Téléchargez l`analyse - Orchestre Philharmonique de Strasbourg

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Téléchargez l`analyse - Orchestre Philharmonique de Strasbourg
Dimanche 22 mai 2016 11h
Strasbourg, Auditorium de la Cité de la musique et de la danse
Charlotte Juillard violon
Harold Hirtz alto
Véronique Fuchs violoncelle
Thomas Kaufman contrebasse
Sébastien Koebel clarinette
Sébastien Lentz cor
Philippe Bertrand bassoon
Richard Strauss (1864-1949) / Franz Hasenöhrl (1885-1970)
Till Eulenspiegel einmal anders! op. 28
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Septuor en mi bémol majeur op. 20
Adagio - Allegro molto
Adagio cantabile
Tempo di minuetto
Andante
Andante con moto alla marcia
9’
42’
Tout est dans l’art de la suggestion ! En composant son Septuor, Beethoven songe
aussi à la Première symphonie sur laquelle il travaille déjà. Le Septuor, qui connaîtra
un fantastique succès est une sorte de symphonie en miniature, petite révolution
dans l’univers de la musique de chambre. Un siècle et demi plus tard, Franz
Hasenöhrl accomplit exactement le chemin inverse : son Till Eulenspiegel einmal
anders ! arrange, avec une réjouissante virtuosité, l’une des partitions les plus
ambitieuses de tout le répertoire du postromantisme.
Richard Strauss (1864-1949) / Franz Hasenöhrl
Till Eulenspiegel einmal anders ! op.28
La partition originale, tout d’abord. L’histoire des Plaisantes facéties de Till l’Espiègle
d’après l’ancien conte fripon écrit en forme de rondo (Till Eulenspiegels lustige
Streiche nachalter Schelmenweise in Rondeauform) célébra, en musique, le mariage
du compositeur, en 1894, avec Pauline de Ahna. Strauss envisagea même la
composition d’un opéra sur cette légende brillante. C’est finalement un poème
symphonique, son quatrième, qui vit le jour le 6 mai 1895. Franz Wüllner, créateur de
l’œuvre à Cologne (Strauss était alors indisponible) demanda des précisions au
compositeur qui lui répondit aussitôt : « analyse impossible pour moi car j’ai tout
épuisé dans les notes !»
Till Eulenspiegel avait bien existé au XIVe siècle et l’on sait même qu’il mourut de la
peste à Brunswick. On sait également qu’il fut une sorte de meneur de révoltes de
paysans, ce qui lui valut la haine croissante de la bourgeoisie citadine au fur et à
mesure que grandissait l’écho transformé de ses exploits, tous plus fantastiques les
uns que les autres.
Mais le personnage n’intéressa pas Richard Strauss. Celui qui l’attirait, c’est moins
“Till” que “l’Espiègle” et assurément pas l’emblème d’un révolutionnaire avant
l’heure ! Till Eulenspiegel avait, en effet, bien mérité son châtiment : il avait dispersé
la foule d’un marché, s’était moqué des prêtres et avait séduit des filles… Pour le
compositeur, ces épisodes ne suffisaient pas. Il leur manquait l’esprit parodique et
notre musicien multiplia les « faits d’armes », empila les décors, créa une véritable
mine d’effets sonores, tout en réservant des pièges insensés aux solistes de
l’orchestre. Strauss avait prévenu son auditoire : « Je l’ai composé dans l’intention
qu’on pût bien rire, pour une fois, dans une salle de concerts ! »
« Ce morceau ressemble à une heure de musique nouvelle chez les fous »
commenta Debussy à l’écoute de la musique.
L’arrangement, ensuite. Il est de la main du compositeur autrichien Franz Hasenöhrl.
Ce travail fait appel au violon, à la clarinette, au cor, au basson et à la contrebasse.
Le compositeur évoque le principe d’une « déconstruction » du poème symphonique
de Richard Strauss.
Franz Hasenöhrl a réalisé une pièce virtuose pour petit ensemble, cinq instruments
donnant l’illusion d’une centaine. Le cor et le violon portent ainsi les thèmes de
l’œuvre, mettant “à nu” le caractère de Till Eulenspiegel. Tous les pupitres suggèrent
ainsi la masse et l’extrême variété des timbres. Par ailleurs, Hasenöhrl a réduit la
durée de la partition originale presque de moitié, supprimant ainsi les répétitions et
les passages de transition.
La création de l’arrangement eut lieu en 1954.
Ludwig van Beethoven
Septuor en mi bémol majeur op.20
L’unique Septuor de Beethoven réunit le violon, l’alto, la clarinette, le cor, le basson,
le violoncelle et la contrebasse. Les six mouvements de la partition d'une durée de
près de trois quarts d’heure eurent une influence considérable dans l’histoire de la
musique de chambre au XIXe siècle.
À la fin de l’année 1799, à la même époque que la composition de la Première
symphonie en ut majeur op.21, Beethoven se lance dans l’écriture d’une sérénade,
hommage indirect aux divertimenti de Mozart et de Haydn. L'esprit du
“divertissement” est si solidement ancré dans le public viennois que l'œuvre resta
l’une des plus populaires du compositeur. Pourtant, il ne s’agit en aucune façon
d’une musique d’ameublement, mais bien d’une partition “savante”. Tout comme
Brahms quelques décennies plus tard, Beethoven - alors âgé de 20 ans et qui est
impatient de montrer sa personnalité - explore l’univers de la grande forme par des
essais aux formats réduits, mais sans concession quant à l’écriture. Le Septuor
s’entend par conséquent de deux manières tout comme la Sérénade pour 13
instruments à vent KV.361 de Mozart : il est à la fois un divertissement et un chefd'œuvre du répertoire de la musique de chambre. Beethoven ne se plaignit pas de la
confusion des genres car il vendit bien plus de partitions de cette pièce que de la
plupart de ses sonates pour piano ! Plus encore, il encouragea les nombreuses
transcriptions, conscient qu’il lui fallait séduire les amateurs afin de renforcer sa
notoriété. Il écrivit à son éditeur viennois Offenser : « Pour une meilleure diffusion et
un plus grand profit, on pourrait l’arranger pour clavier […] il serait très bien
d’arranger le Septuor également pour flûte, par exemple en quintette ; on aiderait
ainsi les amateurs de flûte qui m’en ont déjà fait la demande, ils se jetteraient dessus
comme des mouches sur le miel. » Quant au public, il approuva sans réserve ce qu’il
croyait n’être qu’un hommage au viennois Mozart. De son côté, la critique fut des
plus élogieuses : « Enfin, M. Beethoven a pu obtenir la salle du théâtre pour un
concert à son bénéfice qui a été certainement l’un des plus intéressants que nous
ayons vu depuis longtemps. Il a joué un nouveau concerto de sa composition
contenant de nombreuses beautés. Après ce morceau, nous avons entendu un
Septuor écrit par lui avec beaucoup de goût et de sentiment… ».
Quelques années plus tard, Beethoven s’agaça du succès de la partition qui occultait
ses autres œuvres : « Il y a là-dedans beaucoup d’imagination, mais peu d’art… En
ce temps-là, je ne savais pas composer. Mais maintenant, je crois que je le sais. »
La nomenclature de la partition démontre, avec un choix d'instruments à cordes et à
vents mêlés, une volonté d’assombrir la couleur sonore. On remarque tout d'abord
que Beethoven ne fait pas appel au quatuor à cordes traditionnel. En effet, il
supprime le second violon et ajoute, comme pour mieux accentuer la profondeur du
récit, le registre de la contrebasse. Ensuite, du côté des pupitres des vents, il
sélectionne des instruments aux tessitures médianes et graves.
Le premier mouvement, Adagio - Allegro molto s’ouvre à la manière d’une
introduction d’opéra (Mozart fait de même dans sa Sérénade pour 13 instruments à
vent !). Ce climat solennel laisse tout le temps nécessaire pour que chaque
instrument se présente avant le lever hypothétique du rideau. Puis, surgit une
rengaine, un Allegro molto, vif avec des notes piquées. Le violon et la clarinette
s’imposent comme les maîtres d’œuvre. Leur partition fait appel à une technique
instrumentale qui interdit la pièce aux amateurs qui ne sont pas d’un excellent
niveau. Le second thème est exposé aux cordes seules, à la manière d’un choral. Le
motif rythmique s’impose à nouveau. Dans la coda, c’est au tour du cor de prendre
l'ascendant. Il accentue ainsi la dimension quasi symphonique du finale.
L’Adagio cantabile en la bémol majeur s’ouvre avec la clarinette. L’expressivité dolce
de cette page est prémonitoire. Comment ne pas déjà songer aux œuvres tardives
pour clarinette de Brahms ?
Le troisième mouvement, Tempo di minuetto est une rengaine amusante. C'est un
menuet dont la facilité de mémorisation étonne avec son rythme syncopé et obstiné.
Beethoven reprend le thème qu'il a déjà présenté dans la Sonate op.49 n°2 (n°20 en
sol majeur) composée en 1796.
L’Andante qui suit se compose d’un Tema con variazioni. Cette fois-ci, le
compositeur s’est inspiré d’une chanson de bateliers du Rhin pour laquelle il a tissé
cinq variations et une coda. Le violon et la clarinette assurent alternativement la
prima voce.
Après cette page au contrepoint bien ciselé, le Scherzo, allegro molto e vivace est
dominé par le cor. En quelques notes descendantes, il lance une série
d’exclamations reprises par tous les instruments. Beethoven nous surprend comme
dans le trio qui met en valeur la justesse et l’intonation du violoncelle.
Le finale, Andante con moto alla marcia, semble achever curieusement la partition
dans un climat de marche funèbre. La solennité des couleurs du cor contrastent avec
le Presto, attaca subito. Cette conclusion en forme de rondo traditionnel et de
mouvement perpétuel est aussi brillante et enjouée que peut l'espérer le public.
Le Septuor aurait été joué pour la première fois le 20 décembre 1799 au Restaurant
Jahn. Le fidèle Ignaz Schuppanzigh (1776-1830) qui assura, entre 1790 et 1828, la
plupart des créations des pièces avec violon de Beethoven se chargea de
l’organisation de la petite manifestation. La création publique eut lieu le 2 avril 1800,
en même temps que celle de la Première symphonie et du Concerto pour piano en ut
majeur.
Beethoven dédia la partition à Marie-Thérèse, épouse de l’empereur François II.
Discographie conseillée
Strauss
• Orchestre de chambre de Lahti, dir. Osmö Vänskä (Ondine)
• Octuor de l’Orchestre philharmonique de Berlin (Philips)
Beethoven, Septuor
• Membres du Nouvel Octuor de Vienne (Decca)
• Ensemble Walter Boeykens (Harmonia Mundi)

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