ADOLESCENTS et PRATIQUES MUSICALES

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ADOLESCENTS et PRATIQUES MUSICALES
CEFEDEM Bretagne Pays de la Loire
ADOLESCENTS et
PRATIQUES MUSICALES
Mieux comprendre l’adolescence en vue d’optimiser la
pédagogie de l’enseignement de la Musique
Pauline Moratille
Spécialité Guitare Classique
2010-2011
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SOMMAIRE
INTRODUCTION .............................................................................................................................4
I – Qu’est-ce que l’adolescence ? ......................................................................................5
A - L’adolescent : approche psychologique .....................................................................................5
1°) Une rupture.................................................................................................................................6
2°) Des transformations ...................................................................................................................7
3°) Un moment de crise ....................................................................................................................8
B – Adolescent : approche sociologique .........................................................................................9
1°) Un statut .....................................................................................................................................9
2°) Une identité sociale ..................................................................................................................11
3°) Phénomène de bande ...............................................................................................................12
II- Quelles pratiques musicales ?.....................................................................................15
A - L’adolescent : sa culture musicale ...........................................................................................15
1°) Place de la musique .................................................................................................................15
2°) Quelle musique ?.......................................................................................................................18
3°) Les supports ..............................................................................................................................21
B) L’adolescent : son entrée en Culture ........................................................................................22
1°) La musique : quels apports ? .....................................................................................................23
2°) L’enseignement : son cadre.......................................................................................................24
a)
La charte ........................................................................................................................................... 25
b)
Le schéma d’orientation, des enjeux spécifiques ............................................................................... 25
c)
Projet d’établissement ....................................................................................................................... 26
3°) L’enseignant : sa pédagogie......................................................................................................27
CONCLUSION ...............................................................................................................................32
SOURCES .......................................................................................................................................33
ANNEXES ........................................................................................................................................35
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« Chacun de nous possède une musique d’accompagnement intérieure. Et si les autres
l’entendent aussi, cela s’appelle la personnalité ».
Gilbert Cesbron.
(Ecrivain Français – 1913 / 1979)
Tuteur du mémoire : Bertrand DUPOUY
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INTRODUCTION
Éduquer est l’un des maîtres mots de tout enseignant.
Parallèlement, voire en complément de sa fonction, le rôle de l’enseignant
(conjointement aux parents) est très important pour éduquer les élèves à la citoyenneté,
quelque soit l’âge ou le niveau.
Grandir, c’est se construire pour accéder au monde avec l’aide de ceux qui nous
ont précédés. C’est élaborer un projet, accompagné de ses éducateurs, qu’ils soient
parents ou professeurs.
À partir de là, l’adolescence n’est pas en soi un problème, au contraire, il s’agit
d’une opportunité à saisir, elle devient un espoir. Encore faut-il deviner, comprendre,
interpréter, veiller…
De ce fait, dans l’optique de mieux cerner et comprendre les adolescents, et afin
de répondre au mieux à leurs besoins et attentes, on doit, de prime abord s’interroger
sur ce qu’est l’adolescence : une période de bouleversements, une crise dont il faut avoir
conscience pour enseigner à des adolescents.
J’ai donc souhaité, pour ce mémoire, approfondir l’étude de l’adolescence sous
plusieurs aspects : définir le terme, et expliquer cette période de la vie entre l’enfance et
l’âge adulte, puis prendre en compte ces caractéristiques au regard de l’enseignement de
la Musique.
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I – Qu’est-ce que l’adolescence ?
« L’adolescence est une phase délicate, entre enfance et âge adulte, mais ouverte à tous
les possibles. » Alain BRACONNIER, Daniel MARCELLI – L’adolescent aux mille visages.
Le mot adolescence vient du latin adolescere qui signifie croître, grandir.
Transition entre l’enfance et la vie adulte, cette période entraine de profonds
bouleversements : quels qu’ils soient, les troubles apparaissent comme normaux et ne
valent pas pour l’avenir. Ne dit-on pas communément : « il faut bien que jeunesse se
passe» ? Cette période transitoire entre l’enfant et l’adulte s’avère indispensable : les
adolescents « trop sages » suscitent des inquiétudes, car on peut imaginer que la
crise d’adolescence pourra se produire plus tard, à l’âge adulte, un tel décalage temporel
pouvant provoquer de grandes séquelles psychologiques.
La puberté marque le départ de l’adolescence biologique, mais la fin de celle-ci ne
sonne pas pour autant la fin de l’adolescence. En effet, la puberté s’arrête entre 16 et 18
ans et, malgré tout, l’adolescence se poursuit.
Pour certains auteurs, l’adolescence se termine vers 20 ans, tandis que d’autres la
situent entre 25 et 30 ans, à l ‘occasion de la prise d’autonomie de l’individu qui
détermine la fin de l’adolescence et l’entrée dans la vie adulte.
A - L’adolescent : approche psychologique
« Le complexe du homard », telle est la définition que la psychanalyste Françoise
Dolto a donnée à l’adolescence. Un temps où « l’enfant se défait de sa carapace, soudain
étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur
lui-même ».
Winnicott rappelait que «grandir est par nature un acte agressif» et que « la
sortie de l’enfance n’est nullement réductible à la crise d’adolescence. C’est un passage
nécessaire dont l’issue détermine la tonalité de l’existence : féconde ou frustrée, souple
ou rigide, autonome ou prisonnière. Un passage qu’on remet en chantier à longueur de
vie et qu’il n’est presque jamais trop tard pour entreprendre».
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1°) Une rupture
« L’adolescence, c’est comme une seconde naissance ».Il faut faire le deuil de son
enfance. Si certains adolescents ont le désir de « grandir » très vite, d’autres ont du mal à
quitter le monde protégé de l’enfance. « Le deuil nécessaire mais aussi difficile de
l’enfance est une expérience structurante mais qui peut aussi provoquer des états de
conscience nostalgiques et aussi une grande tristesse ».
Alain BRACONNIER – Jeu et réalité, l’espace potentiel.
L’enfant qui vit en chacun de nous doit disparaître à terme ce qui peut, parfois,
susciter une sensation de mort : plus rien n’est comme avant, mais on ne saurait le
définir avec acuité et clairvoyance. « À l’adolescence, il faut quitter peu à peu la
protection familiale, quitter l’enfance. Cela peut parfois donner l’impression de mourir un
peu et parfois cela va trop vite. On sait ce qui disparait mais on ne sait pas vers quoi on
va 1 ». Cette incursion déstabilisante dans l’inconnu, cette peur du devenir, peut plonger
l’adolescent dans une grande détresse.
Le jeune doit alors se détacher progressivement de ses parents, cesser de les
idéaliser. Pour devenir autonome, il doit rompre le fameux cordon ombilical.
Les conduites à risques s’avèrent également nécessaires à l’adolescent : elles lui
permettent de s’affirmer et forger sa nouvelle personnalité. L’agressivité, les fugues, la
dépression, les échecs amoureux, le rejet des parents, voire la rébellion à l’encontre des
règles sociales, peuvent constituer autant de passages à l’acte initiateur d’une certaine
indépendance.
À ce moment, l’entourage « adulte » reste primordial : d’après Françoise Rougeul
(neuropsychiatre), même si la crise d’adolescence « s’accompagne de tensions et de
souffrances, il ne faut pas vouloir à tout prix éviter ou étouffer la crise mais accompagner
le changement dont elle est le témoin ». Le rôle des parents consiste à écouter, trouver
les bonnes paroles et surtout maintenir la bonne distance entre eux et leur enfant
adolescent. Se sentant ainsi sécurisé et non étouffé, ce dernier pourra acquérir son
autonomie.
Rompre avec l’enfance n’est pas chose aisée et le jeune doit faire face à des
transformations physiologiques qui contribuent à son mal - être.
1
Régis Courtecuisse – Les années métamorphoses (1992).
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2°) Des transformations
L’adolescence se caractérise par des modifications corporelles mais également
par une maturation neurologique, deux bouleversements permettant à l’adolescent de
mieux cerner son environnement.
Toutes ces modifications placent le jeune dans de multiples paradoxes :
autonome et malgré tout dépendant, individualiste, bien que, dans le même temps,
fasciné par le groupe, parfois altruiste ou à l’opposé égoïste, l’adolescent en pleine
mutation fait l’expérience de telles contradictions.
L’adolescence est en tout premier lieu un phénomène pubertaire. Le corps se
transforme à une telle vitesse qu’il en devient autre et le jeune peut s’interroger sur cet
« autre » qu’il devient. Le défi sera d’accepter ces transformations sans se perdre, c'està-dire en maintenant intègre son identité, malgré ce reflet qui change dans le miroir.
Cette image existe aussi pour autrui, elle se structure à travers le regard que les autres
portent sur son corps et le jugement qui l’accompagne : « autrui est un médiateur
indispensable entre moi et moi-même » (Jean-Paul Sartre).
Sur le plan cognitif, le jeune accède à la pensée formelle ainsi que les travaux du
psychologue Jean Piaget (épidémiologiste et psychologue suisse -1896/1980) l’ont
montré. Il acquière la pensée adulte capable d’abstraction, en accédant et en
réfléchissant aux grandes théories. En effet, l’adolescent, devient capable de créer et
d’élaborer ses propres idées, grâce au développement de son esprit critique.
On notera toutefois une nuance importante, apportée tout récemment par la
science : depuis Jean Piaget, on pensait effectivement que le développement du cerveau
et de ses fonctions parvenait dans sa phase finale vers 12 ans. Si l’on constate qu’à ce
moment crucial, le cerveau a atteint sa taille définitive, l’amélioration des techniques
d’imagerie cérébrale prouve aujourd’hui que l’évolution du cerveau est incomplète
jusqu’à 20, voire 25 ans. Ce décalage entre la maturation hormonale, qui pousse les
jeunes à prendre des risques, et celle de la région du cerveau, qui pourrait leur permettre
de se questionner avant de se lancer, tenterait à expliquer certaines conduites à risque.
À l’adolescence, un nouveau paramètre intervient : la maturité sexuelle. La
proximité rassurante des parents, appréciée durant l’enfance devient très vite
insupportable au jeune pubère : il refuse soudain les gestes de tendresse, le moindre
contact.
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Cette maturité va aider l’adolescent à prendre ses distances avec ses parents :
Le professeur Courtecuisse a beaucoup insisté dans son étude de l’adolescence
sur le fait que « c’est le processus de sexualisation qui impose une rupture avec l’enfance.
Il n’y a pas d’autres choix que d’en faire le deuil comme de tout ce qui s’y rattache : le
statut de l’enfant et ses privilèges2. »
L’adolescent doit se réapproprier ce nouveau corps qui devient un moyen
d’expression. Certains vont le mettre en valeur et d’autres, au contraire, le cacher : les
deux expriment en réalité le même malaise face à cette sexualité naissante. C’est parfois
l’âge où apparaissent les complexes.
3°) Un moment de crise
« Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. »
René Char (poète Français – 1907 / 1988)
Irresponsabilité, improductivité, arrogance, impertinence autant de termes
souvent associés à l’adolescence.
D’après le professeur Jeammet, « ce corps méconnaissable, issu du corps perdu
de l’enfance… est porteur de toutes sortes de potentiels nouveaux qu’il s’agit d’identifier,
d’éprouver et de développer3. »
L’adolescent se trouve ainsi en pleine période de doute et « c’est ce qu’il va
chercher dans les jeux d’approches, dans la fuite, dans l’exacerbation des risques, des
plaisirs, une réassurance dans le regard de l’autre, des autres dans l’amitié, l’amour mais
aussi dans la violence, la haine2. »
Cette recherche d’identité propre, par ses remises en question, s’associe très
souvent à la notion de « crise ». L’étymologie de ce mot apporte une réflexion
intéressante : il vient du grec krisis qui signifie jugement. En médecine, ce mot désigne le
moment où va se décider la guérison ou la mort. Dans tout jugement, il y a un avant et
un après : dans le cas de l’adolescence, cet avant est l’enfance et cet après, l’âge adulte.
L’adolescence serait donc la période où s’opère cette transition.
Il s’avère donc tout à fait cohérent de considérer que la « crise » identitaire de
l’adolescent provient des choix fondamentaux de son existence : cette crise
2
3
Régis Courtecuisse – Les années métamorphoses (1992).
Philippe Jeammet - Adolescence et indépendance
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d’adolescence représente donc une période indispensable à chacun pour atteindre sa
maturation identitaire. «Toute crise sera alors maturante et son absence pathologique.»4
Cette crise identitaire va permettre à l’adolescent de se détacher des
identifications antérieures, principalement parentales, ce qui constitue un simple
système de défense.
Les parents devraient accompagner l’adolescent dans sa recherche identitaire
mais il est très difficile pour eux de voir et d’admettre (peut-être inconsciemment) que
leur enfant grandi et va s’échapper.
La famille toute entière se sent donc très concernée par cette crise d’identité, car
l’adolescent va la solliciter sans cesse pour la questionner, en se confrontant aux
personnalités propres des parents.
La nécessité de rechercher d’autres modèles identificatoires va se poser : les
copains, bien sûr mais également les idoles dans tous les domaines, voire la pratique de
disciplines épanouissantes où la personnalité peut s’exprimer.
« Crise d’adolescence : en réalité, le seul moment où l’homme, ayant mesuré son destin,
est tenté d’aller jusqu’au bout de ses pensées. »
Pierre TURGEON - Faire sa mort comme faire l’amour.
B – Adolescent : approche sociologique
« La maladie de l’adolescence est de ne pas savoir ce que l’on veut et de le vouloir
cependant à tout prix. »
Philippe SOLLERS - Le défi
1°) Un statut
En Occident, où la durée moyenne des études est plus longue qu’ailleurs, les
adolescents, en qualité d’étudiants, revendiquent un statut, structurent leur révolte
contre l’ordre parental et leurs recherches identitaires dans des mouvements qui
mettent en question la famille, et plus largement la société (par exemple : les
évènements de Mai 1968).
4
Alain Marcelli, Daniel Braconnier - Psychologie de l’adolescence
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L’âge de l’adolescence se situe entre 13 et 17 ans, et l’on reconnaît l’existence
d’une préadolescence de 10 à 13 ans, de plus en plus présente dans les faits divers : l’Etat
se trouve obligé, par la force des choses, de se poser la question de la prise en charge de
cette délinquance (par exemple : depuis 2007, l’âge de comparution immédiate des
mineurs a été abaissée à 13 ans).
Les problèmes sociaux et économiques viennent donc s’ajouter aux
bouleversements psychologiques et physiologiques que rencontre l’adolescent. De nos
jours, l’entrée dans la vie active se fait de plus en plus tard : l’allongement des études
mais également un taux de chômage élevé chez les jeunes (diplômés ou non) y
contribuent largement.
Certains sociologues préfèrent associer le terme d’adolescence à un processus
individuel et celui de jeunesse à son expression sociale. En fonction de leurs parents, les
adolescents n’ont pas la même réalité sociale en face d’eux, et donc pas les mêmes
chances : selon les époques et les cultures, selon les milieux sociaux, l’adolescence sera
différente5.
D’après Michel Fize (sociologue au CNRS), « l’adolescence vient moins du corps
physique que du corps social : elle doit son existence au Collège qui se développe
fortement au 19ème siècle pour y recevoir le trop plein d’enfants et adolescents mis sur la
touche de la population active devenue trop nombreuse. Sans collégiens, pas
d’adolescents ! ». L’adolescence serait donc « un privilège des temps modernes et des
Sociétés riches pouvant se permettre de donner l’instruction aux enfants ».
Le développement de la sociologie et des diverses psychologies a donné à l’enfant et à
l’adolescent un statut de sujet, dont on doit respecter les droits. L’adolescence est donc
devenue un sujet de préoccupation pour la Société mais encore plus pour ses acteurs, les
adolescents, à la recherche d’identité sociale.
« L’adolescent est une personne. L’adolescence est un concept. Et l’adolescent en
tant que personne ne peut souffrir d’être confondu avec l’adolescence6 ».
L’adolescent est unique alors que l’adolescence se veut « fédérative ».
Le professeur Braconnier met en garde contre « la tentation d’expliquer toutes les
conduites surprenantes provocatrices ou agressives des adolescents par cette fameuse
« crise » qu’ils sont censés traverser ». Et le professeur Courtecuisse d’insister sur la
nécessité de ne pas confondre « définition et étiquetage » à une période où justement
l’adolescent a besoin d’être particulièrement valorisé et reconnu dans une absence de
rituels codifiés socialement.
5
6
Alain Marcelli, Daniel Braconnier - Psychologie de l’adolescence
Régis Courtecuisse – Les années métamorphoses (1992).
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Selon les Sociétés et les époques, l’adolescence n’est pas vécue de la même
façon. Ainsi dans les «sociétés traditionnelles », les stades de la vie sont ponctués par ce
que les ethnologues appellent des rites de passage : ceux du passage de l’enfance à l’âge
adulte (exemple : la scarification dans certaines tribus de Papouasie-Nouvelle-Guinée).
Dans les pays industrialisés, tous les rites initiatiques et sociaux ont, en surface,
disparu. De fait, l’adolescent est renvoyé à lui-même : il ne peut s’identifier au père ou au
maître, encore fortement idéalisé dans les sociétés préindustrielles.
De nombreuses conduites à risque pourraient trouver une explication dans la
disparition de ces rites de passage, ce manque de repères.
L’adolescent part à la recherche de modèles qui vont venir construire son identité
sociale.
2°) Une identité sociale
« Socialisation : processus par lequel les individus sont intégrés dans une Société donnée,
intériorisent les valeurs, normes et codes symboliques et font l’apprentissage de la culture
en général grâce à la famille et l’école mais aussi par l’environnement socioculturel7. »
L’adolescent « en vient à se construire en une permanence de soi à travers des
indicateurs, des images, des modes d’action 8. »
L’enfance et la « jeunesse » constituent le temps de la maturation sous le regard,
pour ne pas dire le contrôle de la famille, de l’école et le groupe des pairs.
La famille est le premier lieu de socialisation. L’adolescent va y développer des
compétences sociales : apprentissage des règles et des usages culturels, respect de
l’autorité, de la hiérarchie, des alliances.
En règle générale, plus le lien d’attachement avec sa famille aura été fort, mieux
l’adolescent sera capable de se prendre en charge : « le lien d’attachement crée le lien de
détachement 9. »
L’adolescence devient l’occasion de s’essayer au dehors, de passer du « père aux
pairs » et de s’insérer dans d’autres corps sociaux (club de sport, école…). Les groupes de
pairs ne se substituent pas au groupe familial mais sont complémentaires. La famille
7
Dictionnaire de Psychopédagogie- Robert Lafont
Jean Piaget - La psychologie d e l’adolescence
9
T. Berry Brazelton - La naissance d’une famille (1982).
8
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reste toujours importante pour l’adolescent même s’il semble signifier le contraire :
« d’un côté, l’adolescent doit rompre avec ses parents pour découvrir son identification
adulte, mais de l’autre il ne peut retrouver les fondements de son identité qu’à travers
l’inscription dans le monde familial 10. »
L’école est après la famille un lieu de socialisation, « le rôle social et éducatif de
l’école est aussi important que sa fonction enseignante. Elle transmet aux générations
nouvelles l’expérience et le savoir des ainés, les normes et les valeurs fondamentales
qu’ils ont adoptées, les choix qu’ils ont gardés et qui constituent notre Société actuelle.
L’école facilite la prise de conscience de soi et des autres, la vie en groupe nouveaux, la
promotion de la personne et une grande partie de son intégration sociale » (Dictionnaire
de Psychologie – Robert Lafont).
3°) Phénomène de bande
« L’ami recherché n’est pas le compagnon de route de l’âge plus mûr. C’est avant tout
« le miroir » dans lequel on cherche à fixer sa propre réalité 11. »
Pour se construire, l’adolescent a besoin de sortir du « nid » familial et
d’appréhender le monde extérieur.
À cet âge, l’amitié prend tout son sens, tient une place prépondérante et présente
une double fonction : une ouverture sur le monde extérieur et un soutien facilitant les
confidences, par exemple. De plus, il est rassurant de se retrouver avec des copains du
même âge, qui partagent les mêmes préoccupations : on parle plutôt de complicité, alors
que le cercle familial est plus synonyme de soumission. Le groupe ne remplace pas la
famille, il vient plutôt en complémentarité.
L’appartenance à un groupe de pairs va permettre au jeune, non seulement de
s’ouvrir aux autres, mais également de se plonger en lui-même : avoir des intérêts
communs rapproche, fédère.
Comme l’explique le psychiatre Patrick Huerre12, « l’identité du groupe va servir
d’appui à l’adolescent et diminuer à ses yeux la lourde charge que représente la quête de
10
Alain Marcelli, Daniel Braconnier - Psychologie de l’adolescence
René Zazzo – Psychologie différentielle de l’adolescence
12
Patrick Huerre – www.topsanté.com/ma-vie-de-maman/psycho-education /le groupe
11
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sa propre identité ». À la question : « Qui suis-je ? », il obtient la réponse : « je suis
comme mes copains et différents de ceux qui ne font pas partie de ma bande ».
C’est ce que l’on peut appeler « l’émulation de groupe » : on est toujours plus fort
à plusieurs et, ce que l’on n’oserait pas faire seul, le groupe l’autorise.
Le Docteur Patrick Huerre ajoute : « Le groupe est bénéfique. Il apprend aux
enfants qu’il existe un autre univers que celui de la famille et de l’école, avec des règles,
des tensions, des relations, tout un jeu social codé où se côtoient timides et leaders, où se
créent des rivalités et des rapports de force, où se jouent des rôles ».
On a vu précédemment que la disparition des rites initiatiques était préjudiciable
dans la construction identitaire. Le groupe répond en partie à cette carence.
Le « Cap’ ou pas cap’ » (capable ou non de…), rite d’entrée dans certaines bandes
est le moyen de se faire admettre. Poser des actes permet de se faire sa place, de se faire
respecter à l’intérieur du groupe.
Ce groupe forme donc un maillon très important dans la socialisation de
l’adolescent, venant en complémentarité de la famille : il possède les caractéristiques
d’une « microsociété » qui, de par ses propres règles (droit d’entrée, code vestimentaire,
goûts musicaux…), permet à l’adolescent d’effectuer sa première expérience de vie en
société.
Autant la « bande » peut provoquer un effet bénéfique et jouer un rôle social,
autant elle peut entrainer un effet négatif et dangereux sur des adolescents « mal dans
leur peau », désœuvrés, et influençables, lorsqu’elle s’apparente à des mouvements
sectaires (à l’extrême, le triste souvenir des jeunesses hitlériennes par exemple).
Fort heureusement, dans la majorité des cas, le groupe reste un catalyseur, un
tremplin dans l’affirmation de la personnalité de l’adolescent qui ne fait qu’y passer.
« L’école, les copains, les clubs, les groupements divers sont des figures
« démocratiques » de médiation destinées à être utilisées pour un temps, puis laissées.
Elles ouvrent des portes, apportent une aide, permette de progresser sans emprisonner. À
l’inverse, les sectes et les groupes apparentés se présentent comme des solutions
totalitaires car au lieu d’être des étapes sur le chemin que les adolescents ont à trouver
par eux-mêmes, elles s’offrent comme des aboutissements 13. »
13
Hubert Flavigny - Les états de l’adolescence, approches cliniques et éducatives, expansion scientifique
française
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L’étude de l’adolescent, tant d’un point de vue psychologique que sociologique,
nous a permis de mettre en lumière des spécificités propres à cette période particulière
de la vie, telles qu’une grande vulnérabilité et une grande perméabilité.
La première notion nous inspire plutôt un sentiment de passivité, qui peut être
source de tous les dangers ; en revanche, la deuxième induit plus une notion active de la
part de l’adolescent qui se caractérise par une envie de tout découvrir, une soif
d’apprendre, de s’affirmer, et donc de définir des choix.
Nous allons plutôt nous intéresser à cette seconde facette, sur laquelle nous
allons pouvoir agir en temps que professeur de musique, pour contribuer à
l’épanouissement identitaire du jeune.
Afin de répondre au mieux à ses attentes, nous allons tout d’abord faire une
approche de ce que signifie la culture musicale pour les adolescents.
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II- Quelles pratiques musicales ?
A - L’adolescent : sa culture musicale
1°) Place de la musique
La place que la musique occupe auprès des jeunes est un phénomène que l’on ne
peut pas ignorer : les deux sont indissociables.
La musique est au cœur de l’activité quotidienne des adolescents : les jeunes sont
les plus grands consommateurs de musique. Ce besoin de grande consommation pour la
jeunesse pourrait être la révélation d’un certain « manque », à l’image des générations
passées qui se ruent dans les magasins pour faire des réserves, dès que les médias
prononcent le fameux « risque de pénurie » dans quelque domaine que ce soit. Michel
Fize l’interprète comme étant une peur du vide. La musique sert à briser les solitudes : le
face à face avec soi-même peut être générateur d’angoisse. Cette boulimie peut donc
être une manière de se prémunir contre une éventuelle pénurie.
À la question : « Dites-nous ce que la musique représente pour vous ? », les
adolescents répondent plaisir, évasion, divertissement, loisir, émotion, détente… Pour
eux, elle est donc synonyme de convivialité, de liberté, de besoin vital et est un moyen
de socialisation.
L’enfant montre ses goûts musicaux de plus en plus tôt : d’après le sociologue,
Hervé Glevarec (docteur en sociologie au CNRS), qui travaille sur la culture et les jeunes,
« on voit à présent des enfants déclarer des goûts musicaux de plus en plus jeunes. Il
n’est pas rare de voir aujourd’hui un garçon ou une fille de 7 ou 8 ans savoir exactement
ce qu’il aime, quels chanteurs ou chanteuses il aime. »
Chez les adolescents, la musique est aussi un vecteur d’échanges avec les amis :
cette culture du partage est très présente dans la tête des adolescents qui se définissent
fortement par rapport à leurs camarades.
Cette notion paraît assez naturelle à Hervé Glevarec qui trouve que « l’affichage
des goûts musicaux devient un vecteur de soi, de son identité. L’adolescent va alors jouer
le double jeu de la conformité pour s’intégrer et de l’originalité pour se démarquer. »
C’est aussi le moyen de prendre ses distances avec la génération précédente : la
nouveauté des styles crée une séparation avec les goûts musicaux des parents.
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De plus, on constate que la caractéristique de leur univers musical est un effet de
mode, de l’ordre de l’éphémère : la popularité des groupes ou des chanteurs est
souvent très courte ; les adolescents peuvent adorer une vedette puis une autre selon
l’offre du marché qui se renouvelle de plus en plus vite. La musique est devenue un bien
de consommation comme un autre.
«La musique mérite d’être la seconde langue obligatoire de toutes les écoles14 ».
Cette citation est pertinente et loin d’être dénuée de sens : puisque la musique est
omniprésente dans la vie des jeunes, pourquoi ne pas s’en servir à des fins
pédagogiques, là où le dialogue parait rompu. Son fabuleux pouvoir de communication
pourrait servir à valoriser des élèves « décrocheurs », en rupture avec le système
éducatif.
La musique touche à l’affectif : c’est un art très communicatif qui procure un
plaisir pour soi-même, ou alors à partager avec les autres. C’est un moyen de sortir de la
réalité quotidienne et de donner une part aux rêves. Ce côté évasion permet de donner
une bouffée d’oxygène à l’adolescent qui peut traverser, comme on l’a dit
précédemment, de grands moments de découragement et l’aider à surmonter ses
complexes…
Malheureusement, ou heureusement dans certains cas, la musique peut
également être un catalyseur, vecteur de violence, d’agressivité, de révolte. La
confusion ne doit cependant pas être faite : ce n’est pas la musique en elle-même qui
est responsable de ces conduites marginales et préjudiciables, mais plutôt le reflet
qu’elle nous donne de la (triste) réalité de la Société en général. Elle agit plutôt comme
un exutoire, une soupape de sécurité, et c’est là où je dis…« heureusement » ! A ce
moment là de ma réflexion, je ne peux pas m’empêcher de penser au Rap qui a plutôt
un effet thérapeutique dans la mesure où il permet d’extérioriser une violence par le
Verbe plutôt que par les actes… L’expression familière « la musique adoucit les mœurs »
prend ici tout son sens.
C’est donc le pouvoir fédérateur de la musique qui permet aux gens ayant le
même ressenti de se retrouver : le film « O’Brothers » en est un formidable exemple,
avec la plainte des esclaves noirs qui ne peut s’exprimer que par le chant, donc la voix,
seul bien qui leur reste.
Cette réflexion met en exergue l’effet subliminal de la musique, un phénomène
indéniable que l’industrie cinématographique a bien comprise : le fait d’associer de la
musique à des images renforce, voire crée le souvenir et contribue ainsi à son succès
pérenne. Les adolescents ne s’y trompent pas, et les films qu’ils apprécient le sont aussi
pour leur musique (cf. Taxi, Star Wars…) que l’on retrouve souvent dans les bacs des
disquaires sous forme de CD, ou dématérialisés sur les sites d’achat de musique en
14
Paul Carvel – Jets d’encre
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ligne. D’ailleurs certains jeux comme les Blind Test (test à l’aveugle) consistent à donner
le thème musical qui permet de trouver le titre du film…
Les divers modèles culturels deviennent donc des références identitaires pour
tout adolescent amateur de musique : s’identifier à une personnalité ayant de
l’importance à ses yeux peut aider à combler le vide identitaire qu’il éprouve.
De par la place occupée par la musique auprès des jeunes, sa notion de valeur
sociale s’impose : elle est plus qu’une harmonie de bruits et de sons. En temps que
phénomène artistique et culturel, elle permet aux jeunes de se reconnaître en elle. De
par les styles très différents qu’elle propose, elle représente ainsi un élément central de
l’identité du groupe et par conséquent de leur propre identité individuelle.
Avant de découvrir leur univers musical à proprement parler, il me paraît
intéressant, à présent, d’évaluer la place de la musique chez les jeunes.
Se tourner vers la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de
Musique) devenait opportun, car parmi ses multiples fonctions visant à défendre au
mieux les intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, elle se doit d’être
à l’écoute de l’actualité et de l’environnement musical national et international. À ce
titre, elle a récemment commandé à Opinionway (Institut de sondages), en partenariat
avec France-Inter et le Parisien, une enquête sur le rapport des Français à la musique,
effectuée du 26 novembre au 11 décembre 2010 15.
L’étude a été réalisée auprès d’un échantillon de 2010 personnes, représentatif
de la population française âgée de 15 ans et plus, selon des quotas (critères de sexe,
d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de
résidence).
Le sondage, ramené à la tranche d’âge qui nous intéresse (voir extrait en Annexe),
celle des 15-24 ans, montre une relation privilégiée avec la musique : c’est leur activité
culturelle favorite avec 73% des réponses devant le cinéma et la télévision. Pour 25%
d’entre eux, la musique est une passion. Le temps d’écoute moyen est de 1h30 par jour
et 29% déclarent écouter de la musique plus de 2h par jour. Seul 1% des jeunes sondés
disent ne jamais écouter de musique et enfin 8 sur 10 s’intéressent aux dernières
nouveautés musicales.
Si l’on pouvait douter de l’engouement des jeunes pour la musique, les chiffres
parlent d’eux-mêmes et confirment la vision que l’on imaginait sur leur comportement,
ce que nous avons décrit plus haut : de par son omniprésence, la musique est
intimement liée à la vie de nos jeunes.
15
http://www.sacem.fr/cms/home/la-sacem/derniers-communiques-2011/sondage-sacem-francaismusique Voir extrait en ANNEXE.
Page 18 sur 37
Après avoir évalué cette place tenue par la musique, il devient incontournable
d’aborder leur univers musical.
2°) Quelle musique ?
Leur univers musical s’apparente à une véritable culture. Pour mieux la
comprendre en 2011, il convient de faire un retour en arrière pour trouver les
fondements de cette culture, dite adolescente, qui remonterait aux années 1960.
Selon Michel Fize, plusieurs décennies ont été nécessaires pour qu’apparaisse,
aux Etats-Unis, une culture authentiquement adolescente. Cette culture doit beaucoup à
deux grandes figures légendaires : Elvis Presley et James Dean. Elle est redevable à cette
nouvelle musique rythmée, le Rock and Roll et à un nouveau cinéma pour adolescent
dans lequel la nouvelle génération peut se projeter et s’identifier. L’une et l’autre se
caractérisent par un côté rebelle et antiautoritaire très prononcé. Cette culture nouvelle
est en effet, à l’origine, une culture « contriste », une culture d’opposition. Elle s’oppose
en effet au monde adulte et à ses valeurs « jugées « ringardes ». Au fil du temps, les
adolescents, ayant acquis les libertés réclamées, vont s’installer dans leur monde, au
point de manifester à présent une grande indifférence pour l’autre monde, celui des
adultes. La culture des aînés ne gêne plus la culture adolescente, elle l’indiffère.
Ce constat est terrible et constitue la cause de ce que l’on pourrait qualifier de
fossé générationnel, à l’origine de nombreux conflits entre parents et adolescents, avec
les petites phrases assassines du genre « …de toute façon tu comprends jamais rien, t’es
trop vieux… ». En 2010, l’on peut dire que la culture adolescente est globale,
transsociale et internationale. Dès lors que l’on a défini la culture adolescente comme un
mode de vie spécifique (à nul autre pareil, il faut en préciser à la fois le contexte et les
ressorts 16. »
Le nécessaire retour historique que nous venons d’effectuer a pour but de nous
faire mieux comprendre la relation intime existant entre les choix musicaux et la
construction identitaire de nos jeunes d’aujourd’hui.
Nous venons donc de voir que la musique, loisir préféré des jeunes depuis un
demi siècle, est l’un des terrains providentiels capable de contenir et d’évacuer un tropplein d’émotions, de surcharges affectives, de frustrations, d’incertitudes, propres à
l’adolescence.
16
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article7205
Page 19 sur 37
« La musique submerge le monde des adolescents. Elle les plonge, en solitaire ou
en groupe, dans des bains sonores jusqu’au paroxysme. Elle est un véritable langage de
la jeunesse Rock-toujours, Rap-encore, Techno-de plus en plus 17. »
Les rassemblements en masse que sont les « rave party », de nos jours,
répondent bien à ce côté émotionnel de la musique : ces bains sonores, festifs et
enivrants qui, à l’extrême, les fait entrer en transe tels des derviches tourneurs, en
même temps qu’ils perdent la notion de réalité.
L’univers musical répond aussi à un besoin de codification : le psychologue, André
Breu explique qu’ « à l’adolescence, être identifié à un style de musique, c’est accepter
un type de culture, des symboles, un mode de vie ».
Certains adolescents se forgent une identité à travers un(e) chanteur(se) en
adoptant un style vestimentaire particulier répondant aux propres codes et morales de
chacun.
Il en est ainsi du Reggae, par exemple, où « l’esprit rasta » est une culture à part
entière, une façon de voir le monde, presque une philosophie ; le Raï et sa
communauté, avec ses fans issus de l’immigration ; le Rap avec des codes
vestimentaires de reconnaissance (baggy, baskets, survêtements, casquettes), le Rock,
le Hard Rock avec le look de rocker, skater ou parfois même gothique. Certains styles
musicaux comme le RnB et le Hip-Hop, avec leur marque de reconnaissance comme se
« checker les poings », favorisent la pratique du sport chez les adolescents (effet très
positif quand on nous parle d’obésité croissante chez les jeunes).
Comme nous venons de le voir, la culture musicale passe aussi par un look
identificateur et parfois sectaire, comme en témoigne par exemple le mouvement punk.
Est-ce pour autant que toute la musique s’intègre au monde des adolescents ?
Les genres les plus prisés sont le Rap, le Hip-Hop, les musiques électroniques /
techno, le métal, le punk, la variété, la pop –rock, le slam, le reggae… liste non
exhaustive. À noter que la musique anglo-saxonne arrive en tête.
Malgré tout, les adolescents n’aiment pas n’importe quelle musique : Mozart ou
Brahms, la musique savante en général, est qualifiée de « musique de vieux », en
opposition à la « musique de jeunes », qui est « cool » ! L’appréciation de la musique
savante demande une initiation qui peut venir des goûts familiaux, mais également de
l’apprentissage d’un instrument de musique dans une structure spécialisée par exemple.
Mais un adolescent aura du mal à avouer qu’il joue du violoncelle, du clavecin ou tout
17
http://www.psychoenfants.fr/psychologie-ado
fr_La_musique_des_ados___un_cri_de_l_interieur_129.html
Page 20 sur 37
autre instrument dit classique à des copains de son âge qui ne consomment que de la
musique dite à la mode. Il aura trop peur de se faire exclure de son groupe.
Une enquête très intéressante effectuée sur des collégiens et lycéens en Pays de
Loire en 2008/2009 montre que les goûts musicaux varient en fonction de l’âge, du sexe,
de l’appartenance sociale ou encore de l’environnement, urbain ou rural, dans lequel les
jeunes évoluent. Si on s’intéresse à la répartition des goûts musicaux par cycle (qui nous
renseignent indirectement mais de façon fiable sur les origines socioculturelles des
adolescents), on remarque que les élèves de lycées professionnels se distinguent des
autres en privilégiant le rap alors que les élèves inscrits en collège et en lycée généraux
et technologiques vont porter leur premier choix sur le rock 18. »
On se rend compte avec cette enquête qu’étudier l’univers musical des
adolescents ne peut pas se limiter uniquement à l’étude d’une tranche d’âge : la
recherche doit également prendre en compte d’autres paramètres plus subtils, tels que
le milieu socioculturel, le lieu de résidence des adolescents.
De plus, l’univers des adolescents est loin d’être unisexe : c’est un autre facteur,
et non des moindre, à prendre en compte car, suivant le sexe, les aspirations sont
différentes.
Une étude récente aux Etats-Unis a précisément montré que les filles et les
garçons n’écoutaient pas la musique tout à fait de la même manière : chez ces
premières, la musique traduisait des préoccupations d’ordre affectif : moyen d’évasion,
porte ouverte à la rêverie, à l’amour. Chez les garçons, la musique pousserait davantage
au défoulement et exprimerait plus facilement une réaction de révolte contre l’autorité
19
.»
C’est volontairement que nous avons cité peu de nom d’artistes car notre
démarche n’était pas de faire un « catalogue » mais plutôt d’effectuer une analyse de
l’univers musical : répondant directement à leurs émotions, en les codifiant elle est à
coup sûr un facteur incontournable de la construction de leur personnalité.
Pour compléter notre étude, il convient maintenant de voir de quelles manières
les adolescents consomment de la musique.
18
http://www.lepole.asso.fr/fichiers/donnees/LEPOLE_ENQUETEFLASH_oct09_A4.pdf
http://www.psychoenfants.fr/psychologie-adofr_La_musique_des_ados___un_cri_de_l_interieur_129.html
19
Page 21 sur 37
3°) Les supports
Olivier Donnat 20 (sociologue au Département des études, de la prospective et des
statistiques (DEPS) du ministère de la Culture et de la Communication) a réalisé en 2008
une enquête (la dernière datait de 1997) destinée à étudier les pratiques culturelles des
français ; cette enquête a permis de mettre en lumière la montée en puissance de
l’internet et de la culture d’écran chez les 15-24ans, mais aussi la répercussion des
nouveaux médias sur la consommation de la musique chez les jeunes.
La culture du numérique est très présente dans le quotidien des jeunes
générations et en 2011, le premier instrument d’écoute musical des adolescents semble
ne plus être la chaîne hi-fi… Plusieurs raisons à cela : le prix des CD, plutôt élevé par
rapport à leur budget et qui contraint à écouter la musique d’une façon statique, alors
que les nouvelles technologiques offrent une grande diversité et surtout une grande
mobilité.
Ce nouveau média correspond donc très bien à la culture de sortie dont sont
coutumiers les adolescents, ceux dont le mode de loisir est le plus tourné vers
l’extérieur.
D’après le sondage effectué par OpinionWay, 76% des jeunes disent écouter
occasionnellement de la musique sur internet et leur support favori est le baladeur MP3
(27%). Si on l’ajoute au téléphone portable (13%), cela signifie 40% des jeunes utilisent
les supports dits nomades pour écouter de la musique. Pour les adolescents aisés, la
nouvelle téléphonie mobile de haut de gamme ou Smartphone tend à suppléer le MP3
qui ne constitue plus qu’une fonction parmi d’autres de ce type de téléphone évolué. (8)
En effet, la portabilité rend son utilisation pratique et elle peut accompagner,
ainsi, l’adolescent toute la journée dans toutes les occasions : que ce soit lors de ses
déplacements en voiture ou en transport en commun, en voyage et pendant les
moments d’attente.
Pour accéder plus vite aux nouveautés, internet a pris en quelques années un rôle
essentiel auprès des jeunes. Les divers usages vont de la radio en ligne (12%), aux sites
de partage de vidéos (38%), en passant par les sites communautaires (28%), sans oublier
les blogs (4%). Néanmoins, il ne faudrait pas enterrer les médias traditionnels trop vite :
57% des 15-24 ans citent la radio FM pour la découverte de nouveautés et 47% la
télévision 20 .»
20
http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf
Page 22 sur 37
La découverte passe aussi, chez les adolescents, par la pratique du « P2P », le
« Peer to Peer », qui est un réseau d’échange et de partage de fichiers entre
internautes.
De par sa rapidité et sa gratuité, le streaming représente une source importante
de musique. En effet, contrairement au téléchargement où un fichier doit être rapatrié
dans sa totalité avant d’être lu, le streaming permet la lecture d’une vidéo ou d’un son
au fur et à mesure de son arrivée sur l’ordinateur de l’internaute. Il permet ainsi de
profiter immédiatement des fichiers multimédias disponibles sur internet 21. »
Nous venons de voir que le rapport des adolescents à la musique est
omniprésent, qu’elle représente leur loisir préféré, qu’ils en sont de grands
consommateurs….et pourquoi pas acteurs !
Notre réflexion va donc se poursuivre dans cette direction et nous allons voir
comment leur démarche musicale, par l’envie de pratiquer eux-mêmes la musique,
formidable vecteur de communication, peut contribuer à leur épanouissement
identitaire. C’est le moment de voir quel accueil est réservé aux adolescents dans les
structures d’enseignement spécialisé et le rôle majeur du corps professoral.
B) L’adolescent : son entrée en Culture
La démarche consistant à pratiquer la musique diffère de celle de l’écouter.
Plusieurs voies s’offrent à l’élève musicien : suivre des cours particuliers, ou opter pour le
milieu associatif, voire les établissements à statut public d’enseignement en musique.
Nous nous intéresserons uniquement à cette dernière catégorie.
« L’école de musique est le lieu traditionnel de l’apprentissage musical 22. »
Toutefois, ces structures publiques ne parviennent pas à répondre à toutes les
demandes, et les listes d’attente s’allongent : du fait que certains instruments soient plus
demandés que d’autres (exemple du piano, de la guitare), la priorité d’inscription revient
aux plus jeunes. Ces écoles remplissent la mission incontournable de la transmission des
patrimoines musicaux, tout en assurant un enseignement encadré.
21
22
http://www.dicodunet.com/definitions/multimedia/streaming.html
http://www.zebrockaubahut.net/medias/pdf/20.pdf
Page 23 sur 37
1°) La musique : quels apports ?
Tout d’abord, essayons de trouver une définition de la musique : l’art de produire
et de combiner des sons de façon créative… mais pas seulement ! En effet, elle inclut
également le contenu expressif et affectif du musicien sans lequel l’émotion de celui qui
écoute ne pourrait s’exprimer, cela s’appelle l’interprétation.
« Peu importe les notes, en musique, ce sont les sensations produites par elle qui
comptent 23. »
Les intérêts de la musique pour l’adolescent revêtent de multiples aspects : de
par sa spécificité et sa rigueur, elle ne peut que contribuer à la construction
psychologique et psychique du jeune.
Tout d’abord, sur le plan psychomoteur, elle est essentielle : en effet, la pratique
instrumentale mobilise de nombreux sens. L’apprentissage d’un instrument est bien
entendu spécifique à l’instrument choisi, mais tous partagent le même tronc commun
sollicitant certaines qualités comme la souplesse et l’agilité technique, le développement
du souffle, surtout pour les instruments à vent, ainsi qu’une certaine acuité visuelle et
auditive.
Ensuite, l’apprentissage de la musique intervient sur un plan cognitif. La mémoire
est fortement sollicitée, aussi bien sur le plan visuel qu’auditif, voire celui de la gestuelle
qui offre aux doigts de, à l’image des réflexes acquis par la pratique, courir sur un clavier,
se déplacer sur des cordes etc. : je veux parler des automatismes. Toujours au niveau
cognitif, la musique fait appel à la créativité, à l’esprit d’observation, d’analyse et de
synthèse, tant pour interpréter une œuvre que pour organiser des idées, des notions, en
vue de créer.
L’aspect affectif de la musique s’avère bien évidemment incontournable : pour
obtenir des résultats probants, elle demande un engagement, un investissement
personnel très important de l’élève, de même qu’une grande humilité, car le résultat ne
se hisse pas toujours à la hauteur des attentes, que ce soit du côté de l’élève ou du
professeur. Un résultat n’est jamais mauvais en soi, et les adages du genre « c’est en se
trompant, qu’on apprend ! » ou encore « c’est en forgeant, qu’on devient forgeron ! »,
que l’on a tous déjà entendus, prennent ici tout leur sens. Un échec est toujours
formateur, pourvu que l’on sache en tirer les enseignements.
23
Leonide PERVOMAÏSY (« Des notes disparates ») Dictionnaire de « Citations du Monde entier » Ed. Le
Robert page 502 n°39
Page 24 sur 37
On peut donc dire que la musique contribue grandement à développer la
sensibilité de l’élève, en lui faisant exprimer ses émotions, ainsi qu’affirmer ses valeurs,
son individualité. Elle est aussi l’occasion, pour le jeune, de développer un certain
potentiel.
Sur le plan social, grâce au travail individuel ou collectif, l’adolescent peut
accroître son sens des responsabilités et ainsi acquérir une certaine maturité : c’est l’une
des étapes qui le conduiront vers l’autonomie.
Enfin, la musique ne peut être qu’un épanouissement et un enrichissement
intellectuel, en offrant au jeune l’accès à l’art et à la culture. De plus, les compétences
requises et acquises, telles la rigueur et la concentration, ne peuvent que profiter à
l’élève, ne serait-ce que sur sa scolarité.
Paradoxalement, bien que l’on qualifie souvent les adolescents d’arrogants, « ils
refusent la hiérarchie, mais respectent l’adulte capable de les motiver 24 », il n’en reste
pas moins vrai que l’adolescence est une période de grande fragilité où le jeune a besoin
de se sentir rassuré, mis en confiance, afin de pouvoir évoluer, et ainsi développer son
expression, son interprétation, et sa communication : un certain nombre de repères
rassurants pour le jeune s’avèrent donc nécessaires, au sein d’un climat de confiance
instauré par le professeur.
C’est là où le caractère pédagogique de l’enseignement intervient.
2°) L’enseignement : son cadre
Avant d’entrer dans le vif du sujet et d’évoquer la mission de l’enseignant, il
convient de définir les directives auxquelles est tenu de répondre l’enseignant vis-à-vis
de sa structure hiérarchique.
Cette dernière, représentée par l’Ecole de Musique, dépend elle-même de
directives gouvernementales émanant du Ministère de la Culture et de la
Communication, stipulées dans la Charte de l’enseignement artistique spécialisé en
Danse, Musique et Théâtre, rendue publique en janvier 2001, 25 et complétée par le
Schéma national d’orientation Pédagogique de l’enseignement initial de la musique (avril
2008)26.
24
http://www.psychologies.com/Famille/Ados/Le-monde-des-ados/Livres/Arrogants-et-fragiles-lesadolescents-d-aujourd-hui
25
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/lettre/dossiers/sup80.pdf
26
http://mediatheque.citemusique.fr/mediacomposite/cim/_Pdf/10_10_20_Schema_orientation_enseignement_musique.pdf
Page 25 sur 37
a) La charte
Définition des trois objectifs à poursuivre :
-
La diversification des disciplines telles que la musique, la danse et le théâtre, les
esthétiques nouvelles à développer, sans oublier la prise en compte des musiques
actuelles, par exemple.
-
L’articulation des lieux d’enseignement à la vie artistique locale : « l’ouverture des
établissements sur la vie culturelle sera encouragée : résidence d’artistes,
partenariat avec les structures de création et de diffusion, accueil et encadrement
de la pratique amateur ».
-
Le partenariat avec l’Education nationale. Création de programmes « musique à
l’école » afin que le plus grand nombre d’élèves accède aux pratiques artistiques,
les établissements d’enseignement spécialisé devront être des pôles de
compétences pour les musiciens intervenant dans le cadre scolaire.
-
La Charte précisant également l’articulation des compétences et des
responsabilités respectives et conjointes de l’Etat, des collectivités territoriales et
des équipes de direction.
L’objet de cette Charte est de repréciser les missions pédagogiques, artistiques
culturelles et territoriales des établissements d’enseignement artistiques spécialisés. Elle
redéfinit également la nature et l’articulation des responsabilités des différentes
collectivités publiques « tripartites » à savoir, le Ministère de la Culture et de la
Communication, les Collectivités territoriales et l’équipe pédagogique (directeur et
enseignants).
b) Le schéma d’orientation, des enjeux spécifiques
-
Mettre l’accent sur les pratiques d’ensemble,
-
Globaliser la formation
-
Renforcer la culture musicale,
-
Favoriser les démarches d’invention,
-
Renforcer les liens avec les établissements scolaires
Page 26 sur 37
-
Renforcer les liens avec les pratiques amateurs.
Ce schéma définit en outre l’organisation pédagogique, à savoir le cursus et
l’évaluation. « La formation aux pratiques musicales s’organise sous forme de cycles, au
nombre de trois. Un cycle est une période pluriannuelle qui permet la réalisation d’un
certain nombre d’objectifs de formation concourant à l’acquisition de compétences et
dont on peut constater la cohérence à l’issue de la période établie (évaluation de passage
de cycle). À l’issue du 3ème cycle, trois possibilités sont offertes : un 3ème cycle de
formation à la pratique en amateur, une « formation continuée ou complémentaire » et
un cycle d’enseignement professionnel. »
c) Projet d’établissement 27
Afin de décider des choix les plus pertinents et mettre en adéquation missions,
projets, actions et moyens de mise en œuvre, il est nécessaire d’élaborer un projet global
d’action, à moyen et à plus long terme.
La Charte conçoit, organise et s’assure de sa mise en œuvre, en concertation avec
l’équipe pédagogique et tous les partenaires externes concernés.
« Le projet d’établissement est un document politique qui décline des actions
pédagogiques et artistiques ainsi que les actions menées en faveur du développement des
pratiques musicales (chorégraphiques et théâtrales). »
Toutes ces directives ont pour but de définir des objectifs pétris de bonnes
intentions, parfois ambitieux, et de déterminer de grands axes d’orientation pour
l’organisation des écoles de musique et par là même, de l’enseignement musical. Ces
éléments, d’ordre général, restent toutefois théoriques, voire utopiques, parfois ;
l’équipe pédagogique doit composer avec ces paramètres et s’y conformer, tout en
privilégiant au mieux le premier concerné, à savoir l’élève qui, lui, reste unique.
27
http://www.culture.gouv.fr/culture/infospratiques/formations/Dispositions%20transversales%20SOP.pdf
Page 27 sur 37
3°) L’enseignant : sa pédagogie
La tâche est à la fois merveilleuse et également ardue : la pression est grande, car
l’épanouissement de l’élève doit aussi rimer avec les obligations précitées que
l’enseignant doit remplir, à savoir : un certain cadre, des consignes et des impératifs
(évaluations, obligation de résultat…).
La réussite de l’élève dépend, bien évidemment, de sa motivation mais le
professeur fait montre d’une grande responsabilité et ce, dès le premier contact : il faut
que le « courant passe » avec tout élève, et de manière plus intense lorsqu’il s’agit d’un
adolescent. Trouver le juste équilibre entre la relation amicale et « autoritaire » reste
très subtil et à mon sens, seule l’expérience du vécu peut y répondre.
Il nous appartient donc, en temps qu’enseignant, de trouver les « outils » les
mieux adaptés et les stratégies à mettre en place afin que le jeune puisse s’épanouir et
ne « décroche » pas. La difficulté étant que, pour obtenir un résultat en musique, la
somme de travail personnel peut être considérable : la contrainte ne devrait pas prendre
l’ascendant sur le plaisir, car c’est bien ce dernier paramètre que le jeune est venu
chercher.
Pour que l’élève puisse s’engager de façon personnelle et pour l’encourager à
développer sa pensée créatrice, le professeur agit comme un guide : il doit s’adapter à
ses attentes en lui donnant la possibilité d’un parcours différencié. Le but étant de l’aider
à progresser dans le développement et la consolidation de ses compétences.
Le professeur est un expert qui, grâce à ses propres compétences en temps que
musicien, doit composer avec les besoins, les capacités et les centres d’intérêts de
chacun des élèves.
Quand il s’agit d’encourager la réflexion et les échanges d’idées entre les élèves,
son rôle devient celui d’un animateur : c’est le cas des pratiques d’ensemble où il doit
amener les participants à être, entre autres, à l’écoute les uns des autres.
Selon l’expression de Jean-Michel ZAKHARTCHOUC, l’enseignant, au sens général
du terme agit comme un « passeur culturel28 », capable de communiquer sa passion pour
l’art, et d’amener ainsi les élèves à établir des liens entre différentes œuvres musicales.
Cette mission est d’autant plus cruciale lorsqu’on s’adresse à un public
adolescent. En effet, les jeunes aujourd’hui souhaitent reproduire, à travers leur pratique
musicale, la musique qu’ils aiment écouter, celle qui est à la mode mais qui,
malheureusement, est liée à l’évolution des médias, à la société de consommation : je
veux parler des musiques actuelles.
28
http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=742
Page 28 sur 37
En tant que « passeur culturel », il appartient donc au professeur de musique
d’élargir la vision que les jeunes ont de la musique dite actuelle en leur montrant qu’elle
n’est pas réduite à ce que le diktat des médias veut bien en faire.
« Les références des musiques actuelles sont souvent plus proches d’un vécu
quotidien que d’un acquis culturel. Le plus logique, avec les enfants, serait de remonter
l’histoire de la musique, de nos jours jusqu’au XVIIIè siècle et non l’inverse 29. »
Apprendre par le vécu est une notion intéressante, car cette remontée de la
musique dans le temps, en partant du connu (musique actuelle) vers l’inconnu (musique
dite savante, apparemment si éloignée d’eux), permettrait de tisser un lien, en leur
montrant que la musique d’aujourd’hui est issue des influences de la musique passée.
Les apprentissages étant très importants, l’enseignant doit organiser des activités
permettant aux jeunes de contextualiser savoir et savoir-faire.
Revenons au schéma d’orientation : l’adolescence se situant au cœur de notre
réflexion, nous axerons notre étude plus volontiers sur celui correspondant à cette
tranche d’âge, à savoir en général, le 2ème cycle.
« Que ce soit la continuité d’un 1er cycle ou un début d’études musicales au
moment de l’adolescence, les mêmes objectifs doivent être envisagés dans des dispositifs
adaptés à la maturité acquise, au projet de l’élève et au domaine de formation envisagée
30
.»
La validité du 2ème cycle conduisant à l’obtention d’un brevet, nécessite
l’acquisition d’un ensemble de compétences précises, reprises dans le tableau en Annexe
(page36). Il s’agit d’une formation de base rendant l’élève autonome dans sa pratique
musicale.
L’un des objectifs31, sinon le majeur du 2ème cycle, s’attèle à l’acquisition des
bases d’une pratique autonome. Tout le monde s’accorde sur ce point, car il s’agit bien là
de l’objectif premier de l’enseignant : transmettre son savoir afin que l’élève puisse
« voler de ses propres ailes » et jouer de la musique tout seul à l’extérieur, hors école de
musique. Celui-ci le sera d’autant plus facilement et rapidement si l’enseignant lui ouvre
la possibilité d’engager une démarche réflexive sur ses apprentissages.
« Comment captiver pour la découverte du savoir, quand il n’y a rien à découvrir,
quand il n’y a qu’à enregistrer un flot d’informations pas toujours problématisées 32 ».
29
DELALANDE François – La musique est un jeu d’enfant (page 17)
http://mediatheque.citemusique.fr/mediacomposite/cim/_Pdf/10_10_20_Schema_orientation_enseignement_musique.pdf (p.6)
31
Voir Annexes : Objectifs du Second Cycle.
32
DEVELAY Michel – Donner un sens à l’école, esp collections Pratiques et enjeux pédagogiques (1996).
30
Page 29 sur 37
Pour acquérir cette autonomie tant nécessaire, il faut rendre, au plus tôt, l’élève
acteur et responsable de ses apprentissages. C’est d’autant plus vrai que notre propos
s’intéresse à l’adolescent en particulier, en pleine recherche de construction identitaire.
Bien entendu, l’élève n’est pas livré à lui-même, d’autant que l’enseignant est là pour le
soutenir : il s’agit donc d’une action conjointe, bénéfique aux deux.
« La voie normale de l'acquisition n'est nullement l'observation, l'explication et la
démonstration, processus essentiel de l'École, mais le tâtonnement expérimental,
démarche naturelle et universelle 33. »
Selon Célestin Freinet (pédagogue Français du XXème siècle), l'enfant apprend par
tâtonnement expérimental.
En effet, cette pratique pédagogique consiste à apprendre, dans tous les
domaines, de la même manière que l’on a appris à marcher, par exemple : l’enfant
faisant ses premiers pas veut réussir et éviter la chute qui est un échec. Il ne part donc
pas d’un bout de la pièce à l’autre, il sent bien qu’il ne pourrait pas y arriver. Il vise donc
une chaise, s’élance, s’y accroche, puis renouvelle l’action jusqu’à son but : l’autre bout
de la pièce. Un acte réussi est répété une fois, dix fois, cent fois, jusqu’à ce qu’il rentre
dans un automatisme.
Un entrainement spécifique est nécessaire pour accéder à une nouvelle
dynamique de découvertes. On peut comparer cela à un escalier sans fin que l’on doit
gravir : chaque marche représente une étape, un obstacle que l’on ne doit surtout pas
enjamber, mais prendre le temps de franchir à son rythme.
« Il s’agit de laisser les enfants émettre leurs propres hypothèses, faire leurs propres
découvertes, éventuellement constater et admettre leurs échecs, mais aussi parvenir à de
belles réussites dont ils peuvent se sentir les vrais auteurs. Les résultats ? Une motivation
très forte, une implication immédiate de chaque enfant, qui acquiert ainsi confiance en lui
et en ses possibilités de progresser par lui-même. L’intérêt réside aussi dans le fait qu’il
est inutile d’apprendre par cœur quelque chose que l’on a découvert par le tâtonnement
expérimental ; on s’en souvient sans effort. *...+34
Cette pédagogie originale, bien connue, de Freinet, est centrée sur l’activité des
élèves dans le cadre des activités scolaires, et trouve aussi tout son sens, appliquée à
l’apprentissage de la musique : en effet, la réponse aux obstacles, ou périodes de blocage
auxquels peut être confronté l’élève lors de ses apprentissages, passe par une
implication de lui-même.
33
Invariant pédagogique n°11 sur 30 rédigés par Célestin Freinet en 1969.
34
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_Freinet-
Page 30 sur 37
L’élève doit être actif dans la construction de ses connaissances, et pour l’y aider,
le professeur doit lui en donner les moyens, à savoir : des méthodes ou des techniques,
les plus concrètes possibles, lui permettant de faire face à telle ou telle difficulté. En les
recherchant avec lui, le professeur profite de l’occasion d’en apprendre un peu plus sur
son élève et individualiser ainsi sa réponse de manière plus fine.
Ce pourrait être l’opportunité, à l’exemple d’un élève éprouvant des difficultés
rythmiques, de proposer à ce dernier un travail de recherche, afin qu’il puisse ressentir la
pulsation en utilisant son corps (marcher en jouant, en chantant…).
Si l’on part du principe que l’élève doit pouvoir rechercher de manière autonome
les éléments indispensables à la construction de son apprentissage (en tenant compte de
ses propres erreurs, par exemple), l’enseignant doit, lui, reconsidérer son rôle sous un
autre angle, afin de trouver les situations qui pourront permettre à son élève d’avancer,
en adoptant une approche plus personnalisée.
Pour Roger Cousinet (pédagogue Français du XXème siècle), « ce n’est pas en
étant enseigné qu’on apprend. Et nous pourrions dire au moins que moins on est
enseigné, plus on apprend puisque être enseigné c’est recevoir des informations, et
qu’apprendre c’est les rechercher 35».
L’apprentissage de la musique nécessite un travail personnel important et qui doit
être assidu. Pour l’impliquer davantage dans une dynamique de travail, il faut donner du
sens à ce travail personnel à effectuer entre deux cours : en comprendre le but, de même
que la manière de procéder, sont deux notions essentielles. Plutôt que de subir, l’élève
se doit de partager les objectifs du professeur. Un exercice de doigté plus difficile, par
exemple, n’aura de sens que si le jeune en perçoit la nécessité, à savoir que le son
obtenu sera de meilleure qualité.
L’élève doit aussi percevoir la finalité de son travail : ce peut être pour un projet,
par exemple, de musique d’ensemble qui l’engagerait vis-à-vis du groupe et donc lui
procurerait un sentiment de responsabilité. L’enjeu et la réussite du projet pourraient
encourager sa motivation à dépasser une difficulté technique dans l’objectif de ne pas
décevoir.
Afin de donner du sens à son travail, le professeur peut orienter son choix de
répertoire en tenant compte des désirs propres de l’élève, mais en veillant aussi à ce qu’il
lui soit adapté. Il peut aussi envisager des compromis en acceptant l’ouverture vers des
styles qui sont propres à l’élève, pour peu que ce dernier accepte, en contrepartie, de
découvrir un répertoire qui d’emblée ne le séduisait pas.
35
COUSINET Roger – Pédagogie de l’apprentissage - Paris, Puf,(1959) – recueilli par M. Altet (1998) Les
pédagogies de l’apprentissage,Puf
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Cette dynamique d’échange peut porter ses fruits lors de la constitution d’un
programme en vue d’une audition, un concert, ou d’un passage d’examen.
Une approche intéressante tient également à la pédagogie de groupe, qui
consiste à donner cours individuellement à plusieurs élèves en même temps.
En effet : la durée d’un cours est fixée à 20 minutes et cela se révèle être court.
Le fait de prendre par exemple trois élèves en même temps leur donne en réalité
1h de cours : chacun s’enrichit ainsi individuellement des conseils prodigués aux deux
autres. Une dynamique de groupe se crée à ce moment là, cette dynamique facilitant les
rencontres débouchant sur de la pratique d’ensemble.
Le potentiel de cette méthode permet :
-
À l’élève de se confronter aux problématiques des autres élèves
-
D’utiliser la critique constructive aussi bien pour évaluer les autres que lui-même
-
Jouer devant les autres peut l’aider à accepter le regard de l’autre, si déstabilisant et
stressant lors de représentations publiques.
-
De développer l’écoute, la concentration.
Pour que ce soit une réussite, il faut veiller toutefois à ce que cette pédagogie ne
soit pas trop pesante. L’idéal serait de laisser le choix à l’enseignant de pouvoir la
pratiquer comme il l’entend, à savoir de façon régulière, ou alors occasionnellement,
dans le cadre d’un projet bien défini.
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CONCLUSION
La réflexion menée sur l’adolescence m’a confortée dans l’idée que, par
méconnaissance, son image souffrait de nombreux clichés non représentatifs, voire
souvent réducteurs.
Les professionnels tels que les psychologues ou les sociologues ne s’y trompent
pas, et traitent sans relâche ce sujet, comme en témoignent leurs nombreux écrits.
Il s’agit, en réalité, d’une période charnière durant laquelle le jeune cherche ses
repères : il ne doit plus se considérer comme l’enfant qu’il était, mais il ne se voit pas non
plus comme l’adulte qu’il sera demain.
L’adolescence est une période parsemée de grands malaises physiques et
psychologiques, tant pour le nouveau corps qu’il faut investir, que la maturité d’esprit
qu’il faut acquérir.
Mal dans sa peau, parfois en rupture affective avec sa famille, l’adolescent va
rechercher la compagnie de ses semblables pour se rassurer.
Notre étude nous a permis de constater que la musique constituait un véritable
lien social, représentant un formidable moyen d’expression, rempli de codes pouvant
favoriser la construction identitaire des adolescents.
Pratiquer la musique est l’occasion d’exprimer ses idées, sa vision du monde,
d’acquérir une ouverture d’esprit en étant réceptif aux idées d’autrui. C’est un milieu où
l’on valorise le souci de la rigueur, l’engagement, la persévérance, et le sens du
dépassement. Le développement de ces compétences conduit à l’autonomie
indispensable pour devenir adulte.
C’est la nature même de l’instrument que j’enseigne, la guitare (classique et
électrique), qui m’a donné l’envie d’approfondir mes connaissances sur l’adolescence,
afin de répondre au mieux aux besoins et aux attentes des jeunes. En effet, la guitare est
l’un des instruments les plus prisés par la jeunesse, car c’est celui qui leur permet de
s’identifier aux musiques actuelles qu’ils affectionnent tout particulièrement.
La pratique de la musique doit contribuer à leur épanouissement et il est de notre
mission, en temps qu’enseignants, d’établir un accompagnement le plus adapté possible
à chaque individu.
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SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
- Musique et société – cité de la musique – les éditions – France, 2004.
- ANSERMET Ernest – Les fondements de la musique dans la conscience humaine – La
Baconnière – France, 1961.
- GREEN Anne-Marie – Des jeunes et des musiques – L’Harmatan – Collection Logiques
Sociales – France, 1998.
- GREEN Anne-Marie – Les Adolescents et la Musique – Editions EAP – Collection
Psychologie et Pédagogie de la Musique – France, 1986.
- GREEN Anne-Marie – De la Musique en Sociologie – Editions EAP – Collection
Psychologie et Pédagogie de la Musique – France, 1993.
- SAEZ Jean-Pierre (sous la direction de) – Identités, cultures et territoires – Desclée de
Brouwer – France, 1995.
- MARCELLI Daniel – « L’adolescence, une épreuve psychique particulière » in La santé des
adolescents, Approches, soins, prévention - Editions Payot Lausanne - Fondation de
France, 1997.
- JEAMMET Philippe - « Les enjeux des identifications à l’adolescence », in
Psychothérapies de l’enfant et de l’adolescent - Bayard éditions, 2003.
FILMOGRAPHIE
- PHILIBERT Nicolas - Être et Avoir – Les Films du Losange, 2002.
- LAGRAVENESE Richard - Ecrire pour Exister (Freedom Writers) – Paramount Picture
France, 2006.
- CANTET Laurent – Entre les Murs – Haut et Court, 2008.
Page 34 sur 37
INTERNET
-
http://www.cahiers-pedagogiques.com/
-
http://www.sacem.fr/cms/home/la-sacem/derniers-communiques-2011/sondagesacem-francais-musique
-
http://www.culture.gouv.fr/culture/infospratiques/formations/Dispositions%20transversales%20SOP.pdf
-
http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf
-
http://www.culture.gouv.fr/culture/infospratiques/formations/Dispositions%20transversales%20SOP.pdf
-
http://www.lepole.asso.fr/fichiers/donnees/LEPOLE_ENQUETEFLASH_oct09_A4.pdf
-
http://mediatheque.citemusique.fr/mediacomposite/cim/_Pdf/10_10_20_Schema_orientation_enseigneme
nt_musique.pdf
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ANNEXES
o Sondage de la SACEM « Les Français et la Musique »
Les 15‐24 ans et la musique
-
Une relation passionnée…
 La musique est l’activité culturelle favorite des 15‐24 ans avec 73% des réponses,
devant le cinéma et la télévision.
 Pour 25% d’entre eux, la musique est une passion»(+1pts/résultat global).
 Le temps d’écoute moyen est de 1h30 par jour (20 minutes de plus que la
moyenne globale).
 29% déclarent écouter de la musique plus de 2 heures chaque jour (+9
pts/résultat global)
 Seul 1% des 15‐24 ans disent ne jamais écouter de musique
 8 sur 10 sont attentifs aux dernières nouveautés musicales (51% pour la moyenne
globale)
-
Des goûts affirmés
Le RnB est leur genre favori (45%), suivi de la Pop et du rock (42%) puis du Rap (38%), des
musiques électroniques/techno (28%) et de la chanson française (26%).
- Nomadisme…
 Le support préféré pour écouter de la musique est le baladeur (27%), suivi de la
radio traditionnelle (20%) puis du téléphone portable (13%).
 La musique accompagne tous les moments de la journée et toutes les occasions :
 lors des déplacements, que cela soit en voiture (67%) ou dans les
transports en commun, voyages (64% soit +44pts/global)
 et dans les moments d’attente (41% soit + 21 pts/global)
-
Persistance des modes de recommandation traditionnels
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-
Internet et les usages
 76% des 15‐24 ans disent utiliser Internet pour écouter de la musique (+35
pts/global)
o Tableau des objectifs du Second Cycle
Cycles Objectifs
principaux


2e
Contribuer au
cycle
développement
artistique et musical
personnel en
favorisant
notamment :
- une bonne
ouverture culturelle,
- l’appropriation
d’un langage
musical et
l’acquisition des
bases d’une pratique
autonome,
- la capacité à tenir
sa place dans une
pratique
collective.
Contenu de
l'enseignement

Organisation du
cursus

Évaluation

Travaux d’écoute,
Acquisition de
connaissances musicales
et culturelles en relation
avec les pratiques du
cursus,
Pratiques vocales et
instrumentales
collectives,
Pratiques
individualisées.

Durée du cursus :
entre 3 et 5 ans
Durée
hebdomadaire des
cours : entre 4h et 7h
pour le cursus
diplômant dont 45
minutes minimum
d’enseignement à
caractère individuel.
Possibilité
d’élaborer un
cursus personnalisé
diplômant ou
non diplômant.

Évaluation continue,
dossier de l’élève,
Examen terminal,
Cycle conclu par le
brevet de fin de 2e
cycle
Le brevet donne accès
au 3e cycle et à
l’examen d’entrée
dans le cycle
d’enseignement
professionnel initial
(CEPI).
ou
Attestation validant
les enseignements
suivis dans le parcours
sur contrat
personnalisé.
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Martine et Gilbert Moratille
Laurent Berthomier
Philippe David
Emmanuelle Carasco