Président Directeur Général de la Radio Tunisienne, Habib Belaïd à
Transcription
Président Directeur Général de la Radio Tunisienne, Habib Belaïd à
Président Directeur Général de la Radio Tunisienne, Habib Belaïd à la Conférence sur les médias tunisiens et égyptiens. Paris, UNESCO, 31 mai 2011 Seul le texte prononcé fait foi La Tunisie passe par des moments exaltants mais difficiles. Il est clair qu’un air de liberté souffle sur notre pays depuis la révolution du 14 janvier et nous autres, femmes et hommes de radio, sommes heureux de voir notre média lâcher sans autorisation son ancienne vocation d’outil de propagande au service du pouvoir et s’autoproclamer radio de service publique, mais en même temps, nous sommes inquiets quant à l’avenir de notre démocratie naissante, de notre économie malmenée, bref de notre pays si fragile et si vulnérable. La démocratie, la liberté, le pluralisme, le respect de la différence ne sont pas faciles à assumer, surtout en l’absence de traditions. Notre pays est en ébullition et nos médias connaissent une véritable métamorphose. Certes, il y a un regain d’intérêt indéniable pour nos radios publiques car celles-ci sont devenues plus crédibles qu’avant grâce à une nouvelle ligne éditoriale forte de la liberté acquise et d’une conscience croissante des dangers qui nous guettent. Mais le plus dur reste à faire. Longtemps muselés, nous n’avons pas été préparés à l’exercice de la démocratie, à la liberté d’expression, au respect de la déontologie et des règles qui régissent notre métier de journalistes et de communicateurs ; les dérives sont fréquentes, les risques sont énormes, les défis sont nombreux et l’avenir est incertain. Avec plus de 80 partis politiques, des centaines de milliers de chômeurs dont de nombreux diplômés, le quart de la population vivant aujourd’hui sous le seuil de la pauvreté et des milliers de réfugiés à nos frontières, nous ne sommes pas suffisamment armés pour gérer toutes ces difficultés et nos médias ne savent plus à quel saint se vouer pour être à l’écoute de toutes les contestations et répondre à toutes les attentes tout en respectant les normes du travail journalistique. C’est pourquoi à la Radio Tunisienne, nous avons entamé un programme de formation destiné à nos radios nationales et axé sur la couverture des élections, les techniques de l’entretien et de l’interview, les débats politiques et les émissions interactives, et ce avec l’aide de nos confrères de RFI, de Monte Carlo Doualiya et de Radio France. D’autres opérations similaires suivront, nous l’espérons, avec la fondation Hirondelle et probablement d’autres organismes internationaux, à condition de trouver des financements, pour que nos 5 radios régionales puissent bénéficier de la même formation. Ambitieux, mais faisant preuve de modestie malgré leur ancienneté dans le métier, nos journalistes ont un tel désir de recyclage et de perfectionnement qu’il serait regrettable de ne pas se donner les moyens d’assouvir cette soif légitime. Il est donc urgent de soutenir des actions concrètes qui pourraient aider nos médias à jouer un rôle déterminant dans la réussite de la transition démocratique. Sous forme d’ateliers, plutôt que de séminaires ou autres colloques, une grande opération de formation est nécessaire au profit de 200 journalistes et communicateurs (appartenant aux 9 chaînes publiques dont 4 nationales et 5 régionales) et portant sur des thèmes divers tels que : le journalisme d’investigation, les techniques du reportage, la conception d’une grille des programmes ou d’une page web spécial élection, sans oublier la formation de correspondants régionaux qui devraient constituer un véritable réseau au service de toutes les radios centrales et régionales. En plus de tous ces besoins en formation pratiquement dans tous les domaines, y compris celui de l’archivage oh combien urgent lui aussi, la radio tunisienne est confrontée à des problèmes de fréquences FM et des besoins en équipements techniques tels que les émetteurs nécessaires à court ou à moyen terme pour la réalisation d’un projet d’extension du réseau FM de la radio nationale. En effet, il est inconcevable que la chaîne publique nationale, la plus ancienne et la seule à diffuser ses programmes 24 heures sur 24, ne couvre que 50% de la population et ne soit écoutée sur FM que dans le Nord-est du pays (le reste étant arrosé par les ondes moyennes) alors que le pays s’apprête à vivre les premières élections libres et démocratiques de son histoire. Le coût de l’opération s’élèverait à 1 million d’Euros et la Radio Tunisienne est incapable actuellement de la financer. Par ailleurs, des équipements moins lourds que les émetteurs sont indispensables au travail journalistique tels que les ordinateurs, les enregistreurs numériques, les codecs, les mélangeurs de reportages, les reporte phones, , les casques, les microphones etc. … ce matériel est nécessaire dans l’immédiat et ne peut attendre les procédures administratives lourdes et inhérentes aux grandes institutions publiques comme la nôtre, sans oublier le coût élevé de ces équipements que ni l’institution, ni le pays ne sont en mesure d’assurer dans les circonstances actuelles. Formation, moyens techniques et financiers, mais aussi conseils et expertises, sont les grands axes d’une assistance souhaitée par nos médias, dans une conjoncture difficile de reconstruction et de démocratisation du pays, pour que nos organes d’information puissent jouer pleinement leur rôle avant, pendant et après le rendez-vous électoral du 16 octobre, nouvelle date de l’élection de l’assemblée constituante, et participer ainsi à la réussite du processus démocratique. Cette réussite est importante non seulement pour la Tunisie ou l’Egypte, mais aussi pour le reste du monde arabe. Ces deux pays se doivent de donner l’exemple, de montrer le chemin et de prouver aux peuples de la région, qui connaissent en ce moment les mêmes soulèvements, que la réussite est possible et pour prouver aussi au monde entier que nous sommes dignes de ce changement historique. Les pays occidentaux, avec leurs chaînes satellitaires de radios et de télévisions qui entrent sans frapper dans nos foyers pour nous informer au quotidien de leur vie politique et qui ont souvent été pour nous une source d’inspiration et un modèle de respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, sont appelés aujourd’hui à nous soutenir dans ces moments délicats de transition démocratique. Le soutien moral est nécessaire mais pas suffisant ; le soutien financier, matériel, logistique ou de conseil et d’expertise est vital. Nous voulons faire de la Tunisie Nouvelle, non-seulement un havre de paix, de tolérance, de dialogue des cultures et des civilisations, un pays stable, accueillant, ouvert et sécurisé, une bonne adresse pour les investisseurs, en plus du pays Proche, du pays Ami qu’il a toujours été pour les amoureux du soleil, de la plage et du jasmin, mais aussi et surtout un pays où il fait bon vivre pour tous ses citoyens quelle que soit leur origine sociale, leurs croyances ou leur couleur politique, pour toutes ses femmes et ses hommes épris de liberté et de démocratie et défenseurs de la dignité et des droits de la personne humaine . Le succès de cette révolution est notre chance à tous. Il faut la saisir, c’est maintenant qu’il faut agir. Après ce sera trop tard. Nous sommes optimistes quant à la suite des événements ; nous travaillons d’arrache- pied avec la complicité de nos amis pour avoir les moyens de nos ambitions et réussir notre pari. Merci à l’UNESCO, à l’UER et à France Télévisions. Merci à vous.