le rotary international en corse

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le rotary international en corse
LE ROTARY INTERNATIONAL EN CORSE,
UNE HISTOIRE D’HUMANITE
Le Rotary International a été implanté en Corse en juin 1949 par le docteur Louis
Panero, grande figure du petit monde ajaccien. C’est à partir de cette graine lancée après la
guerre que s’est répandu l’esprit rotarien en Corse.
Mais, reprenons notre histoire au début… 1949 : cela fait quatre ans que les forces de
l’Axe ont été vaincues et demeure dans l’île un fort ressentiment vis-à-vis de la communauté
italienne dont le gouvernement fasciste a occupé la Corse avec brutalité. Le contexte
international est sombre : en ce beau mois de juin naît la trop triste RDA, les américains
évacuent la Corée du Sud, les communistes chinois viennent de prendre Shanghai, les
discussions sur le traité de paix allemand échouent et la France est en crise économique.
Comme le firent Paul Harris et trois autres de ses compères, le docteur Louis Panero crée le
premier club corse que l’on appellera longtemps (et encore parfois aujourd’hui) « Ajaccio
doyen » avec quelques amis tout aussi ajacciens, parmi lesquels l’avocat Robert Franceschi
dont la plaque orne toujours l’entrée d’une maison du quartier des Etrangers (quartiers des
anglais et des allemands qui venaient en cure dans la station balnéaire que fut Ajaccio tout au
long de la seconde moitié du XIXe siècle).
Quelle idée farfelue d’installer une idéologie de paix et d’entente entre les peuples dans
ce contexte ! Pourtant ils le firent. A partir de cette date, ils mirent en application ce qu’ils
prônaient : ils osèrent tenter le développement les liens économiques, culturels et sportifs avec
l’Italie par le biais de la Sardaigne. Cela ne prit que quelques années pour que s’estompent
suffisamment les rancœurs et que l’amitié turbulente des deux îles sœurs recommençât à tisser
sa toile.
Puis débuta l’essaimage : il était normal que le second bastion de la paix soit édifié à
Bastia et cela se fit en 1957. En 1963, Porto Vecchio fut la troisième place forte de la paix à
être érigée par le RC Ajaccio « doyen ». Le Rotary International trouvait sa stabilité sur ce
trépied. Ces deux clubs donneront chacun un gouverneur au district : respectivement Nonce
Natali (1992-1993) et Paul-Noël Cucchi (1981-1982).
Le club bastiais vit ses effectifs s’accroître et créa à son tour un second club sur Bastia,
le RC Bastia-Mariana en 1978 qui donnera également un gouverneur pour le 1730 : Jo Peraldi
(2002 - 2003). Puis, l’histoire se précipite avec la création du RC Calvi-Balagne six ans plus
tard dans une région en pleine expansion économique, celle du RC Aleria qui vécut une
douzaine d’années et l’éphémère RC Corté. Le RC Ajaccio ne fut pas en reste puisqu’il créa,
sous l’impulsion de Jean-Pierre Audisio (futur gouverneur en 2012-2013) le RC AjaccioParata en 1988 qui mettra au monde feu le RC Ajaccio-Méditerranée une dizaine d’années
après.
Aujourd’hui, un peu plus de soixante ans plus tard, le rêve du docteur Panero et de
maître Franceschi est réalisé puisque tous les clubs corses ont un club contact soit en Italie
continentale soit en Sardaigne, soit avec les deux. L’entente entre les peuples est réalisée dans
cette partie du monde.
L’histoire a ce désagrément fâcheux de n’être pas figée et de faire en sorte que ce qui
est acquis ne l’est jamais définitivement. Le Rotary International en Corse continue d’être mis
au défi du monde et de la modernité. Ce « désagrément » l’oblige à continuer à vivre, à ne pas
se cristalliser sur ses acquis et à ne pas s’endormir sur les lauriers de ses fondateurs. Nos
anciens en témoignent : les clubs ne sont plus ce qu’ils étaient « avant », comme chaque
génération d’enfants est différente de ses parents malgré les ressemblances qui existent.
Face à la mondialisation des questions et des sollicitations, face à la diversité des
cultures, face aux entrées et sorties permanentes du fait de l’ouverture des espaces… les clubs
corses ont compris (peut-être encore plus rapidement que quiconque du fait de l’insularité)
que l’enfermement et l’isolement portaient en eux une sclérose fatale. C’est pourquoi, depuis
plus de dix, ils œuvrent ensemble afin de conjuguer leurs efforts : cela est une évidence quand
on évoque une opération telle qu’Espoir en tête, mais représente une volonté quand les six
clubs organisent, le deuxième dimanche de décembre, une vente simultanée de clémentines
sur la base d’une communication commune. Les clubs ajacciens et bastiais œuvrent aussi de
manière conjointe sur un certain nombre d’opérations comme les collectes de fonds sur la
base de manifestations soit culturelles soit ludiques, ou de collectes directes (Mon sang pour
les autres, par exemple), ce qui ne porte en rien atteinte à la singularité de chaque club qui
organise - « aussi » serait-on tenté de dire - des actions individuelles qui naissent de son
identité propre et la renforcent en même temps.
Mais un autre défi se présente aux clubs corses : celui de la jeunesse. Facile à lancer, il
est plus difficile à relever. Premièrement, en Corse, il est un peu plus compliqué de
sensibiliser des étudiants qui sont localisés hors des implantations rotariennes, soit à Corté,
ville universitaire, soit sur le continent ; ainsi échappent-ils de facto à la sollicitation qui
pourrait leur être faite par les rotariens. D’autre part, les jeunes femmes se trouvent
confrontées à une double vie qui est liée à la fois à la nature (la maternité et le rapport
privilégié aux enfants durant leurs premières années de vie) et à leur volonté de travailler tant
du fait de la nécessité financière que dans le cadre de leur développement personnel ; elles
rencontrent plus d’obstacles que les jeunes hommes pour dégager du temps à consacrer à
l’humanitaire. Enfin, et cette difficulté est commune à tous les clubs, ce n’est pas en début de
carrière que l’on s’intéresse généralement aux autres, il y a déjà tellement à faire pour s’en
sortir soi-même ! En fait, il va falloir inventer des solutions neuves comme il faut de
l’imagination pour développer le lien entre l’école et l’entreprise et faire aimer cette dernière
par les élèves.
En ce XXIe siècle, les clubs corses se portent bien : ils sont en moyenne composés de
sexagénaires dynamiques qui prennent du plaisir autant qu’ils essayent de donner de l’espoir
et de l’avenir. L’âge n’est plus ce qu’il était et il n’est plus vrai que l’on est vieux quand on a
atteint la cinquantaine tant les temps ont changé. Il ne faut certainement pas non plus être
obsédé par le jeunisme ambiant mais réfléchir un peu plus loin que la mode…
Peut-être serait-il temps de conclure !
J’ai tendance à regarder en arrière : me critiquera-t-on si j’écris que la seule véritable
évolution qu’a vécue l’humanité est celle de la technologie ? Probablement. Néanmoins,
l’histoire, au moins depuis Abraham, nous montre que la pensée humaine se répète de siècle
en siècle et croit se réinventer, que les comportements humains ne sont pas différents : seuls
l’habillage a changé. Mais c’est parce qu’il y a toujours eu des créateurs et des gestionnaires,
des conquérants et des médiateurs, des utopistes et des traditionnalistes que le monde est
demeuré en équilibre et a survécu aux folies des uns et des autres car il n’est pas de sagesse
humaine.
Alors, du fond de cette Corse qui a toujours été convoitée et a vécu toute son histoire
sous le signe de la guerre, du fond de cette Corse qui a été si souvent conquise mais jamais
soumise, du fond de cette Corse qui a été porteuse de la première démocratie des temps
modernes et a donné sa constitution aux Etats-Unis, du fond de cette Corse qui affirme haut et
fort son identité à la face du monde tout en lui ouvrant son cœur, du fond de cette Corse-là,
environ cent cinquante rotariens affirment qu’ils veulent maintenir l’équilibre du monde en se
rangeant du côté de l’humanité. Ils feraient partie, dit-on, de l’humanité en action …
Pierre FRANCESCHI - RC AJACCIO
Past président
Past ADG de Corse
Président élu 2011/2012
Secrétaire général du District 1730 en 2012-2013