La banque doit-elle rembourser une entreprise victime d`arnaque au

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La banque doit-elle rembourser une entreprise victime d`arnaque au
La banque doit-elle rembourser une entreprise victime d'arnaque au
faux président ?
Contre la fraude bancaire, et dans le cadre des obligations de lutte antiblanchiment, les banques ont des obligations de précaution, parfois agaçantes pour
les particuliers qui y voient une sorte d’inquisition (« d’où vient votre argent? ») ou
une restriction à l’utilisation de leurs moyens de paiements (paiements par carte
inhabituels parfois bloqués). Étrangement, certaines banques se montrent bien
moins prudentes avec leurs clients professionnels, en particulier pour des
transferts importants inhabituels d’entreprises victimes de fraudes « au faux
président ».
Avant d’autoriser un virement extorqué à une entreprise par des escrocs dans le cadre
d’un arnaque au faux président, les banques prennent-elles le temps de se poser les
bonnes questions, notamment au regard de leurs obligations de lutte anti-blanchiment
?(photo © GPouzin)
L’affaire qui nous occupe illustre le décalage entre les procédures strictes imposées
aux banques, et leur réalité souvent plus désinvolte. Elle rappelle la vigilance dont
chacun doit faire preuve, dans sa vie privée comme professionnelle, pour esquiver les
tentatives d’escroqueries par ruses et usurpation d’identité, facilitées par l’anonymat
d’Internet et des télécommunications. Si la prudence de tous est essentielle, le jugement de
cette fraude pointe aussi la responsabilité spécifique des banques, vis-à-vis de leurs
clients et de leurs obligations de lutte anti-blanchiment.
Si vous n’en avez jamais entendu parler, la « fraude au président », ou plus
précisément au « faux président », est une arnaque assez simple en apparence : des
escrocs usurpent l’identité d’un dirigeant d’entreprise pour extorquer à ses
subalternes des transferts d’argent, souvent sous prétexte de financer une soi-disant
opération financière ultra confidentielle requérant la plus grande discrétion. En pratique, il
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La banque doit-elle rembourser une entreprise victime d'arnaque au
faux président ?
ne suffit pas d’avoir un bagout de bonimenteur pour emporter le butin. Les escrocs
mêlent des méthodes de contre-espionnage, des compétences de hackers (piratage
informatique) et de blanchiment d’argent criminel pour arriver à leurs fins.
De plus en plus d’entreprises tombent dans le panneau et se font ainsi plumer des
millions. Depuis 2010, des PME ou multinationales françaises se seraient ainsi fait
dévaliser près de 300 millions d’euros, selon Le Figaro. Parmi les cas emblématiques, le
groupe Michelin s’est fait délester de 1,6 million d’euros, selon LeParisien.fr, tandis que
Seretram, qui met en boîte le maïs Géant Vert dans les Landes, s’est fait siphonner 17
millions d’euros. L’arnaque n’est pas nouvelle, même les comptables de l’Elysée auraient
failli se faire avoir de 2 millions d’euros en 2011, selon l’article de notre confrère
Thierry Fabre dans Challenges titré « Menace sur le CAC 40 : les nouveaux escrocs
pêchent au gros ».
La nouveauté, dans ce genre d’affaires, est que la justice reconnaît la responsabilité
des banques vis-à-vis de l’argent confié par leurs clients. Même si elles ont parfois
tendance à l’oublier, on sait déjà que les banques ont l’obligation de rembourser leurs
clients victimes de fraudes sur leur carte bancaire. Mais comme les particuliers sont
généralement peu informés de leurs droits, l’article que nous avons consacré à ce sujet,
avec des conseils pour se faire rembourser, est l’un des plus consultés sur Deontofi.com.
Dans un cas de fraude au faux président, la responsabilité de la banque n’est pas de
la même nature que dans une fraude sur carte bancaire. Dans ce dernier cas, la loi oblige
la banque à rembourser d’abord, quitte à contester ensuite si elle peut prouver que son
client est responsable de la fraude dont il demande le remboursement. Dans une fraude au
faux président, les escrocs parviennent à se faire envoyer des virements en trompant les
salariés de l’entreprise victime. Il est alors facile pour les banques de plaider qu’elles
n’ont fait qu’exécuter les ordres de l’entreprise cliente. Mais le fait d’exécuter un
ordre n’exonère pourtant pas la banque de ses responsabilités, quand elle oublie la
moitié des vérifications figurant dans ses obligations de vigilance vis-à-vis des
risques de blanchiment.
Lire la suite : Le CIC épinglé pour défaut de lutte anti-blanchiment dans une fraude
au faux président
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