Les îles sont des lieux fabuleux de rencontres

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Les îles sont des lieux fabuleux de rencontres
« Les îles sont des lieux fabuleux de
rencontres »
samedi 17 septembre 2011
Bruno Noury et Denis Palluel, maires de l'Île d'Yeu et d'Ouessant : « Notre caillou, on y
tient ! »
Bruno Noury, maire de Yeu (4 807 habitants) et Denis Palluel à Ouessant (859
habitants) ne veulent pas tout parier sur le tourisme. Ils se battent pour que
leurs îles soient vivantes. Toute l'année.
Entretien
Quel est le poids du tourisme dans l'activité de vos îles ?
Bruno Noury. Le bâtiment et l'hôtellerie, c'est net, vivent du tourisme. Mais, au total, c'est
difficilement évaluable.
Denis Palluel. Le tourisme prend une part de plus en plus importante à Ouessant. Nous veillons à
éviter ses dangers. Mais il nous permet d'avoir trois supérettes à l'année, huit ou neuf bars, une
pharmacie...
Comment faire pour que vos territoires vivent toute l'année ?
DP. Le prix élevé de l'immobilier donne le sentiment aux Ouessantins que l'île ne leur appartient
plus. Beaucoup ont du mal à se loger. Côté travail, il ne faut pas se leurrer : le temps est loin où la
plupart s'engageaient dans la Marine ou allaient à la pêche, comme à Yeu.
Des jeunes veulent voir d'autres horizons. Mais pour ceux qui veulent vivre au pays ?
DP. Ceux qui restent tiennent des emplois peu qualifiés. Pour eux, l'île est une protection. Il y a
aussi des jeunes qui montent leur petite entreprise. Et ceux qui reviennent avec des idées. Nous
essayons, avec la Région, de leur proposer un logement social.
BN. Du fait des ruptures de charge, le parpaing coûte quatre fois plus cher chez nous ou à
Ouessant ! Mais nous ne baissons pas les bras : nous menons des actions pour livrer du locatif et de
l'accession à la propriété à des prix acceptables, en équilibrant les opérations avec des lots à prix
libres.
Vous vous élevez contre l'image d'îles paradisiaques. Pourquoi ?
DP. Les gens gardent une image de vacances. Mais les revenus des résidents sont bas alors que les
prix de l'immobilier sont élevés. Les revenus les plus bas du Finistère se trouvent dans les îles, à
Sein, Molène et Ouessant...
Comment remplacer les emplois perdus dans l'agriculture, la pêche ?
DP. Nous devons innover dans l'aquaculture, l'agriculture, la pêche côtière. Mais il faut aussi qu'on
nous aide à maintenir des services pas rentables. On se bat pour qu'on ne ferme pas la Poste. On se
bat pour garder une maison de retraite de 25 pensionnaires, qui rend des services et maintient 17
emplois.
BN. Des terres sont en friche. Il y a des emplois à créer dans l'agriculture. Des jeunes y reviennent.
Tout ce qui est engrangé est précieux.
À l'heure d'internet, quels atouts pour rendre vos îles attrayantes ?
BN. Nous militons pour le déploiement de la fibre optique. À l'heure du numérique, c'est une carte à
jouer, car nous n'aurons pas, ici, une boîte qui créera 200 à 300 emplois !
Pourquoi ?
DP. Parce que l'insularité, c'est compliqué. Vous ne partez pas quand vous voulez. Le temps est
rythmé par les bateaux. Il faut accepter qu'on ne soit plus maître de son temps.
Les énergies renouvelables, vous vous y mettez à fond. Vous voulez être des terres
d'expérimentation ?
DP. Nous voulons sortir de la dépendance. Avoir une centrale au fuel à Ouessant ou, comme à Yeu,
recevoir de l'électricité du centre de la France, ça n'est pas satisfaisant. Nous avons un projet
d'hydrolienne qui nous permettrait de nous alimenter et de revendre du courant au continent. Ce
serait une image symbolique valorisante.
BN. Le meilleur spot de houle des Pays de la Loire est à Yeu. Nous avons des projets de
transformation de cette houle en électricité. Et nous avons notre projet d'éoliennes offshore avec en
ligne de mire des emplois de maintenance.
Vous pariez aussi sur la culture ?
DP. Nous programmons des festivals de jazz, de fanfares, un salon du livre et des résidences
d'artistes. L'Île d'Yeu fait de même.
Être maire d'une île, c'est plus compliqué qu'ailleurs ?
BN. Tous les maires se battent pour leur commune. Mais sur une île, nous suppléons souvent des
services pris en charge ailleurs par l'État ou le privé. La municipalité gère une chambre funéraire, un
dépôt de carburant, un aérodrome, la caserne des pompiers...
DP. Les autorités nationales doivent bien comprendre que notre situation est différente. Qu'on ne
peut raisonner avec les mêmes logiques.
Il y a des jours où vous avez envie de tout laisser tomber ?
DP. et BN. Sûrement pas ! On ne se voit pas exercer ailleurs. Notre caillou, on y tient. Les îles sont
des lieux fabuleux de rencontres. Une île, c'est un port, du brassage. C'est unique.
Recueilli par Gaspard NORRITO.