« J`AI CHOISI DE RIRE »
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« J`AI CHOISI DE RIRE »
PORTRAIT Géraldine Fasnacht Géraldine Fasnacht PORTRAIT Professionnelle avec passion : Géraldine conquiert ses interlocuteurs en un rien de temps. Portrait Géraldine Fasnacht « J’AI CHOISI DE RIRE » Géraldine Fasnacht était une des meilleures snowboardeuses en freeride, main tenant elle fait sensation en tant qu’adepte du basejump. Pourtant elle a dû com poser avec deux gros coups du sort. L’histoire d’une femme qui « a décidé de rire, malgré tout ». 114 « Vous savez, il a toujours eu très peur pour moi », ditelle. « Et puis finalement c’est lui qui est parti. Beau coup trop tôt. » Géraldine Fasnacht est assise dans un bar au décor lourd de bois sombre et de rideaux en tissu. Ici, dans un hôtel un peu en dehors de Lausanne, elle va présenter ce soir son nouveau film « One step beyond » devant des hommes d’affaires. « Un portrait très intime », dit-elle. Le 30 décembre 2006 en fait bien sûr partie. Géraldine Fasnacht et son premier mari Sébastien Gay étaient partis faire du ski et du parapente. Ils partageaient la même passion pour la nature et les montagnes, mais aussi pour le speedflying. Peu avant de heurter un rocher, il s’était encore retourné pour la regarder, raconte l’aventurière de 33 ans. Elle semble tout à coup très sé- rieuse, ses mains serrées se crispent, son sourire, ses yeux brillants et ses dents blanches ont disparu. La vie suit un scénario Géraldine Fasnacht, l’adepte du snowboard, de l’escalade, du basejump et de la randonnée sait conquérir ses interlocuteurs en un rien de temps. Il est difficile de se soustraire à son énergie, son enthousiasme et à sa joie de vivre. Pourtant lorsqu’elle parle de la mort de son mari, une ombre vient se glisser sur elle. Mais on sent aussi que ce coup du sort n’a pas détruit la vie de Géraldine Fasnacht, elle a su y faire face et grandir. Elle a opté pour la vie. Elle dit : « T’as toujours le choix dans 115 PORTRAIT Géraldine Fasnacht la vie : tu peux rire ou pleurer. J’ai choisi de rire. » Bien sûr, ce ne fut pas si facile. Après cet accident tragique elle s’est retirée dans la nature avec sa maman. Géraldine Fasnacht avoue que la nature a toujours été son refuge, « parce qu’elle ne se fout pas de nous. Tu reçois ce que tu as semé. » Jacqueline Scarone, sa maman, raconte aujourd’hui qu’elles ont beaucoup parlé et pleuré lors de longues promenades. Mais elles ont aussi compris qu’on ne doit pas se laisser écraser par sa propre souffrance au vu de la misère d’autres gens. Il faut savoir que Jacqueline Scarone a créé une fondation privée en faveur d’enfants défavorisés en Roumanie et en Suisse. Géraldine et Jacqueline se sont demandées : « Avons-nous le droit de jeter notre vie, face à ces enfants qui n’ont pratiquement aucune perspective ? » « Non ». Parallèlement, la mère et la fille sont arrivées à la conclusion que le jour de notre mort est prédéterminé et qu’il faut profiter au maximum du temps qui nous en sépare. En ayant une vie rythmée par la passion. Notre vie est-elle vraiment prédéterminée ? Tout le monde n’y croit pas. Mais que Géraldine Fasnacht et sa Ne pas se laisser abattre : faire le deuil, … 116 Géraldine Fasnacht PORTRAIT maman le pensent ne surprend guère. Toutes deux ont dû faire face à un autre coup dur dans leur vie. Mais concentrons-nous d’abord sur l’histoire de Géraldine Fasnacht en tant que sportive couronnée de succès. Histoire dans laquelle sa maman joue un rôle important. Elles sont très liées. La maman parle de sa fille comme d’une personnalité « merveilleuse, respectueuse et responsable », Géraldine parle d’une « maman parfaite ». Jacqueline est partie très tôt en montagne avec Géraldine, qui, à deux ans est déjà sur les skis. Elle les maîtrise si bien qu’elle n’a pas été du tout contente lorsque sa maman lui offre un snowboard à l’âge de dix ans. La première journée sur cette planche fut horrible, se rappelle Géraldine. Petit à petit elle l’a mieux maîtrisée, finalement, c’est allé si bien qu’elle n’est partie à la découverte des montagnes plus qu’avec sa planche. Elles montaient à Verbier chaque week-end et toutes les vacances d’hiver. Un jour un groupe de jeunes hommes invita Géraldine Fasnacht à par ticiper à une compétition de freestyle – qu’elle gagna. Elle s’est fait un nom sur la scène régionale de la compétition, où elle est pratiquement la seule femme. … digérer … « Trop de pression sur le circuit professionnel » Plus tard, son apprentissage commercial terminé, alors qu’elle était en train de se former à l’aéroport de Genève en tant que spécialiste des services aéroportuaires, elle a reçu un appel du responsable du Verbier X-trem. À l’époque déjà, toutes les stars de la scène y participaient. On voulait lui attribuer une wildcard pour l’année suivante, ce qui lui permettrait d’accéder au sport professionnel. Problème : pour préparer la compétition, Géraldine devait abandonner son travail bien payé à l’aéroport – et donc abandonner aussi une bonne partie de sa sécurité. Son père était contre. Lui et sa maman s’étaient séparés très tôt. Son père lui a appris à être persévérante, à suivre une voie de manière conséquente et à ne pas tout de suite l’abandonner, raconte-elle. Sa mère lui ouvrait la voie de la spontanéité, le goût de découvrir sans cesse des choses nouvelles. Géraldine Fasnacht a choisi la voie de sa maman. Elle a démissionné de son poste à Genève. Elle se rappelle que son père a mis « très très longtemps » avant de lui adresser à nouveau la parole. Mais elle sait pertinemment qu’il est fier d’elle. Le changement de voie valait la peine. Elle a gagné la compétition de Verbier du premier coup, puisque « j’y allais sans appréhension et sans pression. » Ceci ne devait pas rester le seul succès sur le circuit professionnel. En tout, la Vaudoise a accumulé onze victoires lors de compétitions internationales de freeride, dont trois à Verbier. Elle a terminé sa carrière en 2009 lorsqu’elle s’est déchiré un ligament croisé. Elle avait le sentiment qu’elle n’aurait plus pu atteindre le même niveau après la blessure, en plus, elle ne se sentait plus très à l’aise sur le circuit professionnel. « Il y avait trop de pression. Même si les conditions n’étaient pas idéales, la compétition devait être menée à tout prix. Elle ne voulait plus s’exposer à ce genre de risque. » Elle est évidemment restée fidèle à la nature et au sport. Enfin, elle a pu commencer à réaliser son plus grand rêve. Petite fille, elle accrochait déjà des cordes dans toute la maison pour « voler » de chambre en chambre. Le snowboard permet de « voler sur la neige » … et à nouveau sourire. 117 PORTRAIT Géraldine Fasnacht PHOTO David Ravanel icelantic Fille de la poudreuse : pendant longtemps l'élément préféré de Géraldine a été la neige - maintenant ce sont les airs. dit-elle, ce qui n’est pas possible avec les skis. Et ce rêve de voler ne la lâcha plus. Surtout pas après le deuxième coup du sort évoqué plus haut. En 2000, son demi-frère Grégory, âgé de 8 ans à l’époque, a été accroché par une voiture avec son meilleur ami. Les deux sont décédés. C’est à ce moment-là que Jacqueline Scarone a mis sur pied la fondation pour les enfants défavorisés. Elle pense que c’est surtout après cet accident tragique que Géraldine a voulu réaliser son rêve de voler, « peut-être pour être plus proche de son petit frère au ciel. » Et c’est ainsi que Géraldine Fasnacht a découvert le parachutisme et le basejump. Elle pratique cette dernière discipline avec des combinaisons qui lui permettent d’atteindre des vitesses jusqu’à 180 kilomètres par heure et avec lesquelles il est possible de voler à quelques mètres du sommet des arbres ou des parois rocheuses. Certains trouveront paradoxal de vouloir assimiler la mort de son propre frère par une discipline sportive qui déplore régulièrement des victimes. En évoquant cela, Géraldine Fasnacht se montre combative. Elle en a définitivement marre d’être prise pour 118 PORTRAIT Géraldine Fasnacht Géraldine Fasnacht PORTRAIT « Une bière après une poussée d’adrénaline » PHOTO Lineprod.ch Géraldine Fasnacht en dit davantage sur la vie, les beaux hommes, Léonard de Vinci et l’interdiction de stylos feutres pour les enfants. Bière ou vin ? Cela dépend. Après une poussée d’adrénaline je préfère la bière. La femme-oiseau : basejump et vols en wingsuit comme deuxième carrière. La personnalité la plus impressionnante de l’histoire ? Léonard de Vinci. Il dessinait des machines volantes ca pables de fonctionner déjà au 15e siècle. Quel visionnaire ! Sujet de votre dernière dispute ? J’ai eu un accrochage avec un policier qui m’a mis une contra vention pour excès de vitesse. Il était désagréable et me trai tait de haut. Je ne supporte pas ce genre de comportement. PHOTO Lineprod.ch « J’EN AI MARRE D’ÊTRE PRISE POUR UNE FOLLE » Vous alliez beaucoup trop vite? Non, justement pas, seulement quelques kilomètres heure de trop. C’est aussi pour cela que je n’ai pas compris sa sévérité. Lettre ou e-mail ? Une lettre, c’est plus sexy. Brad Pitt ou Leonardo di Caprio ? Pitt, sans hésitation. une « folle » et souhaite convaincre les gens du sérieux de son sport. « Nous ne sommes certainement pas des fous furieux qui mettent leur vie en péril. Au moindre risque, nous abandonnons. » Ce qui est important, c’est de bien choisir sa ligne, tout comme en freeride avec le snowboard. Chacun décide pour soi des distances avec les parois rocheuses, il faut être courageux et solide dans sa tête pour renoncer à un vol. « Une vraie adepte du basejump sait renoncer à un vol en raison de risques trop importants – même après avoir fait une ascension de huit heures – et redescendre à pied. » Cela en dit long sur le sérieux de Géraldine, car il n’y a rien qu’elle déteste autant que redescendre à pied – c’est aussi pour cela qu’elle est toujours partie en montagne avec son snowboard sur le dos. Dans le monde des adeptes du basejump, elle fait également partie de la cour des grands. Après environ 300 sauts depuis un avion, elle s’est approchée peu à peu du vol dans les montagnes. Les deux derniers pas avant 120 le saut doivent être parfaits, sinon on risque de grosses difficultés. En 2009 elle a fait partie d’une équipe qui est partie en expédition pour tenter pour la première fois des sauts depuis les montagnes de l’Antarctique. En 2012 elle fut la première à sauter depuis le sommet du Petit Dru, qui culmine à plus de 3700 mètres, dans le massif du Mont-Blanc. Elle avoue être très fière de cette performance. Elle se sent à l’aise dans la communauté des adeptes du basejump dont elle souligne tout particulièrement « la grande solidarité et l’entraide. Nous nous entraidons et protégeons parmi. » C’est dans ce sport qu’elle a failli perdre une autre confidente. La Norvégienne Karina Hollekim, free rideuse et adepte du basejump tout comme Géraldine Fasnacht, s’est écrasée au sol lors d’un saut en parachute. Elle a survécu, en ayant eu beaucoup de chance. Ses jambes étaient fracturées en 21 endroits. Elle a dû met tre un terme à ce sport, par contre elle arrive encore à skier un peu. Elle accompagne parfois son amie Géral- dine Fasnacht jusqu’au lieu de décollage. Du coup elle a le sentiment « de faire à nouveau partie du groupe, d’être proche de l’aventure et d’avoir du plaisir. » La Norvégienne de 37 ans dit que Géraldine est une amie très fiable, particulièrement ambitieuse dans le domaine sportif et qu’elle suit ses objectifs de manière conséquente. « Une touche d’égoïsme en fait partie, sinon tu ne vas pas très loin en montagne. » Oser de nouvelles aventures C’est encore dans la nature que Géraldine Fasnacht a trouvé son nouvel amour. Curieusement, elle a dû aller jusqu’au pôle nord pour rencontrer le guide de montagne français Sam Beaugey. Ils se sont mariés il y a deux ans. La fête a eu lieu sur une plage à Sainte-Marie, une petite île proche de la côte est de Madagascar. Ils étaient pieds nus, raconte-t-elle, elle voulait une « petite fête intime ». Conseillères fédérales : Leuthard ou Sommaruga ? Je n’y connais rien en politique ! (sourit.) Qu'interdiriez-vous à vos propres enfants de faire, alors que vous, vous l'avez déjà fait? Colorier les meubles et les murs avec des stylos feutres ! (sourit.) Chocolat ou fruits ? Chocolat. La meilleure chanson de l’histoire ? « Imagine » de John Lennon. Ma mère l’écoutait souvent lorsque j’étais dans son ventre. Le meilleur snowboardeur freerider de l’histoire ? Le Français Xavier de La Rue. Un snowboardeur fantastique, courageux, dynamique, techniquement fort et un bon ami ! Un vœu ? Avoir une famille heureuse et en bonne santé, puis de nom breux projets passionnants. 121 OMNI-HEAT®. CHAUD, RESPIRANT, PHOTOGÉNIQUE. The Shimmer Flash II™ La femme-sourire : c'est dans la nature que Géraldine a trouvé un nouvel amour. Géraldine Fasnacht – survole tout ÂGE 33 ans FAMILLE Mariée à l’alpiniste et guide de montagne Sam Beaugey PROFESSION Snowboardeuse, freerideuse, alpiniste, adepte du basejump (avec wingsuit) PERFORMANCES SPORTIVES onze victoires en tant que freerideuse professionnelle, dont trois à l’X-treme de Verbier. En 2009 elle a fait partie d’une équipe qui a tenté pour la première fois des vols basejump en Antarctique. 2012 : premier vol basejump du Petit Dru (3733 m) dans le massif du Mont-Blanc. FILMS « Holtanna, l’aventure Antarctique » - documen taire de l’expédition basejump en Antarctique ; « One step beyond » - « un portrait très intime », comme elle le dit elle-même. INFOS www.lineprod.ch À la question si elle souhaite un jour avoir des enfants, elle répond avec un large sourire. « Oui, bien sûr ! Mais je suis incapable de dire si cela se fera vraiment. » Elle dit avoir arrêté de faire des plans dans sa vie. Aujourd’hui elle ne pense pas au-delà du prochain projet. Entre-temps, les hôtes ont visionné le portrait cinématographique de Géraldine Fasnacht à l’hôtel près de Lausanne. Ils en sont ravis et posent des questions à l’artiste des airs jusqu’à ce que le personnel de cuisine leur fasse signe qu’il est temps de manger. Géraldine Fasnacht sourit. Elle leur souhaite bon appétit et le courage « de toujours oser de nouvelles aventures dans la vie. » ✸ TEXTE Peter Bader PHOTOS Anita Vozza/zVg TISSU RESPIRANT DOTÉ DE POINTS ALUMINIUM QUI RÉFLÉCHISSENT LA CHALEUR DU CORPS. KEEP YOUR WARMTH, NOT YOUR SWEAT • COLUMBIASPORTSWEAR.CH 122