le patrimoine aeronautique en provence-alpes-cote d`azur

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le patrimoine aeronautique en provence-alpes-cote d`azur
LE PATRIMOINE AERONAUTIQUE EN PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR :
Inventaire, histoire et mémoire
Francine Valette, historienne
Hangars pour hydravions de la base d'Antibes, années 1920-30
(collection Antonini-Basset)
Le 22 septembre 2013 avait lieu à Fréjus
la commémoration du centenaire de la
première traversée de la Méditerranée
par Roland-Garros. Une réplique exacte
de son avion avait été construite pour
cette traversée. Parti le 23 septembre
1913, de la base aéronavale de Fréjus, à
bord d’un Morane-Saulnier H, il devait
rallier Bizerte en Tunisie.
Diverses manifestations, expositions,
conférences ont eu lieu à cette occasion
dans différentes villes de France.
L’intérêt voire la passion pour l’aéronautique sont toujours aussi forts chez le public.
Cependant dernier venu dans la prise de conscience patrimoniale après les patrimoines
ferroviaires ou de navigation, le patrimoine aéronautique fait l’objet d’une connaissance
inégale suivant les régions, certaines ont vu se développer depuis très longtemps
associations, musées et inventaires, musées comme celui d’Angers-Marcé 1 ou plus près de
chez nous, le musée de l’aviation de Saint-Victoret 2, inventaires comme celui, associatif, qui
a donné lieu à la publication A Tire d’ailes en Languedoc-Roussillon³ ou comme l’étude
réalisée il y a 16 ans en Pays de la Loire par le service des monuments historiques et une
association, d’autres n’en sont qu’à leurs débuts, quand il y a un début.
L’aire régionale Provence-Alpes-Côte d’azur (PACA) est de celle où la tradition aéronautique
est très ancienne depuis la mise au point du premier hydravion par le marseillais Henri Fabre
en 1910… jusqu’à nos jours où des industries de pointe en ce domaine sont implantées sur
son territoire.
Si un certain nombre d’ouvrages existaient déjà à propos du patrimoine aéronautique, un
inventaire exhaustif de celui-ci était à faire afin d’en conserver les traces et/ou la mémoire.
C’est la mission dont nous a chargé la conservation régionale des monuments historiques.
Cet inventaire pourra permettre la mise en place d’une protection pour les éléments les plus
1
Musée régional de l’Air d’Angers-Marcé, inauguré en 1998, 18.000 visiteurs par an en moyenne.
Musée de l’aviation, à Saint-Victoret, Bouches-du-Rhône.
³ Mayoussier Roger, Jamme Bernard, Farman Gérard, A Tire d’ailes - De l’aérostat au jet, l’histoire de l’aviation
en Languedoc-Roussillon, éditions Les Créations du Pélican, Lyon, 1996.
2
remarquables, au titre de la loi sur les monuments historiques, assurant ainsi leur
sauvegarde, voire leur valorisation avec les associations, les élus et les organismes
professionnels.
Le domaine aéronautique est aujourd’hui représenté en PACA dans ses multiples facettes :
aviation civile, publique et privée, et militaire, école de formation de pilotes et entreprises
de constructions aéronautiques.
L’étude portera à la fois sur les lieux : terrains ou aérodromes, sur les constructions ou
équipements liés à l’aéronautique, sur les aéronefs et tous autres éléments ayant un intérêt
particulier par leur rareté ou leur exemplarité (moteurs, instruments de navigation, balises
etc) mais cet inventaire portera aussi sur la mémoire des lieux : histoire liée aux terrains
(anciens ou encore en activité), histoire des hommes qui les ont utilisés, histoire des
événements qui s’y sont déroulés.
L’étude prendra également en compte les écoles de formation des pilotes civils ou militaires
et les entreprises de constructions aéronautiques en PACA.
Il est évident que pour réaliser ce travail, il sera nécessaire de retracer, dans ses grandes
lignes, l’histoire du développement de l’aéronautique en PACA pour avoir une vision
d’ensemble et pouvoir replacer l’histoire humaine et patrimoniale dans ce contexte général.
Plusieurs étapes sont prévues dans ce travail. La première a consisté en une recherche
documentaire approfondie, la seconde, en cours d’achèvement, à faire un inventaire le plus
exhaustif possible de tous les terrains d’aviation de P.A.C.A. par département, anciens
(encore existants ou disparus) et actuels. Cet inventaire étant réalisé à partir de documents
bibliographiques, sites Internet dont le site officiel de la Direction Générale de l’Aviation
Civile (DGAC) et sources orales.
Les renseignements sont mis en fiches et comprennent le nom du terrain, le code OACI⁴, le
type de circulation aérienne autorisée, les caractéristiques de la piste, les équipements liés
ou non à l’aviation, les anciens aéronefs ou autres vestiges et une catégorie : autres
renseignements ayant trait à la situation du terrain, aux activités qui y sont pratiquées, aux
aéroclubs qui peuvent y être basés et à son histoire ou tout autre renseignement particulier.
Chaque fiche de renseignement est complétée d’une fiche de terrain (plan) et d’une photo
du terrain, ancienne et actuelle quand elles existent.
Il ressort de ce recensement les chiffres suivants qui donnent une idée de l’importance du
potentiel aéronautique dans notre région :
ALPES DE HAUTE-PROVENCE
4 aérodromes en service
4 altisurfaces en service
2 anciens aérodromes
HAUTES-ALPES
4 aérodromes
5 altisurfaces
ALPES-MARITIMES
2 aéroports dont 1 avec héliport, en service
3 altisurfaces en service.
2 anciennes bases aéronavales
1 ancien terrain
BOUCHES-DU-RHONE
7 aérodromes ou aéroports en service dont 2 bases aériennes
8 anciens aérodromes et 1 projet
1 ancienne base aérienne
1 ancienne base aéronautique
VAR
7 aérodromes ou aéroports en service dont 1 base aéronautique et 1 aérodrome
militaire/civil
3 anciennes bases aéronautiques navales
1 ancien aérodrome
VAUCLUSE
1 aéroport et 5 aérodromes en service dont 1 base aérienne
1 ancienne base aérienne (et nucléaire)
Soit un total de 30 aérodromes (civils et militaires), 12 altisurfaces, 8 anciennes bases
aériennes ou aéronautiques navales, 12 anciens aérodromes.
Pour affiner ce tableau, précisons que parmi les 30 aérodromes en service, figurent les 5
grands aéroports de Marseille-Provence, Nice, Cannes-Mandelieu, Toulon-Hyères et
Avignon-Caumont et 4 bases aériennes importantes (Istres s’étend sur une superficie de
2.400 hectares, compte de très nombreux bâtiments et occupe 5.000 personnes militaires et
civils).
06 - NICE – Aérogare provisoire construite en 1947
Source : DGAC « Atlas historique des terrains d’aviation de France métropolitaine 1919-1947 » dressé par Jean Sauter, 2003
En fonction de l’intérêt du site et des vestiges patrimoniaux possibles, une visite sur le
terrain sera effectuée dans la troisième étape et les renseignements vérifiés et complétés.
La partie « anciens aéronefs » ne sera remplie que dans cette étape étant donné que cela
nécessite des contacts avec des personnes ressources pour être informé de leur existence.
Un comité de pilotage a été constitué par la conservation régionale des monuments
historiques avec quatre spécialistes du domaine aéronautique (aviation militaire, civile, vol
en montagne, contrôle aérien, engins).
Ce comité s’est réuni une première fois pour donner des précisions sur la suite de l’étude.
Dans la seconde étape, quelques visites sur sites ont été effectuées à titre de sondages et en
particulier sur l’aérodrome de Gap-Tallard (Hautes-Alpes).
L’aérodrome de Gap-Tallard présente un grand intérêt du point de vue aéronautique car sa
situation exceptionnelle à l’abri des vents dominants et jouissant de conditions
météorologiques favorables, a favorisé l’installation d’une grande variété d’activités
aéronautiques : parachutisme, parapente, ULM, vol à voile, avion et hélicoptère,
montgolfière et même paramoteur et autogire.
L’Aéroclub Alpin, point de départ de cet aérodrome a été fondé en 1930 par quelques
passionnés d’aviation mais n’a bénéficié d’un terrain qu’en 1934 où il a organisé un premier
rallye aérien.
Depuis de nombreuses manifestations aériennes internationales s’y sont déroulées.
L’aménagement de l’aérodrome, tel qu’il est aujourd’hui date de 1983, sa conception a été
pensée par Christian Cado, alors président de l’A.U.S.A.T. (Association des Usagers de
l’Aérodrome de Tallard qui gérait l’aéroport au quotidien) et Claude Pascal, architecte à Gap.
L’idée directrice était d’avoir un aérodrome ouvert au public.
Les bâtiments sont récents mais il y existe encore un grand hangar-chalet, construit en 1957
par Félicien Noin, pour y installer une usine de construction aéronautique ALPAVIA qui
produisait des Jodel D 117A, au rythme d’un par mois et qui étaient vendus dans différents
pays d’Europe. Pour des raisons économiques, il dût vendre son usine en 1963 et se
réinstalla plus tard à Châteauvieux pour y construire des planeurs et des ailes volantes. René
Fournier, pilote et entrepreneur, lui succéda dans le hangar d’ALPAVIA, pour y produire un
avion-planeur qu’il avait inventé. Son second modèle le RF3 fut un grand succès tant en
France qu’à l’étranger. En 1966, l’entreprise qui souhaitait développer sa production, ne
pouvant bénéficier d’aucun soutien public fut transférée en Allemagne fédérale. Ce hangar
est aujourd’hui occupé par l’Armée de l’Air.
L’architecture de ce hangar est intéressante car adaptée aux conditions météorologiques et
représentative de l’architecture de montagne de cette époque.
Par ailleurs, différents contacts ont été pris sur les lieux avec des personnes ressources pour
la poursuite de l’étude au niveau des archives, de l’iconographie, de l’histoire du terrain et
de celle des hommes.
Entreprise Alpavia entre 1962 et 1966.
Source : Thierry OLIVE Les Hautes-Alpes autrefois : métiers industries et savoir-faire,
édition de la librairie des Hautes-Alpes, déc. 2003.
Le hangar aujourd’hui (cliché F. Valette – août 2013)
Une autre visite sur le terrain d’Aspres-sur-Buëch (Hautes-Alpes) nous a permis de voir un
hangar d’aviation de type classique mais accolé à des hangars très récents.
Aspres-sur-Buëch, hangar classique à gauche de la photo
(cliché F. Valette – novembre 2013)
Au fur et à mesure de l’avancement de l’étude, différents contacts ont été noués nous
permettant de progresser notamment dans la connaissance des anciens sites, ainsi sur celui
de la base d’Antibes (Alpes-Maritimes). Nous avons rencontré Claude et Elisabeth AntoniniBasset qui ont écrit un livre Les hydravions et la base d’Antibes. Une page de l’histoire antiboise
très peu racontée à partir des archives de famille, leur grand-père, Albert Terrusse, ingénieur radio,
ayant été le dernier commandant de la base. Ils ont mis leurs documents à notre disposition en
particulier des photos représentant la base avant son dynamitage par l’armée allemande en 1944.
Nous avons pu numériser ces documents qui seront versés dans la base de données qui sera mise en
forme dans la dernière étape.
Ancienne base aéronautique d’Antibes (photo collection Antonini-Basset)
A l’extrémité de la jetée la grue utilisée pour la mise à l’eau des hydravions.
Le travail restant à exécuter est encore important.
Tout en terminant l’inventaire des terrains des Bouches-du-Rhône, l’étape 3 de visite des
sites déjà entamée se poursuit.
L’étape 4 sera axée sur l’enquête orale. Elle s’effectuera auprès des personnes pouvant
apporter des informations sur les lieux, l’histoire des lieux, les personnes ou le matériel
aéronautique.
Cette étape peut être menée de façon concomitante avec l’étape 3, surtout dans le cas de
petits terrains ou aérodromes.
L’étape 5 comprendra les visites des Ecoles d’aviation et personnel navigant ainsi que des
constructeurs aéronautiques qui possèdent parfois des musées propres.
En dernier lieu sera constituée une base de données avec toute la documentation recueillie.
Cette étude initiée par la Conservation régionale des monuments historiques s’inscrit dans la
droite ligne de la politique du ministère de la Culture et de la Communication, via la direction
générale des patrimoines, de conservation du patrimoine et de la mémoire de
l’aéronautique française qui s’est traduite, en 2009, par une convention signée entre la
direction de l’architecture et du patrimoine, la direction des archives de France, la direction
des musées et l’Aéroclub de France.
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