Transfert de tissu adipeux autologue préalable à la reconstruction

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Transfert de tissu adipeux autologue préalable à la reconstruction
Annales de chirurgie plastique esthétique (2013) 58, 35—40
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
ARTICLE ORIGINAL
Transfert de tissu adipeux autologue préalable à la
reconstruction mammaire par implant après
mastectomie et irradiation : à propos d’une série de
68 cas
Autologous fat grafting to the postmastectomy irradiated chest wall prior to
breast implant reconstruction: A series of 68 patients
I. Sarfati a, T. Ihrai a,b,*, A. Duvernay a, C. Nos a, K. Clough a
a
b
L’institut du sein, 7, avenue Bugeaud, 75016 Paris, France
Centre Antoine-Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice, France
Reçu le 7 juin 2012 ; accepté le 8 octobre 2012
MOTS CLÉS
Transfert de tissu
adipeux ;
Lipofilling ;
Radiothérapie ;
Reconstruction
mammaire ;
Prothèse ;
Complications
Résumé
Introduction. — La reconstruction mammaire après mastectomie et radiothérapie repose
préférentiellement sur la réalisation d’un lambeau. La reconstruction par implant seul est,
dans ces cas particuliers, grevée d’un taux élevé de complications et de résultats cosmétiques
peu satisfaisants. La démonstration des propriétés régénératives du transfert graisseux nous a
conduit à mener une étude prospective visant à étudier l’effet du lipofilling préalable de la paroi
thoracique irradiée avant reconstruction prothétique.
Patientes et méthodes. — Les patientes ont été incluses de 2007 à 2011. Toutes ces patientes
avaient eu une mastectomie et une irradiation pariétale. Une ou plusieurs séances de lipofilling
ont été réalisées préalablement à la reconstruction mammaire par implant. Les patientes ont été
suivies afin de recueillir les données suivantes : complications postopératoires ; résultat
cosmétique évalué, en utilisant une échelle numérique de 1 à 5 (1 : mauvais ; 5 : très bon),
par deux chirurgiens de l’équipe, une assistante médicale et la patiente ; récidives tumorales.
Résultats. — Soixante-huit patientes ont été incluses. Le nombre moyen de séances avant pose
de l’implant était de 2,3 (une à six séances). Le volume moyen de graisse injectée par séance
était de 115 cm3 (70—275). Le volume moyen des implants était de 300 mL (185—400 mL). La
durée moyenne du suivi est de 23 mois (quatre à 50 mois). Aucune récidive tumorale locale n’a
été diagnostiquée. Il n’y a eu aucune complication liée au lipofilling. Le taux d’explantation
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (T. Ihrai).
0294-1260/$ — see front matter # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2012.10.007
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I. Sarfati et al.
d’implant est de 1,47 % (1/68). Le score cosmétique moyen est de 4,5 (3,5—5).
Conclusion. — La reconstruction mammaire différée par prothèse avec lipofilling(s) préalable(s)
peut être une alternative à la reconstruction par lambeau chez les patientes après mastectomie
et irradiation de la paroi thoracique.
# 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Fat grafting;
Lipofilling;
Radiotherapy;
Implant breast
reconstruction;
Complications
Summary
Introduction. — After radiotherapy, breast reconstruction with an implant carries a high risk of
failure and complication. Clinical and experimental studies have demonstrated that grafting
adipose tissue (lipofilling) in an irradiated area enhances skin trophicity. Thus, we have started
performing preliminary fat grafting to the irradiated chest wall prior to implant reconstruction in
order to limit complications and failure risk.
Patients and methods. — Patients were included in this study from 2007 to 2011. All patients had
had mastectomy and irradiation for breast cancer. They all had one or more sessions of lipofilling
prior to breast implant reconstruction. These patients were prospectively followed up in order to
collect the following data: postoperative complications; cosmetic result; local breast cancer
recurrences.
Results. — Sixty-eight patients were included. The mean number of fat grafting sessions was 2.3
(range 1—6). An average volume of 115 mL (70—275) was injected each time. The mean volume
of breast implants was 300 mL (185—400). The mean follow-up was 23 months (4 50). No breast
cancer local recurrence was diagnosed during follow-up. Implant explantation was performed in
one case (1.47%) The mean cosmetic result was 4.5/5.
Conclusion. — Fat grafting to the irradiated chest wall prior to implant placement might be an
alternative to flap reconstruction for patients who are not suitable or who refuse this option.
# 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Patientes et méthode
Le recours à la greffe de graisse autologue (lipofilling) en
chirurgie réparatrice a été décrit au début du XXe siècle [1]
mais, il a fallu attendre le début des années 1990 et les
travaux de Coleman [2] pour que cette technique connaisse
un essor considérable [3]. Initialement utilisé en chirurgie
cosmétique du visage, le lipofilling a vu ses indications
s’étendre à la chirurgie réparatrice et notamment à la
reconstruction mammaire. De nombreuses publications ont
montré qu’outre son effet volumateur, le lipofilling, du fait
de l’action de nombreux facteurs de croissance produits par
les adipocytes, permet l’amélioration de la trophicité des
tissus receveurs [4]. Ces propriétés confèrent au lipofilling
un intérêt majeur dans le domaine de la chirurgie, esthétique
et réparatrice du sein [5].
La reconstruction mammaire différée (RMD) après mastectomie et radiothérapie repose préférentiellement sur la
réalisation d’un lambeau libre ou pédiculé. En effet, la
reconstruction par implant seul est, dans ces cas particuliers, grevée d’un taux élevé de complications et de résultats cosmétiques peu satisfaisant [6]. Néanmoins, le refus
des patientes ou des conditions cliniques défavorables
(pédicule du muscle grand dorsal sectionné, cicatrice dorsale, absence d’excédent cutanéo-graisseux abdominal. . .)
ne permettent pas, dans ces cas précis, la reconstruction par
lambeau. Les conclusions de nombreuses études démontrant les propriétés volumatrices et régénératives du transfert de graisse autologue nous ont ainsi conduits à mener une
étude prospective visant à étudier l’effet, en termes de
morbidité et de résultat cosmétique postopératoires, du
lipofilling préalable de la paroi thoracique irradiée avant
reconstruction prothétique.
Patientes
Les patientes de cette étude ont été incluses de manière
prospective de 2007 à 2011. Toutes ces patientes avaient
eu une mastectomie et une irradiation pariétale et souhaitaient une reconstruction mammaire par implant.
Elles présentaient un revêtement cutané thoracique
très fin, fixé au grill costal, ne permettant une reconstruction par prothèse. Toutes ces patientes refusaient
une reconstruction par lambeau musculo-cutané. Étaient
exclues de cette étude les patientes présentant un haut
risque de récidive (antécédent de cancer du sein inflammatoire e/ou avec emboles lymphatiques intramammaires étendues) et ayant un délai de suivi inférieur à cinq
années et celles présentant une atrophie cutanée thoracique majeure et pour lesquelles seule était possible une
reconstruction par lambeau.
Les 28 premiers cas de l’étude ont fait l’objet d’une
première publication [7].
Les patientes ont été préalablement informées du débat
concernant les effets de la greffe d’adipocytes sur les cellules cancéreuses, du faible recul disponible pour cette
technique et de l’éventualité d’un échec de la reconstruction (complication nécessitant le retrait de l’implant ou
mauvais résultat esthétique). Toutes les patientes incluses
ont signé un consentement éclairé. Chaque cas a été préalablement discuté et validé en réunion de concertation pluridisciplinaire. Du fait de la problématique concernant la
sécurité carcinologique des injections de graisse après cancer du sein, les patientes qui présentaient un haut risque de
récidive cancéreuse locale ont été récusées.
Reconstruction mammaire par implant après mastectomie et irradiation
Technique opératoire du lipofilling
Le prélèvement de tissu adipeux est réalisé sous anesthésie
générale, selon les localisations graisseuses des patientes, au
niveau de l’abdomen, des flancs, des régions trochantériennes
ou de la face interne de cuisse. La graisse est aspirée par une
canule de 4 mm et recueillie dans un « piège à graisse » [8] :
Une canule de lipoaspiration est reliée à un flacon de Redon de
400 mL lui-même relié à un appareil de lipoaspiration. Cette
technique permet d’aspirer plus rapidement de grandes quantités de graisse que le matériel proposé par Coleman [2]. La
graisse est ensuite centrifugée. Le tissu adipeux est alors
greffé de manière radiaire, rétrograde et en plusieurs plans
(sous-cutanée, musculaire et rétromusculaire) au niveau de la
paroi thoracique. En prévision de la réalisation d’un lambeau
d’avancement abdominal (LAA), la partie supérieure de la
peau abdominale est également greffée. Les séances de
lipofilling sont réitérées jusqu’à ce que l’épaisseur, la souplesse et la laxité des téguments thoraciques, évaluées cliniquement par le chirurgien soient satisfaisantes et permettent
d’envisager une reconstruction prothétique. Les téguments
doivent être suffisamment épais et mobiles pour permettre
d’envisager une reconstruction par prothèse. La reconstruction mammaire par implant peut alors être programmée.
Reconstruction mammaire
Un LAA est toujours réalisé lors de la pose d’implant selon la
technique suivante :
décollement d’environ 8 cm au-dessous de la tangente
horizontale passant par le sillon sous mammaire du sein
controlatéral ;
incision arciforme de la face profonde de ce lambeau
jusqu’au derme environ 5 cm au-dessous du bord
supérieur du lambeau ;
fixation du sillon à l’aponévrose des muscles intercostaux
par cinq à huit points séparés de Vicryl1.
L’implant est placé en arrière du muscle pectoral à sa
partie supérieure et derrière le LAA à sa partie inférieure.
Les implants sont en gel de silicone et de forme anatomique.
Le choix de l’implant repose sur la mesure préopératoire de
la largeur et de la hauteur du sein à reconstruire. Des essais
sont réalisés au bloc opératoire en position assise, à l’aide de
prothèses d’essai, afin de déterminer le volume de la prothèse adéquate. Lorsqu’un geste sur le sein controlatéral est
nécessaire, notamment en pas de ptose importante ou
d’hypotrophie marquée du sein natif, et que la patiente
accepte la symétrisation immédiate, ce geste (plastie d’augmentation ou de réduction) est réalisé dans le même temps
opératoire.
Les consignes postopératoires étaient les suivantes :
désinfection et protection des incisions par un pansement
sec ;
pose d’un vêtement de compression au niveau des zones
donneuses au bloc opératoire.
La reconstruction aréolaire est secondairement réalisée
par un tatouage, le plus souvent bilatéral afin d’avoir une
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homogénéité de colorations. La majorité des mamelons a été
reconstruite par greffe d’un hémi-mamelon controlatéral.
Suivi et évaluation esthétique
Cette étude est une étude prospective non randomisée.
Les patientes étaient suivies de manière prospective afin
de recueillir les données suivantes :
les complications du lipofilling et/ou de la reconstruction
par prothèse ;
l’évaluation du résultat cosmétique : en utilisant une
échelle numérique de 1 à 5 (1 : mauvais ; 5 : très bon)
par deux chirurgiens de l’équipe, une assistante médicale
et la patiente.
les éventuelles récidives tumorales. Le suivi oncologique
assuré était identique à celui que les patientes auraient eu
en l’absence de lipofilling. Par ailleurs, tout nodule perceptible a fait l’objet d’un bilan d’imagerie complet et,
en cas de doute d’une ponction, biopsie ou exérèse.
Résultats
Entre 2007 et 2011, 68 patientes ont été incluses dans
l’étude. L’âge moyen est de 46 ans (28—73 ans). La durée
moyenne du suivi dans cette étude est de 23 mois (quatre à
50 mois).
La première séance de lipofilling était effectuée au
minimum six mois après l’arrêt de la radiothérapie. Le délai
moyen entre la fin de la radiothérapie et la première séance
de lipofilling est de sept mois (six à 180 mois). Le délai moyen
entre deux séances de lipofilling est de 3,2 mois (un à
14 mois) (Fig. 1). Le nombre moyen de séances avant pose
de l’implant est de 2,3 (une à six séances). Le volume moyen
de graisse injectée lors de chaque séance est de 115 cm3. Le
délai moyen entre le premier lipofilling et l’implantation est
de 5,8 mois (1,6—23 mois). Le volume moyen des implants
était de 300 mL (185—400 mL).
Un geste de symétrisation a été effectué dans 43 cas
(63,2 %). Une plastie mammaire de réduction a été réalisée
dans 20 cas et d’augmentation dans 23 cas. Ces procédures de
symétrisation étaient réalisées au moment de la RMD prothétique dans 21 cas et secondairement dans 22 cas (Fig. 2).
Au cours de cette étude, aucune récidive tumorale locale
n’a été diagnostiquée.
Lors du suivi, nous avons noté la survenue de trois nouveaux cancers chez trois patientes :
une patiente a présenté un carcinome sur le sein controlatéral, traité par mastectomie ;
une patiente a développé un carcinome invasif métastatique (métastases osseuses et hépatiques) sur le sein
controlatéral, symétrisé, 12 mois après la chirurgie
conjointe de pose d’implant et de mastopexie ;
une patiente a présenté un adénocarcinome ovarien avec
évolution métastatique (carcinose péritonéale).
Complications
Il n’y a eu aucune complication liée au transfert de graisse
que ce soit au niveau du site donneur ou du site receveur.
38
I. Sarfati et al.
Figure 1 Aspect préopératoire (photo à gauche), après deux séances de lipofilling (photo au milieu) et après reconstruction
mammaire droite par prothèse (photo à droite). Il faut noter que la patiente a eu secondairement une mastectomie gauche avec
reconstruction immédiate par prothèse.
Après la reconstruction par prothèse, quatre patientes ont
développé des complications précoces à type de sérome :
deux se sont résorbés spontanément, un a nécessité une
aspiration à l’aiguille en consultation et un s’est fistulisé
secondairement avec exposition de l’implant nécessitant
une explantation six mois après l’implantation. Ainsi le taux
d’explantation de notre série est de 1,47 % (1/68). Aucune
coque périprothétique symptomatique (Baker III ou IV) n’a
été retrouvée.
Évaluation cosmétique
Le score moyen de satisfaction vis-à-vis du résultat esthétique de la reconstruction était de 4,5 (3,5—5). Plus de 80 %
des résultats de la reconstruction étaient jugées bons et très
bons par l’équipe chirurgicale et les patientes (Fig. 3 et 4).
Discussion
La RMD par implant après mastectomie et radiothérapie de la
paroi thoracique est caractérisée par un taux élevé (> 30 %)
de complications [9,10] et de mauvais résultats cosmétiques
du fait du manque de laxité, de la mauvaise vascularisation
des téguments ainsi que de la fibrose post-radique du muscle
recouvrant l’implant [11].
La principale alternative est une reconstruction autologue par lambeau pédiculé ou libre dont on sait qu’elle donne
de bons résultats cosmétiques et un taux moindre de complications [12—16]. Toutefois, celle-ci n’est pas toujours
possible du fait de conditions locales inadéquates ou du refus
des patientes.
L’intérêt du lipofilling dans la prise en charge des séquelles de traitement conservateur du cancer du sein, dans
l’amélioration des résultats cosmétiques des reconstructions
mammaires a déjà fait l’objet de plusieurs travaux [17—20].
En effet, cette technique permet, du fait de ses propriétés
volumatrices, d’augmenter l’épaisseur du tissu sous-cutané.
Par ailleurs, Mojallal et al. ont démontré l’effet positif du
transfert de graisse autologue sur la qualité de la peau. Cette
action reposerait sur une amélioration de la vascularisation
induisant un épaississement du derme et de l’hypoderme [4].
Le lipofilling permet également une amélioration de la
trophicité cutanée du fait de la sécrétion par les adipocytes
de nombreux facteurs de croissance. Rigotti et al. ont étudié
l’effet de la greffe d’adipocytes sur les séquelles chroniques
de radiodermite et ont mis en évidence une amélioration
trophique significative [6]. Les propriétés susmentionnées du
transfert de graisse présentent un intérêt clinique majeur
lorsque est envisagée une reconstruction mammaire prothétique après irradiation pariétale. Le lipofilling préalable
de la paroi thoracique irradiée a pour la première fois été
décrit par Salgarello et al. dans une publication portant sur
deux cas [21]. Serra-Renom et al. ont utilisé aussi le lipofilling associé à une reconstruction prothétique sur une série de
65 cas, mais leur injection de graisse était contemporaine de
la pose d’implant. Cette approche nous paraît tronquée car
elle ne permet pas à la paroi irradiée de bénéficier des effets
régénératifs de la graisse avant la mise en place de l’implant
[22].
Figure 2 Aspect préopératoire (photo à gauche) et résultat postopératoire (photo à droite) après deux séances de lipofilling et
reconstruction mammaire droite par prothèse. Symétrisation du sein gauche par « Round Block » et augmentation mammaire.
Reconstruction mammaire par implant après mastectomie et irradiation
39
Figure 3 Aspect préopératoire (photo à gauche) et résultat postopératoire (photo à droite) après une séance de lipofilling et
reconstruction mammaire gauche par prothèse.
La plus importante série de lipofilling préalable à une
reconstruction prothétique a été publiée par notre
équipe : l’étude prospective d’une série de 28 patients
a permis de mettre en évidence les bénéfices apportés
par un, ou plusieurs, lipofillings préalables à une reconstruction prothétique après mastectomie et radiothérapie. En effet, nous avions observé un faible taux de
complications postopératoires et des résultats cosmétiques satisfaisants [7].
Quarante patientes supplémentaires ont été incluses dans
notre série initiale et l’analyse de la population totale de
68 patientes, qui correspond à la plus importante série
publiée à ce jour, confirment nos précédentes conclusions.
Ainsi, le lipofilling préalable de la paroi thoracique avant
reconstruction prothétique en terrain irradié permet d’obtenir des résultats cosmétiques satisfaisants avec un faible
taux de complications (5,9 %). Le taux de dépose d’implant
est proche de celui des RM prothétiques en territoire non
irradié [9—16] et dix fois inférieur aux taux retrouvés dans la
littérature (1,47 % versus 15 %) pour la reconstruction prothétique en terrain irradié [9—16]. Ces résultats s’expliquent
probablement par l’amélioration de la trophicité cutanée et
par l’augmentation de l’épaisseur du tissu sous-cutanée
recouvrant l’implant, induites par le lipofilling, permettant
ainsi une fermeture plus sure, une meilleure couverture de
l’implant et un meilleur aspect cosmétique. Par ailleurs,
aucune coque symptomatique (Baker III et IV) n’a été constatée, avec un recul moyen de 23 mois. Ces constatations
vont dans le sens de celles de Panettiere et al. qui ont
observé un assouplissement d’une coque périprothétique
après lipofilling [23]. Cependant, cette absence de coque
symptomatique doit être prise avec prudence car notre série
ne présente pas un recul suffisant pour affirmer de manière
certaine l’effet bénéfique de la graisse sur la cicatrisation
périprothétique.
Enfin, d’un point de vue oncologique, les résultats de
notre série, bien que le suivi moyen soit limité (23 mois),
concordent avec les conclusions de nombreuses études cliniques qui ne retrouvaient pas d’augmentation du taux de
récidive cancéreuse après lipofilling [24,25].
Notre approche présente cependant plusieurs inconvénients. Tout d’abord, elle requiert plusieurs interventions
chirurgicales sous anesthésie générale. Une de nos patientes
a eu six lipofillings avant la mise en place d’un implant alors
qu’une reconstruction par lambeau permet une reconstruction complète en une seule étape. De plus, les séances de
lipofilling retardent la pose de l’implant, et donc la reconstruction, ce qui peut être frustrant pour les patientes qui
doivent en être prévenues. La patiente ayant recours à cette
technique s’engage donc dans un processus de reconstruction plus long et potentiellement plus coûteux. Enfin, étant
donné la discordance entre les études expérimentales ayant
démontré la capacité des adipocytes à stimuler la prolifération de cellules tumorales [26,27] et les études cliniques
n’ayant pas amené la preuve d’un plus grand taux de récidive
de cancer du sein après injection de graisse [24,25], ces
patientes doivent bénéficier d’un suivi régulier, reposant sur
un examen clinique et un bilan d’imagerie.
Figure 4 Aspect préopératoire (photo à gauche) et résultat postopératoire (photo à droite) après une séance de lipofilling et
reconstruction mammaire gauche par prothèse. Augmentation mammaire droite de symétrisation.
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Conclusion
L’analyse de cette série prospective monocentrique incluant
68 patientes montre que la RMD prothétique avec lipofilling(s) préalable(s) peut être une alternative à la RMD autologue par lambeau chez les patientes après mastectomie et
irradiation de la paroi thoracique. Le faible taux de dépose
d’implant (1,47 %) et l’obtention de résultats cosmétiques
bons, voire très bons, dans 80 % des cas soulignent l’intérêt
de cette approche chez ces patientes.
Des études prospectives avec un recul plus important sont
cependant nécessaires à la confirmation de nos observations
et pourraient contribuer à mettre en évidence l’intérêt du
lipofilling en reconstruction mammaire notamment après
radiothérapie.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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