Les îles : la France vue de la mer

Les îles : la France vue de la mer
GENCOD : 9782812311185
PASSAGE CHOISI
Au sacré Graal des îles
En quoi les insulaires sont-ils différents des «métro» (métropolitains) et autres habitants de
l'Hexagone ? Né à La Réunion fouettée par les courtes vagues de l'océan Indien, l'écrivain
Michel Houellebecq est allé chercher la réponse du côté de Lanzarote, l'une de ces îles des
côtes d'Afrique dont on dit qu'elles seraient une réminiscence du mythe de l'Atlantide.
Passons sur le conte philosophique qui valut à son auteur le prix Interallié, antichambre alors
du Goncourt, un roman spéculant sur les secrets de la vie éternelle... Sa «possibilité d'une
île» nous assène que le bonheur n'est pas un horizon possible. Tout au contraire, les pays
celtes baignent dans un univers de «fins de monde». Cesfinis terrae sont aussi des
commencements. Ils nous conduisent à la quête d'un sacré Graal appelé paradis. Ainsi en
est-il du roi Arthur, par exemple, souverain mythologique de toutes les Bretagne(s), celles qui
s'étendent des jardins de Cornouailles aux promontoires d'Armorique et de Galles en
Irlande... La légende prétend qu'il repose «en dormaison», quelque part au milieu des mers
dans l'île éden d'Avallon. «En dormaison», autrement dit, en attente d'un réveil salutaire,
signant la renaissance de souverainetés évanouies.
Au large des dernières roches granitiques du Massif armoricain se dressent Saint-Marcouf,
Chausey et le multiséculaire Mont-Saint-Michel, dont la Cornouaille britannique s'enorgueillit
de posséder en son propre Saint Michael une sorte de reproduction miniature. Aux marches
maritimes de la Normandie, elles semblent monter la garde face à l'Anglais.
Plus à l'ouest, rêver à la ville d ' Ys surgissant des abysses de la baie de Douarnenez ;
aborder à l'île de Batz, devant Roscoff, à Bréhat, jardin exotique sous Paimpol ; croiser face à
Ouessant et Molène, au large de la pointe Saint-Mathieu, là où les Anglais coulèrent le
vaisseau amiral de la duchesse Anne au XVIe siècle ; mettre le cap sur les perles du
Morbihan : Groix, Houat, Hoëdic,
Belle-Île «la bien nommée» ; sillonner les entrelacs du golfe, à l'abri de la baie de Quiberon,
c'est percer les mystères de l'univers arthurien et rêver sous les étoiles de son royaume
maritime. Plus au sud, Noirmoutier et son bois d'Amour, Yeu, sentinelle aux landes et roches
granitiques, et Ré, artificiellement «amarrée» au continent, mais jalouse de sa nature intacte,
jalonnent la constellation atlantique.
Dorée au farniente et au culte de toutes les dolce vita, la Méditerranée exhibe ses atours.
Porquerolles nous embarque entre mas provençaux, forts rustiques, anse «des langoustiers».
Port-Cros domine le premier parc marin européen abritant tant d'espèces d'oiseaux, de
poissons, d'algues sauvages et de flore endémique... On les appelle les «îles d'or». Elles
sont, en outre, le sanctuaire des cétacés, du rorqual dit «commun», des dauphins bleus et
blancs. Ces aires marines protégées interpellent l'homme sur la préservation de la
biodiversité et le renouvellement des ressources. Au-delà de la passe des Grottes, s'élève
l'île du Levant, où «Dieu créa (aussi) la femme», du moins la femme (et l'homme) naturiste.
Iles d'or encore, même si l'appellation ne leur est pas consentie, que celles de Lérins, en baie
de Cannes, où les moines - même saint Patrick venu d'Irlande au Ve siècle - ont laissé leur
empreinte.
À la manière de Merlin, maître des forêts de Brocéliande, Philip Plisson, l'oeil posé entre ciel
et mer, a fait des îles tempête, côté Atlantique, et des écrins de Méditerranée, le terrain de
nos enchantements. Magique !
Reste la Corse, la Cyrnos ou Kallisté (la très belle) des Grecs anciens. De l'île Rousse aux
Bouches de Bonifacio, de la Giraglia aux îles Lavezzi, elle n'a pas de mystère pour le
photographe. La voici, en majesté, délivrant sa propre partition. Une sorte de polyphonie
sublimée en eaux-fortes.
Patrick Mahé
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