Myanmar: un diamant à l`état brut
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Myanmar: un diamant à l`état brut
OPPORTUNITÉS MYANMAR Myanmar: un diamant à l’état brut Riche en matières premières mais pauvre en infrastructures et main-d’oeuvre qualifiée: le Myanmar recèle un potentiel économique aussi immense que son retard structurel dans les transports, l’énergie, la formation et la compétitivité. Pour les investisseurs, une pépite qui va demander de la patience. Mais des réformes en profondeur pourraient lui rendre son éclat. TEXTE Michael Flückiger L a Birmanie passa un temps pour la perle de l’Asie du Sud-Est, du moins avant que la junte militaire ne brise l’élan de cette économie florissante située aux confins de la Thaïlande, de la Chine et de l’Inde. Pourtant, ce pays qui est aujourd’hui le plus pauvre de la région est aussi celui qui est porteur des meilleures perspectives. «Il n’est pas facile d’effacer 49 ans d’isolement», précise Angela Di Rosa, conseillère pour l’Asie du Sud-Est auprès de Switzerland Global Enterprise. «Dès lors, les Birmans, qui sont soumis à rude épreuve, sont parfois dépassés. Il est important que les investisseurs sachent qu’avant de songer à faire des bénéfices, ils doivent commencer par apporter le savoirfaire.» Patrick Fuchs, 35 ans, fils d’une Birmane, CEO de l’entreprise de conseil Thura Swiss implantée à Yangon (l’ancienne Rangoon), est lucide quant à l’état du pays: «Du point de vue économique, le Myanmar est au niveau de la Thaïlande d’il y a 20 à 30 ans. Mais si, au début, le pays a attiré des profiteurs, ce sont aujourd’hui surtout des investisseurs sur le long terme qui affluent.» Et il sait de quoi il parle vu qu’il est lui-même investisseur. De la recherche pour les investisseurs Banquier, diplômé en construction mécanique et docteur en économie, Patrick Fuchs a grandi à Effretikon près de Zurich et parle couramment birman. Il a créé son entreprise début 2012 à Yangon. «Nous voulons prendre durablement pied sur les marchés des capitaux et financer des projets. Mais les structures et les règles étant encore chaotiques, notre entreprise de 15 collaborateurs fait actuellement de la recherche pour des investisseurs tiers.» Aung Thura – le nom de Patrick Fuchs dans son pays d’origine – pointe le succès des investisseurs japonais: «Lorsque le gouvernement a refusé les investissements chinois, ils ont apporté aide et financement et se sont ména- 22 gé d’intéressantes opportunités d’affaires, à l’inverse des Européens et des Américains.» Pour Thura Swiss, tout est axé sur le fait que le Myanmar est encore dans les starting-blocks. Le retard le plus criant se situe au niveau des infrastructures (voies de communication, approvisionnement en électricité et finance). Héritage de la junte militaire, le manque de formation prive l’Etat de la main-d’œuvre qualifiée nécessaire à une croissance durable. Les ingénieurs sont ainsi une denrée rare, mais le jeu en vaut la chandelle tant le Myanmar s’apparente à un coffre aux trésors débordant de gaz naturel, de bois, de cuivre et de pierres précieuses. Pourtant, l’extraction n’est guère mécanisée, et si des consortiums chinois modernes sont parfois à l’œuvre, il arrive aussi que ce soient des paysans qui grattent la terre à la main. «Pour le Myanmar, les richesses du sol sont à la fois une bénédiction et un danger, explique Aung Thura. Car des révoltes vont éclater si le gouvernement ne fait pas en sorte que les minorités des régions riches en matières premières aient leur part du gâteau.» Le Myanmar n’en reste pas moins un Etat agricole et un grenier à céréales puisque 35% de son PIB proviennent de l’agriculture. Mais si le pays abonde de terres fertiles, rares sont celles qui sont exploitées avec des méthodes et des machines modernes. Par ailleurs, des fleuves puissants relient les centres économiques et culturels de ce pays empreint de bouddhisme. Les nombreux projets de barrages et de centrales hydro-électriques, s’ils font débat en raison de leur menace sur la faune et la flore, très variées, sont pourtant essentiels tant les lacunes du réseau électrique sont importantes. «C’est le manque d’électricité qui coûte le plus cher au Myanmar.» Pour Aung Thura, c’est aussi le principal frein au développement industriel. Le pays n’est pas non plus doté d’infrastructures financières modernes et passe à côté de possibilités d’affaires. Les paiements, versement des salaires compris, se font en espèces. Et le fait que des milliers de magasins aient installé des terminaux de paiement par carte bancaire ne suffit pas à faire évoluer les mentalités du jour au lendemain. Nulle surprise dès lors que les marchés financiers et des capitaux ne s’y développent que très lentement. «Le Myanmar demande du temps et de la patience», précise Aung Thura. D’autre part, malgré la beauté d’une nature sauvage et de superbes temples et monuments historiques, le tourisme ne soutient la croissance qu’à un niveau modeste, le pays ne recevant qu’un million de visiteurs par an là où la Thaïlande en accueille 23 millions. Les tour-opérateurs, parmi lesquels des Suisses, prévoient de bâtir de nombreux hôtels. Par ailleurs, le secteur de la santé, en plein boom, recèle d’intéressantes perspectives. Et le gouvernement ne cesse de rappeler son attachement à la protection de l’environnement. Business et bouddhisme: la pagode de Shwedagon, le symbole religieux du Myanmar, domine Yangon, le cœur économique du pays. Le gouvernement tente de séduire les investisseurs Pour les entreprises, les conditions-cadre sont loin d’être simples, mais la loi sur les investissements étrangers adoptée fin 2012 se révèle prometteuse puisque les investisseurs étrangers sont, suivant les secteurs, autorisés à détenir de 80 à 100 % du capital des entreprises. Dans les secteurs de l’alimentation, de la chimie, de la pharmacie, du bâtiment et des transports, seules des coentreprises sont toutefois autorisées. Et plus la durée d’activité est longue, plus le taux obligatoire d’emploi de main-d’œuvre locale monte. Dès lors, Aung Thura estime que la mauvaise notation du Myanmar dans la liste de Transparency International ne tient pas assez compte de l’évolution politique et économique du pays. Et de conclure: «Les investisseurs actifs ici ne considèrent pas le Myanmar comme étant plus corrompu que la Thaïlande.» MYANMAR – INDICATEURS ÉCONOMIQUES Naypyidaw Superficie: 676 578 km2 (16 fois la Suisse) Population: 61,1 millions; Suisse 8 058 100 PIB/habitant CHF: 796; CH 74 160 (2011) Echanges CH-Myanmar (2012): 8,6 mio. CHF Export CH - Myanmar (2012): 3,0 mio. CHF Import Myanmar - CH (2012): 5,6 mio. CHF Economie birmane* PIB (mrd. CHF) PIB/habitant CHF Croissance du PIB * Estimation FMI Perspectives de l’économie mondiale, avril 2013 Le Myanmar, autrefois considéré comme le grenier de l’Asie du Sud-Est, a durement souffert sous le joug de la junte militaire au pouvoir de 1962 à 2011. Mosaïque de peuples, le pays compte plus de 60 millions d’habitants, dont 87 % de bouddhistes. Isolé pendant des décennies, le Myanmar, dont le revenu brut par habitant est estimé à 1400 francs (en données corrigées du pouvoir d’achat en 2012), fait partie des pays les plus pauvres du monde. Mais tel n’a pas toujours été le cas puisque, au début des années 60, les revenus y étaient deux fois plus élevés qu’au Vietnam, le pays voisin. Les échanges avec la Suisse, qui n’atteignent pas 10 millions de francs par an, sont très modestes. Mais le Myanmar est intéressant par les potentialités qu’il recèle, ainsi que par sa situation aux confins de l’Inde, de la Chine, du Laos et de la Thaïlande. L’agriculture représente 35 % de son PIB (2012) et emploie les deux tiers des actifs. Seulement 14 % du PIB proviennent de l’industrie et 37 % du commerce et des services. PRINCIPALES EXPORTATIONS SUISSES AU MYANMAR 2012 Photo: Keystone /Interfoto / Peter Schano POUR EN SAVOIR PLUS: www.s-ge.com/fr/country/Myanmar Produits chimiques et apparentés Machines, appareils et électronique «Le Myanmar demande du temps et de la patience. Le retard le plus criant se situe au niveau des infrastructures et de l’approvisionnement en énergie.» 2013* 52 796 8,0 % 2012 48 751 3,9 % Instruments de précision, horlogerie Part en % Millions CHF 72 1,519 11,6 0,54 10 0,36 Source: Administration fédérale des douanes AFD Patrick Fuchs, CEO de Thura Swiss à Yangon 23