La construction de l`identité et de la personnalité

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La construction de l`identité et de la personnalité
Construction de l’identité
La construction de l’identité et de la personnalité
Pour bien des auteurs, la construction de son identité personnelle constitue la tâche centrale de l’adolescence. Trois raisons au moins appuient cette idée. Tout d’abord, on remarquera que l’adolescence est certainement la période durant laquelle les changements
de tout ordre sont le plus violemment ressentis par celui ou celle qui les vit; or comme le
dit Palmonari (1987), l’identité n’est-elle pas précisément cette «exigence que tout individu a de se sentir le même, bien qu’il traverse des expériences de type social et relationnel, introspectif et d’autoévaluation de son propre comportement, qui lui donnent le sentiment d’être perpétuellement différent.» (p. 74) D’autre part, l’adolescence est aussi cette
période de la libération de l’autorité parentale, avec tous les conflits que cette séparation
peut engendrer. De fille ou fils de, l’individu va devenir quelqu’un pour lui-même aux yeux
des autres gens. Enfin, alors que jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, tout le monde est
prioritairement engagé dans la même activité, celle d’écolier puis de collégien, passé
cette limite, les jeunes vont se répartir dans des voies de formation différentes, au moyen
desquelles on va volontiers les identifier, apprentis, lycéens (gymnasiens), travailleurs, au
pairs, demandeurs d’emploi, etc...
Définition
L’identité d’un individu est un concept complexe, fait de nombreuses dimensions. Dans la
littérature psychologique, on rencontre le terme dans deux acceptions légèrement différentes. Dans l’une de ces acceptions, l’identité est vue comme une entité que l’individu
parvient progressivement à dégager de l’ensemble de ses comportements et de ses sentiments.
Dans l’autre acception, l’identité est le résultat d’une série d’identifications à des personnes extérieures et d’appropriations de rôles, de statuts et de fonctions dans la société
dans laquelle un individu évolue ou pense pouvoir évoluer.
La construction de son identité personnelle est un processus qui requiert de la part de tout
adolescent un long travail d’élaboration. Des phases ou des périodes peuvent être distinguées dans le cours de ce processus, et de nombreux auteurs en ont proposé des découpages utiles. Nous verrons ici quelques-uns de ces découpages parmi les plus connus et
les plus explicatifs.
Pour certains adolescents, le travail de construction de leur identité est plus complexe à
réaliser que pour d’autres. Nous verrons également quelques-unes des raisons qui peuvent rendre ce travail plus ou moins pénible et plus ou moins réussi.
La construction de l’identité selon la psychanalyse
Freud et les trois instances de l’appareil psychique
Dans sa (seconde) théorie de l’appareil psychique, Freud (BIO) distingue trois instances,
le ça, le moi et le surmoi. Le ça constitue le pôle pulsionnel de la personnalité; il contient
ce que Freud a appelé les pulsions, c’est-à-dire l’ensemble des désirs inconscients que
l’individu devrait pouvoir assouvir. Ces pulsions, chargées de toute l’énergie vitale de
l’individu, tendent non seulement à se réaliser, malgré l’état de refoulement dans lequel
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Construction de l’identité
cherchent à les maintenir le moi et le surmoi mais également à devenir conscientes, c’està-dire à entrer dans le champ de la conscience malgré la censure dont ils sont victimes de
la part de ces mêmes instances. Le surmoi joue le rôle de juge, de censeur à l’égard du
moi, du ça et des pulsions mais aussi le rôle de réservoir des exigences culturelles et
sociales enseignées par l’éducation et la religion. Il se constitue par intériorisation des
exigences et des interdits parentaux.
Le moi (das Ich en allemand) occupe une position de médiateur entre le ça et ses revendications pulsionnelles d’une part, le surmoi et les exigences de la réalité d’autre part. Son
rôle consiste en particulier à donner aux pulsions des formes socialement et culturellement
acceptables, afin que l’énergie dont elles sont chargées puisse être régulièrement relâchée. On peut donc dire qu’il est chargé des intérêts de la totalité de la personne.
Le développement de la personnalité, selon Freud, est directement le reflet de cette dynamique de conflit entre les diverses instances qui la composent.
Au tout début de l’enfance, ni le moi ni le surmoi ne sont encore bien constitués. Règne
alors une période de dominance du ça et de la recherche de satisfaction immédiate des
besoins. Mais ces besoins sont d’abord oraux et anaux, centrés prioritairement autour de
l’ingestion et de l’élimination de la nourriture. Ce n’est que plus tard qu’ils se colorent de
sexualité; l’intérêt de l’enfant se porte alors sur les parties génitales, zones de plaisir par
excellence, en même temps qu’il ressent une poussée grandissante d’affection et d’amour
pour le parent du sexe opposé, la mère pour le jeune garçon et le père pour la jeune fille.
Cette période culmine alors entre 3 et 5 ans dans le célèbre Complexe d’Oedipe, cet
ensemble ambivalent de désirs amoureux que l’enfant éprouve à l’égard du parent de
sexe opposé et de rivalité avec le parent de même sexe (voir aussi le mythe d’Oedipe
(TXT). Devant l’absence persistante de la satisfaction espérée, le complexe d’Oedipe
décline alors et donne lieu à une période dite de latence au cours de laquelle les pulsions
que le ça tente de faire émerger sont relativement peu chargées d’énergie et, de plus,
souvent acceptables aux yeux du surmoi et de la conscience individuelle et collective.
Avec la puberté, les désirs sexuels reprennent de l’importance et le ça l’emporte à nouveau temporairement sur le moi.
Evolution du moi à l’adolescence selon Anna Freud
Si dans les premiers temps de la théorie psychanalytique, l’accent était davantage mis sur
le ça, sur les productions et les mécanismes de l’inconscient (on parlait même de psychologie des profondeurs), l’étude du moi et du travail qu’il réalise s’est progressivement
imposée comme une dimension fondamentale de la théorie. C’est Anna Freud (BIO), la
propre fille de Freud, qui a fortement contribué à développer notre compréhension de
cette instance de la personnalité, des mécanismes de défense dont elle dispose pour
assurer sa tâche, face aux exigences souvent contradictoires du ça et du surmoi, et de
son développement de l’enfance à l’âge adulte.
A la prépuberté, «le processus physiologique de la maturation somatique sexuelle s’accompagne d’une reviviscence des processus pulsionnels et se continue par une poussée
de la libido à l’intérieur du psychisme. L’équilibre des forces, si péniblement établi entre le
moi et le ça se trouve modifié et rompu et les conflits intérieurs entre les deux instances
renaissent.» (A. Freud, 1982, p. 135). L’accroissement d’énergie investit indifféremment
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Construction de l’identité
toutes les pulsions du ça. Ainsi s’explique, aux yeux des psychanalystes, le regain des
conduites agressives, l’explosion de l’appétit ou la petite délinquance de la préadolescence.
A la maturité corporelle, c’est-à-dire au début de la véritable puberté, les pulsions génitales acquièrent «une plus grande importance psychique alors que les tendances prégénitales
sont reléguées à l’arrière plan.» (A. Freud, 1982, p. 137). Mais, dans ce conflit permanent
entre le moi et le ça, chaque fois que les exigences pulsionnelles se renforcent, se renforcent aussi les efforts défensifs du moi. De nouveaux mécanismes de défense, typiques
de l’adolescence, sont alors élaborés pour contrer le ça: l’ascétisme et l’intellectualisation.
L’ascétisme consiste à opposer aux forces instinctuelles une interdiction stricte, à refuser
tout ce qui, de près ou de loin peut rappeler la sexualité. Ainsi s’expliquent selon Anna
Freud, l’adoption d’une moralité quelque peu rigide, le refus de toute élégance, l’exposition du corps à tout danger (chaud, froid, risques de blessure, etc..) mais aussi la réduction des besoins au strict minimum, en termes d’alimentation, de sommeil, d’attention.
Des conduites comme la prise de risque, la négligence vestimentaire, les efforts physiques excessifs ou même l’anorexie mentale ne sont pas sans rappeler une telle attitude.
Mais tous les adolescents ne recourent pas nécessairement à ce mécanisme pour se
défendre contre la violence de leurs pulsions et l’angoisse qui y est associée; un autre
mécanisme de défense de cette période est l’intellectualisation. Profitant des progrès qu’il
réalise dans son développement intellectuel et dans la maîtrise de son raisonnement (voir
le développement cognitif et le stade des opérations formelles), l’adolescent va se lancer
dans la réflexion abstraite, les discussions interminables de questions «d’une portée universelle telles que celles de la religion ou de la libre pensée, des divers régimes politiques, de la révolution ou de la soumission à une autorité ou encore de l’amitié sous toutes
ses formes.» (p. 148). Mais
«toute cette belle activité mentale n’a guère de retentissement sur son comportement réel. La compréhensive sympathie pour autrui dont il fait étalage ne l’empêche nullement de se montrer grossier et sans égard
envers son entourage. Sa conception élevée de l’amour et des devoirs qui incombent aux amoureux n’atténue ni son infidélité ni la dureté dont il se rend coupable dans ses changeantes amourettes. Tout en s’intéressant, souvent beaucoup plus qu’il ne le fera plus tard, aux questions sociales, il n’en est pas pour autant
mieux adapté à la vie en société. La diversité de ses intérêts n’empêche pas non plus l’adolescent de tout
concentrer sur un seul point: la préoccupation de sa propre personnalité.» (p. 149).
La construction de l’identité selon Blos
Comme Anna Freud, Peter Blos (BIO) porte son regard de psychanalyste avant tout sur la
construction du moi. Selon lui, cette construction est un lent processus qui trouve son
origine et sa raison dans la nécessité de se séparer progressivement du premier objet
d’investissement que constituent les parents et la mère en particulier, sans perdre son
«équilibre». «Tout le développement de la personnalité pendant l’adolescence vise à intégrer dans un tout le nouvel acquis maturationnel de la puberté et les modes plus anciens,
et éprouvés, de maintien de l’équilibre. Ce processus d’intégration assure une continuité
dans l’expérience du moi qui facilite l’émergence d’un sentiment de soi stable - le sentiment d’identité.» (Blos, 1967, p. 69).
Ce développement passe par des étapes successives appelées phases dont les limites
d’âge ou de durée ne peuvent être fixées clairement. De façon qui n’est pas sans rappeler
la perspective de Piaget (BIO) sur le développement cognitif, Blos voit dans ces étapes
successives des développements visant à fournir au moi une meilleure adaptation à la
réalité extérieure et aux exigences issues de son monde intérieur. A la différence de Pia3
Construction de l’identité
get, par contre, Blos considère que le rythme de passage à travers ces différentes phases
peut être très différent d’un individu à l’autre, différences qui expliquent du même coup la
grande diversité des adolescences.
Les phases de la construction de l’identité
Blos définit plusieurs phases dans la construction de l’identité chez l’adolescent. Il parle
de période de latence (APP), de préadolescence (APP), de première adolescence (APP),
d’adolescence proprement dite (APP), d’adolescence tardive (APP) et de postadolescence
(APP).
La formation de l’identité sociale
Construire à partir des multiples expériences que l’on peut faire et des multiples identités
partielles sous lesquelles on opère dans diverses situations une identité unique, son identité, est, on vient de le voir, une tâche importante et complexe pour l’adolescent et le jeune
adulte. Mais la formation de l’identité comporte un autre aspect, celui de la prise en charge
progressive de différents rôles sociaux. Dans cette perspective, la formation de l’identité
d’un individu est vue comme faisant partie du processus général de socialisation de l’individu.
Définition
On appelle identité sociale l’ensemble des rôles, statuts, et fonctions que l’individu va
embrasser dans la société dans laquelle il va prendre place.
On entend généralement par là l’identité qu’il se construit sur les plans professionnel,
sexuel, religieux et socio-politique, c’est-à-dire la formation et la carrière à laquelle il se
destine, son identité hétéro ou homosexuelle d’homme ou de femme, sa disponibilité à
effectuer les activités généralement attribuées aux hommes ou aux femmes, l’église et les
valeurs éthiques auxquelles il veut croire et la nature de son engagement pour la vie de la
communauté et les modèles de société qu’il entend défendre.
Ici aussi, la tâche de l’adolescent consiste à dégager progressivement cette identité, tout
en acceptant de renoncer à nombre des idées qu’il avait préalablement caressées, artiste, sportif professionnel, amant, P.D.G. ou gentleman-farmer, par exemple.
Les étapes de la construction de la personnalité selon Erikson
Elève de Freud également, Erik Erikson (BIO) reprend l’idée de stades à franchir et de
traces que leur franchissement laisse gravées dans la personnalité de chacun; mais, à
l’instar d’Anna Freud et de Blos, il réduit considérablement l’importance accordée aux
forces de la libido et au ça et reporte son attention sur la construction du moi et de l’identité personnelle. A la différence de ces derniers cependant, Erikson accorde beaucoup de
place dans cette construction à l’interaction entre l’être en devenir et son environnement
social. Pour lui, l’identité d’un individu est une entité tripartite, le produit d’une interaction
entre des données biologiques de base, un certain parcours individuel à travers l’enfance
puis l’adolescence et les rôles et positions que l’individu, en se développant, va pouvoir
prendre dans le monde dans lequel il vit.
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Construction de l’identité
Erikson (1972) découpe la vie de l’individu en 8 étapes d’inégales longueurs mais qui
toutes se franchissent par le dénouement plus ou moins heureux de ce qu’il a appelé une
crise; si elle est bien négociée, chaque crise permet à l’individu de sortir «élégamment»
du stade antérieur et de rentrer dans le stade suivant sans que ne se fixent dans sa
personnalité des traces négatives du franchissement du stade précédent. Toutefois lors
de chacune de ces crises, l’individu fait preuve d’une vulnérabilité accentuée qui peut
conduire à une mauvaise négociation de la crise. Cette difficulté laissera alors dans la
personnalité du sujet des traces plus ou moins profondes. Ainsi, par exemple, le bébé
traversera à la fin de la première année une crise de confiance, qui, si elle est bien négociée, en fera un être fondamentalement confiant dans son environnement, mais qui, en
cas de difficulté, peut également le conduire à développer une suspicion latente à l’égard
des gens et une crainte endémique de l’avenir. Point de passage d’un premier état d’équilibre partiel à un état d’équilibre plus évolué, la crise joue donc pour Erikson un rôle structurant fondamental dans le développement de la personnalité de tout individu. (Voir les
stades de la construction de l’identité selon Erikson EXT)
La crise de l’adolescence, pour Erikson est celle de la formation de son identité. C’est
durant cette période en effet que l’adolescent va tenter de se positionner sur le plan professionnel, idéologique et sexuel.
S’il parvient, durant l’adolescence à rendre ses choix cohérents, que ce soit tout naturellement ou au contraire au travers moult tempêtes, il sortira de l’adolescence avec un
sentiment d’unité, la conviction de constituer une entité homogène et stable, qui réagit
aux situations qu’il rencontre de façon cohérente; si par contre, il ne parvient toujours pas
à effectuer ces choix ou qu’il s’avère incapable de les intégrer dans une image cohérente
de lui-même, la crise qui en résultera se dénouera de manière insatisfaisante et le jeune
adulte qu’il devient en gardera une impression de confusion, quant à l’image qu’il peut se
faire de lui-même ou qu’il laisse chez les autres, sa personnalité propre, sa position sociale, son rôle et les attentes de la société à son endroit.
Dans l’optique d’Erikson, le dénouement d’une crise d’un stade particulier n’est pas seulement décisive pour la personnalité adulte sur laquelle débouchera le développement. Il
est aussi déterminant de la manière dont l’individu va pouvoir aborder la tâche du stade
suivant. Ainsi, une résolution satisfaisante de la crise d’identité de l’adolescence est une
condition nécessaire pour que l’individu puisse aborder dans de bonnes dispositions les
tâches incombant à la période suivante, c’est-à-dire la recherche d’un conjoint ou d’une
conjointe, la sexualité adulte et la procréation. A l’inverse, la recherche d’identité ne pourra
s’opérer correctement, i.e ne pourra déboucher sur un sentiment d’unité que si la crise du
stade précédent, la crise dite d’accomplissement-infériorité a pu être résolue de manière
satisfaisante.
Les statuts identitaires selon Marcia
Marcia (1966) reprend les idées d’Erikson (BIO) et les développe de la manière suivante.
A un moment donné de son développement, l’individu peut se retrouver dans différentes
positions par rapport à la construction de son identité: c’est ce que Marcia a appelé son
statut identitaire. S’il est au milieu de sa recherche d’identité, c’est-à-dire s’il explore activement différentes options en matière de choix professionnel, idéologique ou sexuel, l’individu se trouvera dans une phase de transition, que Marcia qualifie de moratoire, reprenant un terme qui figure déjà chez Erikson. S’il n’a pas ou pas encore fait ses choix en la
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Construction de l’identité
matière, un individu sera dans une phase dite d’identité diffuse (le terme est ici moins
négatif que celui de confusion qu’utilisait Erikson, parce qu’il doit pouvoir s’appliquer aussi
bien à la situation d’avant la crise qu’à celle qui suit son dénouement malheureux). Si par
contre ces choix sont faits, raisonne Marcia, deux options sont encore possibles. Il se
peut, comme le proposait Erikson, que l’individu ait fixé ceux-ci au terme d’un processus
de recherche et d’exploration active, de crise; on qualifiera alors son statut d’identité mûrie ou achevée (achieved identity en anglais). Mais il se peut aussi qu’il ait fait ses choix
sans véritable crise, en particulier parce qu’il ne fait que reprendre à son compte des choix
faits pour lui par son entourage; ainsi, tel fils de commerçant ou de fermier sera commerçant ou fermier pour reprendre l’exploitation de son père. L’identité professionnelle ainsi
acquise sera dite héritée (foreclosed en anglais).
Evolution des statuts identitaires avec l’âge
A un âge donné, chaque individu peut se trouver dans un statut différent, même si les
proportions de sujets appartenant à la troisième et à la quatrième des catégories ci-dessus deviennent naturellement plus importantes à mesure qu’on avance dans l’adolescence, alors que le nombre d’individus présentant toujours une identité diffuse diminue
avec le temps. Les changements de statuts possibles ne sont pas non plus unidirectionnels, c’est-à-dire, par exemple, qu’une phase de moratoire peut déboucher sur une phase
d’identité mûrie mais elle peut tout aussi bien conduire à une phase d’identité diffuse.
Cette constatation est importante car elle introduit dans le modèle la possibilité de régressions momentanées (APP). La recherche montre également que le statut identitaire influence le comportement sur plus d’un plan et corrèle souvent de manière significative
avec des dimensions particulières de la personnalité. (APP) PAr ailleurs, Waterman et ses
collaborateurs (1985) montrent que tout individu, à un moment donné de son développement, n’est pas non plus nécessairement au même statut dans les différentes dimensions
de l’identité sociale. (APP).
Rôle de la culture, de la classe sociale et de l’origine ethnique
dans la formation de l’identité
La construction de l’identité est plus complexe pour les adolescents issus de cultures et
de races minoritaires. Développer une image positive de soi dans un climat de rejet et de
dépréciation est en effet plus difficile que lorsqu’on fait partie de la majorité reconnue.
Certains adolescents sont alors tentés de se comporter en membres de la majorité, dénigrant alors certaines particularités de leur culture d’origine. Mais une telle attitude ne
représente même pas une solution, car elle engendre souvent des reproches et une dévalorisation personnelle de la part du groupe minoritaire auquel ils appartiennent (Fordham
& Ogbu, 1986).
Pour certains adolescents, l’ethnicité prend une importance considérable dans le processus de formation de l’identité alors que pour d’autres elle demeure sans importance.
Dans le processus de construction de leur identité, les jeunes de minorités ethniques
peuvent choisir parmi quatre stratégies: l’aliénation, la séparation, l’assimilation et le biculturalisme (Phinney, 1989). Le biculturalisme est la capacité de construire deux identités en parallèle et d’utiliser, selon les situations, l’identité appropriée. On comprend qu’une
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Construction de l’identité
telle attitude, si elle permet d’éviter nombre de reproches, ne facilite pas la construction
d’une identité personnelle, définie précisément comme la capacité de se percevoir comme
le même individu quelques soient les situations.
Divers travaux soulignent que l’on rencontre chez les jeunes de minorités davantage d’individus présentant une identité héritée, au sens où l’entend Marcia (1966). Deux ordres
de raisons peuvent contribuer à ce résultat; en premier lieu, ces travaux ont généralement
porté sur des minorités (hispaniques, asiatiques) dans lesquelles les rôles sociaux et
idéologiques sont davantage préétablis par les règles de la communauté que dans les
sociétés où les statuts identitaires ont d’abord été examinés (la société américaine, en
particulier). En second lieu, il est vraisemblable également, comme le relève Spencer
(1993), que les expériences diverses, l’exploration d’options multiples soit moins faciles
pour les adolescents de minorités, davantage rejetés et maintenus à l’écart des autres
groupes ethniques que pour les enfants et les jeunes de la majorité.
Le manque de pouvoir dont les parents de minorités ethniques disposent généralement
dans la société, tend à accélérer chez leurs enfants la séparation d’avec ceux-ci et l’intégration dans des groupes de pairs, en particulier des groupes d’adolescents appartenant
eux aussi à des minorités ethniques. Défier les valeurs de la culture majoritaire devient
alors un moyen de se faire accepter dans ces groupes minoritaires, comme individu d’une
part mais aussi comme groupe minoritaire. L’échec scolaire, lorsqu’il se superpose à cette
dynamique, élève encore davantage ce désir et ce besoin de récognition et d’acceptation
par les pairs, en imposant une redéfinition des conduites qualifiées de succès ou d’échec
par opposition aux critères respectés par les individus de la majorité.
La classe sociale également influence les statuts identitaires auxquels les adolescents
peuvent prétendre. Même si l’on fait abstraction de la réussite scolaire et professionnelle,
dont on sait qu’elle n’est malheureusement pas indépendante, à l’échelle de la population, de l’appartenance aux classes sociales privilégiées, les images et les rôles sociaux
auxquels les jeunes vont pouvoir s’intégrer ne sont pas équivalents dans tous les milieux.
De plus, comme le rappelle Harter (1990), seuls peuvent se permettre une longue phase
d’exploration et de recherche (moratoire), les jeunes qui n’ont pas besoin de gagner leur
vie très tôt. Tout naturellement alors, cette phase du développement identitaire, et la phase
d’identité mûrie qui la suit, apparaît moins fréquemment dans les milieux socio-économiques moins privilégiés.
Le concept d’identité collective
L’identité collective est une identité que l’on se donne en référence à un groupe dont on a
adopté les valeurs et les buts Harter (1990) . La religion, la race, l’ethnie, la nation, la
classe sociale, les convictions politiques ou la profession constituent les principales dimensions autour desquelles peuvent s’articuler de telles identités.
L’image de soi à l’adolescence
Définition
On appelle image de soi les descriptions que quelqu’un fournit de lui-même; ces descriptions peuvent être totalement spontanées, en réponse à la sollicitation: dis-moi qui tu es
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Construction de l’identité
ou décris-toi comme tu te vois, ou provoquées par une activité de barrage ou de classement de mots ou d’images dont l’individu interrogé doit dire s’ils s’appliquent ou ne s’appliquent pas à lui.
Cette image évolue avec l’âge, non seulement par la diversité du vocabulaire utilisé pour
la décrire mais aussi par la nature et l’organisation des caractéristiques sur lesquelles
porte le regard et que l’on va retrouver dans la description.
Caractéristiques de l’image de soi chez les enfants et chez les adolescents
Lorsqu’il se décrit, le jeune enfant parle avant tout de ses comportements, de ses réalisations, de ses possessions, ou de caractéristiques physiques, soit ce qu’on a appelé une
description de «son extérieur». Progressivement, (à partir d’un stade qui correspond assez bien à celui des opérations concrètes sur le plan du développement cognitif) apparaissent dans ses descriptions des mentions de caractéristiques plus internes de sa personnalité; ces indications portent d’abord sur des traits de caractère (ex: honnêteté) ou
d’aptitudes (intelligence), des traits émotionnels (heureux, gai), ou de maîtrise émotionnelle (facile à vivre); avec la préadolescence, apparaissent également des traits
interpersonnels, (timide, sociable, etc...) et des indications sur sa compétence ou ses
difficultés à entrer en contact, à nouer des amitiés.
Lorsque l’adolescent se décrit, on relève par contre des mentions de son intérieur psychologique, de ses émotions particulières, de ses croyances, attitudes, aspirations, etc... donc
des descriptions qui incorporent ce qu’il pense être au fond de lui-même et qui ne se voit
pas forcément et ce qu’il voudrait ou souhaiterait être. L’analyse de ces descriptions montre qu’au pic de l’adolescence, l’écart entre ce que je suis (le soi) et ce que je voudrais être
(l’idéal de soi ou le soi idéal) est plus important que dans toute autre phase du développement.
En résumé, on retiendra donc qu’apparaît dans ces descriptions une évolution qui, du
point de vue du contenu, va de l’extérieur comportemental à l’intérieur psychologique et
qui, du point de vue de la structure, progresse de l’attachement au réel vers l’imagination
du possible.
Pour construire son image de soi, l’adolescent n’a pas recours qu’à sa propre perception
de lui-même; le regard des autres, l’interprétation qu’il peut faire des attitudes des autres
à son égard, constituent aussi des éléments à partir desquels il construit cette image.
Sont tout spécialement pris en compte les avis, remarques et regards de ceux qu’on
appelle les «significant others», c’est-à-dire de ceux auxquels il attribue de l’importance,
c’est-à-dire ses amis proches, ses copains, ses parents, ou ses professeurs, etc....
La relation à l’image de soi
Différents concepts sont utilisés dans la littérature psychologique pour caractériser l’image
qu’un individu a de lui-même, avec des sens parfois très voisins. Le concept de soi, l’estime de soi et le sentiment d’efficacité personnelle sont assurément les plus pertinents
pour notre étude de l’adolescence. Tous trois seront brièvement décrits dans cette section.
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Construction de l’identité
Le concept de soi
Définition
Le terme de concept de soi (ou «self-concept») est utilisé tantôt dans une acception très
large, tantôt dans un sens plus restreint. Dans le premier cas, il ne se distingue guère de
concepts voisins tels que l’estime de soi (voir ci-dessous), par exemple. Il concerne l’image
globale que quelqu’un a de ses capacités, de son apparence et de son intégration sociale
ainsi que les attitudes et sentiments que cette perception lui inspire. Plusieurs auteurs
questionnent cependant la validité théorique et l’utilité pratique d’un concept aussi global
et critiquent la difficulté de son évaluation.
Dans son sens restreint, le terme de concept de soi désigne une construction pyramidale
d’images de soi à l’intérieur de laquelle Shavelson, Hubner et Stanton (1976), distinguent
entre autres le concept de soi académique. Le concept de soi académique est abstrait
des diverses impressions que l’élève a pu récolter à propos de son niveau personnel dans
les différentes matières scolaires. Le concept de soi académique est à son tour distingué
entre concept de soi «langue» (english) et concept de soi «mathématiques» (Byrne &
Shavelson, 1986), (EXT : structure des différents concepts de soi) etc....
La vision du concept de soi proposée par Shavelson est avant tout cognitive. Comme le
sentiment d’efficacité personnelle, le concept de soi ainsi appréhendé correspond davantage à une estimation par le sujet de ses aptitudes sur différents points qu’à une évaluation, affectivement chargée, de sa valeur propre (Covington & Beery, 1976). En raison de
sa plus grande valeur théorique et pratique, mais aussi à cause de l’originalité de la «branche» académique du modèle de Shavelson-Marsh, c’est du concept de soi dans ce sens
restreint que nous nous occuperons ici.
Concept de soi et performance scolaire
La relation entre les résultats scolaires et les différents concepts de soi va en diminuant à
mesure que l’on monte dans la hiérarchie de ceux-ci. Ainsi, la corrélation est très forte
entre les résultats scolaires dans une matière et le concept de soi académique correspondant, moins forte entre les performances scolaires et le concept de soi académique et
faible entre les performances scolaires et le concept de soi général (EXT). Ainsi, s’ils sont
fortement liés aux performances scolaires, les concepts de soi ne semblent pas en être
de simples traductions. Y a-t-il entre eux une liaison de cause à effet? Et si oui, quelle est
la cause et quel est l’effet? Il en est ici comme de la poule et de l’oeuf car, si les performances obtenues dans une matière influencent certes le niveau auquel s’établira le concept
de soi correspondant, celui-ci influence à son tour la performance scolaire, en raison de la
tendance naturelle de tout individu à limiter ses efforts à l’obtention d’un résultat qu’il juge
conforme à ses attentes.
Différences liées au sexe et à l’âge
Filles et garçons ne se distinguent pas en ce qui concerne le niveau du concept de soi
général (Marsh, Barnes, Cairns, & Tidman, 1984). En matière non-académique, les garçons développent un concept de soi plus élevé que les filles sur le plan des capacités
physiques. Sur le plan académique, les filles de l’école obligatoire ont généralement un
concept de soi supérieur à celui des garçons dans le domaine «langue» mais volontiers
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Construction de l’identité
inférieur dans le domaine mathématiques même lorsqu’elles y obtiennent des résultats
meilleurs (Marsh, Smith, & Barnes, 1985) .
Marsh et ses collaborateurs (1984) constatent une diminution progressive douce, assez
générale des self-concepts du 2ème au 5ème degré scolaire, sauf en ce qui concerne le
domaine des relations sociales, avec les parents d’une part, avec les pairs de l’autre.
Selon eux, cette diminution correspond principalement à un ajustement vers davantage
de réalisme, à partir d’un concept de soi certainement surfait chez les très jeunes enfants.
Ces évolutions avec l’âge se révèlent également fortement parallèles entre filles et garçons.
L’estime de soi
Définition
Dans la littérature psychologique, on rencontre fréquemment les termes d’estime de soi et
de concept de soi utilisés comme synonymes (L’Ecuyer, 1978). Certains auteurs, au contraire, cherchent à les distinguer en considérant l’estime de soi comme le produit de l’évaluation des concepts de soi (L’Ecuyer, 1978). On voit aussi parfois l’estime de soi appelée
image de soi; d’autres auteurs encore l’assimilent à l’impression de compétence
(Pierrehumbert, Zanone, Kauer-Tchicaloff, & Plancherel, 1988)
Pour notre part, nous adopterons la définition suivante:
L’estime de soi est l’image ou la perception qu’un individu a de lui-même dans plusieurs
domaines de sa vie et la réaction affective que lui inspire cette image. Cette image n’est
pas une chose en soi, une sorte de tableau intérieur, mais une agglomération de jugements sur lui-même formant un tout cohérent, qui oriente et souvent détermine sa conduite.
Entité globale ou composite ?
Le concept d’estime de soi est un des plus ambigus que l’on trouve dans la littérature
psychologique. Pour certains, il s’agit avant tout d’une entité globale, caractéristique de
chaque individu, même si des images de soi plus spécifiques peuvent émerger dans plusieurs domaines différents (Coopersmith, 1967; Epstein, 1973); d’autres considèrent au
contraire qu’une telle image globale n’existe pas, mais qu’un individu aura des estimes de
lui-même différentes selon le domaine par rapport auquel il se considère (Harter, 1982).
Pour James (1890) une appréciation générale de soi existe indépendamment des raisons
objectives de satisfaction ou de mécontentement que l’on peut avoir envers soi-même.
Cette appréciation est le résultat du rapport que l’on perçoit entre ses propres accomplissements et ce que l’on estimait être ses potentialités. Coopersmith (1967) compte également parmi les défenseurs d’une image globale. Rosenberg (1979) reconnaît l’existence
d’une estime de soi globale mais insiste sur le fait que celle-ci ne peut être inférée à partir
d’une image de soi particulière. Poursuivant dans cette ligne, Harter (1982) montre qu’une
large part de la variance de l’estime de soi globale reste inexpliquée par les images de soi
dans les domaines cognitif, physique ou social. Dans ses travaux ultérieurs (Harter &
Connell, 1984, par exemple), elle en viendra alors à conférer aux différentes dimensions
de l’estime de soi une importance plus grande qu’à l’estime de soi globale.
10
Construction de l’identité
Les recherches récentes montrent qu’il est trompeur de ne parler qu’au singulier de l’estime de soi; s’il existe bien une estime de soi générale, dénotant une plus ou moins bonne
acceptation de soi, il existe aussi des estimes de soi spécifiques. Un examen détaillé de
l’estime de soi des adolescents montre en effet que celle-ci peut être plus ou moins élevée chez un même individu selon le domaine que l’on considère.
Harter (1988) dégage les neuf dimensions suivantes à l’estime de soi:
- compétence scolaire
- compétence dans le travail
- compétence sportive
- apparence physique
- acceptation sociale par les pairs
- liens d’amitié
- attrait sur le plan amoureux
- relations avec les parents
- conduite
A l’adolescence, la dimension globalement la plus importante pour l’appréciation de soi,
pour le degré de satisfaction personnelle et l’estime de soi, semble être la dimension de
l’apparence physique (Harter, 1989; Simmons & Rosenberg, 1975). La corrélation de cette
dimension avec l’estime de soi en général oscille régulièrement entre .65 et .80. Cette
constatation souligne l’importance de l’intégration des modifications physiques à l’adolescence. On relèvera également qu’il existe sur ce plan une différence entre les sexes, les
filles s’estimant généralement inférieures aux garçons sur la dimension apparence (Marsh,
Smith, & Barnes, 1985). Cette différence, imputable certes en partie à l’inaccessible idéal
de beauté qui leur est imposé par les médias, est à rapprocher également de la plus
grande difficulté avec laquelle les filles intègrent l’important cortège des modifications
somatiques qui les marquent au cours de l’adolescence (voir le développement physique
et ses répercussions psychologiques). (VID)
L’acceptation sociale par les pairs vient en seconde position. A l’adolescence, l’acceptation des pairs prend plus d’importance que celle des adultes en général et celle des parents en particulier. De manière intéressante, c’est davantage l’opinion de l’ensemble des
élèves de la classe que celui des amis proches qui compte, car, les amis proches ne sont
plus à convaincre tandis que les autres le restent. L’influence sur l’estime de soi du regard
posé par les adultes n’est cependant pas négligeable, surtout lorsque ces adultes comptent pour l’adolescent. Ainsi une attitude d’acceptation globale de l’adolescent de la part
de ses parents ou de ses enseignants contribue à élever son estime de lui-même, ou tout
au moins à empêcher qu’elle ne chute, même lorsqu’il ne réussit pas aussi bien qu’attendu ou ne montre pas les comportements souhaités.
Des différences dans l’importance relative accordée à ces différents domaines existent
bien sûr entre les individus. Il est alors spécialement important d’être bon dans les domaines que l’on valorise et moins important d’être bon dans ceux que l’on juge moins favorablement; à l’inverse, on valorisera davantage les domaines dans lesquels on se trouve
bon. Ce mécanisme permet à chacun d’élever son estime de soi; parfois cependant valeur attribuée à un domaine et niveau de compétence dans celui-ci ne sont pas en accord.
Il y a alors action négative sur l’estime de soi.
11
Construction de l’identité
On s’est demandé s’il existait entre les dimensions des compensations possibles. Certains auteurs constatent en effet que les élèves redoublants compensent leur moins bonne
estime d’eux-mêmes sur le plan scolaire par une meilleure estime de soi sur le plan physique, de l’apparence ou dans le domaine social (Pierrehumbert & al., 1988). Tous les
auteurs ne trouvent cependant pas ce phénomène de compensation (Tamagny, 1989).
De nombreux travaux soulignent aussi que l’estime de soi n’est pas fixée ainsi, dans
l’absolu, mais que l’individu se base, pour la déterminer, sur des comparaisons de ses
propres capacités avec celles des individus qui l’entourent. Ainsi, bien réussir dans sa
catégorie ou dans sa classe, est, pour la détermination de l’estime de soi, plus important
encore que la connaissance du niveau exact de sa catégorie ou de sa classe (Marsh,
1987). Cet effet est appelé l’effet du gros poisson dans le petit étang (en anglais: the big
fish in little pond effect). Ainsi, dans une recherche conduite au Tessin, Tamagny (1989) a
comparé l’estime de soi des élèves qui fréquentent le niveau 1 (niveau accéléré) pour
toutes les branches à niveaux à celle des élèves suivant pour ces mêmes branches un
programme moins avancé (niveau 2). Elle observe que les élèves qui se classent dans le
tiers supérieur dans les classes de niveau 2 ont une estime de soi scolaire plus élevée
que ceux qui se classent dans le tiers inférieur parmi les élèves de niveau 1.
Influence de l’estime de soi sur le comportement et les performances scolaires
Une estime de soi exagérément élevée conduit à se poser des buts irréalistes et à multiplier ainsi les échecs; à l’inverse une estime de soi trop dévaluée pousse à développer
des comportements de protection, à éviter les circonstances dont on peut tirer des bénéfices et à adopter des attitudes faites d’anxiété et de dépression. Une estime de soi faible
joue un rôle important dans la détermination au suicide et peut-être, dans la délinquance,
mais on n’en est à l’heure actuelle moins certain qu’on ne l’était il y a 15-20 ans.
Dans sa revue de la question, Wylie (1979) note que les corrélations entre estime de soi
et performances scolaires oscillent entre .10 et .50, et tendent à se concentrer dans la
zone des .30, .40. En termes de prédiction, de dépendance causale, les résultats expérimentaux sont relativement peu conclusifs. Ils tendraient à faire penser cependant que le
niveau des performances scolaires agit sur le sentiment d’estime de soi davantage que
l’inverse (Bachman & O’Malley, 1977; Calsyn & Kenny, 1977), mais cette influence n’est
importante que lorsque la mesure de l’estime de soi porte spécifiquement sur le domaine
scolaire (Calsyn & Kenny, 1977). L’affirmation de Purkey (1970) selon laquelle l’estime de
soi influence favorablement les performances scolaires n’a jamais véritablement pu être
mise en évidence de manière satisfaisante.
Evolution de l’estime de soi avec l’âge
Sur ce point aussi les chercheurs ne sont pas unanimes. Certains auteurs en soulignent
la stabilité (Coopersmith, 1967) alors que d’autres insistent sur son évolution avec l’âge
(Simmons, Rosenberg, & Rosenberg, 1973). Globalement, on assiste à une diminution
progressive de l’estime de soi durant l’enfance et à un plongeon de celle-ci au début de
l’adolescence (11-13 ans) puis à une graduelle et lente amélioration de l’estime de soi
entre 13 à 19 ans (McCarthy & Hoge, 1982; O’Malley & Bachman, 1983; Rosenberg,
1979).
En termes de scolarité, il est intéressant de relever que le plongeon constaté à l’entrée
dans l’adolescence correspond aussi à la transition de l’école primaire - où le jeune avait
pris l’habitude d’être le plus grand -au secondaire où il devient le plus petit.
12
Construction de l’identité
Résumé
Facteurs influençant l’estime de soi de l’adolescent
- les compétences personnelles
- le groupe de référence
- le domaine en question
- l’importance accordée à la réussite dans le domaine en question
- l’âge
- les jugements et attitudes des tiers, notamment des tiers impor
tants
- le support social
Attitudes éducatives favorables à l’estime de soi
- Promotion d’un sens de compétence chez l’adolescent
- Acceptation des domaines valorisés par l’adolescent
- Restriction des évaluations en termes de jugements et de compa
raison
L’efficacité personnelle
Devant le caractère un peu vague du concept d’estime de soi et les ambiguïtés auxquelles peuvent conduire les diverses interprétations qui en sont données, d’autres concepts,
plus précis, ont été proposés pour essayer de capturer les évaluations que les individus
se construisent d’eux-mêmes, de leur valeur et de leurs compétences. Le concept d’efficacité personnelle a été formulé par Bandura (1981)(BIO). Il apparaît dans la littérature
anglo-saxonne sous le terme de «self-efficacy» ou de «perceived self-efficacy».
Définition
Le sentiment d’efficacité personnelle correspond à l’impression qu’on s’est forgée d’être
capable, pour une certaine activité, dans un certain domaine, de
- se motiver à y investir un certain effort
- mobiliser certaines ressources cognitives appropriées,
- élaborer des réponses adaptées aux sollicitations qui pourraient en émaner
- disposer d’un certain niveau de contrôle sur l’issue des événements
Typiquement, l’efficacité personnelle se mesure par le niveau de performance qu’un individu se sent en mesure de réaliser dans une certaine activité, par exemple, la proportion
de réponses correctes qu’il pense pouvoir donner, le temps qu’il pense pouvoir résister, le
degré de complexité des situations qu’il pense pouvoir maîtriser, etc...
Le sentiment d’efficacité personnelle est donc une mesure subjective de la probabilité et
du niveau de réussite dans une certaine activité. Il doit donc être clairement distingué de
la probabilité objective de réussite, celle qu’un maître par exemple attribuerait à tel ou tel
de ses élèves; deux individus peuvent en effet avoir la même probabilité objective de
réussite, s’ils ont par exemple le même niveau de connaissances et le même degré de
préparation; ils n’en auront pas pour autant nécessairement le même sentiment d’efficacité personnelle.
13
Construction de l’identité
Utilité du concept
Savoir estimer son efficacité personnelle permet en premier lieu de se rassurer, de lutter
contre l’anxiété et le trac liés à l’incertitude; en conséquence le concept d’efficacité personnelle a une utilité qui dépasse largement le cadre de la psychologie pédagogique. On
le retrouve en particulier dans le domaine de la thérapie et de la performance artistique ou
sportive. Pour le thérapeute, ou le chercheur, le sentiment d’efficacité personnelle d’un
patient ou d’un sujet se révèle être un excellent prédicteur de la performance à laquelle
parviendra celui-ci. Bandura et Schunk (1981) observent ainsi que la proportion de soustractions que les élèves imaginent pouvoir réussir rien qu’en regardant un test correspond
de manière presque parfaite au nombre de soustractions qu’ils vont effectivement réussir
dans le test. Bouffard-Bouchard et al., (1990) montrent que ce sentiment est également
en accord certain avec l’estimation, une fois le test complété, du nombre de réponses
correctes effectivement données. Ainsi, sentiment d’efficacité personnelle, performance
réelle et impression de réussite se révèlent souvent concordants.
Mais le sentiment d’efficacité personnelle influence également le développement personnel par ses effets sur la motivation; la recherche montre en effet que la quantité d’effort
que l’on est disposé à investir dans une activité dépend directement de son sentiment
d’efficacité personnelle pour l’activité en question. Le travail augmentant alors la probabilité de succès, le sentiment d’efficacité personnelle va s’en trouver à son tour renforcé; la
disponibilité à accepter momentanément la difficulté, voire à la rechercher augmentera
aussi. Les situations difficiles étant aussi celles qui font faire les plus grands progrès, on
voit ainsi par quel mécanisme le sentiment d’efficacité personnelle, lorsqu’il est élevé,
accélérera le développement de compétences diverses alors qu’il le ralentira lorsqu’il est
faible.
De nombreux travaux mettent également en évidence combien le sentiment d’efficacité
personnelle affecte les choix d’orientation et de carrière, ainsi que les décisions en matière de parcours personnels dans l’existence. Là où c’est possible, les individus tendent
naturellement à éviter les situations, les activités ou les milieux pour lesquels ils ne s’estiment pas compétents et à s’orienter vers les activités à propos desquelles ils se reconnaissent une certaine efficacité. Ainsi les auto-limitations que les jeunes se mettent vis-àvis de certains domaines ou de certaines professions sont souvent le résultat d’un sentiment d’inefficacité plutôt que de réelles incapacités. Si l’on sait, comme on le verra cidessous, que les messages reçus de l’entourage à propos de leurs compétences ainsi
que les modèles aperçus alentour affectent significativement le sentiment d’efficacité personnelle, on comprendra pourquoi, par exemple, les adolescentes se détournent volontiers des carrières techniques et scientifiques, arguant d’un déficit de compétence, alors
même qu’objectivement, elles ne diffèrent en rien des garçons sur le plan des capacités
(voir l’évolution des intérêts à l’adolescence dans le chapitre consacré au développement
cognitif).
Déterminants de l’efficacité personnelle
Pour Bandura, quatre sources d’informations permettent à l’individu de fixer son sentiment d’efficacité personnelle. Il s’agit
14
Construction de l’identité
- des résultats de ses expériences antérieures dans l’activité en question,
- de l’observation d’autrui en train d’exécuter la conduite visée,
- de toutes formes de persuasion, verbale ou non-verbale émanant de son entourage,
- des indications physiologiques ou d’état émotionnel qui lui parviennent de son organisme (stress, tensions, inquiétudes, etc...)
Pour l’éducateur ou le thérapeute, ces quatre sources constituent autant de moyens d’agir
sur le sentiment d’efficacité personnelle de l’élève ou du patient. Ainsi, par exemple, permettre à l’individu de voir quelqu’un aux prises avec la même activité et réussir à la maîtriser augmente l’impression d’efficacité personnelle alors que constater l’échec d’autrui la
diminue. De nombreux travaux montrent même que l’influence du modèle sera d’autant
plus importante que les caractéristiques de celui-ci et celles du sujet sont proches (Schunk
& Hanson, 1985), notamment en termes d’âge, de sexe ou de niveau de capacité. Utiliser
des enfants comme modèles pour des enfants se révèle ainsi favorable et même préférable à l’intervention d’adultes dans ce rôle. Point n’est besoin en effet que le modèle soit
d’un niveau de compétence très élevé. Voir le ou les modèles éprouver quelques difficultés avec la tâche avant de parvenir à la résoudre influence même davantage le sentiment
d’efficacité personnelle et, au bout du compte, la performance du sujet que l’observation
d’un modèle capable de maîtriser immédiatement la situation (Schunk, Hanson, & Cox,
1987). Prodiguer des encouragements réalistes, souligner les progrès effectués contribuent également à augmenter le sentiment d’efficacité personnelle alors que toute dépréciation des compétences le diminuera. Enfin, diminuer le stress, l’anxiété ressentie face à
une situation, ou modifier le sens qu’il attribue à telle ou telle réaction de son organisme
aussi agira sur l’efficacité personnelle.
Limites du concept d’efficacité personnelle
Malgré le nombre de travaux attestant de l’existence et du fonctionnement du sentiment
d’efficacité personnelle, quelques auteurs mettent en doute la simplicité de la relation
entre efficacité personnelle et performance ultérieure. Norwich (1987), par exemple, relève que, dans le domaine des mathématiques, le concept d’efficacité personnelle souffre
de l’ambiguïté de sa mesure; estimer d’avance sa probabilité d’effectuer correctement
une performance donnée peut en effet se révéler une tâche trop complexe pour un élève
en-dessous d’un certain âge. D’autre part, dans les études portant sur le domaine scolaire, il est souvent difficile de distinguer entre effet d’un changement du sentiment d’autoefficacité et effet dû à une amélioration du niveau de connaissances et de maîtrise des
sujets. Dans ces études en effet, le sentiment d’efficacité personnelle à propos d’une
activité particulière après entraînement y est souvent comparé à celui dont faisaient preuve
les élèves avant cet entraînement. Or l’entraînement n’a pas affecté que le sentiment
d’efficacité personnelle des élèves, il a aussi contribué à améliorer leurs connaissances et
leurs capacités en la matière. Dans un tel paradigme, l’effet de l’entraînement porte sur le
degré de maîtrise d’une technique autant que sur le sentiment d’efficacité personnelle des
élèves.
15
Construction de l’identité
Quelques traits saillants de la personnalité des adolescents
La construction de faux-soi
Pour répondre aux attentes parfois opposées des personnes de leur entourage, qu’elles
soient réelles ou imaginées, les adolescents se construisent souvent des «personnages»
différents, dont ils usent dans des conditions bien précises. On parle à ce sujet de fauxsoi. Ceux-ci sont composés pour certaines circonstances bien déterminées et sont systématiquement utilisés lorsque l’adolescent se retrouve dans la situation en question. Tel
adolescent sera ainsi différent en famille, avec les copains, avec son ou sa petite amie,
dans sa classe, etc....
Ces faux-sois sont en principe contrôlés par l’adolescent ou l’adolescente qui les adopte,
mais il peut arriver que ceux-ci soient en quelque sorte dépassés par un personnage ainsi
construit, ne comprenant pas toujours pourquoi, dans tel contexte, ils se sont comportés
de telle ou telle manière.
Fluctuations rapides des humeurs, des réactions et des attitudes
Dans le court terme également, indépendamment des situations, les réactions et les attitudes de l’adolescent ou de l’adolescente ne sont pas constantes, au grand étonnement
souvent de la personne concernée elle-même. Pourquoi suis-je joyeux et l’instant d’après
suis-je triste, insouciant et l’instant d’après anxieux, etc.... ?
Des facteurs hormonaux semblent en partie responsables des fluctuations d’humeurs
(Beach, 1975), fluctuations qui à leur tour peuvent engendrer des modifications temporaires du comportement. Ainsi, les réactions d’agressivité chez le garçon (Susman, InoffGermain, Nottelmann, Loriaux, Cutler & Chrousos, 1987) les réactions d’agressivité et les
humeurs dépressives chez la jeune fille (Brooks-Gunn & Warren, 1989) sont liées à des
modifications brutales des taux hormonaux, caractéristiques de la première phase de
l’adolescence. Toutefois, on note aussi une réactivité exacerbée aux événements extérieurs chez les jeunes adolescents, réactivité dont l’importance est au moins aussi grande
que les déterminants hormonaux. Les conflits avec des amis ou les parents sont tout
particulièrement susceptibles de produire de rapides et fortes altérations de l’émotivité.
Coexistence de traits de personnalité souvent opposés
On utilise volontiers pour décrire la personnalité des individus un ensemble de dimensions, appelées traits; chaque personnalité se caractérise par des traits plus ou moins
prononcés, c’est-à-dire par une position particulière sur ces différentes dimensions. On
trouvera en annexe les traits de la personnalité selon Cattell (1991) (EXT)
Alors que les personnalités adultes présentent généralement des traits bien particuliers,
la personnalité des adolescents se caractérise volontiers par la cohabitation de traits opposés. Le comportement des jeunes est alors dirigé tantôt par l’un tantôt par l’autre de ces
traits opposés. C’est ainsi, par exemple, qu’ils sont facilement tour à tour tolérants et
intolérants, se sentent parfois très vulnérables mais minimisent les risques liés à la vitesse, à l’alcool ou au sexe, ou encore qu’ils font preuve d’une très grande dépendance
alors qu’ils viennent de revendiquer une totale liberté, au nom de l’indépendance à la16
Construction de l’identité
quelle ils estiment avoir droit. De telles ambivalences sont «normales» à cet âge et ne
doivent surtout pas être prises pour des troubles de la personnalité. Le diagnostic de
trouble de la personnalité est très rarement posé à l’adolescence. Pour qu’un tel diagnostic puisse être posé, il faut en effet, selon le DSM IV que les traits de personnalité inadaptés semblent «envahissants, durables et dépassent le cadre d’un stade particulier du
développement (...). Il faut savoir que les traits d’un trouble de la personnalité apparaissant dans l’enfance se modifieront habituellement avec le passage à l’âge adulte. On ne
peut diagnostiquer un trouble de la personnalité chez une personne de moins de 18 ans
que si les caractéristiques ont été présentes depuis un an au moins.» (p. 741)
Oppositions de traits caractéristiques de l’adolescence
Tolérance-Intolérance
Diverses recherches ont été conduites pour tenter d’analyser les attitudes des adolescents à l’égard de celles et ceux dont les comportements sortent de l’ordinaire. Ces études débouchent toutes sur la conclusion que si ces attitudes sont généralement plus
tranchées que celles des adultes, elles ne sont pas toutes de même nature. Ainsi, le
fugueur est généralement perçu positivement par les jeunes, décrit comme courageux,
proche, heureux et même enviable, alors que les malades mentaux sont vus comme
solitaires, malheureux, inefficaces et mystérieux (Coslin, Forest-Aberdam, & Selosse, 1980).
Cette même étude permet aussi de constater que l’image de la maladie mentale est plus
négative encore chez les adolescents dits inadaptés sociaux (pensionnaires d’un foyer
semi-ouvert) que chez le reste des adolescents du même âge. Selon les auteurs, cette
différence s’explique par la volonté des adolescents inadaptés de faire clairement apparaître que leur propre inadaptation n’a rien à voir avec la maladie mentale.
Face à l’homosexualité on note aussi chez les jeunes une attitude d’intolérance plus importante que celle des adultes. Cette intolérance diminue cependant significativement
entre 16 et 18 ans (Coslin, et al., 1980). Ici aussi, c’est par référence à son identité propre
que l’adolescent émet ses jugements. A 16 ans en effet, il est encore, sur le plan de sa
sexualité, dans une période d’insécurité, alors qu’à 18 ans, les choses sont plus claires
pour lui sur ce plan. L’adolescent tend ainsi à rejeter l’homosexuel et l’homosexualité tant
qu’il n’est lui-même pas sûr de ses propres pulsions; c’est donc une réaction d’inquiétude
plus que d’hostilité qui suscite chez lui cette intolérance. Des résultats suisses plus récents montrent qu’une justification analogue peut être donnée pour expliquer l’attitude
intolérante des adolescents à l’égard de tout un ensemble de groupes sociaux plus ou
moins marginalisés, comme les porteurs d’un casier judiciaire, les membres des sectes,
les drogués, les gens instables, les alcooliques, etc.. (EXT) (Melich, 1991).
La méconnaissance est aussi source d’intolérance, comme le montre, dans la même
enquête, le rejet important des gens d’autres races, les réfugiés politiques ou les travailleurs étrangers.
Le degré de tolérance ou d’intolérance des jeunes à l’endroit d’actions que la morale
réprouve est aussi plus fluctuant que celui des adultes. La même enquête genevoise fait
apparaître que les 15-20 ans sont aussi intolérants si ce n’est plus que les adultes à
l’égard des comportements impliquant des personnes (prostitution, avortement sans raisons médicales, assassinat, euthanasie, divorce, infidélité, etc...), mais qu’ils sont par
contre plus tolérants lorsque ces comportements ne concernent que des biens matériels,
17
Construction de l’identité
comme demander remboursement, ne pas payer son billet dans un moyen de transport,
tricher dans sa déclaration d’impôts, vol de voiture, etc... ). EXT
Vulnérabilité-invulnérabilité
Les importantes transformations physiques que vivent les adolescents leur laisse volontiers une impression d’extrême vulnérabilité. Françoise Dolto (1989) (BIO) appelle cette
impression le Complexe du homard.
«On se sent sur une pente dont on n’a pas le contrôle. On perd ses défenses, ses moyens
de communication habituels sans avoir pu en inventer de nouveaux.»(p. 14-15)
Cette vulnérabilité est d’autant plus fortement ressentie, que la protection des parents,
sous laquelle on pouvait se réfugier avant, n’est plus souhaitée, elle est même rejetée.
Dans le même temps cependant, l’adolescence apporte de nouvelles forces physiques,
de nouvelles capacités intellectuelles, l’envie d’expériences nouvelles de toutes sortes.
Ces nouvelles possibilités donnent volontiers aux adolescents, aux garçons plus encore
qu’aux jeunes filles, un sentiment d’invulnérabilité. D’où une attitude de prise de risques
souvent inconsidérés, sur la route, en matière de consommation d’alcool ou de drogue,
parfois également de comportements sexuels.
Ce sentiment d’invulnérabilité est si fort à l’adolescence qu’il rend souvent peu efficace
toute campagne de prévention axée uniquement sur la présentation des dangers encourus à circuler sans casque sur sa motocyclette ou ivre au volant d’une voiture, à faire
l’amour sans protection ou à consommer régulièrement tabac, alcool ou drogue de toutes
qualités.
Dépendance-indépendance
La recherche d’indépendance, vis-à-vis du milieu familial notamment, est une des aspirations fondamentales de l’adolescence; Blos (1967)(BIO) en fait même la motivation centrale de l’adolescence. Mais cette quête de l’indépendance vis-à-vis des parents entraîne
parfois les adolescents à se réfugier dans d’autres dépendances, qu’il s’agisse d’individus extérieurs au milieu familial (idoles, gourous, leader de gang, etc...) ou de substances
de toutes sortes (alcool, tabac, drogue, etc... ). Vouloir à tout prix ressembler à telle vedette, accepter de suivre aveuglément tel «directeur de conscience» est rassurant pour la
construction de l’identité mais aliénant pour l’individu.
Une autre dépendance à laquelle cède tout adolescent est la dépendance de l’impression
qu’ils laissent aux autres. Plus qu’à tout autre âge de la vie, l’adolescent a besoin, pour
tenter de comprendre qui il est et qui il peut devenir, de connaître ce que les autres pensent de lui. Selon Harter (1990), l’extrême variabilité des images que lui renvoient les
différentes personnes qu’il côtoie, selon les contextes, les circonstances et le moment,
contribue pour une part importante à rendre difficile pour l’adolescent la construction d’une
image unifiée de lui-même, à dégager sa véritable identité.
Psychologie pédagogie : l’adolescent
Cours du Prof. Jean-Luc Gurtner
Université de Fribourg (Suisse)
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