Un drôle d`Ubu à la sauce Dan Jemmett

Transcription

Un drôle d`Ubu à la sauce Dan Jemmett
Elections
2012
complémentaires
A bâtons rompus
Les relations avec
l’Europe en question
ÉLECTION AU CONSEIL DES ÉTATS. La pression monte sur la place financière suisse, y compris de la part de l’Union européenne: est-ce
que la Suisse atteint là les limites de la voie
bilatérale avec l’UE?
JACQUES
BOURGEOIS
Parti libéralradical
Avry
FRANCIS
FASEL
Nouvelle terre
Villarimboud
CHRISTIAN
LEVRAT
Parti socialiste
Vuadens
CHARLY
PACHE
Parti pirate
Fribourg
2
Gruyère
La Gruyère / Mardi 28 février 2012 / www.lagruyere.ch
Un drôle d’Ubu à la
sauce Dan Jemmett
Rappelons qu’un franc sur deux est gagné à l’extérieur de nos frontières et très majoritairement avec
l’Union européenne (UE). Nos relations avec elle
sont par conséquent primordiales pour notre essor
économique. Les accords bilatéraux ont jus-qu’à
ce jour fait leurs preuves. Nous devons continuer
sur cette voie et non adhérer à l’UE comme le suggère mon principal concurrent Christian Levrat.
Pas seulement dans le domaine financier, mais
également dans celui de l’électricité, des négociations sont en cours avec l’UE. Des négociations
importantes pour notre pays qui peut jouer, grâce
à nos barrages, un rôle de «batterie» de l’UE.
La libre circulation des personnes est d’autant
plus profitable que chacun respecte les règles;
nous devons lutter plus efficacement contre les
abus que l’on constate.
Dans le domaine financier, la préservation du
secret bancaire pour les citoyens suisses est impérative. Quelles que soient les solutions retenues
pour l’étranger, la préservation de notre sphère
privée, et donc du secret bancaire, fait partie des
libertés fondamentales que je défends.
La pression étrangère, non dénuée d’intérêt, envers la place financière helvétique est paradoxalement une chance pour la Suisse. C’est l’occasion
pour elle de revoir ses priorités et d’en débattre
au sein de la population.
«Avoir toujours plus sans rien donner en
échange» est-ce moralement soutenable? Nous
devons une fois pour toutes nous affranchir du
pouvoir de la finance en signant l’arrêt de mort
du secret bancaire: proposer sans conditions que
tout étranger doit présenter une déclaration fiscale de son pays et rendre ainsi totalement transparent tout dépôt d’argent. Le Gouvernement
suisse retrouvera ainsi un pouvoir de décision
et de manœuvre dans ses discussions avec l’UE
puisque le différend essentiel aura été dissous.
Nous pourrons nous regarder dans la glace,
fiers d’être suisses et pas plus pauvres pour autant, car la Suisse est un havre de sécurité même
pour les capitaux propres!
Nous avons 120 accords avec l’Union européenne, qui traitent de centaines de domaines
différents. Qu’il y ait quelques points de tension
relève de la nature des choses.
Ce qui m’inquiète plus, c’est la perte graduelle
de souveraineté: les derniers accords – notamment Schengen – prévoient une reprise automatique de l’évolution du droit européen, plus de la
moitié de nos lois fédérales sont de simples répétitions des règles fixées à Bruxelles.
Je crois qu’il faut maintenant laisser nos négociateurs poursuivre la recherche de solutions dans
les bilatérales III (énergie, chimie, agriculture), et
juger ensuite sur pièce des coûts et des avantages
de cette voie-là.
Exiger de nos banques une certaine éthique est
louable, mais il faut exiger que les pays qui font
pression sur la Suisse fassent preuve de la même
éthique. Or ce n’est pas le cas avec des pays
comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui
hébergent encore en leur sein des paradis fiscaux
ou des moyens légalisés de cacher l’origine des
fonds (trusts).
Une guerre économique est en cours, spécialement en cette période de crise et il ne faut pas
s’en cacher. Les livres de Myret Zaki exposent ces
faits. La voie bilatérale est possible pour la Suisse,
c’est à l’intérieur de l’UE que cela pose problème
et c’est à elle d’abord de régler ses différends internes. Le secret bancaire suisse date de 1934 et
avait pour but d’éviter la peine de mort aux Allemands qui avaient un compte à l’étranger, Juifs
compris. La question est de savoir si cet asile financier est encore défendable de nos jours.
VU DES COULISSES. Giovanni Calò, Valérie Crouzet et Eric Cantona, peu avant de monter sur la scène de CO2. CLAUDE HAYMOZ
SALLE CO2. Au-delà de
la présence d’Eric Cantona, Ubu enchaîné est
avant tout un spectacle
de Dan Jemmett. Drôle,
iconoclaste, et pas toujours compréhensible…
ÉRIC BULLIARD
Critique
Quand on lui dit que sa mise
en scène d’Ubu enchaîné, présenté dimanche à CO2, est
déconcertante, le metteur en
scène Dan Jemmett répond:
«J’espère bien!» La plupart des
quelque 500 spectateurs étaient
venus pour voir Eric Cantona,
ils se sont retrouvés devant un
spectacle délirant et revigorant
d’un Anglais iconoclaste.
Comme dans ses précédentes pièces – en particulier La comédie des erreurs, d’après Shakespeare – Dan Jemmett empoigne le texte, le triture comme un
matériau pour proposer sa propre création. La mise en scène,
ici, n’a rien de l’illustration. Ubu
enchaîné se trouve réduit à trois
personnages: Père Ubu, Mère
Ubu et un drôle de petit bonhomme qui raconte (rêve?)
toute l’histoire. En ouvrant de
temps à autre un castelet, un
théâtre de Guignol, où se trouvent enfermés les Ubu.
La pièce de Jarry se transforme ainsi en une sorte de rituel destructeur, à base de vaisselle cassée, de toasts, d’œufs,
de fleur déchiquetée, autant
d’éléments pris pour des personnages (comme dans des jeux
d’enfants) qui finissent brisés,
massacrés. Derrière ses airs absurdes, cette violence est révélatrice, renvoie au versant le
plus sombre de l’homme, à ses
obsessions. Manière de souligner que Jarry ne se contente
pas de non-sens, de pochade.
Un bémol toutefois dans ce
spectacle drôle et dérangeant:
avec ce principe, Dan Jemmett
perd de vue le fil narratif de son
Ubu enchaîné. Alors que les rebondissements de La comédie
des erreurs permettaient de
toujours retrouver des repères connus, l’histoire déjà peu
claire d’Ubu enchaîné passe au
second plan et devient quasiment incompréhensible.
Présence et diction
Et Cantona? D’une présence
indéniable, imposant dans un
costume de satin, l’ancien footballeur vocifère, s’agite sur son
fauteuil, pousse sa voix, sur
un ton quasi monocorde. Avec
une diction approximative qui
ajoute une difficulté de compréhension… La différence avec
l’élocution de Valérie Crouzet
était flagrante. Quant à Giovanni Calò, son accent italien
n’aide pas à retrouver de la
clarté, mais il compense par
des mimiques, un jeu de pantin
aussi hilarant qu’intrigant.
Pour sa nouvelle carrière de
comédien, Eric Cantona aurait
pu se contenter de rôles faciles, de théâtre de boulevard.
Avec ce personnage et ce metteur en scène, il démontre une
réelle ambition artistique et attire un public pas forcément
habitué à un théâtre contemporain, imaginatif. Et déconcertant, puisque c’est aussi un de
ses buts. ■
Chanter face au crabe
Deux sources à la base du Chant du crabe, que la
compagnie lausannoise Nonante-trois présente
ce jeudi à la salle CO2 de La Tour-de-Trême: auteur et metteur en scène, Benjamin Knobil a combiné la littérature et son histoire personnelle.
D’un côté, Moby Dick, de l’autre la mort de son
père, décédé d’un cancer en 1996.
Du roman de Melville, Benjamin Knobil reprend le personnage principal. Unijambiste, aveugle, à l’agonie, le capitaine Achab est alité dans
une chambre d’hôpital. Le marin John Malloy est
à ses côtés. Médecins et infirmières s’affairent autour d’eux. Le capitaine propose de larguer les
amarres: la perception fantasmée de ce qui les entoure donne à Achab et Malloy l’occasion d’une
dernière croisière imaginaire, à la recherche de la
baleine blanche…
Pour incarner Achab, Benjamin Knobil a fait
appel à un comédien à la présence intense, Jacques Probst. Dans sa volonté de mêler imaginaire
et réalité, de mettre de la légèreté dans un sujet
grave, un quatuor à cordes et quelques chants
viennent rythmer le spectacle. Au final, Benjamin
Knobil affirme avoir voulu «faire une mise en
scène gaie et enlevée sur un texte à l’humour
noir, mais accessible à tous. Le cauchemar et la
gravité sociale et métaphysique des thèmes
abordés n’empêcheront pas le rire, et surtout pas
l’émotion.» EB
La Tour-de-Trême, salle CO2, jeudi 1er mars,
20 h 30. Réservations: Office du tourisme de Bulle,
026 913 15 46, www.labilletterie.ch
«L’alcool, un problème d’éducation»
GASTRO FRIBOURG. Les cafetiers
restaurateurs ne sont pas au bout de leurs
peines. Après l’abandon des machines à
sous, le 0,5‰ et l’interdiction de fumer, le
franc fort et la crise de la zone euro s’invitent à leur table, comme l’a relevé Pascal
Yerly, président de la section de la Gruyère
de Gastro Fribourg, réunie hier en fin de
journée à Echarlens.
Mais d’autres inquiétudes pointent déjà
le bout de leur nez: la modification en
cours de la Loi sur les établissements publics et la danse y est pour une bonne part.
Avec en première ligne l’article visant à interdire de servir des alcools non distillés
(bière et vin) aux jeunes de 16 à 18 ans.
«C’est un alibi politique, a commenté
Muriel Hauser, présidente de Gastro Fribourg. Cette interdiction ne va que les inciter à aller boire ailleurs, dehors, dans des
appartements ou des cabanes en forêt.
Comme avec la fumée: on va déplacer le
problème vers l’extérieur. Quel contrôle
pourra-t-on alors avoir sur ces jeunes?»
Et Pascal Yerly de reprendre: «Le problème est davantage un problème d’éducation qu’un problème de loi.» Une réflexion qui avait déjà été faite quelques
minutes auparavant par rapport aux soucis liés à l’ordre public et à la tranquillité.
Une réunion est encore prévue avec
les députés, avant la décision du Grand
Conseil, probablement avant l’été. SR