Grandes Orgues - Festival de Saint

Transcription

Grandes Orgues - Festival de Saint
dimanche 12 juin • 17h00 • Basilique de Saint-Denis
Grandes Orgues
Pierre Pincemaille
Bach Choral « De profundis » BWV 686
À la mémoire de Jehan Revert (1920-2015),
Maître de Chapelle de Notre-Dame de Paris
Mozart Rondo en do majeur, KV 617
Mendelssohn Prélude et Fugue en do mineur, op. 37
Schumann Cinquième Étude en forme de canon, op. 56
Brahms Prélude-Choral n°10
« Ardemment, j’aspire à une fin heureuse », op. 122
Franck Prélude, Fugue et Variation, op. 18
Duruflé Choral varié sur le « Veni creator », op. 4
Improvisation
Pierre Pincemaille, orgue
En partenariat avec le Centre des Monuments Nationaux
Dans le cadre de « Monuments en Musique »
Durée du concert : environ 1h15 sans entracte
Aus tiefer Noth schrei’ ich zu dir,
Jean-Sébastien BACH (1685-1750)
Choralvorspiel : « Aus tiefer Noth schrei ich zu dir » Des profondeurs de l’abîme je crie vers toi,
Herr Gott, erhör’ mein Rufen !
BWV 686 (1739)
A l’aube de la Religion Réformée, parmi les nombreux
objectifs de Martin Luther figure en bonne place celui de
faire participer activement les fidèles au culte dominical.
Au point de vue linguistique d’abord, l’allemand, langue
vernaculaire, se substitue au latin ; au point de vue musical ensuite, l’usage du chant grégorien, dont les subtils
mélismes sont inadaptés à son exécution par une assemblée, est progressivement supprimé. Pour le remplacer, il
faut donc créer ex nihilo tout un répertoire nouveau de
cantiques, aux rythmes simples et aux mélodies aisées à
chanter et à retenir. Ce sont les chorals (Chorallied). Les
premières mélodies de chorals sont composées dès 1524,
certaines par Martin Luther lui-même, comme le célèbre
« Aus tiefer Noth », dont les paroles sont celles du Psaume
129 « De profundis ».
Il convient de ne pas oublier qu’un siècle et demi plus
tard, à la naissance de Bach, tout le répertoire de chorals
(mélodie et paroles) est entièrement constitué. Ainsi, à de
rarissimes exceptions près, « les chorals de Bach »… ne
sont pas de Bach : seules, leurs harmonisations à 4 voix
mixtes sont signées du cantor de Leipzig.
Par ailleurs, la tradition en usage au cours du culte protestant impose, avant le chant de l’assemblée, l’exécution
par l’organiste d’une pièce dont le but pratique est de remettre dans l’oreille et la mémoire des fidèles la mélodie
du cantique que ceux-ci s’apprêtent à chanter. Ce sont
les chorals-préludes pour orgue (Choralvorspiel). Bach
en a composé pour orgue plus de deux cents. Celui que
nous allons entendre est l’un des plus célèbres, et, sur
le plan instrumental, il constitue un échantillon unique
dans l’œuvre du cantor. Il s’agit en effet de la seule pièce
qu’il ait écrite pour orgue dans une polyphonie à 6 voix
réelles : deux voix confiées à la main droite, deux autres à
la main gauche, et les deux dernières jouées au pédalier
par chacun des deux pieds de l’instrumentiste.
Quant à la forme que Bach adopte, c’est celle du ricercare. Chacune des cinq sections de la mélodie complète
est l’objet d’une véritable exposition de fugue : les voix
entrent en scène les unes après les autres, et la sixième et
dernière se fait entendre « en augmentation », en clair :
la durée de chacune des notes est multipliée par deux,
procédé efficace pour la rendre parfaitement perceptible.
Une fois chaque section traitée, la polyphonie est interrompue par une large respiration, à laquelle s’enchaîne le
traitement de la section suivante, et ainsi de suite.
Pierre Pincemaille va interpréter ce chef-d’œuvre à la
mémoire de son ami, le Chanoine Jehan Revert, Maître
de chapelle de Notre-Dame de Paris de 1959 à 1991, qui
nous a quittés le 29 avril 2015.
Avant l’exécution du choral-prélude pour orgue, sera joué
le choral vocal dans son harmonisation à 4 voix mixtes réalisée par Bach.
Seigneur Dieu, entends mon appel !
Dein gnädig Ohr’n neig’ her zu mir,
Tourne ton oreille bienveillante vers moi,
Und meiner Bitt sie öffne.
Et ouvre-la à ma prière.
Denn so du willst das sehen an,
Car si tu ne voulais voir
Was Sünd und Unrecht ist getan,
Que les péchés et iniquités qui se commettent,
Wer kann, Herr, vor dir bleiben.
Qui pourrait, Seigneur, subsister devant toi ?
Wolfgang-Amadeus MOZART (1756-1791)
Rondo en ut majeur KV 617 (1791)
Les témoignages sur Mozart, organiste virtuose,
abondent. Ils émanent de musiciens qui l’entendirent lors
de ses nombreuses tournées. Il est donc paradoxal que
son œuvre d’orgue, ne regroupant qu’un nombre réduit
de pièces, soit conçue pour l’instrument de musique profane qu’est l’orgue mécanique. Doté de tuyaux d’orgue
reliés à un mécanisme d’horlogerie, ce type d’instrument
s’était tellement perfectionné tout au long du XVIIIème
siècle que nombreux furent les compositeurs de renom
à écrire pour lui, à commencer par Carl-Philipp-Emanuel
Bach. Dans la mesure où Mozart composait pour un orgue
non pas joué par un instrumentiste mais actionné par un
système d’automate, il négligeait la difficulté technique
inhérente à l’interprétation de ces pièces, souvent ardues
à exécuter. Le charmant rondo en ut majeur, respectueux
de la forme classique « refrain-couplets », a été écrit en
mai 1791, soit quatre mois avant l’achèvement de La Flûte
enchantée, et six mois avant la mort prématurée du compositeur.
Félix MENDELSSOHN (1809-1847)
Prélude et fugue en ut mineur op.37 n°1 (1837)
Félix Mendelssohn a appris la technique de l’orgue de manière approfondie, ce qui lui a permis d’être un interprète
talentueux et un excellent improvisateur, se produisant
souvent en concert (public ou privé) en Allemagne, et surtout en Angleterre. A ce titre, il contribua, autant que les
organistes de métier, à faire connaître les grandes pages
de Bach dans le culte duquel il a grandi. On lui doit notamment l’exécution en concert à Berlin, le 10 mars 1829, de
la Passion selon Saint-Matthieu, oubliée sous la poussière
d’un siècle ! Plus tard, à Leipzig, il aura la joie de monter à
la tribune de l’église Saint-Thomas et de s’asseoir à l’orgue
de Bach. C’est en 1837 qu’il achève la composition pour
orgue de ses trois préludes et fugues, suivie huit années
plus tard de celle des six sonates. Ces deux ensembles de
pièces constituent, à l’évidence, un hommage à l’illustre
prédécesseur dont l’influence est manifeste dès les premières pages. Le prélude et fugue en ut mineur ouvre
la série. Le prélude est entièrement bâti sur une longue
phrase, elle-même introduite par un péremptoire saut
d’octave ascendant, et ponctuée de puissants accords. La
fugue à 4 voix qui lui fait suite exploite un sujet à la rythmique ternaire, et adopte la coupe classique des formes
fuguées.
Robert SCHUMANN (1810-1856)
Étude en forme de canon en si mineur op.56 n°5 (1845)
A l’inverse de Mendelssohn dont il fut l’ami, Robert Schumann ne pratique l’orgue qu’occasionnellement. En 1841
(année de l’inauguration du Grand Orgue de Saint-Denis),
il a l’opportunité de jouer l’orgue du facteur Silbermann à
Freiberg, puis celui de l’église Saint-Jean de Leipzig. Néanmoins, son intérêt se porte davantage sur un étrange instrument qui n’a eu qu’une carrière éphémère dans l’Histoire de la Musique : le piano à pédalier, autrement dit,
un piano (à queue ou droit) dans le soubassement duquel
est disposé le clavier de pédales de deux octaves et demie employé dans les orgues, et dont les notes sont ici
reliées à demeure avec celles du clavier de l’instrument.
Le compositeur croyait entrevoir de grandes possibilités
dans cette invention… dont on sait aujourd’hui qu’elle n’a
pratiquement servi qu’aux organistes, leur servant principalement d’instrument d’étude à leur domicile (Messiaen
en a possédé un).
Tout spécialiste reconnaît en Schumann un génie de l’Harmonie (science des accords qui considère la Musique sous
son angle vertical), avec l’emploi d’accords (et surtout
d’enchaînements d’accords) inusités avant lui. L’harmonie schumannienne constitue même une « carte de visite
» dont on identifie immédiatement l’auteur. Ce que l’on
sait moins, c’est que Schumann a aussi magnifiquement
maîtrisé le Contrepoint (science de la superposition des
lignes mélodiques, complémentaire de l’Harmonie, qui
considère la Musique sous son angle horizontal), ce qui
a conduit le compositeur, en 1845, à écrire pour piano à
pédalier son recueil des Six études en forme de canon.
Debussy en réalisa une transcription pour deux pianos,
éditée en 1891. De nos jours, son exécution à l’orgue est
devenue courante. Tout comme ses voisines, la cinquième
Étude en si mineur respecte scrupuleusement la « règle
du jeu » d’un canon : en effet, du début jusqu’à la fin de
la pièce, la main gauche répète exactement les mêmes
notes que la main droite… mais avec une mesure de décalage ! Étourdissant exercice de virtuosité d’écriture.
Johannes BRAHMS (1833-1897)
Choralvorspiel : « Herzlich tut mich verlangen »
op.122 n°10 (1896)
Johannes Brahms présente le cas singulier d’un compositeur - pianiste avant tout - qui ne s’est tourné vers l’orgue
que deux fois : aux deux extrémités de sa vie. En 1856,
le jeune Brahms compose trois préludes et fugues ainsi qu’une fugue séparée. Puis, quarante années s’étant
écoulées, en juin 1896, de retour des obsèques de Clara
Schumann, la veuve de Robert, et très affaibli lui-même
par le cancer qui devait l’emporter neuf mois plus tard,
il achève ce qui sera sa toute dernière composition : les
11 Choralvorspiele op.122 pour orgue. A l’instar de ses
illustres devanciers, sa production pour l’instrument à
tuyaux, bien qu’irréprochable en qualité, demeure donc
malheureusement marginale.
Le dixième de ces onze chorals, « Herzlich tut mich verlangen », est une poignante méditation où le thème du cantique, cité à la voix de ténor, est soutenu par une basse aux
lancinantes répétitions, tandis que les voix supérieures
égrènent des guirlandes de notes au parfum d’éternité.
Comme pour l’œuvre de Bach entendue au début de ce
récital, le choral vocal sera d’abord joué dans son harmonisation à 4 voix, avant l’interprétation de la pièce de
Brahms.
Herzlich tut mich verlangen,
De tout cœur, j’aspire
Nach einem selgen End,
À une fin heureuse.
Weil ich hier bin umfangen,
Car je suis ici prisonnier
Mit Trübsal und Elend.
Au milieu des tribulations et des malheurs.
Ich hab Lust abzuscheiden,
J’ai le désir de m’arracher
Von dieser argen Welt,
À ce monde méchant,
Sehn’ mich nach ew’gen Freuden.
Et de me voir auprès des joies éternelles.
O Jesu, komm nur bald.
O Jésus, viens sans tarder.
César FRANCK (1822-1890)
Prélude, fugue et variation op.18 (1859)
Après la Révolution, l’École d’orgue française s’est éteinte.
Au point de vue instrumental, c’est au génial facteur
d’orgue Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899) qu’il reviendra
de la ressusciter en achevant ici même, à Saint-Denis, en
1840, le monumental instrument qui sera son premier
ouvrage ; et au point de vue de la composition, c’est le
non moins génial César Franck qui sera le « patriarche »
de cette nouvelle École, en constituant un nouveau répertoire à partir de 1859. Son premier recueil (les « Six
Pièces ») date en effet de cette année-là, laquelle correspond aussi à sa nomination d’organiste de Sainte-Clotilde
à Paris. Cavaillé-Coll vient d’y achever la construction d’un
nouvel orgue dont Franck sera le chantre inspiré jusqu’à
sa mort. Troisième pièce du recueil et parmi les plus populaires, le Prélude, fugue et variation, dédié à Camille
Saint-Saëns, adopte un plan tripartite souvent sollicité par
l’auteur dans ses œuvres pour piano. Le prélude fera entendre une mélodie au rythme berceur et aux contours
ineffables. Après une brève transition s’enchaîne la fugue
qui adopte une structure classique. La variation conclut
ce triptyque par la réexposition de la mélodie initiale du
prélude, sertie cette fois dans un élégant lacis de volubiles
arabesques.
Maurice DURUFLÉ (1902-1986)
Choral varié sur le « Veni creator » op.4
(1930)
Nous nous apprêtons à célébrer le trentième anniversaire
de la mort de Maurice Duruflé, disparu le 16 juin 1986.
Immense musicien du XXème siècle, organiste de l’église
Saint-Étienne-du-Mont à Paris, auteur d’un célèbre Requiem, Duruflé, à l’instar de Paul Dukas qui fut son professeur de composition, s’est révélé d’une telle exigence
avec lui-même qu’il ne nous laisse qu’un nombre restreint
d’œuvres (treize numéros d’opus), mais dont chacune est
un bijou précieux. Le Prélude, adagio et choral varié sur le
« Veni creator », achevé en 1930, lui vaut cette année-là le
Prix du premier concours de composition organisé par la
Société des Amis de l’orgue. L’œuvre, de vaste proportion,
est dédiée à son maître Louis Vierne. Nous en entendrons
la troisième et dernière partie : le « choral varié ». Après
une riche et somptueuse harmonisation du thème se font
entendre quatre variations. La première cite l’hymne, enrichi d’un contrepoint raffiné s’inspirant lui-même du matériau thématique ; la seconde est une subtile et délicate
fileuse ; la troisième fait entendre le thème en canon ;
enfin, la quatrième et dernière est une brillante toccata
concluant l’œuvre avec panache.
Pierre PINCEMAILLE
Improvisation : Introduction, thème et variations
Pierre Pincemaille, organiste de la cathédrale de Saint-Denis depuis novembre 1987, est considéré dans le monde
international de l’orgue comme le plus grand improvisateur de notre époque. Fort de son exceptionnel talent, il
anime chaque dimanche matin la vénérable nef huit fois
centenaire de sa cathédrale. Concertiste international,
professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, il est en outre, depuis septembre 2000, en
charge de la classe d’Improvisation au Conservatoire de
Saint-Maur-des-Fossés de laquelle est issue la quasi totalité des actuels improvisateurs de la jeune génération
(27 Premiers Prix à ce jour). Il improvise ce soir sur l’air
populaire : « Vive Henri IV ». La mélodie de cette chanson
est empruntée à un Noël du XVIème siècle figurant dans
un recueil de 1581, mais dont une partie appartient à une
danse plus ancienne, également du XVIème siècle. Les paroles (anonymes) du premier couplet ont été écrites en
1600, donc, du vivant du monarque. Tchaïkovski cite ce
thème dans le final de son ballet « La Belle au bois dormant ».
« A l’heure actuelle, Pierre Pincemaille demeure le seul
et véritable successeur de mon père, organiste de NotreDame de Paris. »
Marie-Pierre Cochereau
Pierre Pincemaille
Organiste titulaire des Grandes Orgues de la Cathédrale de Saint-Denis
Titulaire de cinq Premiers Prix du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, récompensé par cinq Premiers Grands Prix de Concours Internationaux d’orgue (dont le Grand prix de Chartres en 1990), Pierre Pincemaille a
été nommé en novembre 1987 organiste titulaire des Grandes Orgues de la Cathédrale de Saint-Denis, premier instrument construit par Aristide Cavaillé-Coll en 1840.
Poursuivant une carrière internationale de concertiste, Pierre Pincemaille a joué sous la direction de chefs prestigieux :
Mstislav Rostropovitch, Myung-Whun Chung, Riccardo Muti, Charles Dutoit, John Nelson.
Instrumentiste virtuose, il démontre un exceptionnel talent de coloriste à chacun de ses récitals. Par la magie de ses
registrations, il tire parti de toutes les ressources sonores d’un orgue, et fait invariablement découvrir à ses auditeurs
toute une palette de sonorités insoupçonnées. Enfin, son extraordinaire talent d’improvisateur est unanimement reconnu par l’opinion internationale.
C’est cet Art qu’il a choisi de mettre à l’honneur dans ses derniers enregistrements : « Improvisations sur les Hymnes
Européens » et « Cannes : un Festival d’Improvisations ». Ces deux CD viennent enrichir une abondante discographie
proposant, entre autres, l’intégrale des œuvres de Duruflé et de Franck, les Dix Symphonies de Widor, les œuvres de
jeunesse de Messiaen et les transcriptions de l’Oiseau de Feu et de Pétrouchka de Stravinsky.
Professeur de Contrepoint au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, et d’Écriture au Conservatoire
de Saint-Germain-en-Laye, Pierre Pincemaille enseigne également l’improvisation à l’Orgue au Conservatoire de SaintMaur-des-Fossés. Depuis quinze ans, il a ainsi formé toute une génération de jeunes improvisateurs, français et étrangers, qui s’illustrent dans les concours internationaux.
Pierre Pincemaille est Chevalier des Palmes Académiques, Chevalier des Arts et des Lettres, et Chevalier de l’Ordre de
Saint-Grégoire-le-Grand.

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