Les effets du vieillissement sur l`économie française

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Les effets du vieillissement sur l`économie française
mensuel d’informations économiques et sociales
262
NOVEMBRE 2011
Les effets du vieillissement
sur l’économie française
FLORENT AUBRY-LOUIS ET MICKAËL SYLVAIN
Le vieillissement démographique est un phénomène lent
et progressif, qui sera amplifié, pour les quinze ans qui viennent,
par le choc du « papy-boom ». Problèmes de financement de la
protection sociale et hausse de la dette publique, baisse de l’épargne, du chômage et de la productivité sont les conséquences
économiques habituellement attendues. Ces conséquences s’avèrent néanmoins très incertaines tant il est difficile d’anticiper les évolutions de long
terme des comportements et de
l’environnement
économiques.
Finalement, si le vieillissement
démographique est un problème, il est bien plus politique qu’économique : c’est celui
de la répartition des richesses
entre les différentes générations.
LA NOUVELLE DONNE
DÉMOGRAPHIQUE
En France comme dans de nombreux
pays, deux phénomènes démographiques se manifestent : les générations
actuelles ont moins d’enfants (vieillissement par le bas) et elles vivent plus
longtemps qu’autrefois (vieillissement
par le haut). L’allongement de l’espérance de vie et la baisse de la fécondité produisent le vieillissement de la
population française, lequel se mesure
par l’augmentation de l’âge moyen de
la population. En France en 2008, l’espérance de vie est de 78 ans pour les
hommes et de 85 ans pour les femmes, alors que la fécondité s’élève à
2 enfants par femme, taux tout juste
inférieur au seuil de renouvèlement
des générations de 2,1. À mesure
qu’elle vieillit, la population française
continuerait pourtant de croitre pour
atteindre 73,6 millions en 2060 contre
64,3 millions en 2009 [9].
D’ici 2025 à 2035, le vieillissement
de la population française sera surtout
fortement accéléré par un véritable
« papy-boom ». En effet, les générations
nombreuses du « baby-boom » – au
sens ici de cohortes de naissance supérieure à 800 000 en France entre 1946
et 1973, et non seulement de fécondité
élevée de 1941 à 1964 – franchiront les
unes après les autres l’âge de 60 ans.
Ce choc démographique massif constitue une « nouvelle transition démographique » en France comme en Europe.
Il signifie la dégradation rapide du ratio
de dépendance des personnes âgées,
mesuré par le quotient des plus de 65
ans aux 15-64 ans.
La démographie française apparait
cependant avantageuse comparée à de
nombreux pays européens (encadré 1).
L’augmentation du ratio de dépendance
est fortement marquée jusqu’en 2035
puis devient très faible ensuite [10].
Sa population continuant à progresser
après 2035, la France devrait devenir
la première puissance démographique
européenne en dépassant l’Allemagne.
1
ENCADRÉ 1. CARTOGRAPHIE DE LA DÉGRADATION DES RATIOS DE DÉPENDANCE EN EUROPE
Moyenne UE en 2007
70 %
Pologne
Slovaquie
ratio de dépendance en 2060
65 %
Lituanie
Roumanie
1
Lettonie
Bulgarie
Slovénie
République Tchèque
60 %
Malte
Italie
Allemagne
Espagne
Hongrie
Grèce
Estonie
Portugal
55 %
5
4
Pays-Bas
45 %
Irlande
40 %
Moyenne UE en 2060
Autriche
Finlande
50 %
Chypre
2
Suède
Belgique
France
3
Norvège
Danemark
Royaume-Uni
Luxembourg
35 %
15 %
17 %
19 %
21 %
23 %
25 %
ratio de dépendance en 2007
27 %
29 %
31 %
On peut ainsi distinguer 5 groupes de pays au sein de l’Union européenne des 27 :
– les pays avec un ratio de dépendance des personnes âgées inférieur à la moyenne communautaire en 2007 mais supérieur à cette moyenne en 2060, (groupe 1)
soit les nouveaux États membres de l’UE – avec les cas extrêmes de la Pologne et de la Slovaquie – et l’Espagne ;
– les pays avec un ratio de dépendance inférieur à la moyenne communautaire en 2007 et en 2060 (groupe 2) soit le Royaume-Uni, le Danemark, les Pays-Bas,
le Luxembourg, Chypre et l’Irlande ;
– les pays avec un ratio de dépendance proche ou supérieur à la moyenne communautaire en 2007 et inférieur à cette moyenne en 2060 (groupe 3) soit la France,
la Belgique, la Suède, l’Autriche et la Finlande ;
– les pays dont les ratios de dépendance sont proches de la moyenne communautaire en 2007 comme en 2060 (groupe 4) soit le Portugal et l’Estonie ;
– enfin, les pays avec un ratio de dépendance supérieur à la moyenne communautaire en 2007 et en 2060 (groupe 5) soit l’Allemagne, l’Italie et dans une moindre
mesure la Grèce.
Source : adapté du Conseil d’orientation des retraites, document de travail n° 9, décembre 2010.
L’ABSENCE DE SOLUTION
STRICTEMENT DÉMOGRAPHIQUE
2
Il peut être tentant d’estimer qu’un
« problème démographique » peut trouver
une « solution démographique ». Or, les
différents scénarios proposés par l’INSEE
viennent relativiser fortement la portée
de cet argument [9,10]. Les trois facteurs
qui peuvent atténuer les hypothèses centrales des projections démographiques
sont un relèvement de la fécondité, une
augmentation du solde migratoire et un
ralentissement des gains d’espérance de
vie. Aucun de ces facteurs considérés isolément ou même la combinaison de ces
variables ne semble cependant offrir de
solution radicale à la dégradation du ratio
de dépendance. Ainsi, il est devenu peu
crédible de revenir à un indice de fécondité de l’ordre de 3 enfants par femme
(comme observé dans les années 1950)
du fait des modifications socioculturelles des comportements qui peuvent être
jugés irréversibles (maitrise de la procréation, activité des femmes, urbanisation,
etc.). Avec une fécondité de 2,1 enfants
par femme contre 1,95 dans le scénario central, la part des plus de 60 ans en
2060 serait de 33 % contre 35 % dans le
scénario central. L’augmentation du solde
migratoire, parfois proposée comme solu-
tion à la question des retraites n’est pas
non plus sans poser de problème. Il faudrait en réalité 600 000 entrées par an
pour stabiliser le ratio de dépendance, soit
un chiffre largement supérieur au maximum atteint au début des années 1960
(250 000) en période de plein-emploi et
de pénurie de main-d’œuvre. Par ailleurs,
cet afflux devrait logiquement se traduire
par des flux encore plus importants lors du
départ à la retraite de ces mêmes immigrés
pour maintenir le ratio de dépendance.
Il s’ensuivrait donc une trajectoire exponentielle du solde migratoire difficilement
compatible avec la capacité d’absorption
du marché du travail.
QUELS EFFETS SUR LA CONSOMMATION ET L’ÉPARGNE ?
Par définition, la hausse de l’espérance de vie allonge la vie du
consommateur. L’effet sur la consommation est-il forcément positif ?
À revenu identique, la consommation
des séniors est inférieure à celle des
actifs plus jeunes. Cependant, cet
effet d’âge est atténué par un effet
de génération : les générations du
baby-boom conservent, en vieillissant, des habitudes de consommation
supérieure vis-à-vis des générations
antérieures [4].
Par ailleurs, selon la théorie du
cycle de vie attribuée à Franco Modigliani, les individus cherchent à lisser leur consommation par-delà les
variations de revenu à l’aide de prêts
et emprunts sur l’ensemble de leur
cycle de vie. Souvent emprunteurs
en début de cycle de vie, ils sont
épargnants en milieu de cycle pour
rembourser leurs emprunts initiaux
et anticiper la baisse de leurs revenus à la retraite, période au cours de
laquelle ils désépargnent. Or, le papyboom d’ici 2025-2035 pourrait se traduire par la baisse du poids des actifs
épargnants par rapport aux inactifs
retraités désépargnants. Que le système de retraite soit par répartition
ou par capitalisation ne change rien.
Les deux systèmes sont également
affectés par le papy-boom et par la
hausse de l’espérance de vie. Doiton par conséquent s’attendre à une
diminution de l’épargne en France
dans les années à venir ? Ce n’est pas
sûr, car une hausse du taux d’épargne
aux âges actifs peut se produire, si se
développe une épargne de précaution
liée aux craintes de ces générations
pour leurs propres retraites. Or, de
telles craintes peuvent se justifier par
l’instabilité croissante du système de
retraite en France depuis les années
1990 (indexation des pensions sur
les prix et non plus les salaires nets,
calcul plus désavantageux du salaire
de base, allongement de la durée de
cotisation donnant droit à une pension à taux plein et décote, recul de
l’âge de départ, etc.).
La structure de la consommation peut
également être modifiée par le vieillissement démographique. Certes, là aussi,
les effets de génération semblent
importants. Les générations anciennes ayant vécu dans un contexte
économique très différent de celui
des générations plus récentes ont, au
même âge, des modes de consommation différents. Si 60 % des sexagénaires nés entre 1915 et 1919 possédaient une automobile, ils sont plus
de 80 % pour les générations nées
après 1930 [4]. Par-delà les effets de
génération, le vieillissement devrait
pourtant bien avoir un effet important sur certains secteurs, comme
ceux des services à la personne et des
dépenses de santé [6].
En effet, les dépenses de santé augmentent avec l’âge : les dépenses de
soins sont de 2 à 2,5 fois supérieures
entre 60 et 80 ans et de plus de 3,5
fois au-delà, à ce qu’elles sont entre
40 et 50 ans. Pourtant, le vieillissement n’explique qu’une faible part de
la progression des dépenses de soins.
D’une génération à l’autre, la population a surtout de plus en plus accès
aux innovations thérapeutiques, dont
certaines seulement sont plus spécifiquement destinées aux personnes
âgées (la chirurgie de la cataracte par
exemple). Les progrès médicaux augmentent les couts de traitement, et
leur diffusion, souhaitée par la population, est en fait la cause principale
de la hausse des dépenses de santé.
Sur la période 1992-2000, l’augmentation des dépenses de soins induite
par la modification des pratiques à
âge et morbidité donnés aurait ainsi
été près de quatre fois supérieure à
l’effet du changement de la structure
d’âge de la population [8].
De manière générale, l’évolution
du poids des dépenses de santé dans
le PIB dépend de bien d’autres facteurs que du vieillissement démographique. Il s’agit d’abord de l’évolution de la richesse nationale, des prix
relatifs des soins et produits de santé,
du progrès technique notamment en
ce qu’il étend l’offre de soins, mais
aussi, des modes de régulation du
système et de l’effet à long terme des
réformes. [2].
LE PROBLÈME DE FINANCEMENT
DU SYSTÈME DE PROTECTION
SOCIALE
Le ralentissement de la croissance,
la montée du chômage et, dernièrement, l’ampleur de la crise ont pesé sur
les recettes et les dépenses du système
de protection sociale français depuis
plus de trente ans. Ces difficultés de
financement sont accentuées par le
vieillissement démographique, du fait
des dépenses de santé, et plus spécifiquement du financement du système
de retraite par répartition, sensible à
la dégradation du ratio de dépendance.
On estime que la hausse de la dette
publique en France ces trente dernières
années s’explique ainsi, en partie, par
le besoin de financement permanent
des organismes de protection sociale
en dépit des réformes qui ont cherché
à le diminuer. On peut même considérer que la dette publique telle qu’elle est
calculée par la comptabilité nationale
est sous-estimée, car elle ne prend pas
en compte les engagements implicites
de l’État à l’égard des générations futures. La Commission européenne intègre
cette dette implicite dans ses projections : elle évalue les besoins de financement futurs du système de protection
sociale, d’ici à 2060, à 4,6 points de PIB
en moyenne pour l’UE des 27 [7]. Même
s’il serait limité à 2,2 points, la Commission estime que la France, avec d’autres,
a un défi plus élevé à relever pour assurer la « soutenabilité » de ses finances
publiques, compte tenu du niveau élevé
de sa dette actuelle (83 % en 2010)
et du déficit budgétaire structurel
(- 6,8 % en 2010).
Le vieillissement de la population
française risque effectivement de peser
bien plus à l’avenir avec l’augmentation du nombre de personnes âgées
dépendantes. Aujourd’hui, la prise en
charge de ces personnes combine à
la fois solidarité familiale et solidarité collective, par le biais de prestations comme l’allocation personnalisée
d’autonomie. Or, la solidarité familiale
pourrait s’amoindrir, car le nombre
moyen d’aidants potentiels par personne âgée dépendante aura tendance
à diminuer.
3
GRAPHIQUE 1.
PROFIL DE PRODUCTIVITÉ ET COUT
SALARIAL SELON L’ÂGE
Industrie
0,3
0,2
0,1
0,0
- 0,1
- 0,2
- 0,3
55-59
50-54
45-49
40-44
35-39
30-34
25-29
< 25 ans
- 0,4
Lecture : la classe d’âge de référence
est celle des 35-39 ans (France, 2000). Son
niveau de productivité et son cout salarial
sont arbitrairement fixés à zéro. Le cout
salarial des 40-44 ans est ainsi supérieur
de 10 % à celui des 35-39 ans.
Source : d’après [3].
QUEL IMPACT SUR LE NIVEAU
ET LA STRUCTURE PAR ÂGE
DE LA POPULATION ACTIVE ?
L’allongement de l’espérance de vie
concerne également les actifs, ce qui
favorise a priori le potentiel de l’économie. En effet, cet allongement provenant d’une diminution de la mortalité à
chaque âge, il engendre mécaniquement
une augmentation de l’offre de travail.
Certes, le vieillissement peut provenir
d’une diminution de la fécondité qui
joue en sens inverse. Mais, contrairement à l’allongement de l’espérance de
vie, la baisse de la fécondité n’est pas
générale dans les pays développés et
notamment en France, où la fécondité
s’est redressée.
La population active continue ainsi
de croitre à un rythme soutenu en
France. Selon le scénario central des
nouvelles projections, le nombre d’actifs
augmenterait encore fortement jusqu’en
2025, pour ensuite se stabiliser avant
de repartir légèrement à la hausse à
partir de 2035 sous l’effet de la fécondité élevée de ces dernières années. En
France métropolitaine, le nombre d’actifs serait de 30,1 millions en 2030 et
atteindrait 31,2 millions en 2060, soit
2,85 millions de plus qu’en 2010 [10].
Concernant la structure par âge, les
deux processus de vieillissement de la
population et de la population active
sont au minimum décalés. Depuis 2006,
avec le départ à la retraite des « babyboomers », le vieillissement de la population active devrait ralentir puisque
des générations nombreuses de personnes âgées partent en retraite et sont
remplacées par des générations moins
nombreuses de jeunes. Mais la France,
comme la plupart des pays européens,
repousse l’âge de la retraite et met en
place des politiques visant à soutenir l’emploi des séniors, de sorte, l’âge
moyen des actifs progresserait non pas
de 0,8 an mais de 3,3 ans entre 2002
et 2025 [8].
QUELS EFFETS
SUR LA PRODUCTIVITÉ ?
L’impact du vieillissement sur la
productivité moyenne dépend du profil de productivité par âge, or celui-ci
est très mal connu. L’opinion courante
voudrait que la productivité par âge
suive une courbe en U inversée : croissante dans un premier temps grâce aux
acquis de l’expérience qui augmentent
et améliorent le capital humain, et
décroissante ensuite. Cette réduction
de la productivité des travailleurs âgés
s’expliquerait par la diminution de certaines compétences physiques au-delà
d’un certain âge, la détérioration de
l’état de santé, l’obsolescence du capital humain acquis durant la période de
formation initiale, voire la résistance
aux innovations des personnes âgées.
L’OCDE montre ainsi que la productivité après 55 ans diminue partout bien
davantage en raison de la distance à
la formation initiale que par un effet
de vieillissement physique. Aubert et
Crépon [3] estiment l’évolution de la
productivité avec l’âge via la « contribution » des différentes classes d’âge
à la productivité des entreprises.
La productivité des salariés augmente
jusqu’à 40 ou 45 ans, avant de se stabiliser et de diminuer après 55 ans
(graphique 1). Le profil de la productivité est proche de celui des rémunérations, du moins, avant 55 ans. Le
salaire élevé des travailleurs âgés ne
serait donc pas l’obstacle majeur à leur
employabilité. Néanmoins, il s’agit de
profils moyens de productivité, et non
de profils individuels. De plus, les résultats ne concernent que les salariés en
emploi, et non l’ensemble des individus.
La méthode des auteurs ne permet donc
pas d’observer une éventuelle baisse
de productivité en fin de carrière pour
certaines catégories de salariés, si ces
salariés moins productifs ont été évincés du marché du travail.
Les études sur données individuelles ne confirment pas cette détérioration de la productivité avec l’âge,
notamment parce qu’elles peuvent
être compensées par les effets positifs
de l’expérience, néanmoins ces effets
sont forcément plus limités pour les
travailleurs les moins qualifiés. S’il
n’est donc pas certain que la productivité individuelle baisse avec l’âge, des
études monographiques laissent penser que les entreprises ont tendance
à licencier les employés âgés qui leur
semblent les moins performants, ce qui
peut expliquer leur taux d’emploi relativement faible dans une grande partie
de l’Europe.
QUELS EFFETS SUR L’EMPLOI ?
L’accélération des départs à la retraite
peut être a priori perçue comme une
chance pour les jeunes entrants sur le
marché du travail et le papy-boom serait
alors synonyme d’une baisse du chômage.
L’argument, malthusien, est cependant
fragile. Le raisonnement présuppose
que les secteurs, à débouchés constants,
auront des besoins de main-d’œuvre
équivalents aux sorties du marché du
travail. Les taux d’emploi actuels des
jeunes et des séniors indiquent cependant que des secteurs à maturité (automobile, mécanique, par exemple) soumis
à la concurrence des pays émergents à
bas salaires recherchent d’ores et déjà à
limiter le poids de la main-d’œuvre, pour
4
ENCADRÉ 2. DEUX MANIÈRES D’ACCROITRE LE REVENU GLOBAL TOTAL
POUR ABSORBER LE VIEILLISSEMENT
Face à des dépenses croissantes et sous l’hypothèse d’un maintien à minima des niveaux de vie des
différentes générations, il devient indispensable d’accroitre le revenu global total. Deux voies complémentaires semblent possibles : tirer profit d’une allocation internationalisée de l’épargne et accroitre
la croissance potentielle de l’économie concernée.
Le premier scénario suppose une augmentation de l’épargne domestique en vue d’acquérir des actifs
extérieurs générant des revenus qui accroissent le revenu global, la mondialisation venant ainsi au
« secours des retraites ». Ceci suppose des excédents courants et une stratégie de placement qui ne
privilégie pas systématiquement le placement en titres surs mais peu rentables (obligations publiques)
sur la détention d’actifs rentables mais risqués (titres privés).
La deuxième voie suppose non seulement de rejoindre le niveau de croissance potentielle de l’économie
mais aussi de l’élever. La croissance potentielle d’une économie dépend de la taille de la population
active (qui dépend donc de la démographie mais aussi des âges sociaux d’entrée et de sortie du marché
du travail), du taux de chômage structurel, du taux d’emploi et du progrès technique. Compte tenu des
hypothèses généralement retenues par les études prospectives (retour au plein-emploi, élévation des
taux d’emploi, report de l’âge de départ à la retraite), seuls des gains de productivité supérieurs pourraient permettre d’absorber le choc démographique sans dégradation des niveaux de vie relatifs. Il s’agit
pour des économies à la frontière technologique de susciter un réel processus de destruction créatrice
en favorisant l’innovation.
faire face au différentiel de couts. Le
vieillissement pourrait alors accélérer
ce phénomène en incitant les entreprises à embaucher des jeunes mieux
formés à des technologies économes
en main-d’œuvre, pour compenser des
départs accélérés. Sous l’hypothèse
d’une population active ne diminuant
pas, l’effet des départs à la retraite sur
le chômage serait au mieux nul, au
pire négatif. Le vieillissement démographique ne garantira donc pas une
baisse mécanique du chômage.
Le vieillissement peut également
susciter le développement de nouveaux secteurs. Un premier domaine
concerne les gérontechnologies (domotique, robotique, géolocalisation), qui
connaissent un essor remarquable au
Japon notamment. On retrouve ici les
problématiques habituelles liées à la
capacité de l’économie française à
faire face à la concurrence internationale et à développer des entreprises
innovantes. À l’exception des technologies médicales, la France accuse un
retard notable dans ces domaines. La
seconde voie réside dans le développement des services à la personne, logiquement peu délocalisables. On estime
notamment à 900 000 emplois nets
les besoins dans les seuls secteurs des
aides à domicile, des infirmiers et des
aides-soignants entre 2006 et 2015.
Plusieurs questions restent cependant
en suspens : ce sont par nature des
emplois où les gains de productivité
sont faibles (ce qui pèse sur la croissance potentielle de l’économie), les
carrières salariales y sont peu attractives et le problème du financement
reste entier.
VERS UN CONFLIT
DE GÉNÉRATIONS ?
Si le thème de la guerre des générations a été fortement popularisé
ces dernières années en France, du
fait, entre autres, de l’amélioration
significative du niveau de vie des jeunes retraités relativement à l’ensemble des actifs et surtout des jeunes
actifs, le débat est ancien dans les
pays anglo-saxons [11]. L’argument
principal avancé porte sur le « fardeau laissé aux générations futures » à
travers la hausse de la dette publique
entretenue notamment par le déficit
chronique de financement du système
de retraite. Il est toutefois à relativiser, car les administrations publiques
ont des actifs financiers qui viennent
diminuer la dette publique brute, c’est
la dette publique nette ; et les nouveau-nés héritent par ailleurs, d’un
patrimoine non financier positif (les
infrastructures telles que les routes
ou les écoles) qui peut améliorer la
croissance potentielle future. Mais
la question de la destination de l’endettement et des bénéficiaires reste
posée et le déficit public a des dimensions redistributives intergénérationnelles significatives. L’endettement
est ainsi, pour une part, alimenté par
les dépenses de fonctionnement ou de
redistribution, ce qui est difficile de
justifier socialement, dans la mesure
où il s’agit de reporter le financement
de dépenses profitant à des bénéficiaires actuels. En outre, les intérêts
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4
sur la dette publique rémunèrent les
détenteurs d’épargne qui sont majoritairement des ménages à revenus
élevés ou des ménages âgés. Enfin, la
charge fiscale pèse de manière inéquitable sur les générations actuelles. Un
rapport du Conseil des prélèvements
obligatoires en 2008 montre ainsi qu’il
existe un biais favorable aux plus de
65 ans dans le système fiscal français.
Il en résulte que le poids de l’endettement public n’est pas seulement une
question qui se posera dans le futur,
mais a des effets redistributifs au sein
des générations présentes.
D’autres éléments indiquent que
le régime de croissance profite aux
plus âgés, ce que P. Artus nomme une
« économie au service des vieux » [1].
Le gonflement du prix des actifs (boursiers et immobiliers) a ainsi profité
aux détenteurs de patrimoine. Or, la
proportion de ménages détenteurs de
patrimoine financier ou propriétaires
augmente avec l’âge.
Ce phénomène a été renforcé par
la forte aversion des banques centrales pour l’inflation qui a, du début des
années 1980 au milieu des années 1990
et contrairement aux années 1970,
fortement contribué au maintien de
taux d’intérêts réels positifs de l’ordre
de 6 %. Il en résulte nécessairement
un alourdissement de la charge réelle
pour les ménages endettés qui sont
majoritairement des ménages jeunes.
À l’inverse, les politiques monétaires
ont été constamment réactives voire
très expansionnistes en cas de chute
des actifs (2001-2003, 2008) soutenant donc la valeur des patrimoines.
Enfin, la progression des salaires a
fortement ralenti sous le double effet
d’une exigence accrue de la rentabilité
du capital (ce que traduit le recul de
la part des salaires dans le partage de
la valeur ajoutée) et de l’alourdissement du poids des cotisations sociales. Le rapport Cotis [5] observe ainsi
une quasi-stagnation du salaire net
entre 1981 et la fin des années 1990.
La relative stabilisation des cotisa-
tions depuis la fin des années 1990 n’a
ensuite permis qu’une légère progression des salaires nets de sorte que leur
niveau de 2007 ne représente que 1,2
fois celui de 1983. Le vieillissement
semble donc d’ores et déjà avoir pesé
sur les rapports entre les générations
en augmentant fortement les cotisations sociales. À partir des années
1990, les réformes des retraites reposant non sur l’augmentation des cotisations mais sur le prolongement de
l’activité modifient peu la donne : ce
sont les générations d’actifs actuelles
et à venir qui sont amenées à supporter le cout du vieillissement. D’autant
plus que, sans une croissance économique plus soutenue (encadré 2),
leur niveau de vie relatif risque de se
dégrader lorsqu’elles atteindront l’âge
de la retraite.
Le vieillissement démographique est
déjà engagé. Sa traduction concrète
dans le débat de politique économique
se résume bien souvent à la question de
la « soutenabilité » des régimes de pro-
tection sociale. Pourtant, l’enjeu majeur
semble bien résider dans la capacité à
maintenir une croissance potentielle
suffisante pour absorber l’augmentation
attendue de certaines dépenses, sous la
contrainte d’une certaine équité intergénérationnelle. S’il n’y a pas, a priori,
de scénario inéluctable, il demeure que
les choix antérieurs ou actuels laissent
craindre un ajustement systématique
au détriment des générations à venir
notamment en matière d’équité fiscale
ou de réformes des systèmes sociaux. Si
le « pouvoir électoral gris » des jeunes
retraités du baby-boom permet pour une
part de rendre compte de cette tendance,
l’enjeu de la dépendance pourrait cependant permettre de réfléchir sur la nécessité de préparer la croissance future.
'"6#3:-06*4
PRAG À L’IEP DE LILLE
M. SYLVAIN,
PROFESSEUR D’AEHSC EN CPGE
ECE AU LYCÉE FLAUBERT DE ROUEN
BIBLIOGRAPHIE
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janvier 2009.
[2] Azizi K. et Pereira C., « Comparaison internationale des dépenses de santé : une analyse
des évolutions dans sept pays (1970-2002) », Dossiers solidarité et santé, Drees, n° 1,
janvier-mars 2005.
[3] Aubert P. et Crépon B., « La productivité des travailleurs âgés : une tentative d’estimation », Économie et Statistique, n° 368, 2003.
[4] Bodier M., « Les effets d’âge et de génération sur le niveau et la structure de la consommation », Économie et Statistique, n° 324-325, 1999.
[5] Cotis J.-P., « Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunération
en France », rapport, INSEE, 2009.
[6] Commission européenne, « Demography Report 2010. Older, more numerous and
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[7] Commission européenne, « Public finances in EMU 2010 », rapport, 2010.
[8] Huber H., « Le vieillissement de la population va-t-il entrainer une explosion des
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[9] INSEE, « Projections de population à l’horizon 2060 », INSEE Première, n° 1320, octobre 2010.
[10] INSEE, « Projections de population à l’horizon 2060. Des actifs de plus en plus nombreux et âgés », INSEE Première, n° 1345, avril 2011.
[11] Viriot-Durandal J.-P., Le Pouvoir gris : sociologie des groupes de pression de retraités,
PUF, 2003.
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