C. Plinius Tacito suo s. Ais te adductum litteris quas exigenti tibi de
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C. Plinius Tacito suo s. Ais te adductum litteris quas exigenti tibi de
Séquence II, texte 1 Le 24 août 79, Pline le Jeune est à Misène avec sa mère et son oncle Pline l'Ancien. Le Vésuve entre en éruption et Pline l'Ancien, à la fois par curiosité scientifique et dans l'intention de sauver des vies, prend la mer vers la zone sinistrée. Il ne reviendra pas. Pendant ce temps, Pline le Jeune reste à Misène. Même s'il n'est pas sur les lieux de la catastrophe, il en ressent les effets. Le tremblement de terre se fait violent : il faut fuir de la maison. Pline écrit donc une lettre (VI, 20) à Tacite, son ami historien. C. Plinius Tacito suo s. Ais te adductum litteris quas exigenti tibi de morte avunculi mei scripsi, cupere cognoscere, quos ego Miseni relictus (id enim ingressus abruperam)1 non solum metus verum etiam casus pertulerim. ‘Quamquam animus meminisse horret, ... 5 incipiam.’2 […] Tum mater orare hortari jubere, quoquo modo fugerem ; posse enim juvenem, se et annis et corpore gravem bene morituram, si mihi causa mortis non fuisset. Ego contra salvum me nisi una non futurum; dein manum ejus amplexus addere gradum cogo. Paret aegre incusatque se, quod me moretur. Jam cinis, adhuc tamen rarus. Respicio: densa caligo 10 tergis imminebat, quae nos torrentis modo infusa terrae sequebatur. ‘Deflectamus’ inquam ‘dum videmus, ne in via strati comitantium turba in tenebris obteramur.’ Vix consideramus, et nox non qualis illunis aut nubila, sed qualis in locis clausis lumine exstincto. Audires ululatus feminarum, infantum quiritatus, clamores virorum; alii parentes alii liberos alii coniuges vocibus requirebant, vocibus noscitabant; hi suum casum, illi suorum miserabantur ; 15 erant qui metu mortis mortem precarentur ; multi ad deos manus tollere, plures nusquam jam deos ullos aeternamque illam et novissimam noctem mundo interpretabantur. Nec defuerunt qui fictis mentitisque terroribus vera pericula augerent. […] Nobis tamen ne tunc quidem, quamquam et expertis periculum et exspectantibus, abeundi consilium, donec de avunculo nuntius. 20 Haec nequaquam historia digna non scripturus leges et tibi scilicet qui requisisti imputabis, si digna ne epistula quidem videbuntur. Vale. PLINE LE JEUNE, Correspondance - livre VI lettre 20 (extrait) 1 Pline fait référence à la lettre (VI, 16) qu’il a précédemment envoyée à Tacite et dans laquelle il raconte l’éruption du Vésuve et la mort de son oncle. 2 Il s’agit d’un vers de l’Enéide de Virgile, II, 12-13. Pline à Tacite. La lettre que je vous ai écrite sur la mort de mon oncle, dont vous aviez voulu être instruit, vous a, dites-vous, donné beaucoup d'envie de savoir quelles alarmes et quels dangers j'essuyai à Misène, où j'étais resté; car c'est là que j'ai quitté mon histoire. Quoiqu'au seul souvenir je sois saisi d'horreur, Je commence. […] Ma mère me conjure, me presse, m'ordonne de me sauver, de quelque manière que ce soit ; elle me remontre que cela est facile à mon âge ; et que pour elle, chargée d'années et d'embonpoint, elle ne le pouvait faire; qu'elle mourrait contente, si elle n'était point cause de ma mort. Je lui déclare qu'il n'y avait point de salut pour moi qu'avec elle; je lui prends la main, et je la force de m'accompagner : elle le fait avec peine, et se reproche de me retarder. La cendre commençait à tomber sur nous, quoiqu'en petite quantité. Je tourne la tête, et j'aperçois derrière nous une épaisse fumée qui nous suivait, en se répandant sur la terre comme un torrent. Pendant que nous voyons encore, quittons le grand chemin, dis-je à ma mère, de peur qu'en le suivant, la foule de ceux qui marchent sur nos pas ne nous étouffe dans les ténèbres. A peine étions-nous écartés, qu'elles augmentèrent de telle sorte, qu'on eût cru être, non pas dans une de ces nuits noires et sans lune, mais dans une chambre où toutes les lumières auraient été éteintes. Vous n'eussiez entendu que plaintes de femmes, que gémissements d'enfants, que cris d'hommes. L'un appelait son père, l'autre son fils, l'autre sa femme; ils ne se reconnaissent qu'a la voix. Celui-là déplorait son malheur, celui-ci le sort de ses proches. Il s'en trouvait à qui la crainte de la mort faisait invoquer la mort même. Plusieurs imploraient le secours des dieux ; plusieurs croyaient qu'il n'y en avait plus, et comptaient que cette nuit était la dernière et l'éternelle nuit, dans laquelle le monde devait être enseveli. On ne manquait pas même de gens qui augmentaient la crainte raisonnable et juste, par des terreurs imaginaires et chimériques. […] Il ne nous vint pourtant aucune pensée de nous retirer, jusqu'à ce que nous eussions eu des nouvelles de mon oncle, quoique nous fussions encore dans l'attente d'un péril si effroyable, et que nous avions vu de si près. Vous ne lirez pas ceci pour l'écrire, car il ne mérite pas d'entrer dans votre histoire ; et vous n'imputerez qu'à vous-même, qui l'avez exigé, si vous n'y trouvez rien qui soit digne même d'une lettre. Adieu. C. Pline écrit à son cher Tacite Tu dis qu'attiré par la lettre que je t'ai écrite au sujet de la mort de mon oncle, à toi qui me le réclamais, tu désirais apprendre non seulement la crainte mais encore le sort que moi j'ai supportés alors que j'étais resté à Misène (en effet, après avoir commencé, j'ai arrêté) ; bien que mon âme tremble à l'idée de se souvenir... je commencerai. […] Alors à ma mère de me prier, de m'exhorter, de m'ordonner que je fuie par quelque moyen que ce soit; en effet, un jeune homme le pouvait, et elle mourrait volontiers, alourdie par les années et sa corpulence, si elle n'était pas la cause de ma mort. Moi, je lui répondis au contraire que je ne me sauverais qu'avec elle. Lui ayant ensuite saisi sa main, je la force à allonger le pas. Elle obéit avec peine et s'accuse de me retarder. A l'instant, des cendres, jusque-là pourtant rares. Je me retourne: un nuage sombre et dense nous menaçait par derrière, qui nous suivait à la manière d'un torrent répandu sur le sol. "Faisons un détour", dis-je, "tant que nous y voyons, pour éviter d'être renversés et piétinés dans la nuit par la foule des fuyards." A peine nous étions-nous assis que ce fut la nuit, non comme une nuit sans lune ou nuageuse, mais comme dans un espace clos, toutes lumières éteintes. Tu aurais pu entendre les cris perçants des femmes, les appels au secours des enfants, les cris des hommes; les uns recherchaient en criant des parents, d'autres leurs enfants, d'autres encore leur conjoint, et tentaient de les reconnaître à la voix. Certains s'affligeaient de leur propre malheur, d'autres de celui des leurs; il y en avait qui suppliaient la mort par crainte de la mort; beaucoup levaient leurs mains aux dieux; plusieurs expliquaient qu'il n'y avait déjà plus de dieux nulle part et que cette nuit serait éternelle et serait la dernière du monde. Il ne manquait pas de gens pour augmenter les dangers réels par des terreurs fictives et mensongères. […] Pourtant, nous ne prîmes pas même la décision de partir, bien que nous connussions le danger et que nous l'attendissions, avant d'avoir des nouvelles de mon oncle. Voici des faits nullement dignes de l'histoire ; tu les liras sans avoir l'intention de les écrire et tu t'en prendras assurément à toi, qui me l'as demandé, puisque ces événements ne sont même pas dignes d'une lettre. Salut. VOCABULAIRE abeo, is, ire, ii, itum : s'en aller, s'éloigner, partir abrumpo, is, ere, rupi, ruptum : détacher violemment, rompre, interrompre ad, prep. : vers, à, près de (+ acc.) addo, is, ere, didi, ditum : ajouter adduco, is, ere, duxi, ductum : amener à soi, attirer adhuc, inv. : jusqu'ici, encore maintenant aegre, adv. : avec peine aeternus, a, um : éternel aio, ais : dire oui, dire alius, a, ud : autre, un autre amplecti, or, eris, exus sum : prendre annus, i, m. : année anumus, i, m. l'âme, l'esprit audio, is, ire, ivi, itum : entendre, ouir augeo, es, ere, auxi, auctum : augmenter, accroître aut, conj. : ou, ou bien avunculus, i, m. : l'oncle maternel bene, adv. : bien cado, is, ere, cecidi, casum : tomber caligo, inis, f. : le nuage casus, us, m. : le hasard, le sort causa, ae, f. : cause cinis, eris, m. : cendre clamor, oris, m. : clameur, cri claudo, is, ere, clausi, clausum : fermer cognosco, is, ere, gnovi, gnitum : apprendre à connaître, connaître cogo, is, ere, coegi, coactum : assembler, forcer comitor, aris, ari : accompagner coniux, iugis, f. : l'épouse considero, as, are : examiner, consilium, ii, n. : la délibération, la décision (consilium est : l'intention est de + gérondif) contra, adv : au contraire ; prép+acc : contre corpus, oris, n. : corps cupio, is, ere, ivi, itum : désirer, souhaiter de, inv. : veant de, au sujet de (+ abl.) deflecto, is, ere, flexi, flexum : tourner dein, inv. = deinde : ensuite densus, a, um : épais, dense desum, es, esse, defui : manquer deus, i, m. : dieu dignus, a, um : digne do, das, dare, dedi, datum : donner donec, conj.. : jusqu'à ce que dum, inv. : tant que ego, mei : je enim, inv. : car, en effet epistula, ae, f. : la lettre et, inv. : et exigo, is, ere, egi, actum : pousser dehors, achever, exiger, réclamer experior, iris, iri, pertus sum : éprouver, faire l'expérience de exspecto, as, are, avi, atum : attendre exstingo, is, tinxi, tinctum : éteindre femina, ae, f. : femme fingo, is, ere, finxi, fictum : façonner, feindre fugio, is, ere, fugi : s'enfuir, fuir gradus, us, m. : pas, degré gravuis, e : sérieux, triste, lourd, terrible hic, haec, hoc : ce, cette historia, ae, f. : l'histoire horreo, es, ere, ui : se hérisser, trembler, craindre hortor, aris, ari : exhorter, engager à iam, inv. : déjà, à l'instant ille, illa, illud : ce, cette immineo, es, ere, -, - : menacer, être imminent imputo, as, are, avi, atum : imputer, attribuer (qqch à qq) in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre incipio, is, ere, cepi, ceptum : commencer incuso, as, are : accuser, reprocher, blâmer infans, antis, m. : bébé infundo, is, ere, fudi, fusum : répandre ingredior, eris, gredi, gressus sum : aller dans, s'engager dans, commencer inlunis, e : sans lune inquam, v. : dis-je interpretor, aris, ari : expliquer, interpréter is, ea, id : ce, cette iubeo, es, ere, iussi, iussum : ordonner iuvuenis, is, m. : jeune homme lego, is, ere, legi, lectum : ramasser, recueillir par les oreilles/yeux, lire liberi, orum, m. : les enfants litterae, arum, f. : la lettre (tjs pl.) locus, i, m. : lieu lumen, inis, n. : la lumière, la lampe maneo, es, ere, mansi, mansum : rester manes, ium, f. : les mânes, les âmes des morts manus, us, f. : main mater, tris, f. : mère memini, isti, isse : avoir à l'esprit, se souvenir mentior, iris, iri, titus sum : mentir metus, us, m. : peur, crainte Misenus, i, m. : Misène miseror, aris, ari : compatir modo, adv. : 1. à l'instant, tout dernièrement 2. seulement modus, i, m. : manière morituram : de mori moror, aris, ari : s'attarder mors, mortis, f. : mort mors, mortis, f. : mort multus, a, um : en grand nombre (surtout au pl. : nombreux) mundus, a, um : propre mundus, i, m. : le monde ne, inv. : pour que... ne... pas, de peur que, que nec, neque = et non , et...ne...pas nequaquam , adv. : pas du tout, en aucune manière, nullement nisi, inv. : si... ne... pas ; excepté non solum… verum etiam = non solum… sed etiam non, neg. : ne...pas nos, nostri/nostrum, nobis : nous noscito, as, are : reconnaître novissimus, a, um : tout récent novus, a, um : nouveau nox, noctis, f. : nuit nubilum, i, n. : (employé au pluriel nubila, orum) les nuages nuntius, ii, m. : le messager, la nouvelle nusquam, inv. : nulle part obtero, is, ere, trivi, tritum : écraser oro, as, are : prier parens, entis, m. : parent pareo, es, ere, ui, itum : obéir pareo, es, ere, ui, itum : obéir paro, as, are : préparer perfero, fers, ferre, tuli, latum : porter jusqu'au bout, supporter periculum, i, n. : danger plures, plura : plus de, plus nombreux plus, pluris : plus (au pluriel plures,a : un grand nombre) possum, potes, posse, potui : pouvoir precor, aris, ari : prier, supplier qualis, e : tel que quamquam, conj. : bien que qui, quae, quod : qui, lequel, laquelle, celui/celle qui... quidem, adv. : certes, du moins quiritatus, us, m. : la plainte quod, conj. : parce que quoquo, inv. : quoquo modo = comment rarus, a, um : rare relinquo, is, ere, liqui, lictum : laisser en arrière, quitter, négliger requiro, is, ere, quisivi, quisitum : rechercher, demander, regretter l'abscence de respicio, is, ere, spexi, spectum : regarder en arrière, tourner son regard vers salvuus, a, um : en bonne santé scilicet; inv. : évidemment, naturellement scribo, is, ere, scripsi, scriptum : tracer, marquer, écrire se, pron. réfl. : se, soi sed, conj. : mais sequor, eris, i, secutus sum : suivre si, conj. : si sterno, is, ere, stravui, stratum : étendre par terre sum, es, esse, fui : être suus,a, um : son tamen, adv. : cependant tenebra, ae, f. : voir tenebrae, arum, f. : les ténèbres, l'obscurité tergum, i, n. : dos terra, ae, f. : terre terror, oris, m. : la peur, la terreur tollo, is, tollere, sustuli, sublatum : enlever, voler torrens, entis, f. : le torrent tum, adv. : alors tunc, adv. : alors, à ce moment-là turba, ae, f. : désordre, émoi, foule turbo, as, are : troubler ullus, a, um : aucun ululatus, us, m. : le hurlement una, adv. : ensemble unus, a, um : un seul, un valeo, es, ere, ui, itum : être fort, se porter bien vereor, eris, eri, veritus sum : craindre verus, a, um : vrai via, ae, f. : route, chemin, voyage video, es, ere, vidi, visum : voir vir, viri, m. : homme (par opp. à femme) vix, inv. : à peine vox, vocis, f. : voix, parole, mot