Mariage gay : Pourquoi j`ai décidé de m`abstenir

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Mariage gay : Pourquoi j`ai décidé de m`abstenir
Mariage gay : Pourquoi j’ai décidé de m’abstenir
Je suis un homme de convictions et l’abstention n’est pas ma tasse de thé.
Pourtant, après une longue et difficile réflexion, après avoir écouté les arguments de part et d’autre,
y compris à l’occasion de débats organisés dans ma propre circonscription, c’est bien cette position
qui s’impose à moi, au moment du vote solennel à l’Assemblée nationale, ce mardi 12 février.
Voici pourquoi :
Comme une vaste majorité de Français, je ne supporte pas toute forme d’intolérance contre l’autre,
pour des raisons raciales ou de préférences sexuelles. Deux lois qui portent mon nom en témoignent,
qui doublent les peines prévues par notre code pénal dans les cas de violences à caractère raciste ou
homophobe. On comprendra dès lors que je respecte totalement la liberté de chacun de choisir son
orientation sexuelle ; tout comme je respecte la liberté de deux adultes de même sexe, liés par des
sentiments amoureux, de construire leur vie ensemble et de souhaiter construire leur vie ensemble
et de voir leur union pleinement reconnue par la société. Je considère enfin que dans ce cas, les
droits de ces personnes doivent être les mêmes que ceux qui protègent les époux, dans notre
Mariage traditionnel, c’est-à-dire hétérosexuel.
Je confesse que sur ce point, j’ai personnellement évolué au fil de ces dernières années, comme
d’ailleurs beaucoup de nos concitoyens : j’avais en effet voté contre le PACS en 1999, au nom de la
préservation du Mariage. Puis j’ai soutenu en 2007 les propositions du candidat Nicolas Sarkozy
visant à instituer en France un Contrat d’union civile, reconnaissant – sauf pour les questions de
filiation – l’égalité des droits entre couples homosexuels et hétérosexuels.
Au passage, je regrette d’ailleurs que le Président Sarkozy n’ait pas trouvé le temps au cours de son
quinquennat, de faire voter cette mesure. Ce qui nous aurait épargné la longue saga du « Mariage
pour tous » que nous impose aujourd’hui François Hollande. Alors même que la France est plongée
dans la crise, et qu’elle devrait s’occuper d’abord de l’emploi et de l’économie, le pouvoir socialiste
se plait à soulever les unes après les autres toute une série de questions sociétales, pour diviser les
Français et faire diversion (en plus du Mariage pour tous, le droit de vote des étrangers, les salles de
shoot etc.).
Car sur le fond, mes réserves demeurent bien-sûr, totales, sur les questions de filiation. L’institution
du Mariage sert précisément à cela : à garantir les droits des enfants à naître, enfants qui par
définition ne votent pas et ne peuvent pas se défendre…
Or en « ouvrant le Mariage aux couples de personnes de même sexe », comme le dit l’intitulé même
du texte, le Gouvernement Hollande-Ayrault met en marche, même s’il se refuse à l’admettre, la
machine infernale de l’adoption (déjà possible dans le droit actuel) qui conduira inévitablement aux
méthodes « non conventionnelles » pour fabriquer des enfants, car la Procréation médicalement
assistée (PMA, également autorisée aujourd’hui dans certains cas pour les couples hétérosexuels) et
la Gestation pour autrui (GPA), interdite en France, mais à laquelle certains couples français ont déjà
recours en louant le ventre d’une femme à l’étranger.
Je ne mets naturellement pas en cause l’amour : il y a tant de divorces et d’enfants de divorcés en
France qu’il serait hasardeux de prétendre a priori que seuls les couples hétérosexuels sont capables
d’aimer et d’élever correctement leurs enfants… Loin de moi l’idée également de dénier aux couples
homosexuels la faculté d’aimer eux aussi « leurs » enfants ou de les élever, avec la même attention
que d’autres.
La question n’est pas là, car le cœur du problème n’est pas l’adulte, mais l’enfant. L’enfant a-t-il
besoin ou non de la figure de l’altérité humaine –un père et une mère – pour se construire ? A-t-on le
droit de décider pour lui la façon même de lui donner la vie ? Et que lui dira-t-on quand, arrivé à
l’adolescence, cet enfant cherchera à apprendre qui il est, et d’où il vient ? Chacun sait combien
l’adoption peut, dans ce cas, se révéler difficile. Et j’ai moi-même eu connaissance, des ravages que
cause la découverte par un jeune, né d’une mère porteuse, que sa mère n’est pas sa mère et qu’il ne
connaitra jamais celle qui lui a donné la vie…
Dans leur majorité, les Français partagent ces interrogations et ces doutes. C’est ce qui a amené un
million d’entre eux – qui n’étaient pas tous des catholiques intégristes ! – à défiler dans les rues de
Paris le 13 janvier dernier. Devant cette levée de boucliers légitime, le Gouvernement, pour
conserver le mot « Mariage » a donc de nouveau louvoyé, biaisé, sur ce point comme sur d’autres,
« enfumé » les Français.
Les mots « père » et « mère » avaient disparu du projet initial ? Qu’à cela ne tienne, un article balai
(l’article 4) les réintroduit à côté du mot « parents » dans 170 points du code civil.
Les députés socialistes voulaient inscrire la PMA dans le texte Taubira ? On les a gentiment priés de
retirer leurs amendements en leur promettant une nouvelle « loi famille », d’abord prévue en mars,
puis repoussée en fin d’année, après une hypothétique saisine du Conseil national d’éthique…
La GPA est interdite ? Mais une circulaire Taubira publiée au Journal Officiel, en plein débat sur le
mariage Gay, va permettre de garantir la nationalité française aux enfants nés à l’étranger de mères
porteuses. On voudrait convaincre les homosexuels (mâles) qu’ils pourront demain utiliser sans
risque ce moyen pour se procurer des enfants, qu’on ne s’y prendrait pas autrement. De toute façon,
au nom du principe d’égalité, on voit mal pourquoi la PMA, qui pourrait demain être reconnue aux
femmes mariées entre elles, n’entrainerait pas ipso facto la GPA pour les hommes vivant en couple.
Toutes ces raisons expliquent que pendant des mois, j’ai été tenté de voter « non » à cette méchante
construction politico-juridique. Mais au final, j’ai fait le choix du principe de réalité. Qui en
l’occurrence se décline en quatre propositions :
1) Le texte sera voté, car le pouvoir en place dispose d’une majorité suffisante à l’Assemblée
pour ce faire ;
2) Des Français homosexuels vont donc se marier dès cette année. Aucune alternance, aucune
autre majorité demain n’ira les « démarier » ;
3) Qui dit « Mariage pour tous » dit ipso facto – et les juges le confirmeront au besoin – égalité
des droits, y compris en matière de filiation, qu’il s’agisse de couples mariés hétérosexuels ou
homosexuels. Ce qui veut dire que demain, nouvelle « loi famille » ou pas, la PMA, la GPA en
plus de l’adoption seront pratiquées par un nombre inconnu (mais probablement significatif)
de Français. Ce qui mène au quatrième principe de réalité :
4) Protéger ces enfants, à naître, ou qui d’ores et déjà vivent au sein de familles homosexuelles
(recomposées ou non). Et sur ce point, je ne me sens pas le droit de refuser à ces enfants les
mêmes droits, les mêmes protections que celles dont bénéficient tous les autres enfants de
notre pays.
Voici donc, au final, les raisons de mon vote. Je sais qu’il me sera parfois durement reproché des
deux côtés. À droite comme à gauche. Par les défenseurs du mariage traditionnel, comme par les
partisans du texte Taubira. Mais j’en assume à l’avenir l’entière la responsabilité – la plus noble –
celle d’un élu de la République.