Les effets du vieillissement sur l`économie française
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Les effets du vieillissement sur l`économie française
mensuel d’informations économiques et sociales 262 NOVEMBRE 2011 Les effets du vieillissement sur l’économie française FLORENT AUBRY-LOUIS ET MICKAËL SYLVAIN Le vieillissement démographique est un phénomène lent et progressif, qui sera amplifié, pour les quinze ans qui viennent, par le choc du « papy-boom ». Problèmes de financement de la protection sociale et hausse de la dette publique, baisse de l’épargne, du chômage et de la productivité sont les conséquences économiques habituellement attendues. Ces conséquences s’avèrent néanmoins très incertaines tant il est difficile d’anticiper les évolutions de long terme des comportements et de l’environnement économiques. Finalement, si le vieillissement démographique est un problème, il est bien plus politique qu’économique : c’est celui de la répartition des richesses entre les différentes générations. LA NOUVELLE DONNE DÉMOGRAPHIQUE En France comme dans de nombreux pays, deux phénomènes démographiques se manifestent : les générations actuelles ont moins d’enfants (vieillissement par le bas) et elles vivent plus longtemps qu’autrefois (vieillissement par le haut). L’allongement de l’espérance de vie et la baisse de la fécondité produisent le vieillissement de la population française, lequel se mesure par l’augmentation de l’âge moyen de la population. En France en 2008, l’espérance de vie est de 78 ans pour les hommes et de 85 ans pour les femmes, alors que la fécondité s’élève à 2 enfants par femme, taux tout juste inférieur au seuil de renouvèlement des générations de 2,1. À mesure qu’elle vieillit, la population française continuerait pourtant de croitre pour atteindre 73,6 millions en 2060 contre 64,3 millions en 2009 [9]. D’ici 2025 à 2035, le vieillissement de la population française sera surtout fortement accéléré par un véritable « papy-boom ». En effet, les générations nombreuses du « baby-boom » – au sens ici de cohortes de naissance supérieure à 800 000 en France entre 1946 et 1973, et non seulement de fécondité élevée de 1941 à 1964 – franchiront les unes après les autres l’âge de 60 ans. Ce choc démographique massif constitue une « nouvelle transition démographique » en France comme en Europe. Il signifie la dégradation rapide du ratio de dépendance des personnes âgées, mesuré par le quotient des plus de 65 ans aux 15-64 ans. La démographie française apparait cependant avantageuse comparée à de nombreux pays européens (encadré 1). L’augmentation du ratio de dépendance est fortement marquée jusqu’en 2035 puis devient très faible ensuite [10]. Sa population continuant à progresser après 2035, la France devrait devenir la première puissance démographique européenne en dépassant l’Allemagne. 1 ENCADRÉ 1. CARTOGRAPHIE DE LA DÉGRADATION DES RATIOS DE DÉPENDANCE EN EUROPE Moyenne UE en 2007 70 % Pologne Slovaquie ratio de dépendance en 2060 65 % Lituanie Roumanie 1 Lettonie Bulgarie Slovénie République Tchèque 60 % Malte Italie Allemagne Espagne Hongrie Grèce Estonie Portugal 55 % 5 4 Pays-Bas 45 % Irlande 40 % Moyenne UE en 2060 Autriche Finlande 50 % Chypre 2 Suède Belgique France 3 Norvège Danemark Royaume-Uni Luxembourg 35 % 15 % 17 % 19 % 21 % 23 % 25 % ratio de dépendance en 2007 27 % 29 % 31 % On peut ainsi distinguer 5 groupes de pays au sein de l’Union européenne des 27 : – les pays avec un ratio de dépendance des personnes âgées inférieur à la moyenne communautaire en 2007 mais supérieur à cette moyenne en 2060, (groupe 1) soit les nouveaux États membres de l’UE – avec les cas extrêmes de la Pologne et de la Slovaquie – et l’Espagne ; – les pays avec un ratio de dépendance inférieur à la moyenne communautaire en 2007 et en 2060 (groupe 2) soit le Royaume-Uni, le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg, Chypre et l’Irlande ; – les pays avec un ratio de dépendance proche ou supérieur à la moyenne communautaire en 2007 et inférieur à cette moyenne en 2060 (groupe 3) soit la France, la Belgique, la Suède, l’Autriche et la Finlande ; – les pays dont les ratios de dépendance sont proches de la moyenne communautaire en 2007 comme en 2060 (groupe 4) soit le Portugal et l’Estonie ; – enfin, les pays avec un ratio de dépendance supérieur à la moyenne communautaire en 2007 et en 2060 (groupe 5) soit l’Allemagne, l’Italie et dans une moindre mesure la Grèce. Source : adapté du Conseil d’orientation des retraites, document de travail n° 9, décembre 2010. L’ABSENCE DE SOLUTION STRICTEMENT DÉMOGRAPHIQUE 2 Il peut être tentant d’estimer qu’un « problème démographique » peut trouver une « solution démographique ». Or, les différents scénarios proposés par l’INSEE viennent relativiser fortement la portée de cet argument [9,10]. Les trois facteurs qui peuvent atténuer les hypothèses centrales des projections démographiques sont un relèvement de la fécondité, une augmentation du solde migratoire et un ralentissement des gains d’espérance de vie. Aucun de ces facteurs considérés isolément ou même la combinaison de ces variables ne semble cependant offrir de solution radicale à la dégradation du ratio de dépendance. Ainsi, il est devenu peu crédible de revenir à un indice de fécondité de l’ordre de 3 enfants par femme (comme observé dans les années 1950) du fait des modifications socioculturelles des comportements qui peuvent être jugés irréversibles (maitrise de la procréation, activité des femmes, urbanisation, etc.). Avec une fécondité de 2,1 enfants par femme contre 1,95 dans le scénario central, la part des plus de 60 ans en 2060 serait de 33 % contre 35 % dans le scénario central. L’augmentation du solde migratoire, parfois proposée comme solu- tion à la question des retraites n’est pas non plus sans poser de problème. Il faudrait en réalité 600 000 entrées par an pour stabiliser le ratio de dépendance, soit un chiffre largement supérieur au maximum atteint au début des années 1960 (250 000) en période de plein-emploi et de pénurie de main-d’œuvre. Par ailleurs, cet afflux devrait logiquement se traduire par des flux encore plus importants lors du départ à la retraite de ces mêmes immigrés pour maintenir le ratio de dépendance. Il s’ensuivrait donc une trajectoire exponentielle du solde migratoire difficilement compatible avec la capacité d’absorption du marché du travail. QUELS EFFETS SUR LA CONSOMMATION ET L’ÉPARGNE ? Par définition, la hausse de l’espérance de vie allonge la vie du consommateur. L’effet sur la consommation est-il forcément positif ? À revenu identique, la consommation des séniors est inférieure à celle des actifs plus jeunes. Cependant, cet effet d’âge est atténué par un effet de génération : les générations du baby-boom conservent, en vieillissant, des habitudes de consommation supérieure vis-à-vis des générations antérieures [4]. Par ailleurs, selon la théorie du cycle de vie attribuée à Franco Modigliani, les individus cherchent à lisser leur consommation par-delà les variations de revenu à l’aide de prêts et emprunts sur l’ensemble de leur cycle de vie. Souvent emprunteurs en début de cycle de vie, ils sont épargnants en milieu de cycle pour rembourser leurs emprunts initiaux et anticiper la baisse de leurs revenus à la retraite, période au cours de laquelle ils désépargnent. Or, le papyboom d’ici 2025-2035 pourrait se traduire par la baisse du poids des actifs épargnants par rapport aux inactifs retraités désépargnants. Que le système de retraite soit par répartition ou par capitalisation ne change rien. Les deux systèmes sont également affectés par le papy-boom et par la hausse de l’espérance de vie. Doiton par conséquent s’attendre à une diminution de l’épargne en France dans les années à venir ? Ce n’est pas sûr, car une hausse du taux d’épargne aux âges actifs peut se produire, si se développe une épargne de précaution liée aux craintes de ces générations pour leurs propres retraites. Or, de telles craintes peuvent se justifier par l’instabilité croissante du système de retraite en France depuis les années 1990 (indexation des pensions sur les prix et non plus les salaires nets, calcul plus désavantageux du salaire de base, allongement de la durée de cotisation donnant droit à une pension à taux plein et décote, recul de l’âge de départ, etc.). La structure de la consommation peut également être modifiée par le vieillissement démographique. Certes, là aussi, les effets de génération semblent importants. Les générations anciennes ayant vécu dans un contexte économique très différent de celui des générations plus récentes ont, au même âge, des modes de consommation différents. Si 60 % des sexagénaires nés entre 1915 et 1919 possédaient une automobile, ils sont plus de 80 % pour les générations nées après 1930 [4]. Par-delà les effets de génération, le vieillissement devrait pourtant bien avoir un effet important sur certains secteurs, comme ceux des services à la personne et des dépenses de santé [6]. En effet, les dépenses de santé augmentent avec l’âge : les dépenses de soins sont de 2 à 2,5 fois supérieures entre 60 et 80 ans et de plus de 3,5 fois au-delà, à ce qu’elles sont entre 40 et 50 ans. Pourtant, le vieillissement n’explique qu’une faible part de la progression des dépenses de soins. D’une génération à l’autre, la population a surtout de plus en plus accès aux innovations thérapeutiques, dont certaines seulement sont plus spécifiquement destinées aux personnes âgées (la chirurgie de la cataracte par exemple). Les progrès médicaux augmentent les couts de traitement, et leur diffusion, souhaitée par la population, est en fait la cause principale de la hausse des dépenses de santé. Sur la période 1992-2000, l’augmentation des dépenses de soins induite par la modification des pratiques à âge et morbidité donnés aurait ainsi été près de quatre fois supérieure à l’effet du changement de la structure d’âge de la population [8]. De manière générale, l’évolution du poids des dépenses de santé dans le PIB dépend de bien d’autres facteurs que du vieillissement démographique. Il s’agit d’abord de l’évolution de la richesse nationale, des prix relatifs des soins et produits de santé, du progrès technique notamment en ce qu’il étend l’offre de soins, mais aussi, des modes de régulation du système et de l’effet à long terme des réformes. [2]. LE PROBLÈME DE FINANCEMENT DU SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE Le ralentissement de la croissance, la montée du chômage et, dernièrement, l’ampleur de la crise ont pesé sur les recettes et les dépenses du système de protection sociale français depuis plus de trente ans. Ces difficultés de financement sont accentuées par le vieillissement démographique, du fait des dépenses de santé, et plus spécifiquement du financement du système de retraite par répartition, sensible à la dégradation du ratio de dépendance. On estime que la hausse de la dette publique en France ces trente dernières années s’explique ainsi, en partie, par le besoin de financement permanent des organismes de protection sociale en dépit des réformes qui ont cherché à le diminuer. On peut même considérer que la dette publique telle qu’elle est calculée par la comptabilité nationale est sous-estimée, car elle ne prend pas en compte les engagements implicites de l’État à l’égard des générations futures. La Commission européenne intègre cette dette implicite dans ses projections : elle évalue les besoins de financement futurs du système de protection sociale, d’ici à 2060, à 4,6 points de PIB en moyenne pour l’UE des 27 [7]. Même s’il serait limité à 2,2 points, la Commission estime que la France, avec d’autres, a un défi plus élevé à relever pour assurer la « soutenabilité » de ses finances publiques, compte tenu du niveau élevé de sa dette actuelle (83 % en 2010) et du déficit budgétaire structurel (- 6,8 % en 2010). Le vieillissement de la population française risque effectivement de peser bien plus à l’avenir avec l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes. Aujourd’hui, la prise en charge de ces personnes combine à la fois solidarité familiale et solidarité collective, par le biais de prestations comme l’allocation personnalisée d’autonomie. Or, la solidarité familiale pourrait s’amoindrir, car le nombre moyen d’aidants potentiels par personne âgée dépendante aura tendance à diminuer. 3 GRAPHIQUE 1. PROFIL DE PRODUCTIVITÉ ET COUT SALARIAL SELON L’ÂGE Industrie 0,3 0,2 0,1 0,0 - 0,1 - 0,2 - 0,3 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 < 25 ans - 0,4 Lecture : la classe d’âge de référence est celle des 35-39 ans (France, 2000). Son niveau de productivité et son cout salarial sont arbitrairement fixés à zéro. Le cout salarial des 40-44 ans est ainsi supérieur de 10 % à celui des 35-39 ans. Source : d’après [3]. QUEL IMPACT SUR LE NIVEAU ET LA STRUCTURE PAR ÂGE DE LA POPULATION ACTIVE ? L’allongement de l’espérance de vie concerne également les actifs, ce qui favorise a priori le potentiel de l’économie. En effet, cet allongement provenant d’une diminution de la mortalité à chaque âge, il engendre mécaniquement une augmentation de l’offre de travail. Certes, le vieillissement peut provenir d’une diminution de la fécondité qui joue en sens inverse. Mais, contrairement à l’allongement de l’espérance de vie, la baisse de la fécondité n’est pas générale dans les pays développés et notamment en France, où la fécondité s’est redressée. La population active continue ainsi de croitre à un rythme soutenu en France. Selon le scénario central des nouvelles projections, le nombre d’actifs augmenterait encore fortement jusqu’en 2025, pour ensuite se stabiliser avant de repartir légèrement à la hausse à partir de 2035 sous l’effet de la fécondité élevée de ces dernières années. En France métropolitaine, le nombre d’actifs serait de 30,1 millions en 2030 et atteindrait 31,2 millions en 2060, soit 2,85 millions de plus qu’en 2010 [10]. Concernant la structure par âge, les deux processus de vieillissement de la population et de la population active sont au minimum décalés. Depuis 2006, avec le départ à la retraite des « babyboomers », le vieillissement de la population active devrait ralentir puisque des générations nombreuses de personnes âgées partent en retraite et sont remplacées par des générations moins nombreuses de jeunes. Mais la France, comme la plupart des pays européens, repousse l’âge de la retraite et met en place des politiques visant à soutenir l’emploi des séniors, de sorte, l’âge moyen des actifs progresserait non pas de 0,8 an mais de 3,3 ans entre 2002 et 2025 [8]. QUELS EFFETS SUR LA PRODUCTIVITÉ ? L’impact du vieillissement sur la productivité moyenne dépend du profil de productivité par âge, or celui-ci est très mal connu. L’opinion courante voudrait que la productivité par âge suive une courbe en U inversée : croissante dans un premier temps grâce aux acquis de l’expérience qui augmentent et améliorent le capital humain, et décroissante ensuite. Cette réduction de la productivité des travailleurs âgés s’expliquerait par la diminution de certaines compétences physiques au-delà d’un certain âge, la détérioration de l’état de santé, l’obsolescence du capital humain acquis durant la période de formation initiale, voire la résistance aux innovations des personnes âgées. L’OCDE montre ainsi que la productivité après 55 ans diminue partout bien davantage en raison de la distance à la formation initiale que par un effet de vieillissement physique. Aubert et Crépon [3] estiment l’évolution de la productivité avec l’âge via la « contribution » des différentes classes d’âge à la productivité des entreprises. La productivité des salariés augmente jusqu’à 40 ou 45 ans, avant de se stabiliser et de diminuer après 55 ans (graphique 1). Le profil de la productivité est proche de celui des rémunérations, du moins, avant 55 ans. Le salaire élevé des travailleurs âgés ne serait donc pas l’obstacle majeur à leur employabilité. Néanmoins, il s’agit de profils moyens de productivité, et non de profils individuels. De plus, les résultats ne concernent que les salariés en emploi, et non l’ensemble des individus. La méthode des auteurs ne permet donc pas d’observer une éventuelle baisse de productivité en fin de carrière pour certaines catégories de salariés, si ces salariés moins productifs ont été évincés du marché du travail. Les études sur données individuelles ne confirment pas cette détérioration de la productivité avec l’âge, notamment parce qu’elles peuvent être compensées par les effets positifs de l’expérience, néanmoins ces effets sont forcément plus limités pour les travailleurs les moins qualifiés. S’il n’est donc pas certain que la productivité individuelle baisse avec l’âge, des études monographiques laissent penser que les entreprises ont tendance à licencier les employés âgés qui leur semblent les moins performants, ce qui peut expliquer leur taux d’emploi relativement faible dans une grande partie de l’Europe. QUELS EFFETS SUR L’EMPLOI ? L’accélération des départs à la retraite peut être a priori perçue comme une chance pour les jeunes entrants sur le marché du travail et le papy-boom serait alors synonyme d’une baisse du chômage. L’argument, malthusien, est cependant fragile. Le raisonnement présuppose que les secteurs, à débouchés constants, auront des besoins de main-d’œuvre équivalents aux sorties du marché du travail. Les taux d’emploi actuels des jeunes et des séniors indiquent cependant que des secteurs à maturité (automobile, mécanique, par exemple) soumis à la concurrence des pays émergents à bas salaires recherchent d’ores et déjà à limiter le poids de la main-d’œuvre, pour 4 ENCADRÉ 2. DEUX MANIÈRES D’ACCROITRE LE REVENU GLOBAL TOTAL POUR ABSORBER LE VIEILLISSEMENT Face à des dépenses croissantes et sous l’hypothèse d’un maintien à minima des niveaux de vie des différentes générations, il devient indispensable d’accroitre le revenu global total. Deux voies complémentaires semblent possibles : tirer profit d’une allocation internationalisée de l’épargne et accroitre la croissance potentielle de l’économie concernée. Le premier scénario suppose une augmentation de l’épargne domestique en vue d’acquérir des actifs extérieurs générant des revenus qui accroissent le revenu global, la mondialisation venant ainsi au « secours des retraites ». Ceci suppose des excédents courants et une stratégie de placement qui ne privilégie pas systématiquement le placement en titres surs mais peu rentables (obligations publiques) sur la détention d’actifs rentables mais risqués (titres privés). La deuxième voie suppose non seulement de rejoindre le niveau de croissance potentielle de l’économie mais aussi de l’élever. La croissance potentielle d’une économie dépend de la taille de la population active (qui dépend donc de la démographie mais aussi des âges sociaux d’entrée et de sortie du marché du travail), du taux de chômage structurel, du taux d’emploi et du progrès technique. Compte tenu des hypothèses généralement retenues par les études prospectives (retour au plein-emploi, élévation des taux d’emploi, report de l’âge de départ à la retraite), seuls des gains de productivité supérieurs pourraient permettre d’absorber le choc démographique sans dégradation des niveaux de vie relatifs. Il s’agit pour des économies à la frontière technologique de susciter un réel processus de destruction créatrice en favorisant l’innovation. faire face au différentiel de couts. Le vieillissement pourrait alors accélérer ce phénomène en incitant les entreprises à embaucher des jeunes mieux formés à des technologies économes en main-d’œuvre, pour compenser des départs accélérés. Sous l’hypothèse d’une population active ne diminuant pas, l’effet des départs à la retraite sur le chômage serait au mieux nul, au pire négatif. Le vieillissement démographique ne garantira donc pas une baisse mécanique du chômage. Le vieillissement peut également susciter le développement de nouveaux secteurs. Un premier domaine concerne les gérontechnologies (domotique, robotique, géolocalisation), qui connaissent un essor remarquable au Japon notamment. On retrouve ici les problématiques habituelles liées à la capacité de l’économie française à faire face à la concurrence internationale et à développer des entreprises innovantes. À l’exception des technologies médicales, la France accuse un retard notable dans ces domaines. La seconde voie réside dans le développement des services à la personne, logiquement peu délocalisables. On estime notamment à 900 000 emplois nets les besoins dans les seuls secteurs des aides à domicile, des infirmiers et des aides-soignants entre 2006 et 2015. Plusieurs questions restent cependant en suspens : ce sont par nature des emplois où les gains de productivité sont faibles (ce qui pèse sur la croissance potentielle de l’économie), les carrières salariales y sont peu attractives et le problème du financement reste entier. VERS UN CONFLIT DE GÉNÉRATIONS ? Si le thème de la guerre des générations a été fortement popularisé ces dernières années en France, du fait, entre autres, de l’amélioration significative du niveau de vie des jeunes retraités relativement à l’ensemble des actifs et surtout des jeunes actifs, le débat est ancien dans les pays anglo-saxons [11]. L’argument principal avancé porte sur le « fardeau laissé aux générations futures » à travers la hausse de la dette publique entretenue notamment par le déficit chronique de financement du système de retraite. Il est toutefois à relativiser, car les administrations publiques ont des actifs financiers qui viennent diminuer la dette publique brute, c’est la dette publique nette ; et les nouveau-nés héritent par ailleurs, d’un patrimoine non financier positif (les infrastructures telles que les routes ou les écoles) qui peut améliorer la croissance potentielle future. Mais la question de la destination de l’endettement et des bénéficiaires reste posée et le déficit public a des dimensions redistributives intergénérationnelles significatives. L’endettement est ainsi, pour une part, alimenté par les dépenses de fonctionnement ou de redistribution, ce qui est difficile de justifier socialement, dans la mesure où il s’agit de reporter le financement de dépenses profitant à des bénéficiaires actuels. En outre, les intérêts BULLETIN D’ABONNEMENT Oui, je m’abonne à Écoflash (10 nosBO BVQSJYEFér#VMMFUJOÆSFUPVSOFSBDDPNQBHOÊEFWPUSFSÊHMFNFOUÆ4$3&/$/%1"HFODFDPNQUBCMFBCPOOFNFOUT 5ÊMÊQPSU!#1'VUVSPTDPQF$FEFY3FMBUJPOTBCPOOÊTr5ÊMÊDPQJFr&NBJMBCPOOFNFOU!DOEQGS ÉCOFLASH 1 an 2 ans PRIX FRANCE ÉTRANGER 30 € 57 € 37 € 74 € QUANTITÉ TOTAL Nom, prénom (écrire en majuscules) Établissement Signature et cachet de l’organisme payeur Prix valables jusqu’au 31 mars 2012 N° Rue, voie, boîte postale 5 Localité RÈGLEMENT À LA COMMANDE r1BSDIÍRVFCBODBJSFPVQPTUBMÆMPSESF EFM"HFOUDPNQUBCMFEV$/%1PVÆDFMVJ EV$3%1EFWPUSFBDBEÊNJF r1BSNBOEBUBENJOJTUSBUJGÆMPSESF EFM"HFOUDPNQUBCMFEV$/%1 5SÊTPSFSJFHÊOÊSBMFEF1PJUJFST $PEFÊUBCMJTTFNFOU DPEFHVJDIFU OEFDPNQUFDMÊ /PNEFMPSHBOJTNFQBZFVS .................................................................... ................................................................... /EF$$1 .FSDJ EF OPVT JOEJRVFS MF O3/& EF WPUSFÊUBCMJTTFNFOU 7&/5& © -6/*5 é r À la librairie de l’éducation, 13, rue du four, Code postal 1BSJTr%BOTMFTMJCSBJSJFTEFT$3%1FUEFT$%%1r1BSDPSSFTQPOEBODFBV$3%1 de votre académie. Retrouvez sur ww.cndp.fr toutes les adresses du réseau Scérén 755A3823 4 sur la dette publique rémunèrent les détenteurs d’épargne qui sont majoritairement des ménages à revenus élevés ou des ménages âgés. Enfin, la charge fiscale pèse de manière inéquitable sur les générations actuelles. Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires en 2008 montre ainsi qu’il existe un biais favorable aux plus de 65 ans dans le système fiscal français. Il en résulte que le poids de l’endettement public n’est pas seulement une question qui se posera dans le futur, mais a des effets redistributifs au sein des générations présentes. D’autres éléments indiquent que le régime de croissance profite aux plus âgés, ce que P. Artus nomme une « économie au service des vieux » [1]. Le gonflement du prix des actifs (boursiers et immobiliers) a ainsi profité aux détenteurs de patrimoine. Or, la proportion de ménages détenteurs de patrimoine financier ou propriétaires augmente avec l’âge. Ce phénomène a été renforcé par la forte aversion des banques centrales pour l’inflation qui a, du début des années 1980 au milieu des années 1990 et contrairement aux années 1970, fortement contribué au maintien de taux d’intérêts réels positifs de l’ordre de 6 %. Il en résulte nécessairement un alourdissement de la charge réelle pour les ménages endettés qui sont majoritairement des ménages jeunes. À l’inverse, les politiques monétaires ont été constamment réactives voire très expansionnistes en cas de chute des actifs (2001-2003, 2008) soutenant donc la valeur des patrimoines. Enfin, la progression des salaires a fortement ralenti sous le double effet d’une exigence accrue de la rentabilité du capital (ce que traduit le recul de la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée) et de l’alourdissement du poids des cotisations sociales. Le rapport Cotis [5] observe ainsi une quasi-stagnation du salaire net entre 1981 et la fin des années 1990. La relative stabilisation des cotisa- tions depuis la fin des années 1990 n’a ensuite permis qu’une légère progression des salaires nets de sorte que leur niveau de 2007 ne représente que 1,2 fois celui de 1983. Le vieillissement semble donc d’ores et déjà avoir pesé sur les rapports entre les générations en augmentant fortement les cotisations sociales. À partir des années 1990, les réformes des retraites reposant non sur l’augmentation des cotisations mais sur le prolongement de l’activité modifient peu la donne : ce sont les générations d’actifs actuelles et à venir qui sont amenées à supporter le cout du vieillissement. D’autant plus que, sans une croissance économique plus soutenue (encadré 2), leur niveau de vie relatif risque de se dégrader lorsqu’elles atteindront l’âge de la retraite. Le vieillissement démographique est déjà engagé. Sa traduction concrète dans le débat de politique économique se résume bien souvent à la question de la « soutenabilité » des régimes de pro- tection sociale. Pourtant, l’enjeu majeur semble bien résider dans la capacité à maintenir une croissance potentielle suffisante pour absorber l’augmentation attendue de certaines dépenses, sous la contrainte d’une certaine équité intergénérationnelle. S’il n’y a pas, a priori, de scénario inéluctable, il demeure que les choix antérieurs ou actuels laissent craindre un ajustement systématique au détriment des générations à venir notamment en matière d’équité fiscale ou de réformes des systèmes sociaux. Si le « pouvoir électoral gris » des jeunes retraités du baby-boom permet pour une part de rendre compte de cette tendance, l’enjeu de la dépendance pourrait cependant permettre de réfléchir sur la nécessité de préparer la croissance future. '"6#3:-06*4 PRAG À L’IEP DE LILLE M. SYLVAIN, PROFESSEUR D’AEHSC EN CPGE ECE AU LYCÉE FLAUBERT DE ROUEN BIBLIOGRAPHIE [1] Artus P., « La crise : fin de l’économie au service des vieux ? », Flash Économie n° 13, janvier 2009. [2] Azizi K. et Pereira C., « Comparaison internationale des dépenses de santé : une analyse des évolutions dans sept pays (1970-2002) », Dossiers solidarité et santé, Drees, n° 1, janvier-mars 2005. [3] Aubert P. et Crépon B., « La productivité des travailleurs âgés : une tentative d’estimation », Économie et Statistique, n° 368, 2003. [4] Bodier M., « Les effets d’âge et de génération sur le niveau et la structure de la consommation », Économie et Statistique, n° 324-325, 1999. [5] Cotis J.-P., « Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunération en France », rapport, INSEE, 2009. [6] Commission européenne, « Demography Report 2010. Older, more numerous and diverse Europeans », Commission Staff Working Document, mars 2011. 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