Faut-il faire naître à prématurés

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Faut-il faire naître à prématurés
03/09 SEPT 12
Hebdomadaire Paris
OJD : 458566
Surface approx. (cm²) : 1966
N° de page : 8-10
30/32 RUE DE CHABROL
75010 PARIS - 01 40 22 75 00
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actuel
Leur santé et leur avenir peuvent
Faut-il faire naître à
prématurés ?
D'un côté, la médecine fait cles progrès
en mettant au monde des bébés très prématurés.
De l'autre, on ne sait pas toujours s'ils vont vivre
et, surtout, s'ils vont garder des séquelles.
J
'étais enceinte de jumeaux en
2010 raconte Estelle enseï
gnanle 36 Ant, Tout se passait bien puis a cinq mois ct
demi de grossesse, lors d'une visite
de controle on s'est rendu compte
que mon col etait ettace i etais en
tram d accoucher sans m en rendre
compte ' Immédiatement j ai ete
emmenée en salle de naissance la
les medecrns m ont dit que mes bebes
etaient a la limite de la viabilité et
qu ils allaient leur donner tous les
soins maîs sans s acharner »
Aujourdhui les médecins peuvent
faire naitre les bebes a trente cinq
trente deux voire vingt huit se
marnes de grossesse cest a dire a
sixmoisapemedegtstation ' Chaque
annee plus de 50 000 bebes naissent
ainsi avant terme (a peu pres trente
neuf semaines de grossesse) Mal
heureusement on ne sait pas toujours
si ces prématurés survivront ct une
fois sauves, il faut attendre plusieurs
jours ou plusieurs semaines pour sa
voir s ils garderont des séquelles et si
ellesserontmimmesougraves Pour
lesparentscomme pour les nouveau
nes e est une véritable epreuve
Des nouveau-nés à la santé fragile
« Quand mes jumeaux sont nés,
ils sont tout de suite partis en réanimation, reprend Estelle (lire ci
de^u\) JL ne les ai pas vus maîs
j etais alors heureuse d etre maman
et je ne me rendais pas compte des
risques quik couraient Jusquace
que mon fils meure d une hemorra
giecerebraledansmesbias a5jours
La j ai compris que je pouvais ega
lement perdre ma fi Ile »
Les médecins en font-ils trop ?
lî
E*
6 Les professionnels qui
s'occupent des bébés
prématurés sont conscients
qu'il ne faut pas faire n'importe
quoi, insiste le professeur
Umberto Simeoni chef du pole
mere enfant de I hôpital de la
Conception a Marseille A la
naissance et dans les jours qui
suivent notre souci est donc non
seulement d étudier les chances
de survie du nourrisson maîs
aussi ses chances de vivre dans
de bonnes conditions de sante
PREMA
3688043300508/GRT/OTO/2
Les équipes médicales discutent
toujours afin de savoir quelle est
la meilleure decision a prendre
lorsqu un nouveau-né est en
souffrance (exemple faut il
le laisser « partir » doucement
ou non ') et font part des
raisons de leurs decisions aux
parents Cependant nous ne
pouvons pas toujours prévoir
toutes les complications a venir
(comme les lésions du cerveau
qui entraînent des handicaps
lourds par exemple) »
Des leur naissance les grands pre
matures sont « retires » a leur maman
pour etre mis dans une couveuse ou
ils sont intubes pour recevoir une
assistance respnatoireetetre allmen
tes Pourquoi certains prématurés nes
au meme terme s en sortent mieux
que d autres 9 On I ignore « Au
jourj hui, nous savons faire naitre la
ma|onte des prématurés explique le
professeur Umberto Simeoni chef du
pole mere enfant a I hopital de la
Conception, a Marseille En revanche
nous ne pouvonspas predire quel sera
leurdevenir Vont ils v ivre ou mourir
dans lesjourssuivanls''Vont-ils grandirnormalementouavoirdeseompli
cations ' Quelles seront elles ' Jour
après jour nous observons ces bebes
En couveuse
le bebe reçoit tous les
soins nécessaires.
Eléments de recherche : SOS PREMA ou SOSPREMA : association d'aide aux prématurés, toutes citations
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être plus qu'incertains
tout prix les grands
« Quand ils redoutent de
graves séquelles, les médecins
en parlent avec les parents »
PJJ^^f infirmière en service de néonatalogie entre 2006 et 2012
Très souvêVif, les parents
sont partagés entre le bonheur
et l'angoisse.
et leur faisons des examens q uotidiens
(échographie, bilans sanguins) pour
voir comment évol ue leur état de santé Les huit premiers jours sont les plus
incertains le bébe peut sembler en
bonne voie puis, sans que l'on sache
pourquoi, un accident imprévu comme une hémorragie cérébrale peut survenir sans que l'on puisse rien
faire sinon le laisser s'éteindre doucement. » Au-delà de ces huit jours,
l'hospitalisation peut durer de
quelques semaines à quelques mois,
en fonction des soins que le nouveauné doit recevoir (assistance respiratoire, alimentaire ete)
Durant leur première année, les
prématurés sont suivis médicalement. Cela se prolonge jusqu'à l'entrée à l'école, car des séquelles, plus
légèi es, peuvent apparaître retards
dans l'acquisition de la marche, difficultés à tenir un stylo, à apprendre à
lire... «Pendant troisansj'aiemmené ma fille Célyane. née à six mois de
grossesse, chez le psychomotricien,
PREMA
3688043300508/GRT/OTO/2
« Lors des naissances d'enfants
très prématurés, il m'est parfois
arrive de me demander pourquoi
on réanimait des bébés qui me
semblaient tres faibles ou dont ie
pensais qu ils risquaient d être lourdement handicapes Maîs souvent,
j'ai pu constater que je m'étais trompée, car ces bébés allaient bien. Au
fil du temps, j'ai compris que I on ne
sai! jamais a 100% ce que peut devenir un grand prématuré. Néanmoins, chaque fois que j'ai un doute,
j'en fais part, parce que toutes les
decisions concernant les prématurés se prennent en équipe . il y a le
gynécologue-obstétricien, le pédiatre, le cardiologue, le neurologue,
les infirmières, les puéricultrices,
les aide-soignantes... Tout le monde
a son mot à dire, surtout quand le
cas est difficile.
Quand on pense qu'un enfant
va garder de grandes séquelles
liées à sa prématurité, les médecins en discutent avec les parents
et voient s'ils sont d'accord ou non
pour garder un bébé susceptible
de vivre avec un gros handicap La
décision dépend souvent de leurs
convictions religieuses. Néanmoins,
lorsque lesparents acceptent d'arrêter les soins, beaucoup cle médecins
font comme s'ils étaient seuls à
avoir pris la décision, afin que les
parents n'aient pas à porter la responsabilitéd'unchoixquiseraitpour
eux ti op dur à assumer durant le reste
de leur vie.
11 est arrive que des parents fassent
un procès à leur médecin parce qu'il
n'avait pas réanime leur enfant. J'ai
aussi entendu parler d'un procès
intenté par des parents qui reprochaient au medecin d'avoir léanimé
leur nourrisson, le condamnant ainsi à vivre avec un handicap. Ces cas
sont heureusement très rares I »
Pour vous aider
6 SOS Promo : la plus
ancienne association créée
par une maman d'enfants
nés prématurément dispose
de tout un réseau de
correspondants locaux (sur
www sosprema com) et d une
ligne d'écoute. O 811 886888.
fc D'autres associations
d'aide aux parents d'entants
prématurés existent dans
chaque région Demandezen les coordonnées à votre
maternité
Un nouveau-né prématuré
reste très fragile.
raconte Celine D'abord chaquejour
pendant un an et demi, puis une fois
touslesquiruejours Aucoursdeces
séances, il apprenait a Célyane a se
retourner, à faire du quatre pattes, a
se lever Autant de gestes que les
enfants font normalement seuls,
maîs pour lesquels ma fille a eu besoin d'accompagnement »
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Une épreuve pour les parents
« ll y a quatre ans, j'ai accouché de
jumelles à trente-deux semaines
et cinq jours de grossesse, raconte
Audrey. 30 ans, sans emploi J'ai
juste eu le temps de les embrasser
car elles sont tout de suite parties en
réanimation.Jc savais àpemeàquoi
elles ressemblaient Je (es ai vues
ensuite dans leur couveuse, maîs je
n'arrivais pas à me scnlirmèrc. »
« Les femmes qui
accouchent prématurément
mettent parfois
plus de temps que
les autres à se
sentii maman, explique Mariani
Dannay, psychologue pour l'association SOS Préma Elles subissent
un choc terrible. non seulement elles
ne peuvent pas prendre leur bébé
dans les bras - ou alors quelques secondes - maîs, quand elles Ie découvrent, il est dans une couveuse, avec
des fils qui entrent partout dans son
corps et le relient à des machines qui
l'aident à respirer, à s'alimenter .
C'est assez violent à observer De
plus, leur bébé est parfois entre la vie
et la mort. . Inconsciemment, elles
peuvent donc s'interdire de se sentir
mère afin de souffrir le moins possible si leur bébé ne survit pas »
D'autantquecette incertitude peut
durer. « J'ai compris que la vie de
mes jumeaux était en danger quand
mon fils est décédé d'une hémorra-
gie cérébrale, quelquesjours apres sa
naissance, se souvient Estelle. Ça a
été unedouleurternblequi aurait pu
nous écraser mon man et moî, maîs
nousdevionstenirlecouppournotrc
fille, qui se battait pour vivre et dont
le sort nous angoissait. Pendant plusieurs semaines, mes seules pensées
étaient :est-elle vivante ' A-t-elle pris
du poids ' II pouvait arriver n'importe quoi dans le monde, l'unique
chose qui m'intéressait alors était ce
qui se passait à l'hôpital. »
Pour soutenir les parents dont la
vie du bébé ne tient parfois qu'à
un fil ct les aider à affronter la vision
deleui tout-pelttmtubé I equipe médicale essaie d'être présente autant
que possible « Notre rôle es! d'écouter les parents, de répondre a leurs
questionsetdelcurdonnertoutesles
informations dont nous disposons,
insiste le professeui Simeoni, chef
du pôle mère-enfant à l'hôpital de
la Conception, à Marseille. Néanmoins, il peut arriver de tomber sur
un professionnel maladroit . »
Une psychologue est normalement présente et peut recevoir la
maman arm qu'elle puisse parler de
son inquiétude et des sentiments qui
la traversent « J'étais lies en colère
suite à mon accouchement, reprend
Audrey, mère desjumelles J'envoulaisa toutes les femmesencemtesqui
taisaient des écarts - fumaient, buvaient, mangeaient n'importe quoi
Je me demandais pourquoi c'était
moî qui avais accouche prémature-
Pas facile de mettre de côté son
anxiété pour s'occuper des aînés!
ment alors que j'avais suivi les recommandations de mon médecin On ne
m'apasproposédevoirunpsy C'est
dommage caraujourd'hui, quatre ans
après la naissance de mes filles, et
alors qu'elles vont bien,je ressens encore cette colère en moî. »
« Les femmes qui accouchent
prématuré ment se sentent souvent
coupables de ne pas avoir mené
leur grossesse à terme, souligne la
psychologue Mynam Dannay Pour
elles, c'est comme st elles avaient
rate quelque chose II est important
qu'elles aillent voir un psy afin qu'il
les rassure sur le fait qu'elles n'y sont
pour rien » D'autant qu'après la sortie de l'hôpital, l'anxiété peut perdurer alors que le bébé semble « tiré
d'affaire » Car à chaque apprentissage (se déplacer a quatre pattes,
marcher, attraper un objet, dessiner,
lire ..), ces enfants peuvent avoir
plus de mal que les autres à acquérir ces compétences «Quand, apres
trois ans de travail chez le psychomotricien,sesouvientCélme,le medecin
m'a dit que ma fille Célyane n'avait
plus de risque de séquelles liées à sa
prématunté, j'ai éclate en sanglots
C'était un mélange de joie, de fatigue
et de soulagement »
« Mon fils est handicapé à 80% »
d'aller dans un Camsp (centre d'ac
lion médico-sociale précoce) afin de
faire des examens, comme des tests
de motricité, des tests de concentration, ete La le verdict est tombé
Troubles d attention, retard de langage, hyperactivite, maladresse motrice, tres forte myopie, Kevin a éte
reconnu handicape a 8(1 %.
Je n'ai pas pu reprendre mon travail car, chaque semaine, je dois
l'emmener chez la psychosomatiuennc, le pédopsychiatre, l'oithophomste et, une fois par mois, chez
le généraliste, la neurologue, l'ophtalmologiste et le pneumologue Je
ne regrette pas la naissance de mon
enfant, même s'il est né grand prématuré, a vingt-six semamesde grossesse, maîs c'est tres difficile, physiquement et moralement.
' 30 ans, sans emploi, maman de Kevin,,
4 ans et demi, ne à vingt-six semaines de grossesse
À la naissance, mon fils pesait
750 grammes et avait un poumon
atrophié. Ke\ in est reste quatre mois
en couveuse, alimente par une sonde
de gavage et sous assistance respiratoire Pendant tout ce temps, je n ai
pu le tenir exceptionnellement dans
ines bi as qu'une seule fois, un mois
apres sa naissance Quand il est rentré a la maison, mon plus grand choc
a ete de lire sur le rapport d'hospitdhsation Namante en état de
mort apparente Les médecins ne
m'avaient rien dit Lespremiersjours
chez nous ont ete très durs Kevin
—, continuait d'avoir besoin de temps en
temps d'une assistance respiratoire
et, la nuit, je n'arrêtais pas de me lever pour vérifier s'il respirait et avait
suffisamment d'oxygène.
Les médecins m'avaient dit qu'il
était en voie de guérison, donc je
pensais qu'ensuite tout irait bien.
Maîs peu a peu, d'autres problèmes
sont apparus • Kevin avait du mal a
attraper les objets, il les regardait de
très près, s'exprimait mal Lorsqu'il
est entré à lëcole, sa maîtresse m'a
dit qu'elle pensait qu'il avait des problèmes de vue, de langage et de motricité, car Kevin marchait mal et avait
peu d'équilibre Elle m'a conseillé
Anne Ulpat
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