Riffs Hifi 23.02.2013
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Riffs Hifi 23.02.2013
SAMEDI 23 FÉVRIER 2013 LE JOURNAL DU JURA RIFFS HIFI 27 ROCK TECHNO SYMPHONIQUE Des Valaisans qui déchirent avec de l’improbable prog Kyasma ou l’ambition des preux aux Swiss Music Awards PIERRE-YVES THEURILLAT Les Valaisans de Kyasma ont de quoi être heureux. Ils ont le vent en poupe! Le band transperce en ce moment en effet l’actualité avec une participation aux Swiss Music Awards à Zurich le 1er mars prochain, catégorie Best talent national. Et ce n’est pas tout! Le 21 mars prochain, ils présenteront leur clip à Lausanne au concoursBestSwissVideoClip.Quelque part au milieu de l’industrie du disque helvétique, ils succéderont peut-être à Bastian Baker, Pegasus ou encore Stefanie Heinzmann,déjàconsacrés.Etc’esttout honneur à eux, car leur mission, contrairement à la pop des autres toujours dans le sens du poil, paraîtunemissionimpossible.Eneffet, peu, très peu de zicos sur terre ontchoisidefairedurockprogressif electro symphonique tout en escomptant un succès plus lointain que celui de la salle communale du village d’à-côté! Mais le groupe a des alliances et pas des moindres. La présence-clé de John Cornfield, producteur de Muse et d’Oasis, son engagement envers eux à moindres frais, alors que beaucoup se demandent encorecommentilsonttrouvéunfinancement pour convier à leurs joutes musicales l’orchestre philarmonique de Prague, ou s’ébattre en différents et coûteux stu- Tiens, encore un supergroupe autoproclamé Prenez deux ex-Whitesnake (le guitariste prodige Micky Moody et le bassiste Neil Murray), un ancien Wishbone Ash (le romantique Laurie Wisefield) et mélangez-les avec Adam Wakeman (employé d’Ozzy Osbourne, mais surtout fils de Rick, le claviériste pompeux-pompier de Yes), vous obtiendrez Snakecharmer. Soit charmeur de serpents. Ces gars-là, associés au cogneur Harry James (Thunder, Magnum) et au chanteur Chris Ousey (Heartland) proposent, sur un premier album éponyme (distribution Musikvertrieb), un hard rock aussi gentil que mélodieux et léché. De la bonne soupe de chez Knorr, mais certes pas un potage à la sauce Jeandrevin! PABR STRATOVARIUS Finlande, pays du metal et de la vodka Bon, rien ne vaut la vodka russe, voire à la rigueur polonaise. Mauvais distillateurs, les Finlandais s’en tirent cependant mieux avec le metal. Les gars de Stratovarius – subtile contraction de Stratocaster (Fender) et de Stradivarius (violon), utile rappel aux béotiens –, représentent cette catégorie d’agités du bocal oscillant perpétuellement entre speed mélodique et dimension franchement hard. Sur «Nemesis» (distribution Phonag Records), leur ultime croûte, on peut entendre sur chaque morceau cette incantation: «This music is property of earMUSIC» Alors, compris: on ne reproduit pas, on achète! Un message répétitif, à l’image de la musique, d’ailleurs. PABR IRON MAIDEN Une Vierge de Fer à la nostalgie lucrative Le réfracteur optométrique (à l’image) connait un succès fou! A se demander qui pompe qui, car si Kyasma a décidé d’intégrer l’engin à son artwork fin 2010, soit avant Justin Timberlake (à l’effigie de son album aussi), on apprend que Saga a aussi sucé l’idée, à Paul Cusick cette fois. Et Timberlake de s’emparer en plus du titre du dernier Saga en question. Un effet de l’inconscient collectif, nous dira Jung. LDD dios. Un mélange de débrouillardise et de conviction, de motivation et de sérieux? Sans doute. Allez savoir... Au croisement des genres – Kyasma signifiant croisement en grec –, voilà un surprenant trio qui en impose façon Muse (Ben voui!)ouQueenrevisité,mêmesi, pour le groupe de Mercury, l’in- Le groupe a des alliances et pas des moindres. La présence-clé de John Cornfield (Muse, Oasis)... fluence était à leurs dires nulle avant la sortie du disque. Grandiose, intime Leur album intitulé «Symphony for technology» est en effet un modèle, dirons-nous, de prog à la fois popu et très technique. A la fois actuelle, comme peut l’être celle du band à Matt Bellamy et classique, façon projets fitzcarraldiensseventies.Lesingrédientsdu genre s’y retrouvent à la grosse cuillère: le mélange des styles et la variété des effets, les breaks, les coupures rythmiques et le souci expérimental de rompre avec nombredeponcifspopordinaires, l’emphase symphonique et vocale, et ici, particulièrement, un goût pour la mise en scène des sentiments,uneintimitépseudo-naïve, empruntant aussi ça et là aux arabesques orientales ou aux sons actuels,techno-electro.Conceptuels jusqu’au bout des ongles, le visuel, l’imagerie n’est pas en reste, dressant des rapports entre une technologie désormais lot quotidien pourtoutunchacun,etunmonde sentimental et organique semblant être de toujours. Amateurs d’ambiances pré-tragiques cinématographiques, jetez une oreille sur cette dramaturgie. Ca sent le grand voyage, au point pour nous de devoir fatalement y revenir. (Distribution Disques Office). HIP-HOP Le Biennois DJ Mo-B évoque l’art du deejaying «On est encore un peu trop régional» Le Biennois DJ Mo-B est unanimement reconnu comme l’une des plus sûres valeurs du pays derrière les platines. Formé à l’école du hip-hop, le virtuose du scratch – il touche aussi au funk et même au rock –, est dans le «business» depuis une quinzaine d’années. Un bon client pour faire le point sur l’art du «turntablism», la scène hip-hop biennoise et le temps qui passe. SNAKECHARMER Mo-B, à 28 ans, tu te sens parfois un peu vieux dans les soirées? Le problème, c’est que le public, lui, reste jeune. Alors oui, des fois, c’est un peu difficile (il se marre). Mais ce qui est bien, c’est qu’il n’y a pas d’âge limite pour un DJ! de gamme dont on dispose aujourd’hui, est-ce que le deejaying est devenu plus facile? Avant, tu devais acheter tous tes vinyls. Cela m’a coûté une fortune! Maintenant, tout est numérisé. De vinyls, tu n’en as plus vraiment besoin! Tes disques, ils sont dans ton ordinateur. Avec toutes les innovations techniques et le matériel haut C’était mieux avant? Tu veux savoir quel était le grand avantage, à l’époque des vinyls? C’est que tu pouvais être le seul DJ à posséder certains disques, ou certaines nouveautés. Tu pouvais encore avoir des trucs que les autres n’avaient pas. Maintenant, tout le monde a accès à toute la musique, et en fin de compte on se retrouve un peu tous avec les mêmes tracks. DJ Mo-B est une figure incontournable du deejaying. LUKAS MAEDER C’est quoi la différence entre un bon et un mauvais DJ? On parle souvent de «crowd reaction». Tu vois, la façon dont le public réagit à ta musique. Il faut toujours garder un œil sur les gens, sentir comment ils réagissent. L’important, c’est d’être original. Quand tu montes sur scène, tu prépares ta performance à l’avance ou tu y vas au feeling? A mes débuts, quand j’avais 15 ou 16 ans, je préparais tout. Je savais exactement ce que j’allais passer et à quel moment. Aujourd’hui, avec la routine, j’y vais au feeling. Au final, c’est un peu comme dans le sport: il y a des soirs sans, et d’autres où tu es sur un nuage. La scène hip-hop biennoise, tu la trouves comment? Il y a du talent? Il y a beaucoup de bons artistes dans la région: des rappeurs, des DJs... Tu retrouves leurs vidéos sur youtube ou facebook, et tu vois qu’ils ont du talent. Mais le défaut depuis toujours à Bienne, c’est qu’on est trop resté centré sur nous-mêmes. On est encore un peu trop régional... Il faudrait enfin s’exporter! CYRILL PASCHE + INFO DJ Mo-B sur scène et sur le web: Ce soir à la Kufa, Lyss. Le 8 mars à la Coupole, Bienne. www.mo-b.dj Plus grand groupe de heavy metal de l’Histoire de l’Humanité – si si! –, Iron Maiden nous refait le coup des concerts découverte. Cinq ans après le «Somewhere Back in Time World Tour» en Boeing 757 (Ed Force One), les six Anglais rejouent le mythique «Seventh Tour of a Seventh Tour» de 1988 à l’adresse des leurs plus jeunes fans. A voir en Europe dès le mois de mai. A l’époque, cette tournée avait valu la sortie en cassette VHS de «Maiden England». Bingo! Emballé dans un double DVD, le document relooké et retravaillé arrivera le 25 mars dans les bacs. Même pour quelques dollars de plus, «Up the Irons»! LK RIVERSIDE Quatre Polonais dans le vent Le cinquième album de Riverside est juste une tuerie! Avec «Shrine of New Generation Slaves» (2013), le groupe polonais revisite les bases du rock «seventies» sans jamais renier ses évidentes origines progressives. Quelques riffs aiguisés agrémentés de nappes d’orgue Hammond invitent Led Zeppelin et Deep Purple a la fête dès «New Generation Slave» et «The Depth of Self», les deux titres d’ouverture. Puis, l’ensemble évolue sans forcer, sans heurts, conviant Pink Floyd puis Marillion dans une mélopée rock, bien sûr, mais à la finesse magnifique. Un savant mélange qui fait mouche. Une très belle surprise. LK LA PLAYLIST DE... Marcello Previtali [email protected] FRANCIS CABREL Vise le ciel ou Bob Dylan revisité (2012). Il n’a jamais caché son admiration pour Bob Dylan. Pour ses 35 ans de carrière, Francis Cabrel a voulu assumer sa passion à fond et s’est fait plaisir (et à nous aussi) en revisitant des titres de son idole. Il a osé et a réussi. Contrairement à Hugues Aufray, l’autre adaptateur de Dylan en français, le musicien d’Astaffort a choisi des titres plus confidentiels, comme par exemple le méconnu Blind Willie Mc Tell, interprété par un Cabrel au sommet de son art de poète-chanteur. MARK KNOPFLER Privateering (2012) De l’eau a coulé sous les ponts depuis qu’il a quitté ses potes de Dire Straits en 1993. A 63 ans, le guitariste-chanteur de Glasgow sort son 8e opus solo. Pour ce premier double avec 20 titres, il a eu la très bonne idée de s’entourer d’artistes comme le bluesman Kim Wilson ou l’accordéoniste Phil Cunningham. Si Knopfler bifurque petit à petit vers le folk, avec des ambiances plus intimistes, plus feutrées, il n’a rien perdu de son inimitable jeu de guitare. Vingt chansons à déguster au calme, le soir en sirotant un verre. Ambiance feutrée. AL DI MEOLA, PACO DE LUCIA, JOHN MCLAUGHLIN Friday Night in San Francisco (1981) Trois virtuoses de la guitare, assis un vendredi soir dans une salle de San Francisco et la magie qui opère... Ce qui devait être, en premier lieu, qu’une simple improvisation s’est terminée par un concert d’anthologie. Complicité et authenticité avant tout. Et une ambiance live qui ajoute du piment au concert. FRANCESCO DE GREGORI Rimmel (1975) Le meilleur, sans conteste, du troubadour romain avec l’excellent titre «Pablo», écrit en compagnie de son pote Lucio Dalla, décédé d’un infarctus l’an dernier à Montreux. Surnommé «Il Principe», Francesco De Gregori continue d’écumer, à 62 ans, les plus belles scènes de la Botte – et trop rarement en Suisse – avec des textes toujours aussi engagés et portés par des rythmes qui swinguent bon l’Italie.