches, tant dans la manière dont elles
sont organisées au sein d’une structure hiérarchisée que dans la manière dont elles
sont présentées par les intervenants de terrain eux-mêmes, a mis en évidence que les
services de quartier (agents de quartier et îlotiers) étaient à bien des égards les
« parents pauvres » de la vague de réformes diverses, amorcées par les polices
communales parfois dès avant la mise en place des contrats de sécurité, cela tant au
niveau des moyens affectés à ces services qu’à celui des politiques d'affectation du
personnel.
La priorité a été donnée le plus souvent à la réorganisation et au renforcement de la
fonction d'intervention et de recherche tout en modernisant les corps et en soignant
l'accueil offert au public. Le renforcement et la restructuration des services de quartier
demeure à ce jour au rang de formulation d'intentions hormis en ce qui concerne leur
utilisation dans une optique d’optimalisation du recueil d’informations sur les
populations de ces quartiers. Il ressort des observations réalisées, en concordance avec
l’examen des discours des chefs de corps et des modalités organisationnelles, qu’au
sein d’un milieu de travail encore largement tributaire de la vision d’un « vrai travail
policier » consistant à « combattre le crime », certains services se perçoivent souvent
comme les « laissés pour compte ». Ainsi, si revalorisation il y a eu, elle ne concerne
que rarement toute une série de « métiers » policiers sur lesquels, assez
paradoxalement, a souvent porté un effort de médiatisation et de marketing de la part
des autorités tant fédérales que locales136.
Ce n’est souvent que par l’implication dans des enquêtes ou par la récolte
d’informations pour d’autres services plus répressifs que les policiers de quartier (ou
d’îlot) semblent à nouveau se sentir valorisés et retrouver une place dans leur corps137.
Les circuits de circulation des informations récoltées sont toutefois souvent peu
performants. Ils sont activés la plupart du temps par une initiative extérieure au
service et sont conditionnés par les affinités électives de chacun.
135
Voy. supra les développements sur la « fonction de police de base », vocable fédérateur de la
nébuleuse des termes appliqués plus ou moins sans distinction à l'idée d'une police de proximité.
136
Le paradoxe se résout si l’on prend en compte que l’effort de revalorisation de la police communale
comprenait également - et même surtout en ce qui concerne ses rapports avec le reste de la société l’amélioration de son image auprès de la population. Amélioration que l’on a fait passer par la figure
policière de l’agent de quartier (voy. I.A.P., L'agent de police de quartier. Colloque organisé en
collaboration avec la Ville de Charleroi, documents préparatoires, 28 mars 1984). Cette opération de
marketing ne sera pas sans susciter des réactions parmi les policiers communaux eux-mêmes,
dénonçant le caractère promotionnel et superficiel de ce « rapprochement » avec le public par le biais de
l’agent de quartier (voy. supra, D. STEELANDT, op. cit., pp. 11-15).
68
Exécutants ou « réservistes » pour nombre de services du corps de police et de
l’administration communale, le manque de retour sur les informations qu’ils
fournissent souligne encore cet isolement et ce manque de valorisation ressentis par les
fonctionnaires de police attachés aux quartiers. C’est donc au niveau de l’exercice de
leur pouvoir d’appréciation (ou discrétionnaire) que ceux-ci trouveront
éventuellement un « plus » en terme de sens à donner à leur travail.
Hormis les cas - rares - de services ayant développé des complémentarités, cette
recherche formule le constat d'un cloisonnement relativement important des activités
des divers services. Celui-ci s’articule à la spécificité de leurs tâches, chacun opérant
selon son rythme et ses pratiques. Ainsi, lorsque des collaborations voient le jour, elles
s’organisent surtout par secteur d’activité et se développent alors dans une logique
transversale impliquant parfois d’autres services similaires dans d’autres corps de
police, mais non au sein du corps d’appartenance lui-même.
Section II. - Face au modèle fédéral, une réalité : les priorités
Un certain ordre de priorités est dégagé parmi les tâches énoncées au fil des circulaires
organisant la répartition entre tâches dites de base et celles dites spécialisées138. Parmi
celles-ci, exposées comme constituant le cœur de la fonction de police de base, le degré
de concrétisation et de priorité qui leur est accordé donne une idée assez précise de la
manière dont est envisagé ce modèle de proximité sur le terrain.
§ 1.- Permanence 24h/24
Cheval de bataille des politiques développées en Belgique depuis le « tournant » de la
fin des années 80, les communes se sont vues attribuer des moyens considérables en
vue de la concrétisation de permanences 24h/24 rassemblant en une seule mesure à la
fois accessibilité et disponibilité des services de police à l’égard des demandes du public.
Cette permanence, lourde à assumer et assurant la continuité du service policier, ne
concerne toutefois les divers secteurs de l’activité policière que de manière inégale : le
minimum assuré étant toujours celui de la réponse aux appels et le recueil des plaintes
au commissariat. Pour beaucoup de policiers rencontrés, cette permanence - renvoyant
à l’idée d’apporter une réponse rapide à la demande du public - constitue le pilier de
l’activité policière, alors que d’autres services publics sont fermés.
137
Le cas échéant, dans une structure plus vaste lorsque des demandes leur parviennent de services
externes à leur corps.
138
Voy. supra, l'exposé des circulaires Z.I.P.
69
Versant complémentaire de ce pilier, la garde doit non seulement être disponible, mais
aussi être accessible au public. Outre une accessibilité accrue temporellement (les
permanences 24h/24 constituant une condition pour assurer un service de police dit à
part entière), certains corps ont étendu cette accessibilité de diverses manières relevant
plus d’une gestion de l’espace : rapprochement de tout ou partie des services par une
dissémination de ceux-ci dans des divisions territoriales, déplacement des policiers
chez l’habitant afin de lui éviter des déplacements inutiles (surtout les personnes
âgées). A nouveau, l’extension et les modalités de ce rapprochement spatial diffèrent
fortement selon le secteur du travail policier concerné et les moyens à la disposition du
corps de police.
§ 2. - Surveillance et intervention préventive
Assurées en principe par tout fonctionnaire de police se trouvant en rue, la
surveillance et l’intervention préventive concernent tout particulièrement les
patrouilles mobiles (et, lorsqu’ils existent, les îlotiers). Le concept, relativement difficile
à cerner, d’intervention préventive se traduirait plus concrètement par celui de
dissuasion. L’aspect préventif du travail policier se limite donc en général à la présence
policière en rue139.
De manière similaire à l'« évitement » évoqué dans la recherche précédente, dans la
mesure où un policier intervient d’une manière qui n’est pas répressive (alors qu’il
pourrait ou devrait le faire au regard de la loi), en exerçant une forme ou l’autre de
contrainte liée à son statut de policier, il mobilise son pouvoir d’appréciation de
manière à éviter l’aggravation d’une situation ou d’un comportement (en « calmant le
jeu », parfois comme médiateur), dans une optique de préservation de la paix publique
ou de sa propre paix (plus grande la fréquence des contacts avec la population, plus
grande l’importance de cette « paix »), ou de ses sources d’information.
Enfin, la dissuasion ramenant à la question de la visibilité des services de police se
concrétise par le renforcement (parfois sans assignation précise de missions) de
l’importance des effectifs policiers en rue, autre cheval de bataille de la politique des
contrats de sécurité.
§ 3. - Missions judiciaires (en principe de « petites enquêtes et missions judiciaires »)
139
Pour une analyse plus poussée des missions des policiers patrouilleurs à Bruxelles, particulièrement
en ce qui concerne la dimension d’« ennui » du policier liée à sa présence en rue, à l’attente de
l’intervention et ses conséquences, nous renvoyons le lecteur à Ch. DE VALKENEER, Police et public. Un
rendez-vous manqué ?, op. cit., pp. 201-204.
70
Montrant combien est encore loin la déspécialisation prônée par le modèle du community
policing, est constatée l’importance prise par ces missions judiciaires. L’affectation dans
les brigades judiciaires est perçue plus que jamais comme une promotion. Ces services,
parfois sur-spécialisés, peuvent prendre en charge des dossiers très lourds (de trafics
internationaux, par exemple). A cet égard, l’adjectif « petite » associé aux enquêtes
judiciaires est manifestement sujet à interprétations diverses 140.
Ces tâches demeurent plus que jamais la figure de proue du « vrai travail policier » et
suscitent l’engouement de la plupart des policiers de terrain rencontrés, lorsqu’ils ont
la chance de pouvoir y contribuer. Les véritables « petites » enquêtes (vérifications de
domicile, enquêtes familiales, etc.) sont confiées la plupart du temps à ceux qui « n’ont
que ça à faire » : les agents de quartier.
§ 4. - Maintien de l’ordre au niveau local
Ces tâches, incontournables et mobilisant une grande énergie au sein des corps
étudiés, forment une « armature » dans l’organisation des tâches. Les dirigeants
doivent, en effet, en tenir compte au quotidien et souvent puiser dans les effectifs de
divers services en élaborant des priorités dans les affectations de personnel au
détriment de tâches « sacrifiables » (souvent les pièces de l’agent de quartier). Ces
missions quotidiennes, ou simplement régulières, perçues par nombre de responsables
policiers comme étant en augmentation constante, composent une masse à gérer
nécessitant l’affectation de moyens supplémentaires aux polices urbaines. Cette masse
« alourdit » le policier, quel que soit son service, par rapport à ses tâches
« importantes » 141.
§ 5. - Respect du code de la route et de la législation sur l’environnement
En réponse à des problèmes croissants et à une inflation des demandes de la
population, les corps de police ont développé fortement ces secteurs d’activité. Y est
consacré un nombre toujours plus important des effectifs au fil des ans tout en créant
divers services spécialisés dans ces matières, y compris des services chargés de donner
des avis techniques ou de gérer la délivrance d’autorisations concernant l’occupation
de la voie publique.
140
A propos des missions judiciaires des corps de police communale, nous renvoyons le lecteur à la
recherche de D. KAMINSKI, K. BOON, F. BRION, J. CAPPELLE, Les services de recherche des polices
communales, Bruxelles, Politeia, 1991. Tout dernièrement, la nouvelle loi réorganisant les services de
police démontre encore le caractère central de ces missions qui furent au centre des discussions dont
cette loi est l’aboutissement (rapide, s’il en est !) et autour desquelles la réorganisation des services de
police s’est articulée.
141
Voy. Ch. ELIAERTS, E. ENHUS, (sld. R. SENDEN), Politie en bevolking, Brussel, Politeia - Vanden
Broele, 1992, pp. 108-128. Concernant, de manière plus générale, la répartition et les types de tâches des
policiers communaux, nous renvoyons le lecteur à l’étude de M. LINDEKENS, op.cit., pp. 31-72.
71
§ 6. - Contacts avec le public (groupe ou individu; la discussion des problèmes et la
recherche de solutions en commun)
Ce domaine reste quant à lui en friche en ce qui concerne l’approche de « groupes »
par les services de police. Cette question se trouve pourtant posée de manière
particulièrement aiguë dans les communes visitées dans la mesure où les policiers se
trouvent souvent sollicités comme arbitres ou alliés dans des conflits de voisinage et
ce, dans des quartiers à très forte densité de population (jusqu'à 19.000 hab./km≤),
souvent fort contrastée, ou encore à la frontière séparant des quartiers d’une même
commune, comprenant des populations aux origines et aux conditions socioéconomiques divergentes142. Des initiatives ont certes été développées, mais toujours
de manière sporadique sans avoir forcément donné lieu à des résultats jugés
satisfaisants par les intervenants de terrain eux-mêmes (souvent isolés dans leur
corps).
Par contre, les contacts avec des individus sont fort développés dans les services de
quartier et ce, même s’ils se fondent sur des typologies sélectionnant certains traits
propres à certains pans de la population du quartier. Ces contacts, étant donné la
composition de la population dans certains quartiers, amènent à se poser une question
importante : quelle est cette population « consommatrice de sécurité » avec laquelle
des contacts sont établis ?
Des classifications récurrentes en populations « menaçantes » et populations
« menacées »143 - selon un critère de « dangerosité » intuitif - traversent les grilles de
lecture des policiers des différents corps, cristallisant en retour l’activité de divers
services autour de « groupes cibles » visés également par ces « consommateurs »144 :
jeunes, immigrés, consommateurs de drogues.
§ 7. - Exercice de différentes formes d’aide sociale, d’aide aux victimes et de conseil aux
citoyens
Ce que beaucoup de policiers considèrent comme « faire du social » relève surtout du
relais vers d’autres institutions spécialisées, à plus forte raison lorsqu’ils appartiennent
à des services qui travaillent dans l’urgence ou dans une optique immédiatement
répressive. Certains agents de quartier ou îlotiers vont parfois plus loin que d’autres
dans cette direction et développent des pratiques s’assimilant quelquefois à l’exercice
142
Les quartiers « posant problème » rassemblent diverses caractéristiques : une population plus jeune
que dans le reste de l’agglomération, aux revenus plus bas, le tout accompagné d’un taux de chômage
élevé et d’une forte proportion d’étrangers.
143
A. REA, op. cit., p. 60.
144
Assumant alors souvent aussi un rôle de « dénonciateur » et/ou d’« informateur ».
72
d’une aide plus étalée dans le temps145, sans toutefois perdre de vue la finalité
répressive de leur fonction. La logique du « donnant - donnant » prédominant, seuls
changent les outils à la disposition des policiers, selon leur service (le plus commun
étant de « laisser passer »). Comme certains le déclarent : « En fait, dans mon travail, le
stylo est plus fort que l’arme que je porte », et ce, même si - rappel de ce qui se passe
constamment « dans la marge » des tâches énoncées par la hiérarchie - « quatre-vingt
pourcent du travail n’est pas sur papier ».
Par contre, un travail important est réalisé dans bon nombre de services afin
d’accueillir au mieux les victimes et les plaignants en général. Selon le service, la
disponibilité peut varier en fonction du moment où la personne se présente au
commissariat et de la masse de travail auquel l’officier de garde est confronté. Dans ce
cas, le relais se fait vers le personnel des bureaux d’aide aux victimes ou les assistants
de concertation146.
§ 8. - Quelles perspectives ? La récolte d’informations...
Tout comme pour la recherche de l'U.L.B., la question de la gestion de l'information
dans le cadre d'une proximité plus grande avec la population « policée » ressort des
développements. La récolte d'informations aurait pu être reprise en fin de la liste dans
la mesure où elle est assurée principalement par des services qui n’occupent pas une
place centrale dans la détermination des priorités dans la gestion des tâches policières.
Mais la question de la récolte d’informations se trouve par ailleurs de plus en plus
mise en exergue tant au niveau des chefs de corps qu’au niveau des discussions ayant
entouré plus largement la fonction de police en Belgique. Elle devrait constituer, à
terme, un facteur prépondérant dans la manière d’envisager l’exercice de la fonction
policière au niveau local.
145
Qu’il s’agisse de renseignements divers, d’assistance dans des démarches administratives, de conseils
pratiques, etc.
146
Ces bureaux ont été instaurés par la circulaire OOP 15 relative à l'assistance policière aux victimes (du
26 août 1991), complétée par la circulaire OOP 15 bis (du 29 mars 1994). Ils sont tenus de se limiter à
l’exercice d’une fonction de relais ou de renvoi se caractérisant par l’urgence de l’aide apportée lors du
premier contact avec « les institutions » et l’absence d’un suivi spécifique réservé aux services
spécialisés. Ils sont ainsi amenés à développer des collaborations avec diverses institutions publiques ou
privées s’occupant d’aide aux victimes. Ce dispositif s’appuie principalement sur le concept de
victimisation secondaire des personnes amenées à faire appel aux services de police tout en cherchant à
répondre au malaise fréquent des fonctionnaires de police face à la détresse de certains plaignants (par
exemple, les agressions sexuelles). Voy. J. LACROIX, Fr. NOLLET, V. SCAILLON, Evaluation de la mise
en œuvre et des effets des contrats de sécurité. Radioscopie de 11 bureaux d’assistance policière aux victimes,
rapport de recherche pour le compte du ministère de l'Intérieur, P.G.R., Bruxelles, Synergie asbl, mai
1995. Les assistants de concertation apparaissent quant à eux à la suite du Conseil des Ministres du 17 mai
1991 qui décide de les affecter à l’amélioration des contacts entre les administrations locales, la
population et la police. Le personnel mis à la disposition des communes par le ministère de l’Intérieur se
verra incorporé fin 1992 dans les contrats de sécurité en qualité, cette fois, d’agents contractuels de la
commune. Voy. I. ARIMONT, J. LACROIX, Les assistants de concertation, recherche réalisée pour le
compte du ministère de l’Intérieur, Bruxelles, Politeia - Synergie asbl, 1995.
73
Partant du fait que l'on ne saurait parler de gestion de l’information en faisant
l’économie de la question de la récolte de celle-ci, la recherche s’intéresse donc au tri
opéré dans l’interaction entre policier et public, la grille de lecture des premiers
orientant la récolte d’initiative (constituant une part prépondérante de ce l’on appelle
l’information « douce »), les attentes des seconds déterminant une bonne part de ce qui
se retrouvera inscrit dans les procès-verbaux (information dite « dure ») 147.
Au niveau des pratiques professionnelles des policiers, se renouvèle ici encore le
constat de l’importance que prend au quotidien la constitution d’une réserve
considérable d’informations douces sur la population d’une commune. Ce constat,
combiné avec la préoccupation de savoir quelle était l’extension donnée à la
« proximité » dans les corps de police étudiés, amène à relever que, à l’heure actuelle,
si un modèle de « police de proximité » est à l’œuvre, il l’est en tant que modèle se
constituant autour de l’idée maîtresse de la « lutte contre le crime », tout en laissant
une certaine place à une gestion de l’ordre public en vue de préserver la paix publique.
A nouveau, il apparaît que l'image que les policiers se font du travail de police, c'est-àdire celle qui semble prévaloir et être valorisée au sein du corps de police, demeure
très nettement celle du crime fighter, à l’affût du flagrant délit ou fournissant des
éléments probants dans le cadre d’une enquête, permettant une arrestation suivie
d’une condamnation. Si des policiers travaillent selon des méthodes différentes et
peuvent être attachés à des conceptions parfois divergentes de la place de la police
dans la société, il est néanmoins assez clair que le modèle qui donne le « la » dans les
corps de police reste toujours celui du policier qui intervient et réprime l'infraction.
Est dès lors valorisé le « métier » se rapprochant le plus de ce policier « attrapeur » et
sont dévalorisées les tâches plus éloignées de l'arrestation, qui deviennent quelquefois
le « travail des papys ».
Ce modèle est certes influencé par des idées de service public au citoyen, de qualité
dans le travail accompli, de professionnalisme, mais il place le policier dont les tâches
l'en éloignent en situation de marginal déclassé. Par ailleurs, même s'il semble rester
flou, le modèle de l'agent de quartier solitaire tournant dans son quartier et prenant
des contacts avec la population n'est globalement pas remis en question et semble être
laissé en suspens dans l'attente de meilleures conditions de mise en œuvre.
Le constat général est ainsi fait que la mise en œuvre du concept de « police de
proximité », tout en prenant des formes fort variables dans les discours, se concrétise
147
Nous entendons par information douce celle ne faisant pas l’objet d’un procès-verbal, par opposition à
l'information dure faisant l’objet d’un procès-verbal. Concernant l’impact des demandes de la population
sur l’activité policière, nous renvoyons le lecteur à Ch. ELIAERTS, E. ENHUS, op. cit.
74
de manière fort disparate dans des initiatives qui sont soit ponctuelles, par des
démarches auprès du public, soit permanentes, mais inégales, selon les services et les
lieux de leur mise en œuvre. Elles se focalisent alors sur l’accueil au sein des
commissariats, tant dans la dimension temporelle que spatiale de cette proximité. En ce
qui concerne la dimension relationnelle de la proximité des services de police, si elle est
servie par les initiatives déjà mentionnées, en fonction du type de service et du public
rencontré, les rapports sont fort contrastés.
Dans ce contexte de mise en œuvre de la fonction de police, il ressort de la
confrontation des diverses pratiques policières que ce sont les services de quartier et
d’îlotage, dont est souligné l'isolement relatif, qui sont censés incarner par leurs
pratiques l’intégration de la police dans son milieu et la prise en compte de ses
spécificités. Il est constaté que ces pratiques n’entretiennent encore que peu ou pas de
rapports avec celles développées dans d’autres services du même corps, entrant même
parfois en conflit avec elles au niveau des moyens d’action. Il y a dès lors souvent
juxtaposition des activités des divers services travaillant sur le territoire communal,
chacun gérant ses propres tâches dans l’ignorance des autres.
Dès lors, on peut penser qu’avec la mise en place de procédures et de structures de
gestion et d’exploitation des informations dans les corps de police communale, le
maintien d’un ancien modèle de « philosophie policière » principalement axé sur la
répression des infractions et une prévention de type situationnelle, les services de
quartier et d’îlotage seront appelés de plus en plus à devenir, une fois cette
exploitation rendue plus efficace, les pourvoyeurs d’informations pointues sur leurs
quartiers. Informations qui seront destinées à des services à vocation essentiellement
répressive dont a pu constater le renforcement prioritaire.
Il serait alors moins question de la mise en place d’un modèle de policing laissant une
plus grande place au public dans la définition des problèmes à rencontrer en matière
de sécurité et de paix publique que de donner de nouveaux outils plus performants
dans une gestion dite proactive des tâches policières dont la définition demeure
intégralement la propriété des autorités et directions de police en vertu d’une
philosophie de travail globalement inchangée.
La police communale belge se situe dans un contexte institutionnel pour le moins
complexe où le monde politique s’est mobilisé sur le sujet de la sécurité (souvent sous
la pression des événements et dans l’urgence) et l’a investie massivement dans le cadre
du contenu de ses discours et orientations politiques prioritaires. Elle s'est ainsi vue
placée dans une situation pour le moins particulière : brandie comme symbole et
étendard de la volonté politique de « changer les choses » et, dans ce sens, instrument
75
du politique148 ; mais, soumise à des contraintes organisationnelles héritées d’un passé
de vaches maigres et d’un modèle de travail policier les destinant à la « lutte contre le
crime », elle n’a souvent pu que pousser plus avant les logiques d’action antérieures
tout en adoptant à la périphérie quelques réformes de leur image de marque par
l’amélioration ou la création de certains services d’aide à la population149. Pour
l’essentiel, la réorganisation de certains services s’accompagnait de la constitution de
nouveaux outils destinés à augmenter l’efficience dans la lutte contre le crime.
Aussi grande qu'ait été la difficulté de dépasser les contraintes organisationnelles, plus
grande encore a été celle liée à l’absence de prise en considération de la dimension
professionnelle de la « rénovation » annoncée de la fonction de police. Instrument dans
les discours politiques, la police l’est d’autant moins que l’on se rapproche des
intervenants de terrain. Cette fiction de l’instrumentalité de la police s’éloigne d’autant
plus de la réalité quotidienne que le modèle alternatif proposé a eu peu d’impact sur
les logiques d’actions des intervenants de terrain.
Des réorganisations opérées le plus souvent selon d’anciennes logiques d’intervention
policière - avec d’autant plus de facilité que les rapports d’autorité sont complexes et
les modèles en balance flous -, une faible prise en compte de l’importance des
représentations que se font les acteurs de terrain de leur travail : le passage à un
« nouveau » modèle d’insertion de la fonction de police dans la société reste à l’heure
actuelle encore essentiellement une opération de sémantique qui laisse une très large
place au pouvoir d’appréciation des intervenants de terrain. Il apparaît donc que le
véritable enjeu de ce « tournant » pris en Belgique concernant les services de police en particulier les services dont les tâches les amènent quotidiennement et localement
au contact de la population - demeure la clarification du rôle que l’on entend leur faire
jouer dans la société et les moyens que l’on se donnera afin de toucher les acteurs de
terrain au plus près, c’est-à-dire au niveau du sens à donner à leur travail (de leur
« fonction » au sein de la société d’aujourd’hui), de leurs aspirations en tant que
policiers et de leurs perspectives professionnelles.
Titre III : Conclusions
Comme on a pu le constater, la police s'est dégagée tardivement comme objet de
recherche, encore plus en ce qui concerne l'intérêt porté à la police de proximité. Cet
148
J.L. LOUBET DEL BAYLE,op.cit., pp. 15-36.
Sur l'ensemble des communes de l'agglomération de Bruxelles, seul un seul corps de police a disposé
de moyens suffisants pour envisager un revirement important via une reterritorialisation de ses effectifs
(toujours en cours et non généralisée à l'ensemble du territoire de cette commune). On ne peut que
songer aux pré-conditions évoquées dans la recherche de T. Vanden Broeck et Ch. Eliaerts.
149
76
intérêt s'est manifesté, sous la pression de vagues d'événement dont on a apprécié
l'importance, essentiellement à l'initiative du ministère de l'Intérieur dans le domaine
de l'étude de la police communale150 et ce, en particulier via le processus d'évaluation
de la politique des contrats de sécurité.
Outre le fait que la recherche sur la police de proximité tend à se particulariser
fortement autour d'une certaine catégorie de corps de police et même de service en
leur sein, le modèle restera quant à lui toujours relativement flou, compliquant
fortement la tâche de l'évaluer sur le terrain. On est ainsi en inadéquation avec les
principes énoncés dans la recherche de Vanden Broeck et Eliaerts et ce, à divers
niveaux: l'inadéquation des moyens pour bon nombre de corps de police, diverses préconditions qui ne sont pas rencontrées, les réformes entreprises ne concernant souvent
pas tous les services des corps, la philosophie qui demeure inchangée et surtout,
constat que l'on peut renouveler dans le cadre de la loi de réforme des services de
police, l'absence de définition de la fonction de police.
Des termes variés recouvrant un concept plus ou moins élaboré, les recherches U.L.B.
et Synergie tendent donc à démontrer que le modèle de proximité est »en chantie ».
Ainsi, avec le temps, des tendances se dégagent et un vocabulaire se précise. Ceci
étant, les réorganisations initiées par la mise en évidence de déficits à ce niveau dans le
rapport de Team Consult n'ont souvent pas attendu que se précise ce champ
conceptuel. On peut donc s'attendre à des concrétisations relativement contrastées en
fonction des cas étudiés (sans parler de l'influence que des facteurs liés aux
potentialités des corps peuvent avoir).
150
On peut regretter à ce propos l'opacité de la gendarmerie encore à ce jour lorsqu'il s'agit de se faire
une idée plus précise de la mise en œuvre de la philosophie du community policing en son sein, alors
même que celle-ci a été au coeur de l'importation de ce modèle en Belgique sans que ses propres
recherches n'aient beaucoup filtré hors des murs de son état-major autrement que sous la forme d'un
marketing à l'attention du public ou du monde politique qui s'en est quelquefois inspiré.
77
CONCLUSIONS GENERALES
De ce « bilan des connaissances sur la police de proximité », un certain nombre de
constats peuvent être faits. De manière synthétique, les discours du monde politique et
des policiers autour du développement d’une police de proximité « à la belge »
présentent deux visages dont nous avons été amenés à constater qu’ils ne s’opposent
que superficiellement, trouvant une cohérence profonde dans un projet de
modernisation et de (re)légitimation de la police émergeant fin des années 80 et
s’adaptant bon gré mal gré aux événements politiques pour présenter un profil
apparemment décousu et « improvisé ».
En ce qui concerne le discours politique, le premier visage est celui d’une police de
proximité, impulsée par le haut (ministère de l’Intérieur) au départ d’une politique de
« prévention locale de la criminalité » (manifestée surtout par les contrats de sécurité).
Cette police de proximité concerne donc principalement les polices communales des
(29) villes et communes bénéficiant de ces contrats. Pour les autorités mises en
présence (fédérales, locales et policières), on constate que la police de proximité se
confond avec les agents de quartiers et/ou les îlotiers151. Le deuxième visage trouve sa
place au sein d’une « politique policière » focalisée de façon pragmatique sur le
partage de l’ensemble des tâches locales (fonction de police de base par opposition aux
tâches spécialisées) entre polices communales et gendarmerie. Chose surprenante, c’est
dans ce cadre – et dans ce cadre uniquement – que le fédéral tentera de circonscrire le
concept de community policing. On a souligné à quel point cette tentative s’est avérée
infructueuse, noyant les policiers sous une série de termes censés être synonymes et
dont le seul point commun est de rendre encore plus nébuleuses les modalités de mise
en œuvre de cette police de proximité. En ressort seulement une vision large de la
police de proximité, englobant toutes les pratiques policières.
On va retrouver dans une large mesure cette dichotomie dans les visions de la police
de proximité proposée par les directions policières. Au sein du champ discursif policier,
le premier visage qui apparaît, présenté par la majorité des polices communales, tire
les conséquences de la politique fédérale et estime que la police de proximité se
développe au sein d’un service spécifique (le service de quartier). On retrouve par
ailleurs un deuxième visage de la police de proximité : celui développé au sein de la
gendarmerie en vertu de directives internes. Pour celle-ci, la police de proximité
151
Seule cette « police de proximité » a fait l’objet d’une évaluation scientifique quant à sa mise en œuvre
théorique et pratique.
78
concerne, non pas un service spécialisé dans le général au quotidien et dans le contact
avec la population, mais l’ensemble de la fonction de police et tout le corps.
Mais au-delà des discours du fédéral et du monde policier, nous pourrions synthétiser
les oppositions et spécificités de celle-ci par trois clivages qui les manifestent, et dont la
superposition à certains moments tend à rendre le fossé entre discours et pratiques,
entre fédéral et local et entre les acteurs eux-mêmes encore plus profond. Ces trois
clivages – gendarmerie/polices communales, zones urbaines/zones rurales et
Nord/Sud – sont loin d’être nouveaux en Belgique mais prennent toute leur mesure
avec la question de la police de proximité. Ils s’inscrivent en effet - particulièrement les
deux premiers - dans le cadre d’une construction idéologique qui dépasse le cadre de
la politique policière pour entrer dans celui de l’ensemble de la justice pénale mise en
œuvre depuis 10 ans.
Le premier clivage - le plus évident - est celui séparant gendarmerie et polices
communales et qui recouvre, à première vue, principalement des questions de
méthode de travail policier. Ce clivage peut s’expliquer de plusieurs façons.
Une première raison concerne les moyens mis en œuvre. En effet, la mise en place
d’une police de proximité à l’échelle de l’ensemble d’un corps de police demande des
moyens que seule la gendarmerie – disposant en outre d’une structure de
commandement unifiée – a pu se permettre. Cette centralisation permet de présenter
une position homogène que les 583 corps de police communale, peu ou pas soutenus
par des autorités locales donnant la priorité à leurs intérêts locaux (hormis lorsque
ceux-ci concernent la sécurité des électeurs), ne sont pas en mesure d’adopter. Il faut
cependant reconnaître que la philosophie et les méthodes de community policing que la
gendarmerie entend développer en son sein ne transparaissent jusqu’ici que dans le
discours d’intention des responsables de la gendarmerie. En l’absence d’une
évaluation de la mise en œuvre de la police de proximité au sein de ce corps, on peut
aisément poser l’hypothèse que ce discours uniforme et « bien rôdé » des responsables
de la gendarmerie ne reflète pas forcément la pratique de terrain de la multitude des
brigades territoriales fort éloignées de leur commandement général.
Une deuxième raison est plus conjoncturelle. Le développement de la police de
proximité au sein de ces services de police débutera au cours des années 90 mais pour
des raisons différentes. En ce qui concerne la gendarmerie, la démilitarisation opérée à
partir de 1991 va l’obliger à réorganiser ces services suivant un modèle plus « civil » et
à réinvestir le terrain local et urbain, par définition terrain des polices communales,
79
principalement pour combler l’absence de relais informatif avec la population. Dans ce
cadre, la mise en place, théorique, d’une police de proximité était certainement la plus
à même de fournir à la gendarmerie l’image positive nécessaire à cet accès à
l’information. Pour leur part, les police communales, parents pauvres au chapitre des
effectifs et des moyens, n’étaient pas véritablement demandeuses d’une réorganisation
de fond mais uniquement de moyens supplémentaires. Cependant, « poussées dans le
dos » par un pouvoir fédéral qui, en échange de ces moyens, posera un certain nombre
de conditions dont le développement d’une politique de rapprochement avec la
population, la plupart des polices concernées ont souvent choisi la « voie de la
facilité » en se focalisant sur des services déjà existants, sans remettre en cause la
politique du corps. Dès lors, la « guerre des polices » pointée par la commission
Bourgeois au début des années 90 et qui recouvrait principalement la concurrence en
matière judiciaire, va se concrétiser également sur le terrain local, avec pour objectif la
« reconquête » du public et de la manne d’informations que l’entretien de relations
avec celui-ci représente.
Le deuxième clivage est un clivage entre zones urbaines et zones rurales. Ce clivage se
situe surtout au niveau de la priorité dans l’attribution des moyens aux polices
urbaines. En effet, comme nous l’avons vu, la police de proximité a été impulsée au
départ du fédéral principalement vers les polices communales des villes et communes
bénéficiant d’un contrat de sécurité, c'est-à-dire des zones urbaines dans lesquelles est
« diagnostiquée » une recrudescence problématique des chiffres de la criminalité152. Ce
sont donc uniquement ces polices qui ont bénéficié de la manne financière des contrats
de sécurité pour mettre en place une police de proximité. Ce clivage est à notre sens
encore accentué par deux situations : d’une part, la mise en place des Z.I.P. que l’on
pourrait qualifier de « deuxième fusion des communes » puisqu’elles accentuent
encore la taille des territoires faisant l’objet d’une gestion policière uniformisée (taille
qui, aux dires de responsables locaux, favoriserait l’éloignement des citoyens vis-à-vis
de la police et ne permettrait pas de gérer aussi bien les particularités locales) et,
d’autre part, la disparition formelle du garde champêtre, policier rural par excellence
et figure de proue de la police de proximité « à l’ancienne ». Ces deux éléments, qui
préfigurent tous deux la prochaine réforme des services de police, mettent en évidence
à quel point il n’a pas été tenu compte d’une culture policière rurale qui pourtant, aux
dires de beaucoup de ces policiers, est le seul élément d’une police de proximité
effective à ce jour.
152
Les moyens financiers dégagés pour les polices communales ne se sont pas limités aux contrats de
sécurité, mais provenaient le plus souvent, de manières diverses, du ministère de l’Intérieur et étaient
subordonnés au respect de conditions exprimées avec le plus de clarté dans la philosophie des contrats
de sécurité.
80
Enfin, le troisième clivage, le clivage entre le Nord (Région flamande) et le Sud (Région
wallonne) du pays, se concrétise surtout par des méthodes privilégiées dans la mise en
place (et même dans la description de) la police de proximité. Ce clivage,
principalement culturel (centré sur la langue) et historique, s’est manifesté dans le
Nord du pays au travers de l’adoption plus fréquente des thèses et méthodes
néerlandaises et anglo-saxonnes privilégiant une approche pragmatique153 centrée sur
le management alors que dans le Sud du pays, on estime se sentir plus proche d’une
« philosophie » plus sociale telle que développée en France (c’est ce qui se dégage du
discours des bourgmestres wallons). Ce clivage est encore accentué par la rareté des
prises de position (orales ou écrites) des responsables locaux, mais aussi d’une grande
partie des responsables policiers du Sud du pays, face à une implication importante,
tant théorique que pratique, des responsables policiers du Nord.
Ce double « Janus » de la police de proximité, les clivages qu’il induit, sont révélateurs
des choix de politique policière depuis 10 ans. En effet, comme nous l’avons dit, ce
sont les évènements de la fin des années 80 qui vont amener les pouvoirs publics à
s’intéresser aux services de police. Si les premières « réformes » permettent de combler
certaines lacunes en matière de police (loi commune à tous les services de police;
démilitarisation de la gendarmerie ; concertation entre pouvoir judiciaire, pouvoir
administratif et services de police ; création d’un service de contrôle parlementaire,
etc.), peu à peu la politique policière va se concentrer sur les moins controversés mais
les plus « malléables » des services de police : les polices communales. Si l’adjonction
de moyens, surtout en effectifs, était indispensable à la survie d’une telle police, le
pouvoir fédéral assortira l’aide financière de la participation de la police communale à
une politique plus vaste de prévention de la criminalité au niveau local, dont la police
de proximité fait incontestablement partie. Ces choix ne sont évidemment pas neutres.
En effet, si cette politique fédérale peut sembler à première vue décousue (ou peu
pertinente), elle est en réalité porteuse d’une logique de fond à la lumière de laquelle la
police de proximité et les priorités pour sa mise en œuvre trouvent un éclairage
différent, aux antipodes des accusations de « bricolage » dont elle a pu faire l’objet à
certains moments.
Cette logique, qui ne se démentira pas en 10 ans, trouve sa place dans un mouvement
général de dépolitisation de la question criminelle. A l’origine, malgré une volonté
répétée d’agir sur un « ensemble de problèmes de société » dont la sécurité n’est qu’un
des éléments, le gouvernement se recentrera rapidement (1992) sur le contrôle des
153
Cela ressort entre autres des thèmes et des méthodes utilisées par les recherches confiées à des
universités flamandes qui privilégient souvent une approche plus pragmatique et dont les résultats
servent souvent d’aide à la décision (gouvernementale).
81
« groupes à risque » (jeunes, immigrés et toxicomanes)154. Pour ce faire, il postule une
augmentation d’une petite criminalité urbaine propre à alimenter un sentiment
d’insécurité de la population pour rapidement inverser l’équation : le sentiment
d’insécurité augmente (en milieu urbain) parce que la petite délinquance augmente.
Déplacement de priorité donc qui consiste à réorganiser la politique criminelle autour
de cette petite délinquance155. Cette logique suppose, en filigrane, que cette
délinquance, et le sentiment d’insécurité qui y est associé, sont des phénomènes
quantifiables, maîtrisables et contrôlables.
Aux grands maux, les grands remèdes : si le développement de cette petite criminalité
urbaine pose problème, il faut donc développer une police propre à l’endiguer. De ce
postulat, naît une double équation : à criminalité de proximité, police de proximité et - tout
comme pour le lien entre sentiment d’insécurité et petite délinquance - son double
inversé à police de proximité, criminalité de proximité.
Ces équations ont bien sûr des conséquences pratiques : la police choisie est tout
naturellement la police locale, plus à même, dit-on, d’agir sur les causes spécifiques (et
locales) de cette criminalité parce qu’elle développe une proximité spatiale
(décentralisation) dans ces zones urbaines « problématiques ». En outre, la police de
proximité ne s’applique pas à tout ce qui n’est pas la criminalité de proximité ; exit
donc la grande criminalité, la criminalité organisée et financière, la criminalité qui
« n’est pas visible » et la plupart des tâches judiciaires considérées le plus souvent par
les policiers comme importantes... On évacue, en outre, le débat sur les causes macro
sociologiques de la (petite) délinquance et du sentiment d’insécurité, tout en ne
touchant pas au service de police le plus controversé et le moins transparent : la
gendarmerie.
Ainsi loin de se contenter de servir d’initiateur à la mise en place de nouveaux
dispositifs (en répondant ainsi à « l’appel des électeurs » qui avaient voté pour les
partis d’extrême droite), cette construction idéologique servira également à justifier a
posteriori le maintien et même le développement de cette politique, dont les résultats
d’ensemble n’ont jusqu’à présent (pratiquement) jamais été évalués.
154
Sur cette question de la dépolitisation de la question criminelle, voy. Ph. Mary, Délinquant, délinquance
et insécurité, op. cit., spéc. la troisième partie.
155
Mouvement qui se retrouve dans l’ensemble de la justice pénale : travaux d’intérêt général, médiation
pénale, procédure accélérée et, plus récemment, projet portant sur la comparution immédiate.
82
Dans ce cadre, qu’en est-il des connaissances du « pôle scientifique » ? Dans les années
90, à l’image de la politique criminelle, le champ de la recherche criminologique a été
recentré autour du thème de l’insécurité et sera principalement financé par l’Etat (la
première impulsion venant du ministère de l'Intérieur), renforçant encore les thèmes
de recherche prioritaires. Dans ce cadre, la police sera un thème majeur mais les
recherches la concernant, outre qu’elles se focaliseront principalement sur la police
communale, délaissant complètement la gendarmerie, seront pratiquement toujours
liées soit aux relations avec le public, soit à son organisation, décontextualisant en
grande partie ses relations avec d’autres institutions de contrôle social.
Au niveau des recherches sur la police de proximité (commanditées par le ministère de
l'Intérieur), le constat est encore plus mince. Mis à part la recherche sur le community
policing et les expériences étrangères en cette matière – qui arrive très tardivement
après la mise en place des programmes (contrats de sécurité et Z.I.P.) censés la mettre
en œuvre -, seules deux recherches portant sur les pratiques de la police de proximité
seront développées. Ces dernières ne porteront, au surplus, que sur les polices
communales bénéficiant de la manne financière des contrats de sécurité et seront
limitées géographiquement aux Régions wallonne et bruxelloise156. En outre, ces
recherches ne seront pas commanditées telles quelles, ce sont les équipes de recherches
de l’époque qui ont choisi ce thème dans une liste de thématiques, entre autres
policières, proposée par le ministère de l'Intérieur.
Les résultats de ces recherches ont de manière évidente pointé le semi-échec de cette
mise en place de la police de proximité au niveau local. Si les agents de quartier ont
bien été désignés comme « policiers de proximité », les différentes restructurations
qu’ont connues les corps de police communale ont été insuffisantes ou mal ciblées et
n’ont eu souvent pour effet que de renforcer des services privilégiant plutôt le crimefighting. En outre, à cette mise en œuvre manquée de la police de proximité au sein des
services de quartier, s’est ajouté le constat de l’inadéquation de la mise en œuvre de
deux logiques au sein d’un même corps de police : d’une part, celle de police criminelle
et du maintien de l’ordre stricto sensu au travers des services travaillant dans l’urgence
et/ou de manière réactive et, d’autre part, celle de proximité des services de quartier
censés travailler dans le long terme. La coexistence de ces deux logiques a pour effet
que la plus faible des deux – parce qu’elle est supposée s’appliquer aux services
relativement marginaux en termes de moyens et de valorisation -, non seulement ne
156
Bref, on juxtapose dans ces limitations les trois premiers termes des clivages : police communale,
zones urbaines et partie francophone de la Belgique (Bruxelles est composée à 85 % de francophones
même si elle bénéficie d’un statut bilingue).
83
permet pas de contrecarrer la logique dominante de police criminelle, mais en renforce
encore les effets.
Si le programme de recherche du ministère de l'Intérieur est justifié par « la nécessité
de disposer de données fiables », derrière cette nécessité se profile clairement un souci
de conférer au système étatique, en général, et, plus spécifiquement, aux programmes
mis en place, de nouvelles sources de légitimité teintées de « scientificité ». Les
résultats de recherches peuvent soit ne pas être utilisés (si les résultats ne concordent
avec les attentes du politique), soit justifier le développement d’un dispositif neuf déjà
prévu. De manière générale, et c’est certainement le cas pour les recherches sur la
police de proximité, les résultats de ces recherches sont instrumentalisés non pas
comme outils d’aide à la décision – ce qui pourrait être leur objectif premier - mais
bien comme garant ex post de légitimité des politiques.
On a pu le constater, les questions entourant l’idée de la police de proximité
synthétisent bon nombre des caractères des politiques criminelles développées en
Belgique ces 20 dernières années : derrière les enjeux politiques événementiels
poussant à développer un discours neuf sur la police de demain, discours qui frappe
par son caractère souvent décousu ou sibyllin, la mise en œuvre de cette nouvelle
police est complètement laissée aux techniciens, aux policiers qui feront avec ce qui
leur est donné et en fonction de leurs propres impératifs et soucis du moment tout en
jouant la plupart du temps superficiellement, le jeu de la reproduction du discours
fédéral.
Les pratiques policières, quant à elles, loin d’en avoir été infléchies vers une nouvelle
philosophie de travail, semblent s’être vues donner de nouvelles ressources
exploitables dans la poursuite des objectifs traditionnels de la police générale :
recherche et maintien de l’ordre (et leurs pendants juridiques : police judiciaire et
police administrative aux frontières poreuses) ; l’ensemble se faisant dans le respect
des modalités, tant organisationnelles que philosophiques, antérieures à l’introduction
de ce nouveau modèle dans les discours. Concrètement, on constate donc que si, déjà à
ce niveau discursif, la police de proximité est polymorphe, au niveau des pratiques et
de la mise en œuvre de changements dans les manières de faire, il y a renforcement
des logiques antérieures pour les polices et manifestation d’une forme de projet à long
terme au niveau fédéral, dont on peut percevoir une étape essentielle dans la récente
réforme des services de police. A cette lumière, le manque de netteté du modèle de
police de proximité nous amène à le ranger quelque peu derrière, comme instrument
des pratiques anciennes que la succession des textes normatifs produits en matière de
police tend surtout à vouloir organiser (Loi sur la fonction de police, circulaire Z.I.P.),
puis réorganiser (Loi de réforme des services de police) selon un modèle de police
84
unique, même s’il est structuré à deux niveaux et présenté comme préservant
l’autonomie communale en matière de politique policière.
85
86
BIBLIOGRAPHIE
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communale, Bruxelles, Politeia, 1994.
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1997, n° 2, pp. 123-136.
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93
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
1
PREMIERE PARTIE. – LE POLITIQUE
9
Titre premier. - Le niveau supra-local
Chapitre premier. – Contexte général d’émergence de la police de proximité
Chapitre II. –Emergence d’un concept « belge » de police de proximité
Section Ière. - Les années 80 : les événements catalyseurs d’une politique policière orientée vers le citoyen
Section II. - Les années 90 : l’amélioration du fonctionnement des services de police
Section III. - L’impulsion d'une politique intégrée de sécurité sur le plan local par la mise en œuvre des
contrats de sécurité
Section IV. - Un cadre opérationnel pour la mise en œuvre du modèle de police de proximité : les zones
interpolices
Section V. - Les « années blanches » : la réorganisation des services de police
Section VI. - Conclusions
10
10
14
15
16
Titre II. – Le niveau local
Chapitre premier. - L’attentisme des pouvoirs locaux
Chapitre II. - Vers une reprise en main par le fédéral
Chapitre III. - Les contrats de sécurité
Chapitre IV. - La loi de fonction de police et les zones interpolices
Chapitre V. - La réforme des polices
Chapitre VI. - Conclusions
29
30
32
33
34
35
36
DEUXIEME PARTIE. – LE POLICIER
19
21
23
25
37
Titre premier. – « Les acteurs policiers et la terminologie »
Chapitre premier - La voix de la police communale
Chapitre II. - La voix de la gendarmerie
Chapitre III. – « L’écho des voix »
39
40
42
44
Titre II. - Contenu de la police de proximité dans le discours des policiers communaux
45
Titre III. - Contenu de la « fonction de police de base » dans le discours des gendarmes
48
Titre IV. - Conclusions
49
TROISIEME PARTIE. – LE SCIENTIFIQUE : LA RECHERCHE BELGE SUR LA
POLICE DE PROXIMITE
51
Titre premier. - Politique et recherche : les politiques de recherche sur la police en Belgique
52
Titre II. - La recherche sur le modèle du community policing et son importation en Belgique
55
Titre III. - Recherches sur l’évaluation des contrats de sécurité en ce compris la « police de proximité »
Chapitre premier. - Constats de la recherche confiée à l’U.L.B.
Section Ière. - La notion de proximité et la question de l’information
Section II. - Bilan de la mise en œuvre d’une nouvelle police : le décalage entre discours et pratiques
57
58
58
62
94
§ 1er. - Partenariat et concertation
§ 2 . - Changements organisationnels « de base »
§ 3. - Rapprochement entre police et public
§ 4 - Elargissement de la fonction policière
Chapitre II. - Constats de la recherche confiée à Synergie
Section Ière. - Valorisation des tâches policières et des types de policier : la place des policiers de quartier
Section II. - Face au modèle fédéral, une réalité : les priorités
§ 1.- Permanence 24h/24
§ 2. - Surveillance et intervention préventive
§ 3. - Missions judiciaires (en principe de « petites enquêtes et missions judiciaires »)
§ 4. - Maintien de l’ordre au niveau local
§ 5. - Respect du code de la route et de la législation sur l’environnement
§ 6. - Contacts avec le public (groupe ou individu; la discussion des problèmes et la recherche de
solutions en commun)
§ 7. - Exercice de différentes formes d’aide sociale, d’aide aux victimes et de conseil aux citoyens
§ 8. - Quelles perspectives ? La récolte d’informations...
Titre III : Conclusions
62
63
64
65
67
67
69
69
70
70
71
71
72
72
73
76
CONCLUSIONS GENERALES
78
BIBLIOGRAPHIE
87
95